Suivi des populations d écrevisses de Californie et à pattes blanches, PNR du Perche. Département de l Orne



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Transcription:

Suivi des populations d écrevisses de Californie et à pattes blanches, PNR du Perche. Département de l Orne Bassins versants de la Corbionne et de la Commeauche Année 2010 Ecrevisses à pattes blanches : FOPPMA, JAMET Jérôme Réalisation : JAMET Jérôme, Fédération de l Orne pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique. Pour le Parc Naturel Régional du Perche

TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 4 I DESCRIPTION DES ESPECES ETUDIEES 5 A - Généralités sur les écrevisses 5 1 - Approche taxonomique 5 2 - Anatomie générale des écrevisses 5 3 - Dimorphisme sexuel 6 4 - Croissance et reproduction 6 B L écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes (APP) 7 1 - Caractéristiques morphologiques 7 2 - Mode d alimentation 7 3 - Reproduction 7 4 - Ecologie 8 5 - Menaces 10 6 - Distribution 12 7 - Statut 13 C L écrevisse de Californie Pacifastacus leniusculus (PFL) 14 1 - Origine et distribution 14 2 - Principaux critères de détermination 14 3 - Biologie et écologie 15 4 - Statut de l espèce 15 D Ecologie comparative 16 II MATERIEL ET METHODE 18 A - Quelques préconisations préalables au bon déroulement des inventaires 18 B - Recueil des données historiques 19 C - Secteurs prospectés (fiche relevé de terrain) 19 1 - A. pallipes 19 2 - P. leniusculus 19 D - Techniques de prospection 20 1 - A. pallipes 20 2 - P. leniusculus 20 III - RESULTATS 22 A Recueil des données historiques 22 B - Résultats de la campagne 2010 23 1 La Commeauche 23 2 La Corbionne 30 2

IV PROPOSITIONS DE GESTION 37 A - La gestion adoptée par la Fédération de Pêche de l'orne et ses partenaires techniques (techniciens de rivière, CATER, ONEMA ) 37 B - Tour d Europe de la gestion des écrevisses et propositions de gestion 38 1 - Un réseau thématique européen : le réseau CRAYNET 38 2 - Propositions de gestion inspirées d expériences menées à travers l Europe 38 CONCLUSION 48 3

INTRODUCTION Depuis le Moyen Age, les écrevisses indigènes européennes ont une importance notable dans le tissu social et culturel. Encore de nos jours, des fêtes traditionnelles autour de la pêche et de la dégustation des écrevisses subsistent dans les pays scandinaves. Ces écrevisses sont aujourd hui appréciées non seulement en tant qu espèces européennes patrimoniales dont la perte diminuerait la biodiversité des eaux douces, mais aussi en tant qu espèces «repères» bio-indicatrices. Malgré cela, la distribution actuelle des écrevisses en Europe est en très forte régression et les populations sont maintenant fragmentées. La perte des populations est principalement due à la dégradation des habitats et de la qualité de l eau. Les écrevisses européennes autochtones sont également aujourd hui menacées par les espèces introduites telles que les écrevisses nord américaines, porteuses saines de la peste de l écrevisse (CERENIUS et al., 1998 ; KEMP et al., 2003). Le département de l Orne n échappe malheureusement pas au constat alarmant du déclin des populations d Austropotamobius pallipes, autrefois très largement répandues. En effet, depuis 2001, des inventaires annuels ont été menés par la Fédération de l Orne pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques (FOPPMA), en partenariat avec l Office National de l Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) et la Cellule d Assistance Technique à l Entretien des Rivières (CATER) de Basse-Normandie. Ces prospections ont permis de localiser et d enregistrer plusieurs populations d écrevisses à pattes blanches. Cependant, sur le territoire du Perche, deux bassins versants avec un fort potentiel mais insuffisamment inventoriés, méritent des prospections plus approfondies. Il s agit des bassins de la Commeauche et de la Corbionne. Ces L habitat préférentiel est bien connut pour le département de l'orne (études Fédération de pêche de l Orne, 2001; 2002; 2005 et 2008) et qu il est préférable de suivre les populations où des travaux de restauration sont prévus ou en cours afin de montrer l influence des actions de protection qui sont mises en œuvre. Devant la prolifération de l écrevisse de Californie, notamment sur des sites Natura 2000, et en accord avec la DREAL de Basse-Normandie, un inventaire spécifique de cette espèce a également été proposé dans cette étude. Il s agit d un rendu cartographique avec dans certains cas une analyse critique des résultats. Ces inventaires sont affichés dans le cadre du Plan Loire Grandeur Nature. Dans un premier temps, l écologie des deux espèces étudiées, A. pallipes et P. leniusculus sera présentée. Dans une seconde partie, le matériel utilisé ainsi que les protocoles seront détaillés. Puis, dans un troisième chapitre, les résultats obtenus seront exposés. Enfin, dans une dernière partie, les protocoles et les résultats seront discutés puis, suite à une synthèse des gestions des écrevisses menées à travers l Europe, des propositions de gestion pour la protection d A. pallipes et la lutte contre P. leniusculus seront proposées. 4

I DESCRIPTION DES ESPECES ETUDIEES A - Généralités sur les écrevisses 1 - Approche taxonomique D un point de vue taxonomique, les écrevisses appartiennent à l embranchement des Arthropodes (animaux segmentés, membres articulés), à la classe des Crustacés (présence d un squelette externe) et à l ordre des Décapodes (cinq paires de pattes ambulatoires). A l échelle mondiale, il y a 593 espèces d écrevisses recensées, regroupées en 30 genres répartis dans 3 familles : les Astacidae (14 espèces), originaires de l Europe principalement (sauf une espèce aux Etats-Unis et au Canada), les Cambaridae (409 espèces) dans l'hémisphère Nord et Parastacidae (170 espèces) dans l hémisphère sud (TROUILHE, 2006). 2 - Anatomie générale des écrevisses Le corps de l écrevisse est protégé par un exosquelette (appelé couramment carapace) constitué de chitine et carbonate de calcium. Les articulations, quant à elles, ne contiennent pas de calcaire, ce qui permet le déplacement (REICHEN, 1999). Le corps se divise en deux parties bien distinctes : le céphalothorax et l abdomen (Figure 1). a) Le céphalothorax Figure 1 : Anatomie générale d'une écrevisse Il comprend la tête (céphalon) et le thorax (péréion) qui sont séparés par un sillon transverse (sillon cervical). La tête porte des yeux pédonculés, une paire d antennes, une paire d antennules et des mandibules. Elle se termine par un rostre, dont la forme varie selon les espèces. Le thorax porte 5 paires de pattes articulées (péréiopodes). La première paire forme de puissantes pinces qui servent pour la défense, les 4 autres permettent à l animal de se déplacer sur le fond. Les chambres branchiales se trouvent de chaque côté de céphalothorax, au niveau d un sillon latéral (PELLETAN, 2002). b) L abdomen (pléon) Il est constitué de 6 métamères (segments individualisés) qui portent les pattes abdominales (pléopodes), et d un telson, sorte de nageoire caudale aussi appelée palette natatoire. La métamérisation et la présence du telson permettent un déplacement en arrière très rapide par repliement de l abdomen. 5

3 - Dimorphisme sexuel Le dimorphisme sexuel s observe principalement au niveau des pléopodes, en regardant la face ventrale (Figure 2). Chez la femelle, les pléopodes des segments II à V ont pour fonction le support des œufs pendant la période d incubation. Chez le mâle, les pléopodes fixés aux segments I et II sont transformé en baguettes copulatoires qui serviront à déposer des sacs de sperme lors de l accouplement. Le dimorphisme sexuel s accentue avec l âge avec l élargissement de l abdomen des femelles et le développement de fortes pinces chez les mâles (RHODES & HOLDICH, 1979 ; GRANDJEAN et al., 1997). Baguettes copulatoires Figure 2 : Dimorphisme sexuel chez les écrevisses (à gauche, un mâle et à droite, une femelle) 4 - Croissance et reproduction a) Croissance L un des traits caractéristiques des arthropodes est la possession d un exosquelette rigide et protecteur. Cependant, la présence de cet exosquelette entraîne de sérieuses contraintes de croissance puisqu une augmentation de la taille des individus en continu n est alors pas possible. Ainsi, le changement de l exosquelette est le seul moyen pour les arthropodes d accroître leur taille. Ce phénomène est appelé mue (ou exuviation ou ecdysie). Les mues dépendent fortement de la température et ont principalement lieu l été. Juste après la mue, l écrevisse affaiblie est alors très vulnérable : elle ne peut ni se déplacer rapidement, ni nager, ni se nourrir et son système immunitaire est affaibli (ARRIGNON, 1996). Alors que la croissance des organes internes est continue, une rapide augmentation de taille et de masse chez les écrevisses n intervient donc qu au moment de la mue (AIKEN & WADDY, 1992 ; JUSSILA & EVANS, 1996). C est pourquoi, on constate une croissance discontinue caractérisée par une courbe en escalier (Annexe I), chaque palier correspondant à une période entre deux mues. b) Reproduction Dès la fin de l été, les femelles matures montrent des glandes blanchâtres sur la face ventrale de chaque segment abdominal et les gonopodes des mâles prennent aussi une couleur crème (REYNOLDS, 1998). Au moment de l accouplement, le mâle immobilise la femelle à l aide de ses pinces (Annexe II) et dépose un spermatophore sur les premiers segments abdominaux de la femelle (Annexe III). Une fois que les femelles ont reçu un spermatophore, elles cherchent un refuge jusqu à la libération des œufs (INGLE, 1977 ; TAUGBOL & SKURDAL, 1990). Les œufs fécondés restent fixés à l abdomen des femelles grâce à une sécrétion agglomérante (Annexe IV) (THOMAS & INGLE, 1971 ; VILLANELLI & GHERARDI, 1998). Pendant la période d incubation, les femelles sont peu actives et ne se nourrissent pas (REYNOLDS, 1998). Une fois éclos (Annexe V), les juvéniles restent attachés à l abdomen de leur mère jusqu à leur seconde mue (Annexe VI) puis ils deviennent indépendants (REYNOLDS, 1998) (Annexe VII). 6

B L écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes (APP) 1 - Caractéristiques morphologiques La détermination doit s effectuer d après la présence simultanée de plusieurs critères parmi lesquels (clé de détermination de SOUTHY- GROSSET et al., 2006) : - un rostre dont les bords convergent régulièrement, dessinant ainsi l allure générale d un triangle avec une crête médiane peu marquée et non denticulée - l existence d une seule crête post-orbitaire - la présence d épines bien visibles en arrière du sillon cervical de chaque côté du céphalothorax (Figure 3). Figure 3 : Austropotamobius pallipes De plus, les mâles possèdent un éperon à la base de l endopodite sur la deuxième paire de pléopodes, et les pinces sont dentelées avec une face supérieure granuleuse (MATHIEU & PARIS, 1998 ; LARUE & GRES, 1998). La couleur ne doit pas constituer un élément de détermination (confusion possible avec de petites écrevisses américaines). Cependant, A. pallipes est généralement d une couleur vert bronze à brun sombre sur la face dorsale et pâle sur la face ventrale, notamment au niveau des pinces, d où son nom (VIGNEUX, 1993) (Figure 4). M. Cirou Figure 4 : Coloration de la face ventrale d'a. pallipes 2 - Mode d alimentation L écrevisse à pattes blanches est omnivore avec une forte tendance carnivore, se nourrissant principalement de macroinvertébrés benthiques (vers, mollusques, larves d insectes aquatiques...) (GODDARD, 1988 ; FUREDER et al., 2006). Toutefois, le régime alimentaire d A. pallipes dépendra fortement du milieu (lac, ruisseau, canal) (REYNOLDS, 1998) et du stade de vie. Le cannibalisme sur les jeunes ou les individus fragilisés par la mue n est pas rare. 3 - Reproduction Les principales caractéristiques de la reproduction de cette espèce sont présentées dans le tableau III en page 17. Globalement, une reproduction possible à partir de la troisième année avec peu d'œufs (>100). C'est une stratégie de reproduction K : Une reproduction moins rapide mais efficace, notamment par rapport aux quantités de ressources nécessaires, dans un milieu stable. Les autres espèces d'écrevisses issues du continent américain adoptent une stratégie de la reproduction rapide et massive : c'est la stratégie r. 7

4 - Ecologie a) Exigences par rapport au milieu physique L écrevisse à pattes blanches se retrouve naturellement dans des cours d eau de plaine, mais elle peut aussi être présente dans des lacs comme en Irlande, dans des plans d eau de plus d un hectare (JAMET) comme dans des mares (JAMET). Des populations se rencontrent jusqu à 1200 m d altitude dans des lacs alpins et 1500 m en Espagne (FUREDER et al., 2006). D une manière générale, l écrevisse à pattes blanches vit aujourd hui dans des petits cours d eau peu profonds (1,25 m au maximum) et relativement peu larges (2 m au maximum) (ARRIGNON & ROCHE, 1983 ; SMITh et al., 1996). En ce qui concerne la vitesse du courant, A. pallipes peut évoluer aussi bien dans des zones de courant que dans des zones calmes, du moment qu elle trouve des refuges adéquats (DEMERS, 2003, JAMET 2008). Dans les autres zones géographiques où l écrevisse à pattes blanches se rencontre, ses lieux d occurrence se limitent le plus souvent aux têtes de bassins hydrographiques et à des cours d eau forestiers bien ombragés avec un débit constant car ces ruisseaux présentent des milieux riches en abris variés (fonds caillouteux, graveleux, pourvus de blocs, sous berges avec racines, herbiers aquatiques, bois morts) (ARRIGNON & ROCHE, 1983 ; GRANDJEAN et al., 2001 ; SMITH et al., 1996 ; NEVEU, 2000a, b ; FUREDER et al., 2006). Les refuges utilisés par les écrevisses à pattes blanches sont donc variés, allant des gros rochers aux cailloux en passant par les troncs d arbres creux tombés à l eau, les feuilles et débris végétaux immergés, les racines d arbres bordant les berges, les herbiers, les algues, les trous dans les berges et certaines infrastructures d origine anthropique comme les pontons et les plateformes de pêche (SMITH et al., 1996 ; PEAY, 2000 ; RALLO & GARCIA-ARBERAS, 2000). La disponibilité des caches et la structure des berges jouent un rôle prépondérant dans la densité des populations. En effet, des berges boisées d arbres à feuilles caduques permettent de limiter le réchauffement de l eau pendant la période estivale (NAURA & ROBINSON, 1998). L habitat des juvéniles peut être différent de celui des adultes. REYJOL & ROQUEPLO (2002) ont montré que les cailloux plus petits et les végétaux immergés pouvaient offrir un refuge aux écrevisses de plus petites tailles. DEMERS et al. (2003) ont prospecté tous les habitats potentiels sur plusieurs cours d eau irlandais et ont montré, de la même façon, que les juvéniles trouvaient refuge préférentiellement dans la litière composée de feuilles mortes et de débris de branchage, dans le sable et dans les parties immergées des végétaux aquatiques. Une hétérogénéité des substrats est donc primordiale, ainsi qu une variation des hauteurs d eau et une diversité de faciès d écoulement (VIDAL, 2006). b) Exigences par rapport à la qualité de l eau et aux paramètres physico-chimiques D après les données publiées dans la littérature, A. pallipes est connue pour être très exigeante vis-à-vis de la qualité de l eau dans laquelle elle vit (ROQUEPLO & DAGUERRE DE HURREAUX, 1983), même si elle peut résister à certaines contraintes chimiques (LAURENT, 1985 ; FOSTER & TURNER, 1993). De nombreuses études ont été menées sur la qualité physico-chimique de l eau nécessaire à l écrevisse à pattes blanches (REYNOLDS, 1979, 1982, 1989 ; O KEEFE, 1986 ; DE BIKUNA et al., 1989 ; MATTHEWS & REYNOLDS, 1995 ; TROSCHEL, 1997 ; GRANDJEAN et al., 2000 ; RALLO & GARCIA-ARBERAS, 2000 ; DEMERS, 2003 ; NARDI et al., 2005). Le tableau suivant rassemble donc des données publiées ces dix dernières années sur les gammes de tolérance d A. pallipes vis-à-vis de certains paramètres physico-chimiques dans différentes régions européennes. Tableau suivant (p. 9) : Tableau I : Comparaison (valeurs moyennes, minimales et maximales) des paramètres physiques et chimiques mesurés dans différentes régions de distribution d Austropotamobius pallipes (MES : matières en suspension, NO 2 - : nitrites, NO 3 - : nitrates, NH 4 + : ammonium, PO 4 3- : phosphates, Ca 2+ : calcium, K + : potassium). 8

PAYS FRANCE ALLEMAGNE ESPAGNE AUTEURS SYNUSIE (2003) ARRIGNON (1996) REYJOL & ROQUEPLO (2002) BROQUET et al. (2002) TROSCHEL (1997) TROSCHEL (1997) RALLO & GARCIA- ARBERAS (2000) ITALIE NARDI et al. (2005) IRLANDE PAYS DE GALLES GRANDE BRETAGNE DEMERS & REYNOLDS (2002) LYONS et al. (2003) FOSTER (1995) SMITH et al. (1996) Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max. Moy. Min. Max Moy. Min. Max Température ( C) 13 19 7,5 20,0 11 26 10,9 18,9 ph O2 dissous (mg/l) 7 (80% de saturation) MES (mg/l) NO 2 - NO 3 - NH 4 + PO 4 3- (mg/l) (mg/l) (µg/l) (mg/l) <0,01 6 <0,01 <0,01 Ca 2+ (mg/l) 6,2 6,8 7,33 10,67 0,03 60,0 0,02 7,7 6,50 8,10 3,7 0,0 1,2 7,50 12,20 4,5 100,0 8,5 7,45 8,58 7,0 0,06 25,8 60,0 0,1 125,3 7,6 7,0 7,9 7,2 6,8 7,4 8,1 7,6 8,6 8,22 7,6 8,8 7,24 8,54 6,5 9 7,27 8,64 8,56 4,50 15,7 4,4 9,55 11,6 7,5 33,6 2,6 0,5 3,5 3,0 0,05 5,0 2,7 0,01 9,1 0,6 4,2 0,6 4,2 30 10 40 30 1,0 70 120,0 5,0 730,0 10 740 50 320 6,0 2,3 11,4 6,5 94,7 8 95 K + (mg/l) 1,7 0,01 12,2 0,3 2,5 0,8 6,5 9

Ainsi, A. pallipes est connue pour évoluer dans des eaux bien oxygénées (O2 dissous > 8 mg/l) qui présentent un ph entre 6,8 et 8,8. A. pallipes affectionne plus particulièrement les eaux riches en calcium, élément indispensable à la synthèse de l exosquelette après la mue. Des composés azotés peuvent être présents à de faibles concentrations. Les concentrations en ammonium reportées dans le tableau I sont toutes inférieures à 0,75 mg/l et celles en nitrates inférieures à 5 mg/l (à l exception des travaux de BROQUET et al. (2002). La température de l eau est une des exigences écologiques principales de cette espèce. Il est reconnu qu A. pallipes montre une tolérance pour des températures comprises entre 1 C et 18 C (HOLDICH, 2002). La température minimale létale n est pas vraiment connue, cependant, A. pallipes peut survivre sous la glace dans une eau de 1 à 4 C (LODGE & HILL, 1994). En ce qui concerne la limite supérieure de tolérance, FUREDER et al. (2006) a montré qu A. pallipes était capable de supporter des températures de l eau de 24-26 C. Cependant, la température de l eau ne semble pas pouvoir dépasser 21 C pendant de longues périodes sans provoquer des perturbations comportementales et physiologiques chez A. pallipes (LAURENT, 1980 ; WHITELEY & TAYLOR, 1993). Les tolérances de l écrevisse à pattes blanches vis-à-vis de la composante organique de l eau n ont été que peu étudiées jusqu à présent. Néanmoins, ces paramètres apparaissent intéressants car les branchies d A. pallipes sont très sensibles et peuvent être rapidement colmatées par des matières sédimentaires en suspension dans l eau (PEAY, 2000). 5 - Menaces Le tableau II suivant rapporte les principales menaces qui pèsent sur A. pallipes dans différentes régions européennes (d après SOUTHY-GROSSET et al., 2006 in TROUILHE, 2006). Il sera commenté par la suite. MENACES Alpes Façade atlantique Façade méditerranéenne Irlande France Grande-Bretagne Italie Espagne Peste de l écrevisse 2/3 3 3 3 1 3 Autres maladies?? 2 2?? Espèces non indigènes 2/3 3 3 3 3 3 Prédateurs 1 1 2 1 1 2 Exploitation 1 1 1 0 2 2 Dégradation de l habitat 2 2/3 2 1 2 1 Diminution du niveau d eau 1 2 2 2 1 3 Eutrophisation 2 1 1 1 1 1 Acidification 1 1 1 0 1 1 Produits phytosanitaires 2/3 3 2 2/3 3 2 Occupation des sols 2/3 3 2 2/3 2 3 Fragmentation des populations 3 3 2 1 2 1 Tableau II : Evaluation des différentes menaces pesant sur A. pallipes dans différentes zones de distribution en Europe (0=aucune ; 1=faible ; 2=moyenne ; 3=forte ;?=pas d information) (d après SOUTY-GROSSET et al., 2006 in Trouilhé, 2006). Le tableau II rapporte donc qu à travers l Europe, les deux menaces les plus fortes sont la peste de l écrevisse et la présence d espèces non indigènes. Ces deux facteurs sont intimement liés puisque la présence de la peste est principalement conditionnée par la présence des écrevisses d origine américaine, porteuses saines de ce pathogène. Les deux autres types de menaces, sont, quant à elles, l occupation des sols et l épandage de produits phytosanitaires. Cependant, cette observation peut varier d une zone à l autre et il est donc indispensable de définir les menaces afin que les mesures de protection prises soient en adéquation avec la situation rencontrée et donc, les plus pertinentes possible. 10

a) Les maladies Seuls les deux parasites de l écrevisse à pattes blanches les plus connus seront abordés : Thelohania contejeani, un parasite microsporidien, et Aphanomyces astaci, un champignon. La thélohaniose ou maladie de porcelaine Le genre Thelohania est un parasite microsporidien responsable de la maladie de porcelaine (thélohaniose) qui affecte les crustacés décapodes dont les écrevisses (SPRAGUE & COUCH, 1971). Le mode de transmission de ce parasite est encore assez mal connu bien que le cannibalisme soit un vecteur reconnu (VOGT, 1999 ; EDGERTON et al., 2002). La présence de ce parasite est facilement reconnaissable dans la phase avancée de la maladie puisque les muscles abdominaux des individus infectés se liquéfient et ont une couleur blanche opaque (ALDERMAN & POLGLASE, 1988) (Figure 5). La thélohaniose n est pas responsable de la disparition de populations entières d écrevisses à pattes blanches car les taux d infestation connus varient entre 0,17% et 30% des individus d une population (MORI & SALVIDIO, 2000, TROUILHE, 2006). Figure 5 : Ecrevisse saine à gauche et écrevisse atteinte de la thélohaniose à droite La peste de l écrevisse ou aphanomycose Selon ALDERMAN (1996), la Lombardie (Italie) fut la première région d Europe à être touchée par l aphanomycose. Ce champignon (Aphanomyces astaci) responsable de l aphanomycose, encore appelée peste de l écrevisse, se propage par des zoospores (CERENIUS et al., 1988). Un nombre important de zoospores est libéré lorsque les écrevisses infectées sont moribondes ou mortes depuis peu. Ces zoospores peuvent rester mobiles pendant trois jours dans une eau à 10 C et pour une période de temps plus courte quand la température de l eau est plus élevée (SVENSSON, 1978). Un ensemble de substances émises par les écrevisses attire les zoospores Figure 6 : Ecrevisse atteinte par l'aphanomycose qui ont alors tendance à se fixer sur des zones fragilisées de la cuticule ou bien à la jointure des segments abdominaux (SVENSSON, 1978 ; NYHLEN, 1979 ; NYLHEN & UNESTAM, 1980) (Figure 6). L aphanomycose est responsable de la disparition de nombreuses populations d écrevisses endémiques en Europe depuis 1859 (EDGERTON et al., 2002). L introduction d espèces d écrevisses américaines est depuis longtemps rendue responsable de l apparition de cette maladie en Europe (VEY et al., 1983). L aphanomycose est transmise à A. pallipes, soit par contact direct avec des espèces américaines, soit par transport des spores par d autres organismes (NYLUND & WESTMAN, 1992) ou bien encore par les activités humaines comme la pêche (matériel, bottes) (ALDERMAN, 1996 ; TAUGBOL et al., 1993). D ailleurs, les hommes sont probablement responsables de l introduction de la peste de l écrevisse en Irlande (HOLDICH & ROGERS, 1992 ; REYNOLDS, 1998). Une fois qu une population est infectée par la maladie, la décimation de celle-ci prend de une à cinq semaines en fonction de la température de l eau. Plus l eau est chaude, plus la maladie évoluera rapidement (VEY et al., 1983 ; PERSSON & SODERHALL, 1983). 11

b) Détérioration de la qualité de l eau et de l habitat Les travaux relatifs à l habitat préférentiel d A. pallipes et aux menaces qui pèsent sur celuici, principalement conduits en Grande-Bretagne et en Irlande (WESTMAN, 1985 ; LOWERY & HOLDICH, 1988 ; SMITH et al., 1996), ont montré que la modification des écosystèmes aquatiques est principalement due aux activités humaines, aussi bien industrielles qu agricoles. Le choix de certaines pratiques agricoles et forestières telles que l intensification et la spécialisation des productions animales et végétales (monoculture de résineux par exemple, piétinement entraînant fragilisation des berges, apport de matière organique et colmatage), l usage intensif de pesticides et d engrais minéraux, les coupes à blanc, le franchissement d engins dans les cours d eau, le mode de gestion des fumiers et lisiers, le drainage, l irrigation, le recalibrage des cours d eau, ainsi que le travail intensif du sol (érosion) sur un bassin versant sont des facteurs prépondérants permettant d expliquer la régression du nombre de populations d écrevisses à pattes blanches. La pollution des eaux par des effluents domestiques (chimiques et organiques), la création d étangs en barrage ou en dérivation sur les cours d eau (réchauffement des eaux en aval, modification du transport des sédiments, problème des vidanges), le braconnage et l introduction d espèces invasives porteuses saines de maladies et très compétitrices, sont également des facteurs ayant un impact considérable sur la présence d A. pallipes. Au niveau européen 6 - Distribution A. pallipes est une espèce originaire de l Europe de l Ouest. Son aire biogéographique s étend donc des pays scandinaves au Portugal et des îles britanniques à la Pologne (BELLANGER, 2006) (Figure 7). Cependant, alors que cette espèce indigène était très présente partout en Europe jusqu en dans les années 1960-1970 (HOLDICH, 2003), aucun pays de son aire de répartition naturelle n échappe aujourd hui à la diminution drastique des effectifs d A. pallipes, espèce devenue maintenant rare dans la plupart de ces pays. Au niveau national Figure 7 : Aire de distribution naturelle d'a. pallipes en Europe A. pallipes est considérée comme la principale espèce autochtone en France métropolitaine, car la plus répandue. Cependant, elle est absente en Bretagne du Sud, dans la région Nord- Picardie et dans le centre du bassin parisien (CHANGEUX, 2003). Bien que son aire de répartition ne semble pas diminuer en terme de surface, il existe une réelle érosion du nombre de populations (TROUILHE, 2006). En effet, des disparitions significatives de populations ont été enregistrées dans 14 départements et une baisse sensible des effectifs dans 26 autres (TROUILHE, 2006) (Figure 8). Répartition en tête de bassin Depuis l après guerre, l écrevisse à pattes blanches a vu ses populations régresser et se réfugier dans les ruisseaux de tête de bassin, cantonnées sur de courts secteurs et disséminées sur le réseau hydrographique. Elles sont principalement retranchées dans les zones forestières de feuillus et sur des secteurs où les activités anthropiques sont réduites (relief, difficulté d accès) (ROQUEPLO & DAGUERRE DE HUREAUX, 1989). Or, ces secteurs apicaux ne constituent pas l habitat 12 Figure 8 : Distribution d'a. pallipes en France en 2006

préférentiel originel d'a. pallipes, qui affectionne naturellement les cours d eau de plaine avec une ripisylve relativement dense. En effet, il apparaît que dans les années 60, la gamme typologique des écrevisses à pieds blancs était beaucoup plus large qu'aujourd'hui (VERNAUX, 1973) et s'étendait au moins de B2 à B7 (TELEOS, 2004), soit de la zone à truite à la zone à barbeau selon la classification de HUET (1949). Ainsi, le glissement du préférendum typologique vers des niveaux plus apicaux témoigne du caractère refuge des secteurs aujourd'hui occupés par A. pallipes, notamment en raison des perturbations subies par les parties plus aval des bassins versants (SCHULZ et al., 2002). En Basse Normandie et dans l Orne L atlas «Ecrevisses» de Basse-Normandie, rapporte en 2004, 137 stations à écrevisses à pattes blanches sur 910 stations recensées (inventaire de nuit à la lampe torche sur quatre mois). L Orne n échappe pas à la tendance générale, même si le département abrite encore quelques belles populations d écrevisses à pattes blanches dans certaines zones de pâturage où le bocage a été relativement préservé ou bien sur des cours d eau forestiers. Cependant, tous les cours d eau n ont pas été prospectés, faute de moyens humains et financiers. C est pourquoi, il est très difficile d établir une cartographie précise et complète des populations d A. pallipes dans l Orne. Cependant, sur les bassins prospectés, l écrevisse à pattes blanches reste une espèce relativement rare et très dispersée. 7 - Statut Aujourd hui, A. pallipes, espèce endémique européenne en forte régression, est protégée à plusieurs échelles (HOLDICH, 2003 ; PREVOST, 2000, LEGIFRANCE, 2000 ; FOPPMA, 2007). Au niveau mondial L écrevisse à pattes blanches figure sur la liste rouge de l IUCN (International Union for Conservation of Nature) des espèces menacées à l échelle mondiale. Elle est donc classée «vulnérable» (risque d extinction élevé à moyen terme). Au niveau européen A. pallipes est inscrite par l Union européenne aux annexes II (espèces animales et végétales d intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de Zones Spéciales de Conservation) et V (espèces animales et végétales d intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l exploitation sont susceptibles de faire l objet de mesures de protection) de la directive «Habitats-Faune-Flore» n 92/43 du Conseil du 21/05/1992, modifiée par la directive 97-62 CE dite «Directive Habitat Natura 2000». Cette espèce figure également sur l annexe III (espèces animales protégées) de la convention de Berne. Cette convention, signée à Berne, le 19/09/1979 et relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l Europe, a pour but d assurer la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels par la coopération entre les états. Au niveau national A. pallipes est protégée par la loi du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature et bénéficie de l arrêté ministériel du 18/01/2000 (modifiant l arrêté de 21 juillet 1983, relatif à la protection des écrevisses autochtones). De plus, dans le code rural, l écrevisse à pattes blanches est assimilée juridiquement aux poissons et est donc protégée au même titre. 13

Au niveau départemental L écrevisse à pattes blanches fait l objet d arrêtés préfectoraux particuliers, les arrêtés de protection de biotope. Ces arrêtés tendent à favoriser, sur tout ou partie du territoire, la conservation des biotopes nécessaires à l alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie d espèces protégées. Dans l Orne, 21 arrêtés ont été pris concernant A. pallipes ainsi que d autres espèces (Mulette (Margaritifera margaritifera), Truite fario (Salmo trutta fario)). Certains sont très restrictifs comme celui de la Corbionne qui interdit la destruction des berges par le piétinement du bétail, les vidanges de plans d'eau, les coupes à blancs, qui impose des dates spécifiques pour l'entretien de la végétation, Cependant, ces arrêtés sont méconnus des riverains et souvent non respectés. C L écrevisse de Californie Pacifastacus leniusculus (PFL) 1 - Origine et distribution Pacifastacus leniusculus, couramment appelée «écrevisse signal» ou «de Californie», est originaire de la côte Ouest des Etats-Unis et du Canada, signalée de la Colombie Britannique à la Californie (HOLDICH, 2003). Elle a été introduite pour la première fois en Europe en Suède dans les années 1960 dans le but d augmenter les stocks d écrevisses (VIGNEUX et al., 2000 ; TROUIHLE, 2006). Aujourd hui P. leniusculus est l espèce non indigène la plus répandue et se rencontre dans 24 pays européens avec une prédominance en Europe centrale, en Grande-Bretagne, en Scandinavie et en Espagne (HOLDICH et al., 2006). En Amérique du nord, P. leniusculus occupe une large gamme d habitats des petits ruisseaux aux lacs en passant par les grands fleuves. En Europe, elle se retrouve dans les mêmes environnements que les espèces autochtones et dans de nombreux étangs. P. leniusculus représente une sérieuse menace pour les espèces indigènes européennes parce qu elle est un des vecteurs de la peste de l écrevisse et parce qu elle présente des taux de croissance et de reproduction très élevés. P. leniusculus a été introduite pour la première fois en France dans les années 1976-1977 (HOLDICH et al., 2006). Depuis, elle présente une progression fulgurante (CHANGEUX, 2003). L enquête nationale de 2006 (FOPPMA, 2007) confirme cette progression avec désormais 73 départements concernés. La façade Ouest de la France semble pour le moment épargnée (Figure 9). Figure 9 : Distribution de P. leniusculus en France en 2007 L écrevisse de Californie est l espèce non indigène qui rentre en compétition directe avec l écrevisse à pattes blanches, tant pour l habitat physique que pour les ressources alimentaires. La première identification de cette espèce dans le département de l Orne date de 1992 sur la Sarthe. 2 - Principaux critères de détermination L écrevisse de Californie peut atteindre de très grandes tailles, jusqu à 14 ou 15 cm pour un poids de 150 grammes (VIGNEUX et al., 1993). Le dessous des pinces est de couleur rouge vif et le dessous du corps est bleuté chez les spécimens les plus gros. 14 Sue Scott Figure 10 : Pacifastacus leniusculus

La détermination s effectue grâce à l addition des critères suivants (Figure 10, page 14) : un rostre dont les bords sont parallèles. une tâche le plus souvent blanchâtre ou parfois bleutée à la commissure du doigt fixe et du doigt mobile de chaque pince. Cette marque bien visible a donné son nom à cette espèce (VIGNEUX et al., 1993). un céphalothorax lisse, des pinces massives lisses et rouges sur la face inférieure 3 - Biologie et écologie a) Cycle de développement Il est presque identique à celui d A. pallipes car ces deux espèces appartiennent à la famille des Astacidae et ne se reproduisent qu'une seule fois par an (TROUILHE, 2006). Cependant, les femelles PFL portent jusqu à 250 œufs, ce qui est plus de deux fois supérieur à la production d œufs de l APP. De plus, l écrevisse de Californie est sexuellement mature plus tôt que l écrevisse à pattes blanches (HOLDICH, 2003). b) Activité et régime alimentaire Tout comme A. pallipes, P. leniusculus est peu active en période froide et le redevient au printemps. Son régime alimentaire est semblable à celui de l écrevisse à pieds blancs bien que les plus gros sujets, de part leur taille et leur agressivité naturelle sont parfois des prédateurs d amphibiens et de poissons de taille plus importante (BELLANGER, 2006). Le cannibalisme est aussi très présent chez P. leniusculus et la compétition intra-spécifique très forte. c) Caractères écologiques En France, on la rencontre plutôt dans les cours d eau rapides et bien oxygénés de la zone à truites mais aussi dans certains lacs et étangs. Cependant, dans son aire de répartition naturelle, elle occupe une gamme de milieux très large (BELLANGER, 2006). Cette diversité s explique par la présence dans son aire d origine d au moins trois sousespèces aux exigences variées quand à la qualité de leur milieu de vie (LAURENT, 1988 ; FOSTER, 1993). L écrevisse de Californie est moins exigeante en termes de température (plus large amplitude). Exigeante quant à la teneur en oxygène, elle peut malgré tout résister à une forte baisse en séjournant temporairement sur le milieu terrestre. De plus, elle est aussi capable de migrer par l intermédiaire de ce dernier sur plusieurs dizaines de mètres (BROQUET et al.,2002). Du point de vue du substrat et de l habitat, P. leniusculus apprécie les mêmes zones que l écrevisse à pieds blancs, bien qu elle soit, malgré tout, beaucoup moins exigeante en termes de qualité d habitat physique et de qualité d eau (BROQUET et al., 2002 ; BENSETTITI & GAUDILLAT, 2004). 4 - Statut de l espèce L écrevisse de Californie est inscrite sur la liste des espèces représentées dans les eaux douces françaises (arrêté du 17 décembre 1985). Elle est également classée «espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques» par l article R.432-3 du Code de l environnement. 15

L introduction en milieu naturel de cette espèce est donc interdite mais son transport à l état vivant est désormais autorisé depuis la promulgation de la loi du 30 décembre 2006 qui a abrogé l article L.432-11 du code de l environnement. Cette mesure, qui n a pas pris en compte les recommandations des spécialistes, risque donc de favoriser l expansion géographique de l espèce. D Ecologie comparative Le tableau synthétique ci-après (Tableau III) rapporte les différentes caractéristiques d A. pallipes et des trois espèces invasives présentes dans l Orne. A titre informatif, l espèce Astacus astacus (écrevisses à pattes rouges) (Annexe IX) est également incluse dans ce tableau car elle est l une des trois espèces indigènes d Europe (la troisième étant l écrevisse des torrents, Austropotamobius torrentium, (Annexe X) très rare et absente de l Orne). A. astacus est recensée sur une station en Basse-Normandie. L écrevisse à pattes grêles, Astacus leptodactylus, (Annexe XI) figure aussi dans ce tableau puisque qu on la rencontre sur quelques stations dans l Orne. Cette espèce originaire de Turquie/Grèce, a été introduite dans les années 1960 en France, et compte-tenu de son écologie, cette espèce est désormais considérée comme acclimatée et non pas comme invasive (elle est sensible à la peste de l écrevisse). Deux autres espèces invasives Nord-Américaines sont également présentées : l écrevisse de Louisiane Procambarus clarkii (Annexe XII) et l écrevisse américaine Orconectes limosus (Annexe XIII). Tableau suivant (p. 18) : Tableau III: Comparaison de différents traits d histoire de vie et paramètres démographiques de l écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) et des trois principales espèces d écrevisses non indigènes rencontrées dans l Orne (Pacifastacus leniusculus, Procambarus clarkii et Orconectes limosus) (d après HOLDICH & LOWERY, 1988 ; WESTAM et al., 1992 ; HOLDICH et al., 2006 in TROUILHE, 2006 modifié ; CHANGEUX, 2003). La stratégie r-k fait référence à la classification de PIANKA, 1970. Les espèces qui vivent dans les milieux instables et imprévisibles adoptent une stratégie de la reproduction rapide et massive : c'est la stratégie r. C'est le cas des micro-organismes détritivores : moisissures, bactéries... Dans les milieux prévisibles, aux variations stables ou cycliques, la stratégie sélectionnée est celle de la reproduction moins rapide mais efficace, notamment par rapport aux quantités de ressources nécessaires. C'est la stratégie K. C'est l'exemple des organismes complexes (mammifères...). 16

Austropotamobius Astacus Pacifastacus Procambarus Astacus astacus pallipes leptodactylus leniusculus clarkii Orconectes limonus Longévité (années) 10-12 10-15 6-9 9 maxi 2 4 Croissance Lente Lente Rapide Rapide Très rapide Rapide Longueur de la carapace à maturité 60-88 80-90 60-90 40-50 (mm) Taille maximale (mm) 120 180 195 150 > 150 120 Age maturité sexuelle (années) 3-4 3-4 2-3 1-2 < 1 1-2 Nombre d œufs < 100 100-150 200-400 110-300 200-700 200-400 Période de Septembre à Octobre reproduction novembre Fin de printemps Septembre à octobre Août septembre Avril Mai Période d éclosion Juin-Juillet Avril-Mai Août-Mars Mai-Juin Durée d incubation 7 6-7 1-3 3 (mois) Nombre de reproductions (/an) Température Régime alimentaire Milieu 1 1 1 1 plusieurs Plusieurs Optimum en été entre 15 et 18 C Perturbations physiologiques à partir de 22 C Débris végétaux mais aussi larves d insectes, petits mollusques Eaux limpides, fraîches, bien oxygénées et riches en calcium Optimum en été entre 17 et 21 C Peut supporter jusqu à 30 C Mort au-delà de 34 C Omnivore (80% de végétaux aquatiques) Eaux calmes, stagnantes mais riches en oxygène, étangs, lacs et grands cours d eau à fond argileux Optimum en été entre 20 et 25 C Perturbations physiologiques à partir de 26 C Mort à 35 C 80% de protéines animales (15% de détritus) 20% de végétaux aquatiques Grands cours d eau lents, lacs et étangs naturels et artificiels Optimum en été entre 13 et 16 C Mort à 25 C Principalement végétarienne mais aussi carnivore (charognard) Grandes rivières et eaux calmes des plaines et lacs. Vit aussi bien dans les eaux froides des ruisseaux que dans des eaux chaudes et turbides Optimum en été entre 22 et 25 C Mort à 33 C Principalement végétarienne, mais aussi détritivore Zones alternativement inondées et exondées, marais, étangs, lacs, canaux et rivières lents. Plan d eau ensoleillés et peu profonds Supporte de grands écarts thermiques Mort à 34 C Débris végétaux, mollusques, larves d insectes, et parfois charognard Eaux calmes, profondes, étangs et mares chargées en matières organiques. Vit également dans les eaux claires et fraîches Stratégie K r r r 17

II MATERIEL ET METHODE En 2008, la FOPPMA, association loi 1901 reconnue d utilité publique (principales missions : protection des milieux aquatiques et développement du loisir pêche), a décidé de poursuivre le suivi des stations à APP et de commencer l inventaire des populations d écrevisses de Californie. Il est impératif de fixer un cadre méthodologique unique afin que les résultats soient comparables d une année à l autre. De plus, les actions entreprises doivent être confiées à des spécialistes et nécessitent des investissements humains et matériels élevés. Les données recueillies dans le cadre des inventaires programmés par la FOPPMA ne donnent pas lieu à des estimations quantitatives de populations d écrevisses, mais se limitent à un constat de présence/absence, une délimitation des populations et une description précise de l habitat d A. pallipes. La mise en œuvre d inventaires au sens strict (avec estimation de la densité notamment) suppose des techniques de pêche adaptées et un traitement de l information tenant compte du comportement particulier des écrevisses. A - Quelques préconisations préalables au bon déroulement des inventaires L étude des populations d écrevisses, tant A. pallipes que P. leniusculus, nécessite quelques recommandations préalables, qu il s agisse d obligations réglementaires ou de préconisations techniques. a) Les méthodes de capture particulières utilisées (nasses, balances très nombreuses, pêches manuelles ou électriques ), ainsi que les prospections de nuit, supposent des autorisations administratives particulières consenties pour les opérations scientifiques et par arrêté préfectoral (Annexe XIV). Par ailleurs, elles ne peuvent être mises en œuvre que par un personnel qualifié. b) Il est impératif de procéder à une désinfection systématique de l ensemble du matériel de prospection avant et après les campagnes de terrain : équipements (bottes, cuissardes ), seaux, nasses, etc afin de prévenir toute contamination des écrevisses saines par le transport de pathogènes (par exemple, des spores d Aphanomyces astaci), ou d avoir deux lots de matériels bien séparés et bien identifiés afin d éviter tout mélange. c) Il est également souhaitable de fixer une station de référence connue pour héberger une population d écrevisses à pattes blanches : avant de commencer les prospections sur un secteur, on s assurera ainsi de l activité des écrevisses sur ce site témoin. d) Par ailleurs, l étude des populations d écrevisses à pattes blanches nécessite des prospections nocturnes. Pour ne pas inquiéter les riverains, il pourra être utile de les informer au préalable (affichage public, porte-à-porte) ainsi que de prévenir la gendarmerie. e) Les techniques de prospection doivent être non traumatisantes (pour les écrevisses et le milieu), reproductibles et efficaces. Comme dans toute approche scientifique, la technique d observation ne doit pas perturber le phénomène analysé. L inventaire ne doit donc pas perturber les peuplements en place, sauf éventuellement pour P. leniusculus. f) Les écrevisses à pattes blanches manipulées doivent être remises à l eau sans dommage après avoir éventuellement subi quelques observations. 18

B - Recueil des données historiques Pour cette étape de recueil des données historiques, il convient de se rapprocher des structures telles que l ONEMA, les AAPPMA, les associations naturalistes les témoignages de riverains peuvent également apporter des éléments intéressants. La compilation des données historiques sous forme de cartographie (MapInfo) et la confrontation aux données actuelles permettra de mieux appréhender l évolution de l aire de répartition des populations d écrevisses autochtones et allochtones. Cela permettra également d essayer d estimer la période de disparition de celles-ci. Ainsi, des rencontres avec les présidents d AAPPMA et des anciens des sociétés de pêche natifs du secteur et ayant toujours pêché ont été organisées. Il leur a été demandé où se trouvaient les populations d écrevisses qu ils pêchaient avant les années 1980 et à partir de quelle période ils avaient constaté un déclin de l espèce, ainsi que l apparition des espèces non-indigènes. Attention : si un site actuel d écrevisses à pieds blancs ne correspond pas à un site historique, il ne s agit généralement pas d un nouveau site colonisé par les écrevisses, mais d un site qui était jusqu alors inconnu. Cette phase de collecte et de centralisation des données historiques est très importante car la disparition des personnes ressource amène à une perte de données jamais collectées jusqu à présent. C - Secteurs prospectés (fiche relevé de terrain) 1 - A. pallipes De 2001 à 2008, la FOPPMA et l ONEMA de l Orne ont prospecté l ensemble des bassins versants de l Orne avec une approche plus ciblée sur ceux engagés dans un Contrat Restauration Entretien co-signé avec l agence de l eau Loire-Bretagne. On considère aujourd hui que la majorité des populations d écrevisses à pattes blanches du département est référencée. Aussi, la FOPPMA est passée à une phase de suivi depuis 2007. Cependant, cette opération nécessite des moyens humains et financiers très importants. C est pourquoi, un programme pluriannuel a été mis en place par la FOPPMA dans le cadre du Réseau d Observation Astacicole (ROA) : les stations à prospecter sont réparties sur plusieurs années de telle sorte que chacune soit prospectée au moins tous les 5 ans. Cependant, des stations non programmées, indiquées par des présidents de sociétés de pêche ou des agents de l ONEMA comme intéressantes et susceptibles d abriter des écrevisses à pattes blanches, sont également à prospecter même si le ROA est basé sur le suivi des stations références. Par ailleurs, le choix de ne remplir la fiche terrain (Annexe XV) que pour les stations d A. pallipes a été fait dans un but de gain de temps. 2 - P. leniusculus Un inventaire propre à cette espèce a été mené sur le bassin de la Commeauche amont et de la Corbionne amont en 2008. Il convient donc de finaliser cette prospection et de comparer les données sur deux années. Au vu de la capacité d expansion de cette espèce, il convient d adopter un inventaire de linéaire de cours d eau plutôt que de stations. Le choix des linéaires s appuiera cette année sur les témoignages de présence de l écrevisse de Californie par les pêcheurs ou riverains afin de valider ou non ces données. 19

D - Techniques de prospection 1 - A. pallipes L écrevisse à pattes blanches étant active la nuit, les prospections s effectuent de la tombée de la nuit jusqu à parfois 4h30 pour une moyenne de 6 à 8 stations prospectées par nuit. La période optimale de prospection s étend de juin à septembre (dans les gammes thermiques supérieures à 10 C). Les inventaires s effectuent donc avec des lampes torches puissantes. Il convient également de se munir d une montre, d un thermomètre, d une fiche de terrain et de quoi noter. Ce type de prospection nécessite une lame d eau peu importante (au maximum 50 cm) et limpide afin de bien voir le fond. Ainsi, s il a plu dans la journée, il convient d attendre au moins 24 heures afin que la turbidité de l eau, liée à l écoulement des eaux du bassin, se dissipe. De même, le débit doit être relativement faible car les «turbulences» de l eau rendent la visibilité quasi-nulle. La prospection s effectue en limitant au maximum la pénétration dans l eau, afin d éviter les risques d écrasement des individus, de trouble de l eau et de perturbation de l habitat. Avant toute prospection de nuit, il est primordial de repérer les accès de jour. Ainsi, en fin de journée, la «tournée» des stations prévues pour la nuit est nécessaire afin de visiter un maximum de stations en un minimum de temps. En plus de permettre la détermination des limites amont/aval du linéaire colonisé par les écrevisses, ces prospections peuvent être l occasion de relever d éventuelles sources de perturbation affectant le milieu (rejets, traces de franchissement de cours d eau, piétinement au niveau d abreuvoirs pour le bétail ). Si aucun individu n est contacté sur une station connue pour abriter une population (alors que toutes les conditions nécessaires pour l inventaire sont remplies), il est indispensable de revenir une autre fois ou de poser des nasses avant de conclure sur la disparition de la population. 2 - P. leniusculus Les recensements d écrevisses à pattes blanches (2001, 2002, 2005 et 2008) ont montré que les populations d écrevisses de Californie étaient en nette progression sur de nombreux bassins versants, même sur les petits chevelus, menaçant directement les espèces indigènes. L objet du recensement 2010 est de faire un premier bilan sur l étendue des populations. La majorité des cours d eau infestés par l écrevisse de Californie sont bien connus des sociétés de pêche et il est facile d établir une première cartographie sur la base des témoignages des pêcheurs. De même, lors des premières prospections pour l écrevisse à pattes blanches, un certain nombre de populations d écrevisses de Californie ont déjà été recensées. a) Définition précise de son aire de répartition Il est impératif de définir précisément son aire de répartition actuelle afin de connaître sa vitesse propagation. De plus, il est intéressant d essayer de mieux connaître l écologie de cette espèce ainsi que la densité des individus, dans l objectif de limiter les populations sur les sous bassins où l écrevisse à pattes blanches est présente. Compte-tenu de l écologie de cette espèce, les méthodes de prospection sont différentes de celles utilisées pour l inventaire des écrevisses à pattes blanches. Le protocole utilisé a été 20