POSER DES QUESTIONS POUR FAIRE PARLER LES ELEVES? Par Catherine Cugnet, conseillère pédagogique



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Transcription:

POSER DES QUESTIONS POUR FAIRE PARLER LES ELEVES? Par Catherine Cugnet, conseillère pédagogique L'enseignant est traditionnellement représenté comme celui qui régule la vie de la classe et les apprentissages des élèves grâce aux consignes et au questionnement envers la classe, parfois envers un élève en particulier, chacun étant concerné et «interrogé» à son tour... Même si les IO de 1923 introduisent l'idée que le maître peut inviter ses élèves à lui poser des questions, les seules productions orales, hors récitations, sont pendant longtemps les réponses des élèves aux questions de leur enseignant, reprenant autant que possible des formulations normées suivant les normes de l'écrit. L'oral n'est qu'un outil de transmission (et de restitution) des enseignements, souligné ensuite comme préparation essentielle au passage à l'écrit. La place de l'oral en classe : des textes officiels qui ont évolué lentement et une tradition scolaire forte. Dans le livret «la maîtrise de la langue à l école», paru en 1992, on peut lire : «les IO de 1972 ont introduit l exigence d entraînements à l expression et à la communication qui restent encore des situations pédagogiques rares» Le programme du cycle 2 de 2002 précise : «la maîtrise du langage oral se renforce dans l exercice des multiples situations de communication qui structurent la vie de la classe et celle de l école, mais aussi dans des moments visant explicitement le développement et la structuration du langage de chacun.» Les recherches sur l'apprentissage ont aussi amené les enseignants à changer leur posture face aux élèves : certains enseignants aujourd'hui se voient davantage comme des médiateurs qui mettent les élèves en relation les uns avec les autres en fixant le cadre de leurs échanges par des questions «ouvertes» qui font débat ; ils profitent des réponses contradictoires pour faire évoluer les représentations mentales et, dans le domaine du langage, faire émerger justifications et argumentations. La mise en place de situations d'apprentissage dites «situations problème» montre le souci de faire en sorte que ce soient les élèves qui se posent les questions et cherchent de vraies réponses. Mais, dans la tradition scolaire, et même à l'école maternelle, le maître se sert toujours de questions pour contrôler la compréhension, l'attention et guider le cheminement de la réflexion. Le langage «correct» à l'oral reste marqué par les normes de l écrit, comme lorsqu il est demandé à l élève de répondre en faisant une phrase, par exemple. A l école élémentaire, les élèves y sont accoutumés ; la plupart sont capables de relativiser le désappointement de ne pas être interrogés quand ils «savent»... Certains posent un regard légèrement amusé sur cette coutume qui veut que ce soit celui qui connaît la réponse qui pose la question. Les élèves les plus à l'aise s'entraînent à mobiliser leurs savoirs et leur compréhension des situations pour vite trouver la réponse attendue. Ceux-là ont compris le jeu et le «je» qu'on sollicite à l'école. Ils ont compris de quelle façon l'enseignant les prend en compte.

Certains enfants manifestent très tôt cette adaptation, pour des raisons sans doute variées ; ils ont du plaisir à se conformer aux règles de la vie de la classe et n'ont aucun mal à y prendre la parole ; le cadrage interrogatif ou impératif du maître semble même leur offrir le plaisir d'un jeu Quand un enfant ne parle pas en classe Si parler en classe, à bon escient, est signe d'une bonne adaptation, à l'école élémentaire, l'élève «trop discret» n'inquiète pas trop l enseignant : ses acquisitions étant évaluées par écrit, il est simplement invité à s'exprimer davantage... En revanche, à l'école maternelle, l'enseignant se soucie très tôt pour les élèves qui ne parlent pas. Le langage, est très différent d'un enfant à l'autre à l'entrée à l'école maternelle ; le rôle de l'école est d'assurer les progrès dans cet apprentissage premier et d aplanir le plus possible les différences. Et les linguistes sont tous d'accord : c'est en parlant qu'on apprend à parler... A la variété des situations de classe (regroupements, coins de jeux, travail en ateliers ou en groupe, travail individuel avec l'enseignant, aide de l'atsem pour des tâches matérielles...) correspondent des situations de langage variées dans lesquelles les enfants trouvent généralement à s'exercer dans des registres différents. Rares sont les élèves qui ne s'engagent absolument dans aucun échange. Mais pourquoi certains enfants très diserts en coins de jeux avec leurs camarades, (ou quand l'adulte n'est pas présent dans l'activité), se taisent-ils en regroupement? Le langage de l'enseignant d'école maternelle Parler pour tous et pour chacun... En petite section, l'enseignant a d'abord à prouver à chaque enfant qu'il est concerné, en tant qu'individu, par les interventions à l'adresse du groupe entier. Seul adulte dans la classe, le maître d'école s'appuie sur une conscience que chaque élève a peu à peu construite : l'appartenance au groupe. En tout début de scolarité, il faut avant tout faire émerger cette conscience. La «parole pour tous qui s'adresse à chacun» n'est pas la moindre des difficultés pour le petit entrant à l'école ; c'est pourtant une des clés de compréhension de la vie en classe. Les enseignants de PS le savent ou le sentent vite : il est indispensable et normal de soutenir les adresses collectives avec des relances individuelles ; indispensable aussi pour l'adulte, de veiller à estomper progressivement ce double langage....parler et écouter A l école maternelle, l'enseignant parle beaucoup : Il aide à la compréhension des évènements en les commentant en situation. Il aide à la compréhension du langage en variant ses formulations parce que la culture langagière familiale n'est pas la même pour tous. Il veille à la correction de ces formulations. En parlant ainsi; il donne des matériaux langagiers dont l'enfant peut s'emparer pour construire à son tour ce qu'il veut exprimer. En cela, il aide l'enfant à préciser son langage et le prépare à manier le langage d'évocation. Il doit aussi écouter beaucoup : il importe que l'enfant se sente écouté pour avoir confiance en la valeur de sa parole.

Le questionnement de l'adulte L objectif : l aide à l élève ou l évaluation? On peut se demander quel est l objectif du maître, quand, dans une séance-découverte collective, ou lors d'un retour sur des travaux réalisés avec consignes... il appelle les réactions des élèves par des questions. Pourquoi cette démarche? Les questions sont-elles destinées à cadrer le propos? À permettre d'inventorier tous les paramètres et de structurer la réflexion? À orienter les réponses en donnant des éléments (sur le plan sémantique)? À enrichir les réponses en donnant des éléments langagiers (lexique, syntaxe)? À organiser les prises de parole? Toutes ces motivations reposeraient sur le souhait de solliciter fortement les élèves, de les aider et les guider... A ces justifications pourrait encore s'ajouter le souci de savoir «où ils en sont», d'évaluer en quelque sorte ; peut-on vraiment entraîner et évaluer en même temps? L'évaluation nécessite des outils et des moments repérés pour les utiliser ; au quotidien, l'enfant doit pouvoir exercer son langage sans se sentir évalué ; et l'on peut se demander si tous les jeunes enfants sont poussés à s exprimer quand l'activité est menée de cette façon. De vraies questions? Le langage de l'enseignant ne ressemble pas toujours à celui de la famille, ; en particulier les questions adressées à l'enfant diffèrent dans la forme et par le type d'échange qu'elles embrayent : «t'as trouvé tes chaussons?» ou «qu'est-ce que tu préfères, de la crème ou un gâteau?» demande une maman... Pour l'enfant, répondre à ce type de question permet de s'affirmer en donnant son avis, de donner ou concéder une information que l'autre n'a pas. Les questions de l'enseignant ne sont pas toujours de cet ordre et notamment dans les séances dites «de langage» : l'enseignant voudrait susciter des réponses qu il connaît déjà et «simplement» favoriser l'entraînement du langage... Mais pour l'enfant inquiet ou encore peu en confiance, la question posée, destinée à faire dire quelque chose, renforce son inquiétude : il ne soupçonne pas où le maître veut en venir, il sent que ce qu'il pourrait dire ne s'ajuste pas à la question, il ne la comprend pas, il n'est pas sûr d'avoir la réponse... Sa possibilité de réagir est brouillée. Il se tait. Le plus grave serait qu'il prenne l'habitude de se taire. Lorsque l enseignant déplore le silence persistant d un élève, sa responsabilité lui impose de chercher comment briser ce silence. Faire parler autrement des situations incitatives Il s'agit d une part, dans ces moments spécifiques de langage, de provoquer la parole en mettant l'enfant dans une situation incitative : une situation amusante, intrigante, ou qui fait écho à un vécu commun à la classe pour que les élèves aient à dire en restant dans le propos. Quand l'enfant est en confiance, l'amusement, l'étonnement font jaillir la parole sans qu'il soit besoin de questionner pour l'amorcer. Aucune question

ne va enclencher la réaction aussi bien que le plaisir (puis l'intérêt) de participer à la situation elle-même. L'enseignant se donne alors plus de chances d'entendre des commentaires et des réactions fuser. Peut-être aura t-il pu prévoir ces commentaires ; peut-être pas. Quelle importance puisqu il cherche avant tout à faire parler le plus grand nombre d élèves et obtenir un échange globalement sensé et centré sur le propos du jour! Avec un peu d habitude néanmoins, l enseignant saura choisir la situation en fonction de ce qu il veut faire travailler aux élèves : un lexique spécifique, des structures syntaxiques, des évocations d expérience Un exemple L'amusement naît souvent d'un décalage, comme en témoignent souvent les sketches des humoristes et les clowns... La classe s'attend-elle à recevoir un colis, un objet nécessaire dont on a déjà parlé? Si l'objet en question est beaucoup plus gros ou beaucoup plus petit que ce qui est attendu, ou parvient en de multiples exemplaires, les enfants feront remarquer leur surprise ; puis il faudra juger de l'adaptation de l'objet au besoin, s'organiser pour en chercher d'autres, leur trouver une place... Si l'objet est emballé de façon méconnaissable, les enfants s'égareront en hypothèses diverses... On est bien là dans le jeu, mais un jeu dans lequel on apprend à se faire comprendre, à parler l'un après l'autre, à rester dans le propos ; bien choisie la situation amène aussi à faire des liens entre les évènements de la classe et pouvoir les remémorer... Le rôle de l'enseignant ne s arrête pas au choix de la situation Le choix de la situation ne suffit pas à long terme à pousser les plus silencieux à prendre la parole de façon à s entraîner véritablement. Quand l'objectif de l'activité est la production langagière, l attitude de l enseignant lors de la mise en œuvre a une importance réelle. Les premiers commentaires spontanés seront repris par l'adulte : renvoyés au groupe, nuancés, enrichis ou précisés ; il se fait l'écho des élèves et le garant du propos du groupe. C est par nécessité l enseignant qui le structure pour plus de cohérence. C'est l'enseignant qui lance les échanges (par la situation mise en place...) et lui qui les conclut. Si l'on pense que le dialogue maître-élève ne fonctionne qu'avec les enfants à l'aise, pour que les plus timorés s'enhardissent il importe de changer de posture : participer à l'échange en accueillant ce qui est dit ; éviter les questions de nature à faire émerger une réponse prévue d'avance. Les enfants sont conduits à réagir verbalement, formuler des propositions ; ils gagnent en assurance. Lorsque l enseignant réussit à susciter les interventions sans qu'elles lui soient adressées exclusivement, il amène les élèves à compléter les propos des autres ou exprimer leur désaccord : ils prennent conscience de leur place dans le groupe et s'entraînent à de vrais échanges. Ceci vaut pour les élèves de petite section et bien après dans certaines occasions : l'enseignant qui se pose toujours comme celui qui sait et attend la réponse n'obtient pas la même nature d'échanges que si il s'efface momentanément. Pour autant, faire croire qu'il est dans la même situation que les enfants serait complètement fallacieux et ne les tromperait pas longtemps. A chacun son rôle : l'enseignant cherche et tire parti des signes de participation, d'intérêt et de progrès, il observe les tâtonnements progressifs des enfants pour se faire comprendre et coopérer... et fait en sorte que tout cela

Utiliser toutes les possibilités de l oral Choisir la forme des relances L enseignant aussi peut progresser! se produise le rôle de meneur de jeu est donc subtil. Pendant ces moments où la priorité est la production de langage par les enfants, l'enseignant utilise toutes les possibilités de l'oral ; expression du visage et regard participent à l'authenticité des échanges. Les intonations donnent du sens à des propos volontairement ténus : reprise des derniers mots de l'enfant, ou prise en compte d'un avis exprimé comme «tu penses cela, toi...» sur un ton suspensif appellent des compléments au discours. Les élèves sont amenés à préciser leur pensée sans pour autant être mis en faute. Les enfants peu à l aise font bien la différence entre ce genre de procédé et les relances comme «qui peut compléter?» ou «qui peut dire cela autrement?». Même dites d un ton bienveillant, ces petites phrases couramment prononcées en classe sont davantage perçues comme des signes d insatisfaction de l adulte que comme la recherche d apports à la construction d une pensée collective. Cette posture demande une certaine vigilance et une pratique régulière. Il peut être utile pour l enseignant d enregistrer des séances de langage ; l enregistrement constitue un outil de travail précieux pour analyser l impact de ses propres interventions dans l évolution des échanges. Cette analyse ne se fait pas toujours sans déplaisir : objectivité et humilité permettent des prises de conscience utiles aux progrès Les bénéfices constatés encouragent vite et confortent dans la conviction de suivre une voie utile aux élèves..