Faisabilité hydraulique du zonage pluvial à Paris



Documents pareils
LA GESTION DES EVENEMENTS PLUVIEUX

LA VILLE ET SON ASSAINISSEMENT. L essentiel

Etude de diagnostic hydrogéologique du sous sol de Clamart Quartiers Schneider et Centre ville MAI 2013

L eau dans les documents d urbanisme. L approche des solutions environnementales de l urbanisme CAUE mai 2011

Commune de la Tène Viabilisation de la zone du casino

Glossaire : définitions des termes utilisés dans les fiches sur les indicateurs de performance

Note sur les enjeux dans le domaine de l eau

Schéma général d assainissement du Grand Lyon

Systèmes de stockage simples à installer et économiques

LOGICIEL DE MODÉLISATION INTEGRÉE 1D/2D POUR LA GESTION DES EAUX PLUVIALES ET DES EAUX USÉES. drainage. Micro Drainage

GESTION ET ASSAINISSEMENT DES EAUX PLUVIALES Q-BIC PLUS CONNECT TO BETTER Q-BIC PLUS 1. #LesRèglesOntChangé CONNECT TO BETTER CONNECT TO BETTER

PROFIL DE VULNERABILITE DES EAUX DE BAIGNADE Plage Boulevard de la Plage à VER-sur-MER RAPPORT DE SYNTHESE

DIAGNOSTIC DU RESEAU D ALIMENTATION EN EAU POTABLE SCHEMA DIRECTEUR

Comment valoriser sa toiture plate en milieu urbain

Sommaire INTRODUCTION / Le contexte général de la commune / L état des réseaux / Le diagnostic des ouvrages d épuration...

Présentation du cas de la Région de Bruxelles-Capitale (RBC)

ASPECTS JURIDIQUES DE L ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF

ALERTE ET GESTION DES CRUES ÉCLAIRS SUR LES PETITS BASSINS VERSANTS URBAINS

APPROCHES SIMPLIFIÉES POUR L ÉVALUATION DES PARAMÈTRES DE CONCEPTION POUR LES BASSINS DE FAIBLES DIMENSIONS. Gilles Rivard, ing. M. Sc.

COMMUNE DE CALVISSON

Commune d Aillevillers et Lyaumont CC du Val de Semouse

Innovations Majeures de la Version 4

Quelles pistes pour rendre vos réseaux plus intelligents?

Sommaire 3.4. CRUE SUR UN PETIT BASSIN VERSANT INTUMESCENCE - DYSFONCTIONNEMENT D OUVRAGES HYDRAULIQUES...22

Avis bureau Création d une zone commerciale Sainte Anne sur Brivet

CHAPITRE VII REGLEMENT DE LA ZONE UF*

MERLIN GESTION PATRIMONIALE. Groupe GESTION PATRIMONIALE. Définition d un programme de renouvellement

Les technologies IT au service de la. Application àl ORBE. Présentation: Dr Philippe Heller

Les techniques alternatives dans la gestion des eaux pluviales. Jean Yves VIAU Directeur Opérationnel

TAXES & PARTICIPATIONS : quelques outils à la disposition des communes

Cahier des Clauses techniquesparticulières

Règlement du Service Public Communal de l Assainissement Commune de Vitry sur Seine 1

Règlement numéro LA GESTION DES EAUX DE SURFACE ET LES RACCORDEMENTS AUX SERVICES D AQUEDUC ET D ÉGOUT. Avril 2011

Des îlots de verdure. sur les TOITURES

Evaluation de l aléa débordement sur un territoire : valorisez vos données! Recurrent urban flooding hazard assessment based on operating databases

p. 4-5 p. 6-7 p. 8-9 p

Le 10 ème programme ( ) de l Agence de l eau Seine-Normandie

REGLEMENT D ASSAINISSEMENT PLUVIAL

LES ORIENTATIONS DU 10 ème PROGRAMME D INTERVENTION DE L AGENCE DE L EAU RMC

COMPTE-RENDU DETAILLE BUREAU DE LA COMMISSION LOCALE DE L'EAU SAGE MARNE CONFLUENCE 5 AVRIL 2013 A SAINT-MAUR-DES-FOSSES

par temps de pluie L assainissement AFRIQUE/MOYEN-ORIENT/INDE 52, rue d Anjou Paris Cedex 08

Le bac à graisses PRETRAITEMENT. Schéma de principe. Volume du bac à graisses. Pose

SOMMAIRE. I Objet de la consultation - Dispositions générales I.1 Présentation du contexte...2 I.2 Le bassin versant de la Bièvre...

10 ème PROGRAMME ( )

Lutte contre l étalement urbain

Intervenant : Séverin Poutrel, BURGEAP

ÉTUDE DE L EFFICACITÉ DE GÉOGRILLES POUR PRÉVENIR L EFFONDREMENT LOCAL D UNE CHAUSSÉE

Plan Local d Urbanisme - AEU

Laboratoire Hydrologie et Aménagement (HYDRAM) Rapport de Master

LES EAUX USÉES. L évacuation des eaux usées. Les eaux vannes (EV) : eaux provenant des cuvettes de WC.

Congrès INFRA Montréal Plan d adaptation aux changements climatiques municipal

REUSSIR VOTRE ACHAT IMMOBILIER. Les frais annexes

Version définitive approuvée après enquête publique

EXTRAIT DU REGISTRE DES ARRETES DU PRESIDENT DE LA COMMUNAUTE URBAINE DE LYON

Flood risk assessment in the Hydrographic Ebro Basin. Spain

La gestion des écoulements dans les Wateringues du Nord - Pas de Calais Incidence prévisible des changements climatiques

TITRE 3 - DISPOSITIONS APPLICABLES A LA ZONE A URBANISER (zone AU )

Data loggers SOFREL LT/LT-US Solutions réseaux d eaux usées

PARTICIPATION POUR VOIE ET RESEAUX

LES ORIENTATIONS DU 10 ème PROGRAMME D INTERVENTION DE L AGENCE DE L EAU RMC Volet eau potable

Avis de l IRSN sur la tenue en service des cuves des réacteurs de 900 MWe, aspect neutronique et thermohydraulique

Commune de VILLARD-SUR-DORON

Réglementation et dimensionnement des séparateurs à hydrocarbures

Commune de Saint-Etienne-de-Crossey (Isère) CAHIER DES PRESCRIPTIONS SPECIALES

Guide d entretien. de votre assainissement non collectif

Le Plan Départemental de l Eau

Modélisation intégrée des écoulements pour la gestion en temps réel d'un bassin versant anthropisé

RÈGLEM ENT DU S.P.A.N.C. SERVICE PUBLIC D ASSAINISSEM ENT NON COLLECTIF COMMUNAUTÉ DE COMMUNES JURA SUD

Modélisation géostatistique des débits le long des cours d eau.

Format de l avis d efficience

Mise en œuvre de les capteurs dans la gestion de l eau

Rapport du Conseil communal au Conseil général concernant une demande de crédit pour l assainissement de la station de pompage des eaux usées du Port

Bulletin d information statistique

1 11IIII INTRODUCTION DISTRIBUTION DE LA POLLUTION REJETÉE H 11IIII PRÉSENTATION DE QASTOR. par Agnès Saget*, Ghassan Chebbo. 3.

service des réseaux D assainissement : mettre en place une stratégie efficace Quels sont les enjeux d une bonne gestion PAtrimoniALe des réseaux

Vers un renforcement de la gouvernance :

Plan de Prévention des Risques Naturels sur les Bas-Champs du Sud de la Baie de Somme Rencontre Nationale IFFORME Dimanche 23 octobre 2011

RÉSUMÉ DES PRINCIPALES RÈGLES CONCERNANT LE RACCORDEMENT D UNE RÉSIDENCE AU NOUVEAU RÉSEAU D AQUEDUC ET D ÉGOUT DU VILLAGE

Le contexte global. La ressource. I.1 Particularités de la ressource en eau. Superficie : Km 2

La méthanisation des matières organiques

En collaboration avec LA GESTION DES RISQUES AU SEIN DU SECTEUR PUBLIC LOCAL EN 2013

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes 1

INTRODUCTION... 2 CALENDRIER... 3 TRAVAUX DE L ANNEE BUDGET REALISE ANNEXES... 10

CONCEPTION PARTICIPATIVE D UN PROJET COLLECTIF D IRRIGATION LOCALISÉE DANS LE PÉRIMÈTRE DE PMH FOUM EL ANCER (BÉNI MELLAL)

document de travail Phase 2 : groupe de travail Eau et biodiversité

PREFECTURE DE HAUTE-SAVOIE

RAPPORT D OBSERVATIONS DEFINITIVES SUR LES COMPTES ET LA GESTION DE LA COMMUNE DE TARBES

PROPOSITION TECHNIQUE ET FINANCIERE

ÉTUDES SUR L EAU N 86 MODALITÉS TECHNIQUES DU CONTRÔLE DES INSTALLATIONS D ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF DES HABITATIONS INDIVIDUELLES

POURQUOI ET COMMENT ARRIMER LES PDE ET LES SAD? LE CAS CONCRET DE LA MRC DE LA CÔTE-DE-BEAUPRÉ ET DE L OBV CHARLEVOIX-MONTMORENCY.

SOMMAIRE 1. CONSIDERATIONS GENERALES... 3

GUIDE PRATIQUE. Branchement. d eau potable

Tests de sensibilité des projections aux hypothèses démographiques et économiques : variantes de chômage et de solde migratoire

Journée technique ARRA Gestion quantitative de la ressource en eau

AVIS. Objet : Demande de permis de lotir à Franc- Waret (FERNELMONT) Réf. : CWEDD/05/AV.276. Liège, le 14 mars 2005

Les Services d'assainissement Collectif (AC)

Règlement du Service Public d assainissement non collectif (SPANC)

Prévenir les dégâts d eau au sous-sol

1.2. REALISATION DES OPERATIONS DE PRELEVEMENTS ET D ANALYSES

Transcription:

Faisabilité hydraulique du zonage pluvial à Paris Hydraulic feasibility of runoff zoning in Paris Mouy N.*, Duguet P.*, Laurent C.** * Ville de Paris Service Technique de l Eau et de l Assainissement 27 rue du Commandeur 75014 PARIS nicolas.mouy@paris.fr / patrick.duguet@paris.fr ** SAFEGE Ingénieurs-Conseils Parc de l île 15/27 rue du Port 92022 NANTERRE Cedex christelle.laurent@safege.fr RESUME Les dispositions réglementaires prises dans le cadre d un zonage pluvial permettent de limiter les effets dus à un accroissement de l imperméabilisation. Les techniques alternatives alors mises en œuvre pourraient également permettre dans un tissu urbain existant, de réduire les apports pluviaux et donc de limiter les débordements ou les déversements vers le milieu naturel. La modélisation hydraulique permet de mettre en évidence à Paris certains effets pervers d une application indifférenciée des techniques alternatives. Ainsi si le stockage des eaux et leur restitution à un débit limité permet de résoudre des insuffisances locales, son influence sur l ensemble du système d assainissement est limitée. L identification de zones d application pertinentes résulte d une analyse multicritère, dans laquelle la modélisation a une place essentielle. ABSTRACT Regulatory instruments allow to compensate for the increase in the rate of urban runoff by the provision of water management. In highly urbanised catchments, at-source techniques should as well reduce storm water, and thus, limit overflows or discharges towards the river. However, computer modelling highlights that a uniform application in Paris of atsource techniques produces adverse effects. Therefore if the storage of water and its controlled discharge solves local insufficiencies, it has a limited impact at the scale of the city sewage system. An efficient runoff zoning is the result of a multi-criteria analysis, in which computer modelling is a crucial tool. MOTS CLES Zonage pluvial, urbanisme, techniques alternatives, Paris, modélisation NOVATECH 2007 391

1 LE ZONAGE PLUVIAL DANS LE CONTEXTE PARISIEN 1.1 La gestion des eaux pluviales L assainissement traditionnel repose sur le concept du tout à l égout. Les eaux pluviales sont collectées le plus rapidement possible pour ne pas inonder la voie publique, et transportées jusqu à la station d épuration en évitant, autant que possible, les déversements au milieu naturel en cours de route. L assainissement alternatif va à l encontre de ce principe. On désigne en effet par ce terme, l ensemble des techniques permettant de réduire ou de supprimer les volumes d eaux de ruissellement collectés par le réseau en période de pluie. La mise en œuvre de ces techniques peut répondre à différents objectifs tels que : l atténuation des effets de pointe pour ne pas surcharger le réseau, la réduction des volumes d eau envoyés vers les stations d épuration, dont la capacité est souvent limitée à 2 ou 3 fois le débit de temps sec si l on ne veut pas dégrader les performances du traitement, la recherche d économies d eau en recyclant l eau pluviale récupérée. La mise en œuvre réglementaire de cette mesure se traduit le plus souvent par la prescription d un débit de fuite maximum vers le réseau (en général entre 2 et 15 l/s/ha jusqu à une pluie décennale). Cependant les constructeurs répondent généralement à cette contrainte par la seule réalisation d ouvrages de stockage/restitution (CG93, 2003), l infiltration ou l évapotranspiration ne présentant que peu d impact vis-à-vis d épisodes pluvieux exceptionnels. 1.2 La situation parisienne Le réseau parisien est largement dimensionné et performant ; il protège efficacement la ville des inondations, même en période de forte pluie. Pendant des années, cette protection a eu comme contrepartie des déversements importants d eaux unitaires en Seine, et parfois des mortalités piscicoles. Les aménagements réalisés dans le programme de modernisation de l assainissement lancé en 1990 ont permis de réduire sensiblement ces déversements. Paris doit toutefois s interroger sur la politique à mener en matière de maîtrise de ruissellement pluvial, pour plusieurs raisons. Une partie des eaux acheminées vers les émissaires du Syndicat Interdépartemental de l Assainissement de l Agglomération Parisienne (S.I.A.A.P.) en temps de pluie est déversée en Seine avant d atteindre la station d épuration ; les filières de traitement de temps de pluie sont par ailleurs saturées. Le SDRIF et le SDAGE, tous deux en cours de révision, prescriront sans doute des mesures de limitation du ruissellement pluvial sur l ensemble de l agglomération. Les techniques alternatives pourraient être un élément important de cette politique. Une première étape a été accomplie à l occasion de la révision du Plan Local d Urbanisme (P.L.U.) en juin 2006. Une prescription permettant de limiter les rejets pluviaux des parcelles bâties a été introduite à l article 4, relatif aux raccordements des constructions aux réseaux divers. Une telle limitation pourra donc être imposée aux opérations de construction neuve ou de réhabilitation, lors de l examen des permis de construire, en fonction de la capacité du réseau et de ses contraintes particulières d exploitation. En outre, l article 13 du P.L.U. impose une surface minimum d aménagement en pleine terre aux espaces intérieurs des constructions. Cette prescription va également dans le sens de la limitation du ruissellement, même si son objectif premier est le «verdissement» des îlots. 392 NOVATECH 2007

L étape suivante doit déterminer les prescriptions chiffrées, sous forme de débits maximum pouvant être rejetés au réseau, qui seront localement applicables en fonction de la capacité d évacuation du réseau et des objectifs que l on se fixera. Paris est une ville très largement urbanisée où l évolution du bâti est lente, à l exception de quelques secteurs d intervention urbaine (ZAC et GPRU). Par ailleurs, toutes les techniques alternatives ne peuvent pas être mises en œuvre sur le territoire parisien : l infiltration des eaux n est pas recommandée dans les arrondissements du nord en raison de la mauvaise qualité du sous sol (mauvais remblais, zones de gypse). Une étude hydraulique a donc été réalisée pour déterminer l opportunité et l impact de telles mesures, cet impact pouvant se manifester par une moindre saturation de certains collecteurs (diminution du risque d inondation), une réduction des déversements en Seine ou une réduction des volumes transportés vers les ouvrages du S.I.A.A.P. Compte tenu des spécificités parisiennes, il convient de répondre aux questions suivantes : sur quelles parties de Paris faut-il particulièrement faire porter les mesures de limitation des rejets pluviaux? faut-il privilégier la gestion des fortes et donc rares pluies, ou des pluies plus faibles mais fréquentes? quel sera l impact de ces mesures à différentes échéances (20 ans, 30 ans ) compte tenu du rythme d évolution du bâti, étant donné la taille des bassins versants parisiens et le temps de transit des eaux jusqu aux installations du S.I.A.A.P., un simple rejet différé des apports pluviaux a-t-il un impact sensible et suffisant sur les arrivées d eau aux exutoires et aux stations (usine de Clichy notamment)? 2 OBJECTIFS ET OUTILS La démarche adoptée pour le réseau parisien consiste à utiliser le logiciel MIKE URBAN qui reprend le module de calcul hydrologique et hydraulique MOUSE en l intégrant sous un environnement SIG (Système d Information Géographique). La modélisation du réseau principal parisien a été au préalable réactualisée pour définir avec précision les données nécessaires pour le calcul du ruissellement, des débordements et des déversements. Vue en plan des bassins versants dans MIKE URBAN passage des BV de calcul (MOUSE) aux BV cartographiques (SIG) NOVATECH 2007 393

L outil MIKE URBAN permet de réaliser à partir des résultats des simulations toutes sortes de cartes thématiques liées aux bassins versants et au réseau. 2.1 Méthodologie Une phase préliminaire de diagnostic de fonctionnement par temps de pluie s est déroulée en deux étapes complémentaires ; une analyse hydrologique des bassins versants élémentaires et des débits générés par différentes pluies de projet aboutissant à une cartographie hiérarchisant les bassins versants élémentaires à partir des coefficients d imperméabilisation et les débits spécifiques de rejet à l égout, un diagnostic hydraulique validant les quelques secteurs à risques de débordement sur chaussée pour les pluies intenses, mais aussi précisant les déversements et les hydrogrammes en sortie de Paris sur lesquels les prescriptions à déterminer doivent agir. Répartition des débits spécifiques en fonction des surfaces cumulées des bassins versants élémentaires L objectif de la suite de la démarche est d examiner deux types de prescription envisageables sur les parcelles aménageables parisiennes ; le stockage-restitution, avec une limitation du débit de fuite en l/s/ha à optimiser. Dans cette mesure, tout le volume ruisselé sur le bassin versant est renvoyé en différé dans le réseau, l abattement d une partie des eaux pluviales par infiltration. Des pertes initiales supplémentaires au ruissellement interceptent le début de la pluie, une partie du volume n est donc pas restituée au réseau. Ces deux prescriptions ont été testées avec un double objectif ; la réduction significative des déversements unitaires en Seine pour la pluie de durée de retour 6 mois de 16 mm, référence pluviométrique du schéma directeur d assainissement de la zone centrale de la région Ile de France, la suppression des risques de débordement sur chaussée pour les six points du réseau vulnérables pour la pluie décennale généralisée. Les surfaces parcellaires auxquelles seront appliquées les prescriptions retenues doivent être pertinemment définies à ce niveau de la réflexion. Ce choix est 394 NOVATECH 2007

directement lié aux orientations envisageables de la politique de généralisation des techniques alternatives à Paris. Il est donc apparu nécessaire d adopter une réflexion ouverte et progressive. Les deux variantes de prescriptions sont donc appliquées successivement pour les deux pluies de projet et sur les différentes surfaces des bassins versants élémentaires correspondantes à 4 scénarios d études ; l ensemble des surfaces imperméabilisées des bassins versants, comprenant aussi bien les parcelles privées sujettes à permis de construire que les parcelles publiques dont la voirie. Cette application généralisée est purement utopique mais a pour avantage de limiter les calculs aux seules hypothèses viables, les secteurs de Paris susceptibles de faire l objet d aménagement d urbanisme d envergure de type ZAC ou autre GPRU à condition que ces aménagements permettent de modifier la nature de la surface imperméabilisée. Les zones concernées ont été définies à partir des données fournies par les services d urbanisme, qui estiment disposer d une vision à 20 ans des transformations possibles de la ville. Les surfaces correspondantes à ce scénario représentent 2,5% de la surface imperméabilisée parisienne véritablement exploitable, les mêmes surfaces aménageables auxquels on associe le renouvellement urbain des parcelles privées pour des échéances de 20 ans et de 50 ans. Ces surfaces sont alors respectivement de 4,6% et 7,5% de la surface imperméabilisées totale, les surfaces de secteurs des ZAC associées aux grands équipements municipaux tels que les installations sportives et éducatives, qui représentent 6,8% de la surface totale imperméabilisée. Pour chacun des cas de figure, les simulations définissent les impacts sur le fonctionnement du réseau par temps de pluie et clarifient l opportunité de mettre en application ses prescriptions. 2.2 Détermination de secteurs critiques Il a fallu également définir les secteurs de Paris sur lesquels il est a priori plus opportun de faire porter les prescriptions parce que davantage sensibles aux eaux pluviales. Plusieurs méthodologies ont été envisagées pour identifier les bassins versants, ou groupes de bassins versants, ayant un impact significatif sur les insuffisances capacitaires du réseau et/ou les déversements en Seine. Quatre méthodes ont dans un premier temps été retenues ; le report systématique sur les bassins versants des taux de remplissage et des débordements calculés au niveau des tronçons, la délimitation du bassin versant global à l amont de chaque point de débordement, l analyse du décalage temporel entre les hydrogrammes de ruissellement et les pointes des courbes de hauteur/débit dans la conduite à l aval immédiat du point d injection pour chacun des bassins versants, la suppression successive du ruissellement pluvial sur des portions du territoire, qui permet à chaque fois en comparant par rapport à une situation de référence, d évaluer leur impact sur les déversements. Seules les trois dernières ont contribué à dresser une cartographie de trois groupes de bassins versants : en amont des zones de débordements où une prescription forte est envisageable pour réduire les inondations sur chaussée, concomitants avec la pointe de débit du réseau pour la pluie 6 mois, où un ralentissement des écoulements serait donc favorable, NOVATECH 2007 395

générant le plus de déversement à l hectare. Certaines zones ont ainsi été identifiées comme contribuant fortement à la saturation du réseau. Bassins versants concomitants (0 à 15 mn) avec la pointe de débit du réseau 3 L IMPACT DE SCENARIOS DE LIMITATION DES REJETS PLUVIAUX Tout d abord, il est à noter que les seuls apports de banlieue pour la pluie 6 mois transitant dans Paris sont responsables d un rejet minimal de 5 000 m 3. Une mesure limitée au territoire de Paris ne pourra donc pas permettre de supprimer totalement les déversements. D autre part l essentiel des déversements se font à l usine de Clichy, au Nord-Ouest de Paris, au point de confluence des principaux émissaires parisiens. 3.1 Le stockage-restitution : insuffisances et effets pervers à Paris Une limitation uniforme du débit spécifique rejeté par l ensemble des surfaces imperméabilisées parisiennes n apporte aucun gain sur les volumes déversés pour la pluie 6 mois jusqu à la valeur de 2 l/s/ha qui est la plus contraignante employée aujourd hui. Il faut appliquer un débit de fuite de 1 l/s/ha pour obtenir un gain significatif de 17% sur les déversements en Seine, concentré sur les déversements à Paris intra-muros. Par conséquent, les autres scénarios avec des surfaces d application beaucoup plus faibles (entre 2,5% et 7,5% du territoire) aboutissent à une absence de gain. L application d une mesure de stockage restitution limitée à 2 l/s/ha sur 9% du territoire, mais concentrée dans les bassins-versants déterminés comme concourrant à la formation des débits de pointe, permet une réduction proportionnelle des déversements intra-muros, mais entraîne une aggravation équivalente en volume des déversements à Clichy. Le stockage à la parcelle réduit le débit de pointe renvoyé au réseau et en conséquence rallonge la période de restitution (cf illustration). Dans le cas d un réseau où les lignes d eau de temps sec restent relativement proches des seuils de 396 NOVATECH 2007

déversement des ouvrages de surverse, cela peut amener à amplifier les phénomènes de rejet au milieu naturel par des déversements certes moins intenses mais plus long. Ce cas de figure sera aggravé en cas de concomitance du débit ruisselé retardé avec une pointe de l hydrogramme de débit de temps sec. Comparaison du débit déversé par le DO Wilson avec et sans limitation de rejet Pour le risque spécifique de débordement sur chaussée, la limitation de rejet permet d obtenir des résultats probants pour les différents scénarios en pluie décennale ; avec une application à 10 l/s/ha sur l ensemble des ZAC et des surfaces des équipements municipaux, quatre des six secteurs à risques disparaissent. Les inondations sur les deux autres perdurent mais sont davantage influencées par la topographie du réseau que par les apports de temps de pluie. En appliquant cette prescription uniquement dans les bassins versants globaux en amont des points d inondations concernés, seuls deux des secteurs à risques disparaissent. Ce résultat met en avant l influence prépondérante de conditions limites défavorables en aval des secteurs à risques sur les lignes d eau maximales. 3.2 L infiltration à la parcelle L abattement à la parcelle par infiltration de la première tranche de la pluie donne des résultats concluants pour la pluie 6 mois lorsque la mesure s applique sur l ensemble du territoire parisien. Ainsi l infiltration du premier tiers de la pluie, conduit à une réduction de près de la moitié des déversements intramuros. Néanmoins appliquée sur des surfaces limitées (de 2,5 à 7,5 % du territoire suivant les scénarios), le modèle ne met en évidence aucun gain réel sur les déversements. En concentrant et limitant cette mesure uniquement dans les bassins critiques générant le plus de déversement, les bénéfices sont supérieurs. Ainsi en simulant une mesure d infiltration de la pluie sur 6% du territoire, mais localisée judicieusement, les déversements diminuent au total de 6%, et de 14% intra-muros. En pluie décennale, l infiltration limitée à une fraction de la lame d eau ne modifie que marginalement l apparition des débordements, liés au phénomène de pointe. 4 CONCLUSIONS 4.1 Outils d analyse L étude a permis de mettre au point des méthodes opérationnelles de sectorisation des bassins versants par rapport au fonctionnement du réseau. L utilisation directe NOVATECH 2007 397

des résultats du modèle, désormais classique (Vuathier, 2004) a permis de déterminer les zones contribuant aux points de débordement, mais également de préciser celles dont les pointes de ruissellement coïncident avec les pointes dans le réseau. De façon plus innovante, la suppression itérative de secteurs homogènes sur le plan hydraulique a révélé, dans le cadre d une pluie généralisée, qu un mètre cube d eau de pluie supplémentaire sur certaines zones géographiques induisait jusqu à deux mètres cubes d eau déversés. 4.2 Conclusions Les simulations mettent en évidence que l impact d une mesure réglementaire peut être annihilée par une application généralisée imprécise. Elles apportent donc des éléments essentiels dans le processus de décision qui peut conduire à un zonage pluvial. Elles soulignent que l existence d un système d assainissement complexe modifie l impact de mesures apparemment simples et considérées habituellement comme forcément bénéfiques. Ainsi un stockage restitution automatique, c'est-à-dire totalement décentralisé sans coordination, associé à un vaste réseau d assainissement peut ne pas donner de bons résultats au niveau global. Il convient d être prudent lors de la définition des zones susceptibles d être responsable d une saturation du réseau, les conditions aval pouvant non seulement jouer un rôle majeur, mais la mesure envisagée peut également entraîner un allongement des écoulements et donc des déversements. L infiltration pourrait sembler à ce titre une solution sans effet pervers, car elle a toujours pour effet de supprimer un apport d eau au réseau. Son impact sera cependant extrêmement variable selon son point d application dans le système. Il reste extrêmement difficile de prédire quelle fraction de la pluie, sur quelle portion du territoire est déversée ou participe à la saturation du réseau, et donc de définir la meilleure localisation possible d une telle mesure. Il est donc essentiel en zone urbaine, déjà équipée par un système d assainissement, de manier avec précaution les contraintes réglementaires, sous peine d imposer aux constructeurs des investissements dont les bénéfices risquent de ne jamais pouvoir être constatés. Le problème est évidemment totalement distinct dans une nouvelle zone d urbanisation, où des économies sur le dimensionnement des réseaux de collecte peuvent alors être réalisées (Piel, 1998). Les simulations ont par ailleurs montré dans un certain nombre de cas, que la limitation du débit de fuite d une petite fraction d une zone à proximité d un point de saturation du réseau permet d améliorer localement la situation. La combinaison de ces éléments, avec les contraintes géologiques et le potentiel de renouvellement urbain doit permettre de faire émerger une politique raisonnée de gestion des eaux pluviales. BIBLIOGRAPHIE Lawrence A.I., McAlister A.B. (2004), Strategic based selection of urban water management measures, NOVATECH Piel C., Perez I., Maytraud T. (1998), Trois exemples d espaces inondables : une application du développement durable, NOVATECH Conseil général de Seine-saint-Denis et CAUE 93 (2003), Apprivoiser l eau pluviale, une démarche de projet urbain pour une ville durable, Vuathier J., Friess L., Gatignol B., Soulier M. (2004), Limitation des rejets d eau pluviale à la parcelle en milieu urbain, NOVATECH 398 NOVATECH 2007