INTERVENTION DU GENERAL D ARMEE AERIENNE STEPHANE ABRIAL, SUPREME ALLIED COMMANDER TRANSFORMATION A L OTAN



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Transcription:

[Publish Date] 1 INTERVENTION DU GENERAL D ARMEE AERIENNE STEPHANE ABRIAL, SUPREME ALLIED COMMANDER TRANSFORMATION A L OTAN ET AUDITEUR DE LA 52E SESSION NATIONALE AU 75e ANNIVERSAIRE DE L IHEDN PARIS, le 28 juin 2011 Seul le prononcé fait foi Merci beaucoup, M. l Ambassadeur. Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Secrétaire Général, Ambassadeurs, Amiral, Mesdames et Messieurs, Je vous remercie de l occasion qui m est donnée de contribuer à cette réflexion en tant que commandant stratégique de l OTAN depuis presque deux ans, bien entendu, mais aussi en tant qu Européen, en tant que Français, et on ne se refait pas en tant qu ancien auditeur de cette maison. Je voudrais en tout cas saluer l audace de l IHEDN dans le choix du thème de ce colloque. «2036», c est une échéance qu on peut être tenté de traiter avec un certain scepticisme, mais je suis pour ma part persuadé que l horizon à 25 ans une génération - est une perspective pertinente. Si par exemple, vous considérez certains de nos matériels majeurs actuels : Il y a 25 ans, en 1986, le Véhicule de l Avant Blindé était en service depuis 10 ans, le M1 Abrams depuis 6 ans, et le Mirage 2000C depuis 2 ans. Et sur les 11 porte-avions en service actif dans la marine des Etats-Unis, 5 étaient déjà en activité. Mon propos à travers ces exemples est de mettre en relief deux réalités fondamentales : D abord, ils montrent qu un programme dont le développement commence aujourd hui doit pouvoir contribuer à satisfaire nos besoins bien au-delà de 2036. Le développement capacitaire est ainsi indissociable de la réflexion stratégique à long terme. Ensuite, ces exemples indiquent que les nouveaux équipements cohabitent longtemps avec les anciens. L innovation capacitaire ne se fait donc pas par table rase, mais par enrichissements successifs de l existant. La réflexion sur les capacités futures est en conséquence étroitement liée d une part à la connaissance de la réalité actuelle de nos forces, et d autre part à une réflexion stratégique à moyen et long terme. Ces trois piliers réflexion stratégique, capacités futures, appui sur le présent sont précisément ceux qui confèrent une cohérence unique au Commandement allié pour la Transformation. 1

[Publish Date] 2 Nous jouons d abord un rôle clef dans le processus capacitaire de l Alliance, aux côtés bien sûr d autres acteurs tels que la Division des Investissements de Défense de l Ingénieur Général Auroy. Nous entretenons également une connaissance profonde des capacités actuelles et des besoins de nos forces, en tant que premier responsable dans l OTAN aussi bien de l entraînement que du retour d expérience, et par notre soutien direct aux opérations, par exemple dans la lutte contre les engins explosifs improvisés Enfin nous assumons un rôle de laboratoire de pensée militaire dans l Alliance, produisant des travaux sur des sujets tels que, récemment, les Espaces stratégiques communs. De surcroît, nous développons des relations au jour le jour avec un large réseau de think tanks et de départements universitaires engagés dans la réflexion stratégique, en Europe et en Amérique. Il reste néanmoins qu une échéance à 25 ans est délicate à appréhender. Un document comme le récent Concept stratégique, adopté au mois de novembre dernier à Lisbonne par les 28 chefs d Etat et de gouvernement, s est fixé, quant à lui, un horizon décennal. Ayant été associé au travail mené, notamment en soutien du groupe d experts qui, sous l égide de Mme Madeleine Albright, a œuvré en amont de ce document je puis témoigner qu il s est toutefois en partie nourri d une étude prospective réalisée par ACT il y a deux ans. Intitulée «Futurs Multiples», elle offrait quatre scénarios stratégiques plausibles d où son nom - à l échéance de 2030. Construire plusieurs scénarios évite en effet l écueil d un fatalisme facile, selon lequel on ne pourrait rien dire de l avenir, mais aussi l illusion de prétendre le prédire, puisque «l avenir n est écrit nulle part», comme l'a dit le tout nouvel académicien Amin Maalouf. Un des scénarios fixe par exemple le retour d une rivalité entre grandes puissances comme le déterminant stratégique majeur en 2030, avec des Etats-Unis qui pourraient voir leur place de première économie mondiale remise en cause. Un autre développe à l inverse l hypothèse d une bonne coopération entre les pays anciennement et nouvellement développés, mais au prix d une césure croissante avec des zones d instabilité à leur périphérie. Bien entendu, les capacités requises par l un ou l autre scénario ne sont pas les mêmes. Mais chacune de ces évolutions étant plausible, notre planification de défense doit viser à garantir notre sécurité quelle que soit l hypothèse qui se révèlera la moins éloignée de la réalité. Je n oublie pas néanmoins que ces scénarios ne peuvent par définition pas prendre en compte les surprises stratégiques et technologiques à venir, sur lesquelles je sais que l amiral Guillaud a insisté dans son intervention ici même le mois dernier. Les cartes peuvent être rebattues en quelques années, et nos choix capacitaires doivent nous permettre d'encaisser ces surprises, d'y faire face et de nous rétablir. Permettez-moi d illustrer la problématique des besoins futurs en évoquant rapidement trois grandes thèmes : la prolifération technologique ; le développement capacitaire dans une ère d austérité budgétaire ; et la nécessité pour les forces de 2

[Publish Date] 3 l Alliance de concevoir leur action en conjonction avec celles de nombreux autres acteurs. [La prolifération technologique] En ce qui concerne la prolifération technologique et ses conséquences, les surprises stratégiques sont une chose, mais il existe tout de même des lois dans l histoire : l une d elles est que le progrès technique est cumulatif, et pour une large part irréversible. Mis à part lors de cataclysmes ponctuels, une technologie, une fois apprise, ne peut pas être désapprise par exemple, aujourd hui, dans le domaine des armes de destruction massive. La planification pour les années qui viennent doit postuler que l accès à de telles armes et à leurs vecteurs notamment balistiques - continuera à se répandre. Face à cette menace, la dissuasion nucléaire demeure d actualité, car comme l a réaffirmé le Concept stratégique, les forces nucléaires de l Alliance restent la «garantie suprême de sécurité des Alliés» et la force nucléaire indépendante de la France contribue, naturellement, à cette sécurité. Je n envisage pas que cette équation soit amenée à se modifier dans un avenir proche. Néanmoins, en complément de cette dissuasion, il est important que l Alliance dispose de la capacité de réagir à une menace balistique. C est la raison de la décision prise par les chefs d Etat et de gouvernement au sommet de Lisbonne de la doter d une défense appropriée. Ce projet est conduit en réaction à une menace crédible, et en prenant en compte le calendrier estimé d arrivée à maturité des technologies nécessaires. Mais c est aussi un projet structurant, qui aura lui-même un impact fort sur le contexte stratégique de 2036. En effet, au-delà des inquiétudes exprimées récemment sur un risque de découplage entre les pôles européen et américain de l Alliance, cette initiative donne une nouvelle dimension à son cœur de mission: la protection du territoire et des populations de ses Etats membres. La question «Pourquoi l OTAN?» trouve ici une réponse forte et aisément compréhensible. C est aussi un projet ouvert à un environnement plus large avec notamment une main tendue vers la Fédération de Russie. Du succès de cette coopération dépendra sans doute pour une grande part le climat stratégique de 2036. La démocratisation technologique ne se limite cependant pas aux armes de destruction massive et à leurs vecteurs : dès aujourd hui, un nombre croissant d Etats dispose de capacités de premier rang, tels que des sous-marins silencieux ou des missiles de croisière. Ces moyens posent de vraies questions quant au maintien de notre capacité de projection future, et notre utilisation des espaces stratégiques communs : air; mer, espace et cyberespace quatre domaines indispensables à la conduite de nos opérations, et au fonctionnement même de nos sociétés modernes. Il ne s agit d ailleurs pas que d Etats : on observe actuellement que des mouvements armés (au Proche-Orient, en Asie du Sud) ou des gangs criminels (sur le continent américain) mettent en œuvre des capacités que l on pensait 3

[Publish Date] 4 inaccessibles pour eux, tels que des drones, des véhicules blindés ou des sousmarins certes rudimentaires pour l instant, mais en progrès rapide. Il est donc indispensable que nous maintenions nos capacités sur l ensemble du spectre quel que soit le scénario qui se réalisera, mais aussi que nous conservions un différentiel technologique suffisant pour contrer les menaces plausibles. 4

[Publish Date] 5 [Le défi du développement capacitaire] Cette nécessité, qui est l un des défis majeurs de la transformation, est la deuxième des problématiques que je voulais évoquer. Ce qui en fait un vrai défi, c est le contexte économique et budgétaire qui frappe l ensemble des nations de l Alliance, mais aussi l organisation elle-même. Je pense que personne ne se fait d illusion : l austérité budgétaire dans laquelle nous entrons n est pas passagère ; elle sera un déterminant stratégique pour de nombreuses années à venir. Comment concilier alors ces contraintes avec la nécessité de faire face aux menaces potentielles sur l ensemble du spectre? Pour aider les nations à y parvenir, l OTAN et ACT en particulier sont activement engagés sur plusieurs pistes : D abord, mon commandement est à l œuvre pour encourager le développement de solutions multinationales qui permettent d augmenter le ratio coût/efficacité dans le développement de nos capacités. Beaucoup de nos nations mettent déjà en œuvre de telles coopérations et le Traité de Lancaster House de l an dernier en est un excellent exemple mais du fait de sa position unique, la plus-value d ACT est d avoir une vue d ensemble des capacités et des besoins dans l Alliance, et d identifier ainsi des synergies prometteuses. A la demande du Secrétaire Général Rasmussen, nous avons récemment soumis aux nations auxquelles appartiendra toujours, en fin de compte, la décision une première liste de 46 projets de coopération que nous estimons viables. Ces projets touchent tant à l acquisition de matériels ou à leur soutien qu aux domaines des exercices et de l entraînement. De telles entreprises sont bien évidemment difficilement dissociables de réflexions menées au sein de l Union européenne, dans le même esprit et avec la même finalité. C est pour cela que nous coordonnons nos actions avec l Agence européenne de Défense et l Etat-major de l Union européenne, dans toute la mesure permise par le cadre politique agréé. Une deuxième piste pour permettre de développer plus intelligemment les capacités nécessaires dans les années à venir est celle d un meilleur dialogue avec les industriels des deux côtés de l Atlantique. Que peut-on espérer d un tel dialogue? D abord que nous échangions nos visions du futur, afin qu ils perçoivent mieux ce que pourraient être nos besoins à venir et orientent leurs efforts en conséquence, et que, en retour, nous appréhendions mieux quel est le champ du possible en matière capacitaire les perspectives offertes par la technologie, les échéances de développements futurs et leur coût estimé. Depuis un an, ACT a développé un cadre formalisant notre collaboration avec l industrie, et des coopérations concrètes sont déjà lancées avec plus de 25 entreprises, européennes et américaines, qui se situent, conformément à notre mandat, bien en amont de toute phase d acquisition. J'ai récemment donné pour consigne d étendre le champ de nos contacts vers les petites et moyennes entreprises, qui sont des acteurs essentiels de notre base industrielle et technologique de défense et souvent des moteurs en matière d innovation. 5

[Publish Date] 6 [Une OTAN intégrée dans un concert d acteurs] Enfin, le troisième axe que je voulais évoquer, déterminant pour l OTAN comme pour les forces de chacune de nos nations dans le quart de siècle à venir, est la coordination de leurs actions au sein d un large concert d'intervenants. D abord, l avènement d un degré de multipolarité et la globalisation de nos intérêts vitaux amènent notre Alliance à récuser une vision géostratégique dialectique (où il y aurait ceux qui sont dans l OTAN, et ceux qui sont à l extérieur), mais à penser plutôt en termes de cercles concentriques représentant des degrés de coopération croissants. ACT a ainsi organisé il y a deux semaines sa conférence annuelle sur les partenariats à Belgrade tout un symbole. 56 pays étaient représentés autour de la table, dont des membres de tous nos partenariats, tels que la Finlande, la Russie, l Algérie, le Qatar et bien d autres ; mais aussi des nations comme l Australie, le Pakistan, le Japon et, pour la première fois cette année, le Brésil. Notre engagement actuel en Libye implique, quant à lui, non seulement l Alliance, mais aussi des membres de chacune des trois structures de partenariat de l OTAN le Partenariat pour la Paix, le Dialogue Méditerranéen et l Initiative de Coopération d Istanbul. C est une illustration de l importance qu il y a à promouvoir l interopérabilité qui est le cœur du travail d ACT avec nos partenaires aussi bien qu entre les membres de l Alliance. Parallèlement, les menaces évoluent souvent dans un sens «hybride» - c est-à-dire mêlant divers modes d action : des campagnes militaires conventionnelles, des cyber-attaques, du terrorisme, des activités relevant du crime organisé, etc. De tels adversaires jouent de la frontière entre les actions militaires et civiles. L OTAN et les forces militaires de ses membres seront donc amenées à travailler en coordination plus étroite qu aujourd hui avec un grand nombre de partenaires civils, gouvernementaux, internationaux ou nongouvernementaux, dans le cadre d une approche globale. Cette dernière requiert une évolution de notre organisation par exemple par la création, mandatée par le nouveau Concept stratégique, d une capacité civile de gestion de crise «appropriée mais modeste» pouvant jouer un rôle de facilitation et d interface. Mais elle requiert aussi une adaptation de nos forces militaires et des esprits. C est dans cette optique qu ACT, tirant bénéfice de sa situation géographique, a engagé dès l an dernier des contacts avec les interlocuteurs les plus pertinents au siège des Nations-Unies à New York. 6

[Publish Date] 7 [Conclusion : dimension humaine de la transformation] Prolifération technologique, solutions capacitaires dans un contexte d austérité et nécessité d intégrer notre action avec celle d autres intervenants : voilà trois préoccupations qui seront, je crois, au premier plan dans les 25 ans à venir. En tout cas, elles guident mon action à ACT et inspirent le soutien que nous nous efforçons de fournir aux Nations. Si, fort de mes deux années à la tête d ACT et de la vision d ensemble de l Alliance que me donne cette fonction, je me permettais de suggérer deux grands équilibres sur lesquels se jouera notre adaptation aux défis du quart de siècle à venir, je citerais : Premièrement, le maintien d un équilibre entre les opérations en cours et la préparation de l avenir, et donc des opérations futures. Négliger les premières serait intolérable. Mais les laisser vampiriser les secondes ne serait pas responsable, car rien n indique que les défis à venir seront moindres que ceux d aujourd hui. La recherche de cet équilibre a été mon quotidien quand j étais Chef d Etat-major de l Armée de l Air. Il l est dans ma fonction actuelle, et je sais qu il est au centre des problématiques de défense de chacun des pays membres de l OTAN. Et deuxièmement, l indispensable équilibre à trouver entre les nécessités de la coopération, d une part, et celles de la souveraineté, de l autre. La coopération, parce que, comme je l ai montré, nos nations ne pourront assurer leur sécurité en ordre dispersé et ce principe se décline dans l acquisition de capacités, dans la conduite des opérations tout comme dans le partage du renseignement. La souveraineté, parce que cette coopération doit garantir à chacune de nos nations que les capacités dont elle a besoin y compris celles qu elle aura mises en commun seront disponibles si ses intérêts l exigent. C est cet équilibre que doivent chercher à garantir tant l OTAN que l Union européenne, et elles n y parviendront que si elles continuent elles-mêmes à progresser vers une meilleure synchronisation de leurs efforts. Permettez-moi de terminer en ouvrant sur une autre dimension de la transformation - sa dimension humaine - dans laquelle l horizon à 25 ans prend un relief différent. Le Général McChrystal, en inspection sur le terrain en Afghanistan, demanda un jour à un soldat où il se trouvait le 11 septembre 2001, événement à l origine de l opération «Mon Général, en 2001 j étais en CM2». Près de la moitié des soldats, aviateurs et marins des nations de l Alliance en 2036 ne sont pas encore nés. Alors que nous parlons de nos capacités futures, je n oublie pas que notre première capacité, ce sera eux, et que les aspects humains de la transformation détermineront tout autant la physionomie de nos forces que nos matériels et nos doctrines. 7