RAPPORT D'ENQUÊTE DPI4065142 RAP0341743 RAPPORT D ENQUÊTE. Direction régionale de Montréal-2



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Transcription:

EN003593 RAPPORT D ENQUÊTE Direction régionale de Montréal-2 Accident mortel survenu à un travailleur le 7 décembre 2005 à l'entreprise Emballages Mitchel-Lincoln Ltée 3737, boul. Thimens, arrondissement de St-Laurent, à Montréal Inspecteurs : Alain Lajoie Dominique Benjamin Inspecteur Inspectrice Date du rapport : 11 avril 2006

Rapport distribué à : Monsieur «A», Mitchel-Lincoln Monsieur «B»,, Emballages Mitchel-Lincoln Monsieur «C», prévention Monsieur «D»,, Syndicat canadien des communications, de l`énergie et du papier (S.C.E.P ). Local 648 F.T.Q Monsieur Dr Claude Paquin, coroner

TABLE DES MATIÈRES 1 RÉSUMÉ DU RAPPORT 1 2 ORGANISATION DU TRAVAIL 3 2.1 STRUCTURE GÉNÉRALE DE L ÉTABLISSEMENT 3 2.2 ORGANISATION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL 3 2.2.1 MÉCANISMES DE PRISE EN CHARGE 3 2.2.2 GESTION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ 3 3 DESCRIPTION DE L ACTIVITÉ EFFECTUÉE 5 3.1 DESCRIPTION DU LIEU DE TRAVAIL 5 3.2 DESCRIPTION DE L ACTIVITÉ PRINCIPALE DE L ÉTABLISSEMENT 5 3.3 DESCRIPTION DE L ACTIVITÉ EFFECTUÉE LORS DE L ACCIDENT 5 4 ACCIDENT: FAITS ET ANALYSE 6 4.1 CHRONOLOGIE DE L'ACCIDENT 6 4.2 CONSTATATIONS ET INFORMATIONS RECUEILLIES 6 4.3 ÉNONCÉS ET ANALYSE DES CAUSES 8 4.3.1 LA CONCEPTION INADÉQUATE DE LA PLATE-FORME EXPOSE LE TRAVAILLEUR À UNE CHUTE 8 4.3.2 LA PROCÉDURE DE CADENASSAGE RELATIVE AU DÉBOURRAGE EST INCOMPLÈTE 8 4.3.3 LA GESTION DE LA PROCÉDURE DE DÉBOURRAGE EST DÉFICIENTE AU PLAN DE LA FORMATION ET DE LA SUPERVISION 9 5 CONCLUSION 10 5.1 CAUSES DE L'ACCIDENT 10 5.2 AUTRES DOCUMENTS ÉMIS LORS DE L ENQUÊTE 10 ANNEXES ANNEXE A : Liste des accidentés 11 ANNEXE B : Croquis 12 ANNEXE C : Photos 14 ANNEXE D : Liste des témoins et des personnes rencontrées 17 ANNEXE E : Documents 18 ANNEXE F : Références bibliographiques 20

SECTION 1 1 RÉSUMÉ DU RAPPORT Description de l'accident Le travailleur est assistant-opérateur sur une ligne de production de boîtes en carton ondulé chez Emballages Mitchel-Lincoln, à Montréal. Le 7 décembre 2005, vers 03h45, des cartons mal alignés sur le convoyeur provoquent le blocage de sa ligne de production. Il se rend donc sur la plate-forme donnant accès à la pré-alimenteuse, où se situe le blocage, pour dégager le convoyeur. En retirant les cartons, il dégage le détecteur optique qui remet la pré-alimenteuse en marche. Afin d éviter de se faire percuter par les cartons remis en mouvement, le travailleur se relève brusquement, perd l équilibre et tombe de la plate-forme du côté de l'escalier. Il fait une chute de 1,2 mètre et se cogne la tête sur le plancher en béton au bas des marches. Le travailleur est blessé gravement à la tête. Conséquence Le travailleur décède le 15 décembre 2005 des suites de blessures à la tête. Vue de la plate-forme de travail d où le travailleur a chuté 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 1

Abrégé des causes La conception inadéquate de la plate-forme, une procédure de débourrage incomplète ainsi qu une formation et une supervision inadéquates quant au respect de la procédure de débourrage sont en cause dans l accident. Mesures correctives Les rapports d intervention RAP0264025, RAP0259184, RAP0256083 ont été émis. On y retrouve les mesures correctives prises par l employeur et acceptées par l inspecteur: Installation d un rideau optique qui agit comme barrière de protection et qui provoque l arrêt de la machine lorsque le travailleur accède à la zone de danger ; Modification de la plate-forme et ajout de garde-corps qui assurent une protection contre les chutes sur tous les côtés ; Le présent résumé n'a pas comme tel de valeur légale et ne tient lieu ni de rapport d'enquête, ni d'avis de correction ou de toute autre décision de l'inspecteur. Il ne remplace aucunement les diverses sections du rapport d'enquête qui devrait être lu en entier. Il constitue un aide-mémoire identifiant les éléments d'une situation dangereuse et les mesures correctives à apporter pour éviter la répétition de l'accident. Il peut également servir d'outil de diffusion dans votre milieu de travail. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 2

SECTION 2 2 ORGANISATION DU TRAVAIL 2.1 Structure générale de l établissement Au 3737, boulevard Thimens, dans l arrondissement St-Laurent, à Montréal, on retrouve l une des deux usines de l entreprise Emballages Mitchel-Lincoln. La structure organisationnelle de l établissement est détaillée en annexe (annexe E). Les activités de l entreprise se déroulent sur trois quarts de travail. L établissement compte 232 travailleurs. Le 7 décembre 2005, au moment de l accident, l effectif en poste est constitué de 50 travailleurs syndiqués et de trois contremaîtres de production. 2.2 Organisation de la santé et de la sécurité du travail 2.2.1 Mécanismes de prise en charge Il y a un comité de santé et de sécurité (CSS) dans l établissement. Il est constitué de quatre travailleurs et de quatre représentants de l employeur. Le comité se réunit une fois par mois. Il y a un représentant à la prévention qui participe aux rencontres du CSS, fait des inspections et apporte des recommandations aux membres du CSS. Le représentant à la prévention est libéré huit heures par semaine. Il y a un programme de prévention datant de 2003-2004. Le CSS se donne en outre un plan d action annuel. En 2005, le plan d action portait sur la formation des caristes et la formation premiers soins, premiers secours (RCR). 2.2.2 Gestion de la santé et de la sécurité Des inspections bimensuelles sont effectuées par le représentant à la prévention. La liste d éléments à corriger est déposée au CSS. Les inspections sont basées sur des éléments d information fournis par les travailleurs plutôt que sur une grille préétablie. La supervision est assurée par les contremaîtres qui interviennent lorsqu ils sont témoins de comportements qui ne respectent pas les procédures de travail établies par l employeur. Un manuel contenant toutes les procédures est disponible au poste de travail de l opérateur pour chaque ligne de production. Le contenu du manuel n est toutefois pas transmis aux travailleurs dans le cadre d une formation. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 3

La formation des travailleurs nouvellement en poste se fait par accompagnement avec un travailleur plus expérimenté. Elle consiste principalement à transmettre les informations sur le bon fonctionnement des machines de la ligne de production. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 4

SECTION 3 3 DESCRIPTION DE L ACTIVITÉ EFFECTUÉE 3.1 Description du lieu de travail On retrouve plusieurs lignes de production aménagées de façon parallèle (annexe B, croquis #1). Chaque ligne permet de produire des boîtes de carton ondulé ayant des particularités différentes. Le carton ondulé peut suivre différentes lignes de production dont 6 lignes de production Flexo, quatre découpeuses et une plieuse/colleuse aménagées de façon parallèle. La ligne de production, où a eu lieu l accident, est constituée des machines suivantes : 1. Un convoyeur d entrée 2. Une pré-alimenteuse 3. Une machine modèle Martin 618, qui comprend l alimenteuse, une section d impression et une plieuse/encocheuse/colleuse. 4. Une attacheuse 5. Une empileuse automatique. 3.2 Description de l activité principale de l établissement L établissement Mitchel-Lincoln se spécialise dans la fabrication de boîtes, feuilles et présentoirs de carton ondulé. 3.3 Description de l activité effectuée lors de l accident Durant la production, la fonction de «E» consiste à assurer le bon fonctionnement de la préalimenteuse et à procéder aux réglages lors des changements de formats de carton. Lorsque la position des cartons fait en sorte qu ils ne sont pas entraînés par le convoyeur, il faut alors procéder au débourrage qui consiste à retirer les cartons et à les remettre en position couchée. Lors du fonctionnement de la pré-alimenteuse, une pile de cartons s est placée en position verticale plutôt qu à plat (annexe C, photo #1). Au moment de l accident, «E» s affaire à dégager les feuilles de carton qui bloquent la distribution des cartons vers l alimenteuse. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 5

4 ACCIDENT: FAITS ET ANALYSE 4.1 Chronologie de l'accident SECTION 4 Au retour de la pause, vers 03h45, l opérateur «F» remet en marche la ligne de production. Après quelques minutes, il constate que les cartons ne défilent plus sur le convoyeur. De sa console, située au niveau de l encocheuse (annexe B, croquis #1, section 3) il regarde en direction de la pré-alimenteuse (annexe B, croquis #1, section 2) et constate qu une pile de cartons est renversée sur le côté et bloque l alimenteuse. Il voit alors «E» se diriger vers la plateforme donnant accès à pré-alimenteuse afin de procéder au débourrage. Après quelques secondes, «F» constate que l indicateur lumineux de la pré-alimenteuse clignote toujours, signe que l approvisionnement en cartons est encore arrêté. Il se dirige donc vers la pré-alimenteuse et aperçoit «E» sur la plate-forme en train de dégager l alimenteuse en tirant vers lui les cartons coincés. Le tronc de «E» est alors incliné vers l avant à environ 45 degrés, et ses deux pieds reposent sur la plate-forme. Au moment où «E» dégage les cartons, l inverseur se remet en marche et «F» voit ce dernier se redresser brusquement sur sa gauche, vers l arrière. Ce faisant, il perd l équilibre et chute du côté des marches de la plate-forme. En arrivant au sol, le côté gauche de sa tête heurte le plancher de béton. «F» appelle les secours immédiatement. 4.2 Constatations et informations recueillies Informations relatives aux méthodes de débourrage La procédure de débourrage préconisée par l employeur consiste à mettre la préalimenteuse à l arrêt en utilisant l interrupteur à clef (annexe C, photo #2) et à garder cette dernière en sa possession durant le débourrage. Une fois le débourrage complété, la clef est remise dans l interrupteur et tournée en position marche. Cette procédure permet d éviter : que la pré-alimenteuse ne se remette en marche durant l opération de débourrage. qu une autre personne ne mette la pré-alimenteuse en marche alors qu un travailleur est dans la zone de danger. Selon les témoignages recueillis, l application de cette procédure augmente de 30 à 40 secondes le temps nécessaire pour remettre la machine en marche. Cependant, une autre méthode est couramment utilisée par les travailleurs. Elle consiste à mettre la pré-alimenteuse en mode manuel en pressant le bouton prévu à cet effet sur le panneau de commande (annexe C, photo #2). Les travailleurs rencontrés témoignent en outre avoir observé des travailleurs procéder au débourrage sans avoir préalablement mis la pré-alimenteuse à l arrêt. Cette méthode accélère la reprise de la production. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 6

Informations relatives à «E» Le travailleur est à l emploi de l entreprise depuis ans et il occupe le poste d assistant-opérateur depuis le 2005. Le travailleur a eu une formation par accompagnement répartie sur deux quarts de huit heures et un quart de six heures. Le travailleur avait déjà effectué des manœuvres de débourrage. Informations relatives à la formation de «E» Le travail de l assistant-opérateur consiste à effectuer les réglages de la pré-alimenteuse, notamment en vérifiant la conformité des encoches, les mesures intérieures et extérieures de la boîte produite et les attachements spéciaux au besoin. La formation de «E» a consisté dans un premier temps à observer le fonctionnement de la pré-alimenteuse, puis, à appliquer progressivement les méthodes de travail sous la supervision de son accompagnatrice. L accompagnatrice qui a formé «E» occupe de façon régulière le poste d empileuse (ramasseuse) sur une autre machine plus petite et différente. Elle travaille cependant à l occasion comme assistante-opératrice sur la même machine que «E». La procédure de débourrage montrée à «E» diffère de celle préconisée par l employeur. Elle consiste à mettre la pré-alimenteuse en mode manuel en pressant le bouton prévu à cet effet sur le panneau de commande. Informations relatives au fonctionnement de la pré-alimenteuse La pré-alimenteuse reçoit les ballots entiers et son inverseur distribue les cartons par portions en les faisant basculer sur le convoyeur. Un interrupteur optique déclenche la mise en marche de l inverseur lorsque son faisceau n est plus obstrué par la présence de cartons. Un panneau de commande permet de contrôler le fonctionnement de la pré-alimenteuse (annexe C, photo #2). Au moment de l accident, la clé du panneau de commande utilisée pour couper le contact de l inverseur est en position marche. Informations relatives à la plate-forme d accès à la pré-alimenteuse (annexe C, photo #3) La plate-forme a été conçue et fabriquée par l entreprise Emballage Mitchel-Lincoln. La plate-forme est munie de 4 marches. La plate-forme mesure 0,50 m de large par 0,75 m de long par 1,20 mètre de haut. Autres informations Le mode de rémunération prévoit des primes au rendement et les travailleurs touchent des bonis selon la productivité de l équipe. Lors du débourrage, «E» tire une pile de cartons sur sa droite. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 7

4.3 Énoncés et analyse des causes 4.3.1 La conception inadéquate de la plate-forme expose le travailleur à une chute La conception de la plate-forme fait en sorte qu il n y a pas de protection contre les chutes sur tous les côtés. Pendant l opération de débourrage, le travailleur doit se tenir au bord des marches. En cas de perte d équilibre du côté gauche, le travailleur chute dans l escalier (annexe C, photo #3). La surface de la plate-forme n est pas suffisante pour assurer la sécurité du travailleur. Lorsque le travailleur fait face à l inverseur pour manipuler des cartons, il dispose d un espace de 0,5 m de largeur pour poser ses pieds. Afin d adopter une posture stable, le travailleur doit écarter ses pieds d une distance équivalente à la largeur de ses épaules. Selon les chartes anthropométriques Humanscales (annexe F, document #1), la largeur des épaules d un adulte moyen (1,75 m) est de 0,45 m, ce qui dans ce cas, laisse un espace de 3 cm de chaque côté des pieds sur la plate-forme. Cet espace est insuffisant pour permettre au travailleur de manœuvrer sans risque de chute. En effet, selon le témoignage de «F», le travailleur s est redressé brusquement pour éviter d être heurté par les cartons en mouvement. Le peu d espace disponible sur la plateforme a donc favorisé la perte d équilibre du travailleur qui a alors chuté du côté de l escalier. La conception inadéquate de la plate-forme a exposé le travailleur à une chute. Cette cause est retenue. 4.3.2 La procédure de cadenassage relative au débourrage est incomplète L employeur a développé une procédure de débourrage (annexe E, document #1) selon laquelle le travailleur doit arrêter la pré-alimenteuse en actionnant une clef au panneau de contrôle en position arrêt, retirer cette dernière et la garder en sa possession avant d accéder à la plate-forme pour procéder au débourrage. Ceci permet d empêcher la remise en marche de l inverseur pendant que le travailleur se trouve dans la zone de danger. Au moment où «E» procède à l opération de débourrage, la clé est sur le panneau en position DÉPART (annexe C, photo #2). Donc lorsque «E» retire les cartons, l interrupteur optique n étant plus obstrué, l inverseur se remet en fonction. La procédure préconisée par l employeur n a donc pas été suivie puisque le travailleur aurait dû avoir la clef en sa possession. Donc la procédure de débourrage préconisée par l employeur est incomplète, parce qu elle est contournable, c est-à-dire qu elle permet de procéder au débourrage sans appliquer la procédure de cadenassage. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 8

La possibilité de procéder au débourrage sans appliquer la procédure de cadenassage a contribué à l accident. Cette cause est retenue. 4.3.3 La gestion de la procédure de débourrage est déficiente au plan de la formation et de la supervision Il existe une procédure officielle préconisée par l employeur (annexe E, document #1) qui est consignée dans un manuel de procédures disponible au poste de travail de l opérateur pour chacune des lignes de production. Cependant, l employeur ne s assure pas que le contenu du manuel soit transmis aux travailleurs dans le cadre de leur formation par accompagnement. De plus, il délègue aux travailleurs la responsabilité de prendre connaissance du contenu du manuel. Lors de sa formation par accompagnement, «E» a appris une méthode de débourrage différente de celle préconisée, mais néanmoins, en usage dans l établissement (recours au bouton manuel, voir 4.2). Non seulement la procédure préconisée pour le débourrage n a pas été suivie par «E», mais on constate aussi que les travailleurs ont développé des façons de faire alternatives qui, selon les témoignages recueillis, leur permettent de sauver du temps. Cela peut vouloir dire que l on aille jusqu à procéder au débourrage alors que la pré-alimenteuse est en marche. L employeur n a donc pas exercé une supervision adéquate afin de s assurer que la procédure préconisée soit appliquée et respectée durant les opérations de débourrage. La formation et la supervision du travailleur quant à l application de la procédure de débourrage sont déficientes. Cette cause est retenue. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 9

SECTION 5 5 CONCLUSION 5.1 Causes de l'accident La conception inadéquate de la plate-forme, une procédure de débourrage incomplète ainsi qu une formation et une supervision inadéquates quant au respect de la procédure de débourrage sont en cause dans l accident. 5.2 Autres documents émis lors de l enquête Les rapports d intervention RAP0264025, RAP0259184 et RAP0256083 sont émis. Les mesures correctrices sont : Modification de la plate-forme pour protéger le travailleur contre une chute (annexe B, croquis #2). Ajout d un rideau optique qui provoque l arrêt de l inverseur de la machine si un travailleur tente d accéder à la zone dangereuse. 3737, boulevard Thimens, arrondis. St-Laurent, Montréal, 7 décembre 2005 page 10