Un vent d'andalousie

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1 Un vent d'andalousie Clara prenait le soleil sur le banc de ce petit parc si paisible qu elle aimait tant. Cela faisait à peine dix minutes qu elle était perdue dans ses pensées lorsque Julie déboula, à peine coiffée et le chemisier mal boutonné. - Coucou ma poulette, ça va? Tu es toute pâle! Tu es malade? Il s est passé quelque chose? Après ton appel, j ai sauté dans ma voiture et je suis venue. C est grave? - Du calme, si tu ne cesses pas de parler, je ne pourrais pas en placer une! - Attends, t es marrante, toi! Tu me dis Dépêche, je dois te parler, c est grave! et tu voudrais que je sois calme!? - Il veut un bébé. - Quoi? Simon veut un bébé? Mais c est génial, félicitations ma belle! - Non, ce n est pas génial! - Pourquoi ça? C est le rêve de toutes les femmes, non? - Non, pas le mien Clara s était levée et remontait, lentement, le petit chemin de terre vers le parking. Julie ne savait pas si elle devait la suivre, la rappeler ou juste rester là. Elle finit par la rejoindre et elles restèrent silencieuses un moment. Clara finit par briser le silence: - Je pense que je vais le quitter. Julie était blême: - Le quitter Mon Dieu, mais tu es sérieuse? Tu as quelqu un d autre? Non, pas toi, je ne peux pas y croire! - Non, je n ai personne, et oui, avant que tu me poses la question, je l aime. Mais j ai été claire dès le départ, je ne veux pas d enfant! C est peut-être bizarre venant d une institutrice, mais je déteste les mômes! Ça court partout, ça pleure et puis faut s en occuper tout le temps. On n aura plus de vie de couple, fini les sorties, fini les soirées pénardes, fini les grasses mat. Non, je ne veux pas! - Mais ça t apporte beaucoup aussi - Non, JE NE VEUX PAS! J ai besoin d avoir des journées programmées et que rien, ou presque, ne vient perturber. J ai besoin d avoir des horaires, des plannings, de tout savoir à l avance. Un bébé, ça tue tout ça! Julie était abasourdie. Elle pensait que toute femme qui approche la trentaine rêve de fonder un foyer. Elle aurait tant voulu être à la place de son amie. Elle ne se rend pas compte de sa chance, quelle idiote! Julie préféra l abandonner à ses pensées, il fallait qu elles se calment, toutes les deux! Restée seule, Clara se mit à pleurer. Je ne sais même pas moi-même ce que je veux ou non Un bébé! Quelle idée! Oui, c est peutêtre chouette un moment, mais c est pas comme un chien que l on peut abandonner quand on en a marre d essuyer des pipis tous les jours. Et c est pas un jouet qu on peut débrancher de temps en temps pour prendre des vacances Mais c est vrai que ce serait un bout de moi et de Simon. Mon Dieu, aidez-moi, je n ai jamais été aussi paumée de ma vie! Comme une réponse à sa prière, son téléphone se mit à sonner. - Allô? - Clara, mia? C est Carmen! - Ha!Salut. Comment ça va? - Bien, bien! Je suis rentrée en Belgique ce matin. On se voit? 1

2 - Oui, bien sûr, je dois te parler. - Ça n a pas l air d aller. On se verra vite, alors. Fais attention à toi! Carla savait que sa mère serait de son avis. Combien de fois n avait-t elle pas dit A refaire, jamais je ne n aurais eu Carla! Un frein à ma carrière, voilà ce qu elle était. Oui, Carmen pourra m aider à y voir clair! Elle le sait, elle, qu un enfant n apporte rien de bon Si seulement j arrivais à m en convaincre moi-même! * - Maman? - Oui, Clara mia? - Je Je suis enceinte, maman. Carmen avait frappé si fort que la joue de Clara était rayée de rouge. Elle ne voulait pas savoir qui, ni quand, elle voulait juste savoir comment sa fille allait s en débarrasser. - Tu n as que 13 ans, idiote. Tu ne peux pas avoir de bébé. - Maman, je t en prie, regarde-moi, c est trop tard pour le faire partir. Je ne sais pas quoi faire, aide-moi. - Tu me dégoûtes! Tu sais que j ai raté ma vie à cause de toi et tu fais la même bêtise! - Je ne voulais pas, je ne sais même pas comment ça s est passé, ils m ont fait boire et - Je ne veux RIEN savoir! File dans ta chambre, je règlerai ton cas plus tard, j ai un concert important ce soir. Clara angoissait. Elle tournait en rond dans leur appartement et n arrivait pas à se calmer. Jamais je n aurais dû les suivre à cette fête J ai été bête de boire! Ils ont profité de moi, idiote que je suis! Maman à raison, je ne suis qu une nullité, je ne devrais même pas exister! Carmen était rentrée tard ce soir-là, elle avait mis quelques affaires dans un sac de sport et poussé Clara dehors avec un billet en main. Clara devait partir, elle ne pouvait rester ici et se «pavaner» avec son gros ventre. Ce ventre qui serait une honte pour Carmen Ce ventre, qui n apporterait que malheur comme Clara n avait apporté que malheur à sa mère! Clara s éveilla en sursaut. Elle faisait le même cauchemar depuis plusieurs semaines. Depuis que Simon voulait un bébé, elle ne cessait de rêver de ce petit être qui avait grandi en elle et qu elle avait dû abandonner. Elle avait passé la fin de sa grossesse chez une tante en Andalousie, et elle avait dû se cacher de tous. Sa tante l avait laissée souffrir deux jours entiers avant de faire venir une sagefemme. Son corps de petite fille était trop étroit pour laisser passer le bébé. La sage-femme lui avait alors fait une «césarienne sauvage» : pas d anesthésie, pas de médecin, pas de soin. Sa tante était partie avec le bébé et la sage-femme avait refermé la plaie Et c était tout. Clara savait seulement que le bébé était vivant, car elle l avait entendu crier. Elle ne savait même pas si c était un garçon ou une fille, ni où il pouvait être aujourd hui. Tout ce qui lui restait aujourd hui c était cette horrible cicatrice qu elle caressait d une main distraite Clara essaya de se rendormir, mais elle craignait que le cauchemar ne reprenne. Elle décida d aller faire un tour dans les couloirs de ce train presque désert. Ce n était pas le même que celui qui l avait emmenée vers l enfer, mais vu qu il allait au même endroit, il la faisait frissonner tout autant! 2

3 Simon avait essayé de joindre sa femme à plusieurs reprises. Elle ne se séparait jamais de son téléphone, même pour dormir, et là, elle ne répondait pas. Il allait devenir fou! Cette dispute était stupide Si jamais il lui est arrivé quelque chose, j en mourrais! Après avoir fait le tour des urgences des hôpitaux de la région, il se décida à appeler Carmen. - Ha, Simon, j attendais ton appel - Bonsoir, Carmen. Je vous appelle car Clara est partie depuis un moment et - Je sais, elle est passée ici, elle n était pas bien. Viens me voir, on doit parler. Simon avait mis moins de dix minutes pour traverser la ville. Il savait que Clara allait bien, mais il voulait savoir ce qui se passait et surtout, la retrouver! Il était furieux que Carmen ne l ait pas prévenu alors qu elle savait ou se trouvait Clara. À peine arrivé, il posa mille et une questions à Carmen, qui restait là, les yeux dans le vague. - Tu n as pas compris, alors? - Compris quoi? Que se passe-t-il? - Elle est partie le retrouver, tu as perdu! Simon ne comprenait pas et il avait du mal à respirer. - Retrouver qui? Carmen, expliquez-vous! - Retrouver son bâtard Ma fille est une idiote, tout comme son mari! Elle est partie gâcher un peu plus sa vie! Simon avait envie de gifler Carmen, de la coller au mur et de la frapper jusqu à plus soif. Mais il venait d être frappé lui aussi : Clara Un bâtard? Comment? Avec qui? - Et oui, ma fille était déjà une aguicheuse étant petite, alors pas étonnant qu elle se soit fait violer, non? Et du coup, il a fallu se débarrasser du petit. Simon avait les jambes coupées, tant par la nouvelle qu il apprenait que par la méchanceté dont faisait preuve cette femme. Carmen lui racontait tout, sur un ton très détaché, et Simon devenait de plus en plus livide. - Ce soir, j ai perdu ma fille! Je sais, je n aurais pas dû lui mentir, mais elle n aurait pas dû être aussi dure avec moi. - Et donc, vous vous vengez sur moi, c est ça? 3

4 - Pars, Simon, tu m agaces Va la retrouver si tu crois que tout n est pas perdu, mais ne te fais pas d illusion! Le sang de Clara se glaça lorsqu elle entendit le dernier message de Simon : «Carmen m a tout dit pour le bébé, appelle-moi on doit parler». * Clara n avait pas trouvé le sommeil. Elle reposa son livre sur la tablette. Hella Hasse a certainement raison quand elle dit que le passé n est qu un tas de cendres qu on ne peut remuer sans qu il y ait de répercussion sur notre présent. Elle prit un petit-déjeuner au wagon-restaurant et changea de robe dans son compartiment juste avant d entrer en gare. L avantage de voyager hors saison, c est qu on est souvent seule dans les cabines des trains! Clara se sentait vide. Il avait suffi d une soirée pour qu elle perde tout : Simon, à qui elle aurait voulu dire elle-même la vérité, et Carmen, qui lui avait menti pendant seize ans. Clara allait appeler un taxi, à la sortie de la gare, quand elle vit passer une silhouette familière. - Simon? Qu est-ce que tu fais là? Comment as-tu pu - Arriver avant toi? L avion, tu connais? - Je sais que tu es en colère, mais ne me parle pas sur ce ton, s il te plaît, je suis déjà assez mal comme ça! - Je m en doute. Bon, tu me fais visiter ton pays, on va en profiter pour parler. Simon était en colère, il ne pouvait croire que la femme qu il aimait depuis huit ans lui ait caché de telles choses. Une partie de lui avait de la peine pour Clara : elle avait dû vivre des choses atroces sans famille ni ami pour l aider, mais l autre partie lui en voulait, il avait l impression de ne plus la connaître. Ils passèrent la journée à se promener dans les petites rues de Séville, en silence. Il faisait bon en cette saison, mais Clara avait froid. La tension qui régnait entre eux était si forte qu elle en était presque palpable. Elle emmena Simon dans le donjon de l Alcazar, sur la porte de Séville. De là, ils avaient une vue imprenable sur la ville. - C est ici que je venais, l été de mes treize ans, quand je n allais pas bien et que j avais besoin de me sentir en sécurité. Le donjon me protégeait, et je rêvais qu un beau prince viendrait m enlever à cet enfer. C est ici aussi que je reviens, chaque année - Alors c est pour ça que tu as toujours voulu revenir seule? Ce n était pas pour te recueillir sur la tombe de ton père ou te ressourcer comme tu me le disais? - Si, aussi Ça me permettait de prendre du recul par rapport à ma vie. Venir ici, ça me fait mal, mais ça me fait comprendre que moi aussi je peux faire des erreurs, que je ne suis qu un être humain. Te mentir était une erreur, mais m aurais-tu aimée de la même façon si tu avais su? - Je ne sais pas Je ne sais plus, Clara. J ai l impression de découvrir une autre personne. Je savais que quelque chose clochait, que tu avais un problème avec le fait d avoir un enfant. 4

5 Moi qui pensais que tu ne voulais pas d enfant de moi parce que tu ne m aimais pas assez Si j avais su! - Simon, je n ai jamais aimé quelqu un comme je t aime. Je veux finir ma vie avec toi. Je ne t ai rien dit car j avais peur de te perdre. Je sais aujourd hui que c était une bêtise, et que si je dois te perdre, c est que, finalement, nous ne sommes pas faits l un pour l autre. - Idiote Tu penses vraiment que je pourrais continuer sans toi. Je te laisserai le temps qu il faut pour te reconstruire, on aura un enfant à nous quand tu seras prête. - Carmen ne t a pas tout dit alors? - Je ne sais pas, qu est-ce que je devrais savoir? - Elle m a fait croire, pendant des années, que mon enfant avait été adopté par une bonne famille et que, de cette façon, il pourrait avoir la vie qu il méritait. Hier, nous nous sommes disputées, Carmen avait bu et elle m a tout dit : mon bébé est un garçon, j ai un fils Un fils qui a aujourd hui presque seize ans, et qui a vécu toute sa vie, ici, à Séville, juste là en bas, tu vois? - Dans le monastère? - Oui. Ma tante a déposé le bébé ici. Il était trop faible, trop petit et on ne pensait pas qu il survivrait. Mais il a survécu, il a grandi et est devenu trop âgé pour être adopté. Chaque année je viens ici, et je me dis que je ne chercherai pas à savoir où il est car ce serait mal pour sa nouvelle famille, et qu avec eux il a la vie de rêve que j aurais voulu lui donner sans le pouvoir. Et en fait, il est là, devant moi, seul depuis tout ce temps - Mais ce n est pas ta faute. Tu pensais qu il était bien, comment aurais-tu pu savoir? - J aurais dû, pourtant. Au fond de moi, je sentais que ça n allait pas. - Mais maintenant c est trop tard, de toute façon, tu ne peux rien y faire. - Tu ne comprends pas C est MON enfant, et bien sûr que je peux y faire quelque chose. Je vais lui écrire une lettre, et s il le veut, j irai à sa rencontre. - Mais on vit si loin, tu ne comptes pas rester, hein? Rassure-moi! - Non Mais je compte repartir d ici avec mon fils! - Et si je ne suis pas d accord, tu feras quoi? Clara ne répondit pas, même si elle savait. Dans sa tête se jouait le troisième acte de Carmen, ce bel opéra qu elle écoutait si souvent Et elle laissa son regard se perdre au loin en s imaginant sur ces routes de montagnes aux côtés d Esteban * - Mamaaaan, où es-tu? - Dans le grenier poussin. - C est quoi, ça? - Un vieil album photo, viens, je vais te montrer. Clara était assise à même le sol. Anna s assit tout contre elle, comme elle aimait toujours le faire. Clara passa son bras autour des épaules de sa fille et elles feuilletèrent l album ensemble. - Tu vois, ça, c est moi! - Tu étais jeune, maman, mais tu es plus jolie maintenant! Et ça, c est mon papa? - Oui, mon ange. Clara avait la gorge serrée. Simon où es-tu donc? Que deviens-tu? - Et ça, maman, c est qui? - C est ma maman à moi. - Elle est belle, dis donc. 5

6 - Oui, elle était très belle, et elle avait une jolie voix, c était une grande chanteuse, tu sais? Clara avait les larmes aux yeux et sentait qu elle allait craquer. Anna s était levée en entendant retentir la sonnette. - Viens, maman, c est tata Julie Tata Julie une amie, une confidente, presqu une sœur, au fond. M en serais-je sortie sans elle? - Oui, mon cœur, mais attends moi! - Ne pleure pas, maman, je ne pars pas loin. Tu sais, je ne te laisserai jamais,moi! Je ne te laisserai jamais Simon aussi avait fait cette promesse. Clara rangea l album dans son carton à souvenir, plein de photos et de paperasses qu elle avait emporté après la mort de Carmen. Il lui avait fallu des années avant de pouvoir le rouvrir. Clara y trouva une lettre, coincée entre deux albums. Elle lui était adressée. Elle hésita à l ouvrir mais, reconnaissant l écriture de Carmen, elle ne put résister très longtemps. Clara mia, mon tout petit, Si tu savais comme je m en veux. Pardon de t avoir menti et d avoir gâché ta vie. Je ne mérite pas d être ta mère et je comprends pourquoi tu refuses de venir me voir. Lorsque j étais enfant, ma mère était si méchante avec moi que j en venais à espérer qu on se soit trompé d enfant à la maternité et que ma vraie famille viendrait bientôt me chercher. Je ne voulais pas d enfant car, n ayant jamais connu l amour d une mère je ne me pensais pas capable d aimer. Et puis, tu es arrivée et, au lieu de te montrer que je t aimais plus que tout, je t ai rejetée, comme le faisait ma mère avec moi. J aurais dû t aider quand tu as mis Esteban au monde là encore, j ai échoué. Je t ai caché tant de chose pour te protéger que j ai fini par nous détruire. Je sais que je ne te reverrai pas alors je voulais juste que tu saches que je t aime, ma fille. Maman. Maman Elle n avait jamais voulu que je l appelle ainsi. Tu me manques tellement, si tu savais!! Pourquoi ne m'avoir jamais dit tout ça? Clara regarda la date de cette lettre et se sentit mal : octobre 2010, c est à ce moment-là qu elle avait tout perdu! Clara avait l impression d étouffer, il fallait qu elle prenne l air. Elle alla rejoindre les filles au jardin. Huit longues années s étaient écoulées depuis, mais les souvenirs étaient encore frais! Elle était partie dans l espoir de ramener Esteban à la maison et de reformer une vraie famille. Elle était tombée de haut! Simon et elle s étaient disputés durant trois jours entiers et il lui avait finalement demandé de choisir entre son fils et lui. Elle avait choisi Esteban. Le lendemain, son fils lui crachait à la figure : Non, il ne voulait pas connaître cette femme qui l avait abandonné. Non, il ne voulait pas savoir pourquoi et comment. Non, il ne voulait aucune aide venant d elle. Elle pensait trouver du réconfort auprès de Simon, se faire pardonner, et elle voulait qu il l aide. Clara voulait cet enfant plus que tout. Il avait alors explosé : si elle voulait un enfant, pourquoi ne pas en faire un avec lui? Il se déchirèrent et Simon, dans un accès de rage, la prit de force. Clara s était réfugiée dans la salle de bain pour pleurer, et avait fini par s endormir. 6

7 En revenant dans la chambre, elle constata qu il avait rassemblé ses affaires. Il avait quitté la ville sans un regard ni même un mot pour elle. Clara n avait plus jamais eu de nouvelles de lui, ni d'esteban non plus. Elle ne leur en voulait pas, elle savait que c était sa faute. Elle avait ignoré les appels de sa mère jusque là mais, ne sachant vers qui se tourner, elle avait finit par essayer de la joindre pour lui raconter le désastre qu était sa vie. Carmen ne répondait pas au téléphone. En fin de journée, le portable de Clara s était mis à sonner. Elle avait décroché avant la fin de la première sonnerie : - Madame Alcaraz? - Oui, c est moi. - Bonjour, je suis le docteur Janvier de l hôpital universitaire dans lequel a été hospitalisée votre maman. Nous avons essayé de vous appeler à plusieurs reprises ces derniers jours. - Oui, je suis désolée, je ne suis pas en Belgique en ce moment. Est-ce que ma mère va bien? Pourquoi est-elle hospitalisée? - Je suis désolée, madame, votre mère nous a quittés cette nuit. Le médecin continuait de parler mais Clara n entendait plus rien. Ses oreilles bourdonnaient, sa vue se brouillait et elle avait fini par perdre connaissance. Sa mère était morte sans que personne ne sache vraiment pourquoi...de chagrin, peut-être? Les jours suivants avaient défilé sans qu elle s en rende compte. Elle était comme un zombie. Elle avait même envisagé de se suicider, mais n en avait pas eu le courage. Elle était restée enfermée des semaines chez elle. Sa première sortie avait été pour l hôpital : elle se sentait mal et croyait qu elle allait mourir, elle aussi. Partagée entre la crainte et une sorte de soulagement désespéré, elle s était rendue à la consultation. Elle voulait en finir, mais avait tellement peur de souffrir! Après l avoir écoutée décrire ses symptômes, le médecin l installa sur sa table et, avec un petit sourire, lui appliqua un gel sur le ventre. - Je peux, peut-être, me tromper, mais je pense que vous n allez pas mourir madame Alcaraz, au contraire. Ha oui, effectivement. Regardez : Je vous présente votre bébé. Clara écarquilla les yeux. - Quoi? Mais comment? - Comme tout le monde, madame! - Arrêtez de sourire bêtement, c est horrible! - Mais, non, au contraire, c est un cadeau magnifique de la vie! 7

8 En regardant sa fille sur sa balançoire Clara se demandait comment elle avait pu hésiter à devenir maman. Oui, ce médecin avait raison : c est un cadeau magnifique. Sans Anna, je ne serais plus là aujourd hui. - Tu viens jouer avec nous, maman? - Oui, mon cœur. Mais : est-ce que je t ai déjà dit que je t aimais? - Mais oui, maman, tu le dis tout le temps! Christelle F. 8