mécanismes comme des fonds de péréquation, des subventions de service public, ou à solvabiliser la demande.



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II-5.9 : le régulateur français de l énergie émet pour la première fois un avis consultatif défavorable au projet de tarifs de gaz fixés par le Gouvernement pour les consommateurs domestiques Marie-Anne Frison-Roche, Managing Editor and Director Information principale La Commission de Régulation de l Energie (CRE), a émis un avis portant avis sur le projet d arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique de GDF Suez. Cet avis consultatif, rendu le 29 septembre 2011, estime que le tarif du gaz pour les particuliers que le Gouvernement a laissé au même montant, n est pas admissible, parce qu il ne recouvre pas les coûts de l opérateur en charge de l offre et empêche symétriquement les nouveaux entrants de faire à celui-ci concurrence. Contenu et contexte Les tarifs gaziers demeurent en France fixés par le Gouvernement (tarifs réglementés), lorsque l offre de gaz est dirigée vers des consommateurs éligibles (les particuliers et les petits professionnels), le bien étant fourni par l opérateur en charge de ce service public (GDF-SUEZ), d autres opérateurs pouvant former des offres concurrentes pour attirer ces particuliers par des prix attractifs. Ainsi, lorsque le consommateur est un particulier, il peut choisir entre le tarif réglementé ou un prix libre. Lorsque les consommateurs sont des entreprises, le marché fonctionne sur le mécanisme des prix libres. Dans le premier cas, l Etat fixe la tarification. Celle-ci concerne aussi bien les tarifs résidentiels que les tarifs hors-résidences, dès l instant que les utilisateurs sont des particuliers, différents tarifs réglementés visant ces diverses hypothèses. Mais le régulateur de l énergie fournit au Gouvernement un avis sur le projet de celui-ci avant que celui-ci n édicte le tarif par un acte administratif, avis que le pouvoir exécutif est obligé de solliciter mais qu il n est pas obligé de suivre (avis consultatif). Le Gouvernement français n a pas modifié depuis plusieurs années le tarif du gaz payé par les particuliers, chaque arrêté maintenant les précédents montants («gel des tarifs»). Ainsi, l arrêté du 27 juin 2011 avait déjà gelé les tarifs au bénéfice des consommateurs domestiques et des petits professionnels, le régulateurs ayant rendu alors rendu un avis consultatif l approuvant dans sa délibération du 23 juin 2011 en soulignant qu il conviendrait par la suite «d une façon impérieuse» d opérer un mouvement tarifaire d ensemble «pour refléter les coûts d approvisionnement de GDF- Suez». A l automne 2011, avant d adopter une nouvelle tarification pour les particuliers, le Gouvernement consulte la Commission de Régulation de l Energie sur le projet de l arrêté, lequel continue de ne pas modifier le montant des tarifs, alors que l entreprise en charge du service public de fourniture du gaz aux particuliers, GDF-SUEZ, demandait une augmentation des tarifs de 4,9%. Le régulateur, dans un avis consultatif du 29 septembre 2011, pose tout d abord que, même si les textes ne fixent pas au Gouvernement un calendrier de consultation, il convenait que celui-ci le saisissent suffisamment tôt pour que le régulateur ait le temps d instruire le dossier, de procéder à

des consultations, etc., pour former un avis pertinent et n être pas mis devant le fait accompli. Or, le Gouvernement a saisi l autorité de régulation le 27 septembre 2011, l avis devant être rendu avant le 1 ier octobre, jour à partir duquel les nouveaux tarifs deviennent applicables. Celui-ci fût rendu deux jours plus tard, le 29 septembre 2011. Il ne comporte que trois sèches pages. Par ailleurs, sur le fond, l avis consultatif est défavorable. C est la première qu un avis de ce type est défavorable. Les raisons pour lesquelles l avis est défavorable sont de nature économique et s appuient sur un raisonnement exprimé par le Conseil d Etat, dans son arrêt du 10 décembre 2007, Poweo. En effet, le régulateur estime que le tarif imposé à l entreprise dans cette activité de service public d offre de gaz à un tarif inférieur à ses coûts, est inapproprié pour deux raisons. Non seulement, cela est quasiment insupportable pour l entreprise, mais encore une telle tarification est très défavorable pour les concurrents qui, de ce fait, ne peuvent entrer effectivement en compétition sur le marché, marché sur lequel circule un bien accessible aux consommateurs pour un montant inférieur aux coûts de l opérateur dominant. L avis souligne ainsi que «le fait qu un gel prolongé des tarifs réglementés de vente de gaz n est pas compatible avec un marché du gaz ouvert à la concurrence». Le régulateur en conclut que le Gouvernement devrait augmenter les tarifs du gaz offert aux consommateurs particuliers, suivant les différents types de consommation de ceux-ci, de 8,88% à 10%. Il estime que cela découle de la jurisprudence du Conseil d Etat. Le fait qu un Commissaire de l Autorité de régulation soit lui-même membre en disponibilité de cette juridiction n est sans doute pas étranger à cette filiation déclarée. Le régulateur se réfère donc à l arrêt du Conseil d Etat du 10 décembre 2007, Poweo, qui pose que, même si c est en matière de prix que la règle, naturelle en économie, selon laquelle le montant, auquel le bien est acquis par le consommateur, doit être supérieur au coût du bien pour l offreur, cette règle doit être, de par la force du droit, pareillement appliquée en matière de tarification. C est le seul moyen pour que des nouveaux entrants s introduisent sur le marché. Comme le souligne la Commission de Régulation de l Energie, il faut que les tarifs réglementés permettent «aux fournisseurs alternatifs de pouvoirs faire des offres plus compétitives par rapport aux tarifs réglementés de vente». C est ainsi que le régulateur revient sur ce qui est le problème majeur de la régulation concernant l argent demandé en contrepartie aux consommateurs d énergie, à savoir le cumul d un système de tarifs réglementés (que doit suivre l opérateur en charge du service public) et d un système de prix libres (dans lequel se meuvent les opérateurs nouveaux entrants, dont l on souhaite la venue). Ici, la politique d une tarification inférieure aux coûts de l opérateur contraint d offrir, tarification même éventuellement justifiée par des motifs sociaux, d une part asphyxie cet opérateur (GDF-Suez, d autre part rend de fait impossible l ouverture à la concurrence par les prix. A l occasion, le régulateur donne une leçon de bonne réglementation dans un contexte concurrentiel : il souligne, par la reprise qu il fait des termes de l arrêt Poweo en ce sens, que les tarifs réglementés doivent être «prévisibles» pour que les agents du marché libre puissent anticiper et savoir s il est opportun d entrer sur le marché, parce qu il y ait, si ce n est des rentes à prendre, au moins des profits disponibles par rapport aux coûts, à récolter en attirant les contractants de l ancien

opérateur public. Ainsi, ce que l on exige souvent du régulateur, à savoir la prévisibilité de l usage de son pouvoir normatif, celui-ci le retourne tel un miroir au visage du Gouvernement. BREF COMMENTAIRE En premier lieu, c est la première fois que le régulateur français de l énergie résiste aussi nettement au Gouvernement dans ce qui est considéré comme le cœur de l économie politique de l énergie : la tarification. En effet, le «gel» de ce que paie la population pour sa consommation d énergie est une question politique, les hommes politiques pouvant perdre des élections en cas d augmentation tarifaire. Les décisions en la matière suivent donc plus souvent les calendriers d élection plutôt que la rationalité. Dans le présent avis, le régulateur, pleinement dans son office, rappelle au Gouvernement, que s il est vrai que la politique a des raisons que l économie ne connaît pas, il y a des limites. Cette limite est parfaitement formulée : on ne peut continuellement contraindre économiquement, sous prétexte que le pouvoir de tarifier devrait être politiquement souverain, l opérateur à vendre en dessous de ses coûts. D ailleurs, juridiquement, on peut se demander si le Gouvernement ne devra pas rendre des comptes aux autorités de concurrence du fait d une telle tarification. En effet, l avis de l Autorité de régulation de l Energie fait référence à la jurisprudence du Conseil d Etat ; elle aurait pu également se référer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, par sa décision du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l énergie, posa que les directives communautaires en matière d énergie sont des textes de libéralisation, dont la finalité est l ouverture à la concurrence, et que c est à cette aune qu on convient d apprécier la conformité des textes de droit internes aux normes de l Union européenne. En deuxième lieu, l avis est certes consultatif et l on pourrait en conclure qu il n est que de peu d importance qu un régulateur renâcle devant le pouvoir dont le Gouvernement dispose de fixer les tarifications. Mais les avis consultatifs sont de soft Law, dont on sait l importance en régulation. En outre, si le régulateur s est plaint d avoir été privé du temps de consulter, c est précisément parce que ces avis ont vocation à exprimer non seulement l opinion du régulateur, mais encore celui du secteur, dans une sorte de souple co-régulation. D ailleurs, l Autorité de Régulation des Télécommunications, ancêtre de l ARCEP, était à l origine doté de ce simple pouvoir d avis consultatif, notamment à propos de l attribution des fréquences, mais le seul fait de les publier, de les motiver fortement, de consulter les acteurs du secteur avant de les formuler, leur conféra une puissance de fait contraignante, que le système juridique consolida par la suite. En troisième lieu, le régulateur, s appuie sur l arrêt du Conseil d Etat du 10 décembre 2007, Poweo. Il pose que «Les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles [aux prix concurrentiels] sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts». Après avoir visé les différents coûts visés par les textes, les juges précisent que «si, dans les limites fixées par la loi du 3 janvier 2003, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, compétents pour prendre les décisions relatives à ces tarifs en vertu du deuxième alinéa du I de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, peuvent légalement tenir compte de la situation économique générale, et plus particulièrement de celle des ménages, pour moduler l'évolution du prix de vente du gaz en distribution publique, sans être tenus de répercuter

intégralement, dans les tarifs qu'ils fixent, les variations, à la hausse ou à la baisse, des coûts complets moyens de fourniture du gaz ainsi distribué, il résulte des dispositions combinées de l'article 7 de cette loi et de l'article 2 du décret du 20 novembre 1990 que ces tarifs ne peuvent être inférieurs aux coûts moyens complets de chaque opérateur.». Il aurait pu être instructif encore de se référer à un arrêt rendu le même jour par le Conseil d Etat, Syndicat professionnel des entreprises locales gazières. En effet, après avis du Conseil de la concurrence, le Conseil d Etat, reprend les attendus de principe reproduits ci-dessus, mais dans cette affaire particulière, il ajoute «qu'il n'est pas allégué que cette hausse ait été fondée, à l'époque, sur des prévisions manifestement erronées ; qu'ainsi, le niveau de hausse autorisé n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation». Cela signifie que dans le cas présent, les circonstances ayant changé, le contrôle juridictionnel du Conseil d Etat pouvant s exercer sur un arrêté fixant une tarification, pourrait aboutir non plus à un rejet comme en 2007 mais à une censure, parce que la juridiction pourrait estimer qu il y aurait une erreur de droit, notamment au regard du droit de la concurrence, tout juge national étant aussi juge direct du droit de l Union européenne. La juridiction administrative aurait aussi opérer au titre de son contrôle minimum du fait. En effet, la référence à «l erreur manifeste d appréciation» permet au juge administratif français de contrôler substantiellement les actes administratifs, ici l arrêté adoptant la tarification, si le raisonnement s avérait erroné, manifestement erroné. Une erreur économique, par exemple obliger une entreprise à vendre en-dessous de ses coûts, constitue-t-elle dans un système juridique une «erreur manifeste d appréciation»? Cela dépend du degré de pénétration de l analyse économique du droit dans le système juridique en cause. A lire d une façon générale la jurisprudence du Conseil d Etat, par exemple en matière de contrôle des concentrations à propos duquel la haute juridiction opère un contrôle dit «substantiel», on peut penser que la réponse pourrait être positive. Il est donc important en conclusion de sérier les différentes portées des affirmations contenues dans l avis. Ainsi, en premier lieu, le fait que le maintien d un tarif qui méconnait la règle, qui semble, du fait de la jurisprudence administrative (voire constitutionnelle), être de nature juridique et contraignante, à savoir un tarif qui ne couvre pas au moins les coûts de l opérateur expose l acte administratif de tarification à une sanction juridique, a une grande portée en ce que le lecteur pourrait y voir les prémisses d un contentieux. En second lieu, l art de réglementer (car il en existe un, comme il existe un art législatif ) pose que le Gouvernement ne devrait pas prendre à revers le régulateur en lui donnant 24 heures pour donner son avis, ni entraver l anticipation des agents économiques. C est être un mauvais régulateur, mais cela n est pas affaire juridique. En troisième lieu et enfin, le gel des tarifs gaziers pour les consommateurs domestiques et les petits entreprises relève de politiques sociales et l on retrouve ici le choc entre la concurrence, dont le régulateur s avère le gardien, et la régulation qui fait la balance entre la concurrence et un autre principe. Mais est-ce méconnaître cette balance que de rappeler que le souci social ne peut permettre à un Etat de conduire les entreprises à la faillite, car obliger à vendre en-dessous des coûts devrait avoir à terme cette conséquence, sauf à recourir à des

mécanismes comme des fonds de péréquation, des subventions de service public, ou à solvabiliser la demande.