2007 La biodiversité du site de Kério
La Biodiversité du site de Kério (Pléguien) Kério, un site naturel protégé voué à la protection de la ressource en eau par Maïwenn Le Rest Le site de Kério correspond au périmètre de protection rapprochée (PPR) de la ressource en eau potable de la Communauté de Communes de Lanvollon-Plouha (CCLP). Il couvre une surface de 160 ha. Il se localise sur le bassin versant du Leff dans le département des Côtes d'armor à la jonction entre trois communes : Tréguidel, Tressignaux et Pléguien. Son objectif premier est de protéger la ressource et la qualité de l'eau. Les eaux souterraines captées par les quatre forages à une centaine de mètres de profondeur sont de très bonne qualité : elles sont vierges de tout nitrate et sans la moindre trace de pesticides. Fin 2006, une station de pompage et de traitement des eaux a été construite à Kério. Kério, un site diversifié La création d'un tel périmètre a permis de redonner un caractère naturel à cette zone anciennement agricole. En effet, la gestion d'un PPR impose notamment le maintien d'un couvert végétal de type prairies permanentes, landes ou forêts. Au cours de prospections naturalistes, l'association VivArmor Nature a pu se rendre compte de la richesse floristique et faunistique de Kério. Elle souhaite que la préservation de la biodiversité soit également prise en compte dans la gestion de ce site. Une étude a donc été entreprise en 2007 afin de réaliser un diagnostic écologique de cette zone. Sortie du réseau des naturalistes du 27 août 2005. au cours de laquelle 156 espèces animales et végétales ont été inventoriées. 2
Les milieux naturels remarquables présents à Kério L'inventaire des milieux naturels montre que les formations végétales présentes à Kério sont principalement des boisements de feuillus mésophiles et humides ainsi que des plantations de peupliers. Ils couvrent près de 70 % de la surface. Les autres milieux correspondent à des plantations de résineux, des friches, des prairies mésophiles et humides fauchées par des agriculteurs locaux et quelques cultures de maïs et de blé. Il existe à Kério, trois habitats remarquables d'intérêt communautaire à préserver selon la Directive Européenne " Habitats " : une chênaie pédonculée à Molinie bleue (Molinia caerulea) située à l'ouest du périmètre, une lande mésophile et une lande humide (habitat prioritaire au titre de cette Directive) situées toutes deux au nord du périmètre. Chênaie pédonculée à Molinie bleue (2007) Lande de Kério (1996) Une espèce végétale remarquable L'inventaire floristique a permis de révéler la présence d'une espèce végétale protégée au niveau régional : la Grassette du Portugal, Pinguicula lusitanica. Cette petite plante carnivore de couleur vert pomme est classée dans la liste rouge des espèces végétales rares et menacées du Massif Armoricain. Grassette du Portugal Inflorescence La faune remarquable Les papillons de jour (Rhopalocères) La carte géographique, (Araschnia levana) Le PPR de Kério possède 10 ha classés en " Refuge à papillons ". En 2007, 25 espèces de papillons de jour ont été décelées. En tenant compte des inventaires antérieurs, Kério compte une trentaine de Rhopalocères soit la moitié de la richesse spécifique des Côtes d'armor. Le périmètre de captage de Kério est donc un véritable refuge pour ces lépidoptères. 1 Directive 92/43/CEE du Conseil Européen du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages 3
Les amphibiens Sur le PPR de Kério, de nombreuses espèces d'amphibiens viennent se nourrir et se reproduire. Sept espèces ont été observées. En France, tous les amphibiens sont protégés. Espèces d'amphibiens présentes sur le PPR de Kério Les pêches à l'épuisette ont mis en évidence un nombre important de larves de Salamandre tachetée, de Triton palmé, de Grenouille rousse et de Crapaud commun. Les trois autres espèces dites remarquables n'ont été vues que rarement sur le site : la Grenouille agile, la Rainette arboricole et le Triton alpestre. Ces espèces ne se reproduisent peut-être que ponctuellement sur le site. Triton palmé (Triturus helveticus) À Kério, les larves doivent faire face à l assèchement temporaire des lieux de reproduction. En effet, les adultes se reproduisent dans des ornières de chemins, des fossés, des bois marécageux et dans des mares temporaires. Ces milieux ne semblent pas être très optimaux pour la reproduction des amphibiens. On peut supposer que la mortalité des larves est y assez sévère. La création de mares étant interdite sur le PPR de Kério, des actions de réhabilitation comme le curage ou l'abattage de la végétation ligneuse doivent être entreprises si l'on veut conserver cette incroyable richesse spécifique. L'avifaune Lors de l'inventaire de 2007, une quarantaine d espèces d'oiseaux a été observée sur le PPR de Kério dont 18 classées comme nicheurs probables sur la lande. Les arbres à Kério offrent aux quatre espèces de pics (Pic épeichette, Pic épeiche, Pic vert et Pic noir) une nourriture abondante. Des rapaces viennent également se reproduire et chasser sur ce site préservé comme la Bondrée apivore, la Buse variable ou encore l'epervier d'europe. Sur la lande, on trouve actuellement des espèces ubiquistes comme l'accenteur mouchet, le Rouge-gorge et des espèces fréquentes dans les landes mais à amplitude large comme le Bruant jaune ou la Linotte mélodieuse. La Fauvette pitchou, inféodée aux landes, était " nicheur certain " en 2005 sur cette lande. Hélas, cette espèce a déserté ce milieu. Deux hypothèses peuvent expliquer cet abandon. Tout d'abord, les individus peuvent avoir succombé aux conditions rudes de l'hiver 2005/2006. Cet oiseau est vulnérable aux hivers froids (Van den Berg et Bullok, 2001). Ou, plus vraisemblablement, le milieu s'est dégradé et n'est plus favorable à la présence de cet oiseau. 4
La lande de Kério : un milieu dégradé à réhabiliter et à gérer durablement La lande de Kério constitue un patrimoine naturel exceptionnel à protéger. Actuellement, cette lande est dans un mauvais état de conservation. Le milieu se ferme, se banalise et s'assèche. L'abondance des espèces végétales de landes, les bruyères et les ajoncs, diminue pour laisser place à la végétation ligneuse. Les causes de dégradation Le boisement du milieu L'ombrage causé par les ligneux favorise la disparition des ajoncs et des graminées. Les Ericacées et les fougères aigles qui résistent un peu plus longtemps laissent leur place aux espèces de sous-bois. La chute des feuilles étouffe les espèces basses et leur décomposition enrichit le milieu. Or, les landes se développent sur des substrats oligotrophes c'est-à-dire pauvres en nutriment. Ces plants assèchent et modifient le fonctionnement hydraulique de ce type de milieu. En effet, ils interceptent une partie des précipitations par leur canopée avant qu'elles n'atteignent la surface du sol. Ils ont également un taux de transpiration très supérieur à celui de la strate herbacée ce qui accroît considérablement les taux d'évapotranspiration. La demande en eau de ce type de végétation est très importante d'où un risque de perturber le fonctionnement hydrologique de la nappe comme d'abaisser le toit de la nappe. Ainsi, la présence de pins dans l'environnement immédiat des landes à Ericacées, facilite l'installation d'un stade forestier par assèchement du milieu (Doche, 1989). Cette plantation altère donc les fonctions hydrologiques de la lande humide notamment celles de contrôle de la qualité de l'eau (épuration des eaux, rétention des nutriments, des sédiments et des polluants ). Une plantation de Pins maritimes a été entreprise en 1996 sur la lande de Kério. Cette plantation produit de profonds bouleversements aux landes d'origine. Les méthodes appliquées pour la plantation de ces Pins maritimes contribuent également à l'assèchement de la lande humide. En effet, les pins sont plantés sur des billons parallèles séparés par une rigole dans le sens de la pente. Ces fossés modifient l'écoulement des eaux de surface. Ils ont un rôle de drainage des eaux de surface. Or l'étude de la hauteur des pins a montré que, 10 ans après la plantation, la croissance de ces plants est assez faible. Ce ralentissement de la croissance est principalement dû aux conditions contraignantes du milieu : géologie particulière, humidité trop importante. Ainsi, le milieu sur lequel la plantation a été effectuée semble être défavorable pour le développement des Pins maritimes. Il a d'ailleurs été démontré que le boisement des landes humides est souvent un échec qualitatif et économique, détruisant sans valeur ajoutée, des biotopes originaux (Durfort et Hervio, 1995). 5
Une mauvaise gestion Les landes ne sont pas des milieux naturels stables. En effet, elles évoluent naturellement vers un stade final plus stable que l'on appelle climax (stade 5). Les espèces caractéristiques des landes comme les bruyères et les ajoncs disparaissent petit à petit pour laisser place aux espèces de forêts. On parle de succession végétale. Succession végétale dans les landes non gérées (d'après Clément, 1998). A Kério, les landes sont dans un stade dynamique avancé (stade 3 et 4) colonisées par le Saule roux, le Bouleau pubescent et le Chêne pédonculé. Ce processus de boisement conduit à un changement radical du milieu : fermeture et banalisation du milieu, disparition d'espèces végétales et/ou animales. Il est donc nécessaire d'appliquer une gestion durable sur ce milieu afin de retrouver un stade de conservation favorable c'est-à-dire au stade 2. Actuellement, une fauche, avec export de matière entre les interlignes de pins, est appliquée sur une partie de la lande ; l'autre partie étant laissée à l'abandon. Les opérations à mettre en œuvre pour espérer retrouver la lande dans un état de conservation favorable Les opérations de réhabilitation Tout d'abord, quatre actions de réhabilitation devront être mises en œuvre si l'on veut retrouver les landes dans un bon état de conservation. La première opération consiste à abattre les Pins maritimes. VivArmor Nature souhaite que la totalité de la plantation soit abattue ; cette solution étant la plus pertinente pour conserver les richesses floristiques et faunistiques ainsi que les valeurs fonctionnelles, paysagères et pédagogiques de la lande de Kério. Cependant, pour obtenir l'abattage total de ces plants, il faut rembourser le montant de l'aide financière du Fonds Forestier National (FFN) perçue en 1996 pour les 18 ha avec une pénalité de 25%. Le montant s'élève à 21 470 euros. Or le déboisement demandé ne représente qu'1/6 des plantations entreprises en 1996. Il paraît aberrant de rembourser la totalité de l'aide. Des négociations avec la Direction Départementale de l'agriculture et de la Forêt des Côtes d'armor (DDAF, service instructeur du FFN) peuvent être entreprises afin de discuter sur le montant à rembourser. Autre solution : pins espacés de 20 mètres? La deuxième action à envisager sur la lande est le contrôle des autres ligneux comme le Bouleau ou le Saule. Cela va permettre de restaurer les différents types de landes mais également de supprimer un maximum d' " arbres souches " pour éviter la colonisation de nouveaux ligneux, l'enrichissement du 6
sol par les feuilles mortes, l'ombrage des zones de landes adjacentes aux boisements. Le choix de la technique, arrachage mécanique ou manuel ou broyage, dépendra des moyens humains et financiers disponibles. L'abattage des feuillus dans les landes mésophiles ne permettra pas de les retrouver dans un état de conservation favorable. En effet, les sols forestiers ont une structure différente de celle des landes. Les landes ne possèdent pas d'horizon humifère. Cette couche de matière organique présente dans les zones de landes mésophiles boisées devra être décapée et exportée afin de permettre aux graines de bruyères de s'exprimer. On appelle cette technique l'étrépage. Enfin, de petits travaux hydrologiques devront être effectués au niveau des rigoles. Ceci permettra de limiter la perte d'eau par écoulement superficiel au sein de ces drains. Ainsi, à différents endroits, les drains seront bouchés avec la terre présente sur les billons Les opérations pour une gestion durable de la lande de Kério Des actions de gestion durable devront être appliquées sur la lande si l'on veut pérenniser les opérations de restauration. Le mode de gestion le plus adapté à la lande de Kério est la fauche tardive d'entretien. Esnault (2001) a montré que la Fauvette pitchou ne niche que sur les landes fauchées ; ce mode de gestion pourrait permettre le retour de cette espèce protégée. De plus, la fauche permet de lutter contre la fermeture de la lande en bloquant la dynamique naturelle de la végétation. Les espèces dominantes sont alors réduites et la biodiversité globale se maintient ou s'accroît (Dupieux, 1998). Et VivArmor Nature L'association, avec l'aide de bénévoles, pourrait participer aux actions de réhabilitation de la lande de Kério. Elle pourrait également être chargée d'effectuée les suivis scientifiques nécessaires (suivis de la végétation et de la faune) pour juger de la réussite des opérations. D'autant que les Elus de la Communauté de Communes Lanvollon-Plouha ont voté en septembre 2006 l'idée d'abattre l'ensemble des pins présents sur la lande, mais aujourd'hui c'est plutôt au niveau des services de l'etat que le bât blesse ; de plus, cette plantation ne met-elle pas en péril la préservation d'un habitat que la France s'est engagée à protéger, notamment à travers le réseau Natura 2000 Histoire à suivre... 7