La guérison pour tous - Tanya Barnett w w w.projectjessica.ca
Elle est à 6 semaines de sa graduation, à 3 semaines de son bal de finissants. Cette jeune femme est à la porte de son avenir. Mais elle n a pas gradué et n est pas allée à son bal de finissants. Et elle n a jamais eu la chance de franchir cette porte. Je vous parle de ma fille Jess. À cause d une erreur de diagnostic, Jess aura toujours 17 ans. Personne parmi ceux qui lui prodiguaient des soins ne souhaitait qu une telle chose arrive, et pourtant c est arrivé. Plus souvent qu autrement, lorsqu un événement indésirable survient, la famille est exclue du processus qui cherche à comprendre pourquoi et comment c est arrivé, et ce qui doit être fait pour que cela ne se reproduise pas. La famille n est d ailleurs aucunement partie prenante des changements mis en place après l événement. Pourtant, c est en évitant à une autre famille une pareille tragédie que nous trouvons un sens à la mort de Jess. Et je ne peux, ni ne pourrai jamais, accepter que ma fille soit morte en vain.
Les processus post-erreur actuels mettent souvent les victimes du préjudice et les personnes qui ont causé le préjudice aux deux extrémités de la table, ce qui est source d anxiété pour tout le monde, à un moment où on a surtout besoin de guérir. Le patient et sa famille ont une perspective unique que nul autre ne peut apporter. Et cette perspective, nous sommes prêts à l offrir en cadeau aux médecins pour qu il ne leur manque aucune pièce au casse-tête qui permette d expliquer l erreur et de façonner la solution; sans la perspective-patient, le casse-tête ne peut être achevé, ne peut faire l objet d une analyse complète et, par conséquent, ne peut s avérer une source d enseignement qui fait le tour de la question.
Les docteurs pourraient nous rendre la pareille et nous faire cadeau des changements apportés pour corriger la situation. Lorsque les médecins de Jess ont compris que les améliorations apportées après le décès de notre fille étaient des cadeaux pour nous, ils se bousculaient pour nous montrer comment ils allaient dorénavant procéder et comment ils allaient se souvenir de Jess. Si on ne s assoit pas tous ensemble, aucun de nous n aura la chance d offrir ces cadeaux chargés de sens. N est-il pas venu le temps pour les patients et les docteurs d unir leurs efforts lorsqu une erreur a eu lieu?
Pendant de nombreuses années, nous avons été tenus à l écart, nous butant à l impossibilité de rencontrer les médecins de Jess, encore et toujours relégués à notre rôle de victimes. On rejetait notre cadeau du revers de la main, nous privant de notre chance de donner un sens à la mort de notre fille; et nos cœurs déjà alourdis par le chagrin étaient maintenant envahis par la frustration et la colère de se voir exclus du processus pour rendre les soins plus sécuritaires. Nous voulions faire équipe avec les médecins afin d aider à faire le pont pour une meilleure compréhension. Nous voulions être entendus.
Que sommes-nous censés faire? Vers quoi devrions-nous nous tourner? L éventail de choix s était considérablement rétréci : il ne nous restait que la procédure accusatoire, qui ne fait que tourner le fer dans la plaie, tant du patient que du médecin, et où les seuls gagnants sont les avocats. Ayant traversé un épisode de litige dans le cas de Jess, je peux vous dire que c est un processus qui n est pas beau et qui fait peur. Aussi longtemps qu a duré le litige, on ne s est jamais assis avec les médecins de Jess. Nos questions restaient sans réponse et jamais on ne cherchait à connaître notre point de vue unique, malgré sa pertinence. Jamais on ne nous a procuré la chance de donner un sens à la mort de Jess en contribuant à la prévention. Nous vivions notre douleur dans notre coin, seuls et sans témoin.
Abandonne-toi à la force du pardon.
Lorsqu ils craignent et refusent de rencontrer les patients et leur famille, les systèmes de santé font preuve de courte vue, sous-estimant la nature curative du pardon. Tout comme nous qui avons besoin de guérir, les prestataires de soins se sentent souvent abandonnés à leur sort après une erreur, alors qu eux aussi ont besoin de guérir. Les recours litigieux ferment les portes, les esprits et, plus grave encore, les cœurs. Mais à ce moment-ci, aussi laids soient-ils, c est la seule avenue possible. Les patients et les médecins ne méritent-ils pas mieux?
Tout le monde ne s en porterait que mieux s il y avait une culture de sécurité assortie d un processus de médiation posterreur, où le dialogue serait encouragé, permettant de jeter les bases d une compréhension mutuelle et de la guérison, à l inverse du processus litigieux traditionnel. Une telle culture serait non seulement bénéfique pour les patients, mais également pour les médecins qui auraient une occasion d expliquer ce qui est arrivé, de dire à quel point ils en sont affectés, et d offrir en cadeau aux patients et aux familles éprouvées les améliorations qui ont été apportées. Tous ceux qui sont concernés par une erreur médicale ne méritent-ils pas de guérir?
Cinq ans se sont écoulés depuis la mort de Jess, et nous venons tout juste d avoir cette chance. Nous avons eu une rencontre marquante avec ses médecins, où nous avons discuté, parfois en larmes, et avons donné un sens à la mort de Jess. Nous avons parlé, ils ont écouté. Ils ont parlé, nous avons écouté. Nous avons enfin tous été entendus et surtout, nous avons vu la compassion dans leurs yeux, que nous leur avons donnée en retour. Et même si au bout de cette rencontre Jess était toujours morte, nous sommes tous repartis un peu plus légers.
En tant que conseillère et mère inconsolable, je suis devenue médiatrice en raison de la mort de Jess, pour ajouter le chaînon manquant de la sécurité des patients; mais ce n est pas avant cette rencontre de l an dernier avec ses médecins que j ai compris combien il était important pour chacun de nous que tous les chaînons y soient, et que la boucle soit bouclée.
Le processus que je propose est celui-ci : le médiateur fait une série de rencontres avec la famille et le corps médical séparément pour entendre leurs versions, comprendre les détails et ventiler les émotions fortes. Travaillant dans une atmosphère d empathie, nous créons ainsi un environnement propice à l écoute mutuelle, où chacun entendra l autre non seulement avec ses oreilles, mais aussi avec son cœur. Et alors seulement, et pas avant, nous pouvons réunir toutes les personnes concernées. S engager dans un tel processus est un acte de foi et demande une bonne dose de courage, mais croyez-en ma parole, cela fait toute la différence; demandez aux docteurs de Jess!
S engager dans un tel processus est un acte de foi et demande une bonne dose de courage, mais croyez-en ma parole, cela fait toute la différence; demandez aux docteurs de Jess! Fidèle à la devise de Jess, «Ose rêver», je rêve d un futur où les familles et les médecins s assoient ensemble, s efforçant de donner un sens à la mort des êtres aimés et s aidant mutuellement à guérir. Allez-vous nous aider, Jess et moi, à «oser rêver»?
Aidez Jess et sa famille à «oser rêver» en visionnant l histoire de Jess à http://www.youtube.com/watch?v=t6mr3gxxx64&feature=youtu.be