Le quêteux,,, quête de l attention!
Il était plus que *le quêteux*, il était à la fois, le journal rural, parfois commissionnaire et même si, avec ses allures énigmatiques, il effrayait les enfants incluant moi-même, il restera une des plus belles légendes du Québec. -Hà! Ben dit dont! Si cé pas mon bon Élie qui rôde par icitte! Content d te voir Élie, sans compter que j vois que l hiver t a pas trop magané c te fois-citte! Viens te r poser un peu, on va rentrer voir Delphine dans maison. Y a quecque chose qui m dit qu à t a diviné, y a du suc à crème. Profites-en dont pour y d mander qu à te fasse une tarte à farlouche.(tarte dont la garniture est à base de sirop noir, mélasse). J sais que t aime ben ça, a te r fuse rien!!!
Delphine,,, j pense que l été est là pour rester, r garde c qui vient d arriver. *Hà! Ben torvis! Élie,,, t as senti mon suc à crème mon v nimeux! =Yé hé hey! Bonyour mamwosiers, (Mme.Desrosiers) Simion veut tarte farlouppe itou! -Ben non Élie,,, la tarte, cé pour toé, pas pour moé! *T as beau m en faire à crère Simion, tu fais faire tes commissions par les autres ast heure mon grand fanal! -D en par cas Élie, pour nous autres icitte, y a deux manières de savoir que l été est arrivé pour de bon. Quand tu vois arriver l ombre du quêteux dans l détour et pis quand Ida Beaulieu va serrer son bonnet d laine tricotté au crochet, pis qu à s met dans tête de sortir sa paillasse à fleurs, avec des plumes par-dessus l marché. J te ment pas, l dimanche matin à grand-messe, si t as ça en avant d toé, tu vois rien en avant!
*Arrête dont Simion, tu vas faire étouffer Élie avec son suc à crème,,, Ida, a trouve ça beau, elle! -J veux ben crère batème mais, si parsonne y dit, a saura jamais qu à l a l yable su la tête. *Élie, laisse faire Simion pis ses folleries, dis-moé dont comment va la pauvr Marie-Laure? =Pas ben pantoutte mamwosiers, pas ben pantoutte. Mayie souvent malade, cé lui rend Mayie malade, lui fou, lui fou dans sa tête. *Si cé pas malheureux, j vois que, cé encore pareil. Si ça d l allure de vivre une vie d même! -Ben chanceux de pas être mon voisin celui-là, j te dit qui trouverait l temps long des fois *Tu dis n importe quoi Simion, y en a des voisins là-bas, y a parsonne qui a pû faire quecque chose! Tu dois ben savoir ça, des fois la boisson, c t une maladie pis j dirais même que, boisson pis cochon, ça sonne pareil!
À ce stade-ci, pour rendre vraiment hommage à ce personnage légendaire inconnu, je me dois d ouvrir une parenthèse. Qui au Québec ne connaît pas Aurore l enfant martyr! La vie étant déjà difficile, si ton entourage semble mal intentionné, elle devient cauchemardesque pour certaines personnes vulnérables. C était le cas pour Élie, le quêteux du canton. Chaque année, comme l horloge du temps, il était au rendez-vous avec sa tournée qui durait tout l été. Pour lui, ces tournées représentaient sa délivrance d une emprise qu on peut associer facilement à celle d Aurore. Il faut souligner qu Élie était une de ces très rares personnes à recevoir un chèque du gouvernement en tant qu invalide. La source de ses problèmes également
car on pouvait l héberger pour le chèque en question, ce qu on appelle aujourd hui, une maison d accueil. Avec un peu de chance, des gens biens vont t accueillir mais, si ce n est pas le cas!?! Et ce n était pas le cas pour Élie. On profitait de lui comme, pour fendre du bois de chauffage ainsi que d autres travaux trop exigeants pour ses capacités. Il y a des gens qui affirmaient qu on le maltraitait parfois,,, voir même souvent. Si bien qu un jour, en plein hiver, on lui a barré la porte de la maison pour une raison que j ignore toujours. Il s est réfugié dans la grange pour y passer la nuit. Malheureusement, cette nuit-là, il s est gelé le pied droit qu on a dû amputer une première fois, une deuxième fois au niveau du genou et une troisième fois à la hauteur de la hanche. Il a quand même poursuivi ses tournées sur une seule jambe, en béquilles et ce, encore plusieurs années. C est l époque que j ai connu le personnage, que j ai réalisé la complicité qu il avait avec ma mère surtout. Elle pouvait discuter des heures avec Élie
alors que nous les jeunes, nous arrivions à comprendre un mot sur dix compte tenu de son défaut d allocution. Il apportait avec lui les nouvelles de partout, ce qui plaisait énormément à ma mère. C est aussi le seul qui avait droit de s asseoir dans la berçante de ma mère, celle avec la peau de mouton au dossier. Il aurait bien voulu demeurer chez-nous mais, comme partout ailleurs, avec 11 enfants, l espace se fait déjà trop restreint pour la famille immédiate. Lorsqu un enfant est fasciné par quelque chose, il cherche d en apprendre d avantage sur le sujet. C est pourquoi, je pourrais écrire des pages et des pages sur Elie. Je vais simplement lui dire, «Bravo mon Élie,,, là où tu es,,, au moins, tu es un héros!» C est ainsi qu on dirait que, les années passent aussi vite que les saisons. En ville, on demeure optimiste, même si on ressent encore des séquelles de la grande crise économique du 24 octobre 1929. Cependant, dans nos campagnes, la population s en
tire à meilleur compte, dû au fait qu ils sont autonomes avec leurs petits lopins de terre. Lorsque l hiver se présente, on devient «bûcheux» pour un temps dans les chantiers. Dans certains villages, on pouvait voir arriver des «étranges» avec un «pack sac» et une longue scie sur l épaule. Ils venaient s engager pour un*jobber*(entrepreneur, Simion était un de ceux-là, sur plusieurs années.) à passer l hiver sur son chantier. Les habitants du village voyaient arriver ces étrangers en disant, «Les gars d en douard» qui voulait dire «Gars d en dehors» delà l origine du mot «Godendard».
L été venu, on cultive, on défriche la terre avec des moyens encore rudimentaires mais, mais, mais,,, attention Il est permis de rêver car, la mécanisation existe et accessible pour la plus part de ces défricheurs. C est juste qu il n est pas courant de s endetter dans le but d améliorer son sort. Néanmoins, le premier qui osera le faire, va entrainer les autres si bien que, les chevaux vont tomber en vacances sous peu De la série : Une page d histoire d un Québec oublié! (rdantan@hotmail.ca)