INTRODUCTION LINGUISTIQUE
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- Élise Émond
- il y a 7 ans
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1 INTRODUCTION LINGUISTIQUE Les conventions de notations et abréviations utilisées dans le manuel sont les suivantes. /a/ phonème a = transcription phonologique /A/ archiphonème /a/ <a> graphème a {a} morphème a [a] son a = transcription phonétique [a-] son [a] initial [-a-] son [a] intervocalique [-a] son [a] final xxx en italiques = vocable xxx «xxx» = forme attestée dans le texte Évolution phonétique > donne < vient de R SAM mot latin voyelle longue a voyelle brève évolution analogique Les textes présentés dans le manuel ne sont pas classés par ordre chronologique, puisque le plan adopté est thématique, mais chacun est représentatif d un état de la langue médiévale, pour laquelle on distingue, généralement, trois grandes périodes 1. Les débuts de l espagnol (avant le XIII e siècle) comprenant des textes juridiques (testaments, actes notariés), les premiers textes littéraires : romances, 1. Rappel : le Moyen Âge couvre environ dix siècles. 21
2 Espagnol médiéval Auto de los Reyes Magos, la littérature épique faite pour être chantée, le Cantar de mio Cid... La langue est très archaïque. Le XIII e siècle : largement occupé par les poètes du Mester de clerecía, Gonzalo de Berceo, et les auteurs anonymes du Libro de Alexandre, Libro de Apolonio...Tous ces auteurs étant nés, vraisemblablement au XII e siècle, leur langue correspond plutôt à celle de la fin du XII e -début XIII e siècle. Le XIII e siècle n est pas le siècle d Alphonse X le Savant, car celui-ci ne commence son règne que dans la deuxième moitié du siècle. Avant lui, la langue de la Chancellerie n est pas encore le castillan (ou ne l est, en partie, que pendant une très courte période). Les XIV e et XV e siècles : la fin du Moyen Âge, la Baja Edad Media, connaît des bouleversements morphosyntaxiques très importants. Qu entendre par «état de langue médiéval»? Une langue est un système, un ensemble organisé, en principe cohérent, où tout se tient. Du moins en théorie! Il est plus prudent de dire qu une langue tend à fonctionner comme un système c est le cas de l espagnol médiéval, mais que ce système n est jamais entièrement cohérent, présente parfois des contradictions internes, des déséquilibres, et des évolutions. Il est donc difficile de se représenter la langue médiévale comme une langue homogène : elle ne l est ni dans le temps (tentative de «périodisation» ci-dessus) ni dans l espace (existence des «dialectes»). D un point de vue méthodologique, il est indispensable que vous distinguiez très clairement l étude synchronique d une langue sorte de radiographie, par exemple l observation, dans le texte 12 de la double syntaxe du possessif (possessif simple ~ possessif articulé), de l étude diachronique d une succession d états de langue. Vous l observerez, plusieurs textes peuvent illustrer ou représenter un même état synchronique. Par ailleurs, bien souvent, il nous a semblé incohérent de rendre compte des réalités linguistiques du castillan médiéval sans «remonter» au latin, en particulier pour tout ce qui touche à la morphologie lexicale mais aussi verbale; incohérent aussi de décrire la syntaxe des pronoms compléments au Moyen Âge sans «descendre» jusqu à la réalité de l espagnol moderne 2. Somme toute, cette perspective diachronique doit vous aider à comprendre qu une langue est en perpétuelle évolution, qu un état de langue n est que le produit de ce qui le précède, et qu un système de représentation à une époque donnée est susceptible de se modifier. Ces changements ne s expliquent pas uniquement par la volonté consciente des locuteurs d agir sur leur 2. D un point de vue méthodologique, on retiendra la formule de Christiane Marchello-Nizia : «Le changement, c est ce que l on constate ; l évolution, c est ce que le linguistique reconstruit.» Voir L évolution du français, p
3 Introduction linguistique propre langue, ils répondent à une nécessité interne au système, comme nous le verrons dans le chapitre consacré à la Phonologie. Posséder une langue c est donc, schématiquement, posséder un système, un ensemble d éléments solidaires les uns des autres, partagé par tous les membres d une communauté linguistique. Ce code nous permet, à tout moment, d élaborer des messages inédits, mais aussi d en recevoir et de les interpréter. Observer un état de langue c est donc repérer les phénomènes caractéristiques de l époque, phénomènes qui s ordonnent autour du signe linguistique. Les discours que nous élaborons se manifestent par la production de sons ou de lettres, autrement dit les discours sont faits de signes offrant une face perceptible (la matière phonique, le son ou la trace écrite) et une face intelligible (le sens). Tout ce qui a trait à la face perceptible du signe linguistique est le signifiant, tout ce qui a trait à la face intelligible est le signifié. Entrent dans l étude du signifiant la phonologie, la phonétique et la graphie. L opposition phonologie ~ phonétique recoupe l opposition langue ~ discours. En effet, la phonologie est l étude des unités minimales du signifiant en langue, c est-à-dire des phonèmes mis à disposition, en théorie, par une langue, pour forger des signifiants. L ensemble des phonèmes d une langue à un moment donné est fini et constitue un système. Ce sont donc des systèmes qui vous sont présentés dans le chapitre «A-1. Phonologie» : le sous-système consonantique du castillan médiéval, et par comparaison, le système consonantique de l espagnol moderne. Les phonèmes ont des traits distinctifs minimaux (= ils permettent de distinguer des signifiants entre eux). Dans la description d un phonème, est pertinent tout ce qui permet de le classer et de le distinguer des autres phonèmes. La graphie s intègre elle aussi dans l étude du signifiant puisque, dans les langues à écriture alphabétique, c est la représentation écrite, visuelle, d un son, en vertu de conventions. Sur les précautions à prendre en matière de graphie, en général, et au Moyen Âge en particulier, voir plus loin «B- La langue écrite». Graphie et phonologie sont donc étroitement liées : en examinant les textes, nous verrons si les graphies reproduisent ou non le système phonologique. Outre les graphies des phonèmes spécifiques du castillan médiéval que nous commenterons, les remarques de graphie sont abondantes : une graphie cherche parfois à porter le témoignage d une étymologie; parfois, on sera amené à comparer la graphie des textes médiévaux à celle des signifiants tel que nous les connaissons en espagnol moderne. En effet, certains mots sont phonétiquement identiques à la forme moderne mais sont graphiés différemment en espagnol médiéval, d où l utilité de savoir distinguer le signifiant graphique du signifiant phonique. 23
4 Espagnol médiéval Quand le phonème se réalise acoustiquement, on parle de son. La phonétique c est la description des sons, donc du signifiant en discours, en situation, lors d une énonciation unique. Pour résumer, en phonologie on parlera de phonème, en phonétique de son, et en graphie de graphème. Dit autrement, un phonème se réalise acoustiquement par tel son et visuellement par tel(s) graphème(s). Lorsque l on compare les phonèmes de la langue médiévale à ceux de la langue moderne, on observe des systèmes relativement stables, on compare des systèmes phonologiques. La phonétique historique, elle, ne relève pas d une étude de système. Elle constate que du latin à l espagnol médiéval, les mots ont eu tendance à évoluer de telle ou telle façon, souvent à cause de phénomènes articulatoires : par exemple certaines consonnes finales dans les mots latins ont systématiquement disparu lors du passage à l espagnol. L observation de ces phénomènes permet d énoncer des lois dites phonétiques : «La linguistique historique n explique un mot b par un mot a que si le passage de a à b est le cas particulier d une règle générale valable pour bien d autres mots 3.» Ce sont ces lois qui vous sont exposées dans le chapitre «A-2. Phonétique». Vous pourrez faire la distinction entre ce qui relève des lois articulatoires et ce qui relève de la pensée (évolutions par analogie par exemple). Pour chaque texte, un certain nombre de rubriques permet de classer les phénomènes linguistiques. La morphologie, qui s intéresse à la forme du mot, c est-à-dire à sa structure, relève autant de l étude du signifiant que du signifié puisqu elle met en relation le signifiant des catégories grammaticales avec le signifié grammatical qu il doit exprimer. Entre l état de langue médiéval et l état de langue moderne, il peut y avoir une différence lexicale ou morphologique. Par exemple, pour les formes verbales de l imparfait de l indicatif au Moyen Âge tenié, teniés ~ tenía, tenías, c est la différence morphologique qui retiendra notre attention. Dans la rubrique «morphologie lexicale» nous avons relevé des mots intéressants sur le plan de l évolution phonétique : évolution des lexèmes, évolution d une lexie, sont pour vous l occasion d appliquer les principales lois d évolution phonétique, depuis le latin, présentées dans la partie Phonétique. Entre les deux états de langue, l ordre des mots peut être différent. L observation des agencements, des combinaisons (séquence de taille supérieure au mot) relève de la syntaxe. On regroupera dans la rubrique «morphosyntaxe» les phénomènes relevant à la fois de la morphologie et de la syntaxe, par exemple l enclise ~ la proclise du pronom complément. Enfin, le signifié du mot est un objet d étude qui constitue une branche de la linguistique : la 3. Définition empruntée au Nouveau Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage d O. Ducrot et J.-M. Schaeffer, p. 24. À ce sujet, consulter le chapitre intitulé «Linguistique historique au XIX e siècle», et en particulier les pages consacrées à la «Naissance de la linguistique historique», p
5 Introduction linguistique sémantique. Dans la rubrique sémantique lexicale, nous nous arrêterons sur la signification d un mot, l évolution de ses emplois. Il est impossible, pour chaque texte, de rendre compte de l ensemble du sytème, aussi avons-nous répertorié en fin d ouvrage dans l Index linguistique tous les phénomènes commentés. Ils s y trouvent classés et assortis de renvois à chaque texte où ils se manifestent. Si vous souhaitez avoir une vue d ensemble sur le système verbal du castillan médiéval et de son évolution depuis le latin, à partir de l index, vous pourrez retrouver tous les textes où la morphologie verbale est traitée, et aborder ainsi l entier du système. Aller plus loin La lecture des Éléments de linguistique générale d André Martinet est une très bonne introduction à la linguistique générale. Sur la compatibilité entre l évolution d une langue et sa structure, lire Évolution des langues et reconstruction d André Martinet, en particulier la première partie «Problèmes généraux», p MARCHELLO-NIZIA, Christiane, L évolution du Français, p Sur les notions de «dialectes», «substrat», «superstrat», etc., consulter le glossaire de Michel Banniard dans Du latin aux langues romanes, p
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