HEIDI KIPFER COMÉDIENNE



Documents pareils
Conseil Diocésain de Solidarité et de la Diaconie. 27 juin «Partager l essentiel» Le partage est un élément vital.

ISBN

On faitle rnarche. avec Papa

French 2 Quiz lecons 17, 18, 19 Mme. Perrichon

Nouvelle écrit par Colette lefebvre- Bernalleau 1

Louise, elle est folle

Alice s'est fait cambrioler

Auxiliaire avoir au présent + participe passé

Christina Quelqu'un m'attendait quelque part...

Ecole Niveau. Nous vous remercions pour votre participation.

EOI ARUCAS DEPARTAMENTO DE FRANCÉS DOSSIER PASSÉ RÉCENT FUTUR PROCHE PRÉSENT PROGRESSIF

Parapatate (nom commun) Objet qui sert à se protéger des patates (ex : J'ai sorti mon parapatate parce qu il pleuvait des patates.

Si vous aviez une voiture, que cela changerait-il dans votre vie?

Paroisses réformées de la Prévôté - Tramelan. Album de baptême

Le passé composé. J ai trouvé 100 F dans la rue. Il est parti à 5 h 00.

Mademoiselle J affabule et les chasseurs de rêves Ou l aventure intergalactique d un train de banlieue à l heure de pointe

La petite poule qui voulait voir la mer

COLLEGE 9 CLASSE DE 3ème E TITRE DE LA NOUVELLE : «Mauvaise rencontre»

Églantine et les Ouinedoziens

C est dur d être un vampire

1. La famille d accueil de Nadja est composée de combien de personnes? 2. Un membre de la famille de Mme Millet n est pas Français. Qui est-ce?

Le conditionnel présent

L enfant est là - La famille se réorganise

Discours direct indirect au présent

AVERTISSEMENT. Ce texte a été téléchargé depuis le site

Comment avoir une banque sans banque. Tome 2

Chez les réparateurs de zém

NOTRE PERE JESUS ME PARLE DE SON PERE. idees-cate

Parent avant tout Parent malgré tout. Comment aider votre enfant si vous avez un problème d alcool dans votre famille.

Indications pédagogiques E2 / 42

NOUVEAU TEST DE PLACEMENT. Niveau A1

V3 - LE PASSE COMPOSE

HiDA Fiche 1. Je crois que ça va pas être possible ZEBDA. Leçon EC1 - Les valeurs, principes et symboles de la république

Activités autour du roman

scaricato da

Unité 4 : En forme? Comment est ton visage?

LEARNING BY EAR. Sécurité routière EPISODE 7: «Le port du casque à moto»

Descripteur global Interaction orale générale

UNE CHIRURGIE D UN JOUR POUR VOTRE ENFANT

Je les ai entendus frapper. C était l aube. Les deux gendarmes se tenaient derrière la porte. J ai ouvert et je leur ai proposé d entrer.

MEILLEURS AMIS... PEUT-ÊTRE? Producent Gabriella Thinsz Sändningsdatum: 23/

JE CHLOÉ COLÈRE. PAS_GRAVE_INT4.indd 7 27/11/13 12:22

Kim, Andreas et Ba vous connaissez?

INFORMATIONS UTILES À DESTINATION DES ÉTUDIANTS VENANT À MALTE ET GOZO POUR APPRENDRE L ANGLAIS

LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES

AVERTISSEMENT. Ce texte a été téléchargé depuis le site. Ce texte est protégé par les droits d auteur.

LEARNING BY EAR. «Le football en Afrique beaucoup plus qu'un jeu»

Rebecca Léo Thomas Gaspard

Tout le monde est agité, moi seule ai l'esprit calme

Janvier BIG DATA : Affaires privées, données publiques

SOYETTE, LE PETIT VER A SOIE

Les dernières lettres de Marie Jelen

Rapport de fin de séjour. Bourse ExploraSup'

Les p'tites femmes de Paris

Questionnaire Enfants Projet Accueil dans les BM

Discours rapporté Direct Indirect p. 1

Générique [maintenir Durant 10 secondes puis baisser sous l annonce]

Lisez ATTENTIVEMENT ce qui suit, votre avenir financier en dépend grandement...

ACTIVITÉ 1 : LES ADJECTIFS POSSESSIFS

LBE 2009 Migration Épisode 8 Rentrer à la maison : Ghana - Somalie

QUELQUES MOTS SUR L AUTEURE DANIELLE MALENFANT

Je veux apprendre! Chansons pour les Droits de l enfant. Texte de la comédie musicale. Fabien Bouvier & les petits Serruriers Magiques

Grand jeu - Le secret du manoir de Kergroas

Indications pédagogiques C3-15

Rapport de fin de séjour Mobilité en formation :

LEARNING BY EAR. «Les personnes handicapées en Afrique» EPISODE 10 : «L histoire d Oluanda»

LE DISCOURS RAPPORTÉ

La petite poule qui voulait voir la mer

La rue. > La feuille de l élève disponible à la fin de ce document

PAR VOTRE MEDECIN! «FUN», LES CIGARETTES RECOMMANDÉES NOUVELLE PERCÉE MÉDICALE!

Texte de Pierre GENTON Dessins de Vincent RINGLER

«J aime la musique de la pluie qui goutte sur mon parapluie rouge.

le livret de Bébé nageur avec la complicité de bébé.

TeenSpeak. À propos de la santé sexuelle. La vérité vue par les ados

Quelle journée! Pêle-mêle. Qu est-ce que c est? DOSSIER Écoutez les phrases. Écrivez les mots de la page Pêle-mêle que vous entendez.

UN AN EN FRANCE par Isabella Thinsz

Histoire de Manuel Arenas

Dossier pédagogique. Septembre Centre de la petite enfance La trotinette carottée

Quelqu un qui t attend

************************************************************************ Français

Learning by Ear Le savoir au quotidien Les SMS, comment ça marche?

PRÉPARATION AU TEST! CULTURE INTERNATIONAL CLUB

S ickness Impact Profile (SIP)

GROUPE DE SPECIALISTES SUR UNE JUSTICE ADAPTEE AUX ENFANTS (CJ-S-CH) QUESTIONNAIRE POUR LES ENFANTS ET LES JEUNES SUR UNE JUSTICE ADAPTEE AUX ENFANTS

OLIVER L ENFANT QUI ENTENDAIT MAL

CLUB 2/3 Division jeunesse d Oxfam-Québec 1259, rue Berri, bureau 510 Montréal (Québec) H2L 4C7

Questionnaire ERASMUS

Fiche de reflexion sur la formation et l'utilisation du plus-que-parfait

Un moulin à scie!?! Ben voyons dont!!!

Enseignement des habiletés sociales au secondaire

La carte de mon réseau social

Jouer, c'est vivre! Repères sur le jeu en Action Catholique des Enfants

Transcription:

HEIDI KIPFER COMÉDIENNE

MILENA DE ET PAR HEIDI KIPFER, D APRÈS INTERVIEW Une femme albanaise de Serbie, un foulard autour des épaules, est assise dans un bureau communal. Elle est venue chercher de l'aide. Combien de fois on doit encore déménager? On a déménagé à St-Croix, on est y resté un mois, et après de nouveau à Yverdon, là où on habite maintenant et pis après dans une autre rue Quand on est arrivé là-bas, moi j'ai pêté les plombs. Je disais des mots... Je regrette maintenant Je pétais les plombs. C'était dégueulasse, on n'aurait pas mis des animaux là-dedans. J'ai téléphoné au responsable de la FAREAS pour lui dire l'état de l'appartement, pour qu'il vienne voir. Il m'a dit: «Si je me déplace, vous devez payer 150 francs.» Je vous jure, j'ai dit: «Venez, je suis prête à vous payer 300 francs!» Il a dit: «Madame, vous avez oublié que vous êtes réfugiée?» J'ai dit: «Monsieur, je n'ai pas oublié, et il n'y a pas besoin de répéter, je sais.» Pendant dix jours, on était comme des clochards dans cet appartement. C'était catastrophe, dégoûtant. Moi, je faisais des ménages, j'en ai vu de toutes les couleurs, mais une personne, où elle habite, elle doit tenir comme il faut, faire le ménage, respecter l'appartement. Il y a vraiment des gens qui abusent, qui font n'importe quoi. Moi où j'habitais, chaque fois, je laissais l'appartement tip top, même je disais à mon mari de refaire les peintures. On est resté 12 ans, on a laissé l'appartement tip top. Après la gérance, elle est venue, la FAREAS, elle est venue, et ils ont félicité: «Vraiment, bravo, si tout le monde était comme vous.» Et maintenant, encore une fois, il faut déménager, la FAREAS ne nous le laisse pas, c'est trop grand pour nous, ils disent. C'est 3 pièces et demie, parce qu'en ce moment on est juste mon mari et moi. Pour un couple, on a droit à une pièce, c'est tout. Donc là, je vous explique: le lavabo de la cuisine, il est bouché, j'ai utilisé 50 francs pour acheter des produits forts, parce que je connais tous les produits, mais c'est impossible, ça pue, ça pue, parce que c'est un peu vieux et jamais ils ont fait le ménage comme il faut, jamais ils ont lavé et puis voilà. Mais ça dégoûte, ça dégoûte. La salle de bain, le plafond, il est tout décollé, la chambre à coucher, la moquette, partout il y a des trous; dans le salon, ils ont mis un tapis, mais c'est la même chose. Avant hier, un monsieur envoyé par la gérance est venu changer la moquette dans le salon. J'ai demandé à ce monsieur: «Et la chambre, la salle de bain, la cuisine?» Il m'a dit: «Madame, la gérance, elle ne veut rien savoir tant que vous êtes réfugiés.» J'ai dit: «Mais moi, j'en ai marre, tout le temps, tout le monde, partout où tu vas, vous êtes réfugiée.» Alors, c'est pour ça, je viens vers vous ici, à la Commune, pour expliquer la situation et vous répondez: «Je suis désolé, Madame, je ne peux rien faire pour vous, c'est la FAREAS qui s'occupe de vous, vous êtes réfugiée.» «Ça, je sais, j'ai entendu

plusieurs fois, des millions de fois, j'ai entendu, mais je ne suis pour rien si je suis réfugiée» La même histoire toujours, justifier toujours toujours raconter l'histoire... Je suis une dame albanaise. Je viens de la Serbie, je suis née et j ai grandi au Kosovo C'est en 91 qu'on est arrivé ici en Suisse. À l'époque, ce n'était pas une guerre, mais c'était pire que la guerre, si vous voulez. Parce que quand c'est une guerre, ils savent tout le monde que c'est une guerre. Ce n'était pas la guerre, mais une vie très, très difficile, seulement parce que nous on est albanais. Nous on n'avait pas d'histoires Ça a commencé quand mon fils avait neuf ans. Mon mari travaillait dans une fabrique de tabac. Mon fils à cette époque, il était gravement malade, il était à la maison et le médecin de famille, un Macédonien, un homme très bon, il venait le soigner tous les jours. Un matin, trois voitures avec la police sont allées chercher mon mari à la fabrique. Ils l'ont fait sortir et ils lui ont dit: «Ton fils est un terroriste.» Mon mari, il a dit: «Mais qu'est-ce qu'il a fait mon fils?» Ils ont dit: «Il a pris une arme dans un local, un petit restaurant des Serbes où il y a une photo de Milosevic.» Et comme quoi mon fils il a dit: «Si vous n'enlevez pas cette photo, je vous tue tout le monde.» Alors mon mari il a dit: «Mais d'abord je n'ai pas d'arme, je ne suis pas quelqu'un d'armé, mon fils, il a neuf ans, il est malade, même s'il n'est pas malade, un enfant de neuf ans, il ne peut pas faire ça. Non ce n'est pas vrai.» Alors ils ont tabassé mon mari dans la rue. Moi, j'étais à la maison, je ne savais rien du tout et il yaunenfant des voisins qui est venu en courant: «Tante Milena, tante Milena, viens voir. Il y a beaucoup de police qui tape ton mari!» Après ça, ils ont mis mon mari dehors de son travail. Parce qu'en fait moi je ne savais pas ces histoires, mon mari, il ne racontait rien de son travail. Mais, à cette époque, il y avait beaucoup d'albanais qui travaillaient à cette fabrique, et ils ont demandé de prendre la carte du parti, du parti de Milosevic et mon mari il n'était pas d'accord. Parce que cette carte, ça voulait dire, soutenir le parti et les actions, et mon mari, comme d'autres Albanais, il n'a pas voulu accepter ça. Même moi, je ne peux pas accepter ça. Alors, ils les ont mis dehors du travail. Ça veut dire, nous, on est resté deux ans, deux ans et demi sans travail. Chaque jour, la tension montait et nous on était bloqué en Serbie, nous on ne pouvait rien, rien faire, parce qu'on n'était pas beaucoup et à cette époque, ils pouvaient venir n'importe qui et faire n'importe quoi et la police, elle a accusé mon mari d'avoir organisé une manifestation, mais il n'était pour rien. Un après-midi, on a entendu un cri, alors mon mari il est sorti pour voir ce qui se passait et il n'est pas rentré, alors moi aussi je suis sortie. J'ai vu beaucoup de femmes, des hommes et des enfants, alors je suis rentrée à nouveau parce que er j'avais peur pour les enfants. Le 1 jour, il ne s'est rien passé, ensuite il y a ème beaucoup de police qui est arrivée, beaucoup. Mais le 2 jour, c'était catastrophe. Je crois que personne ne pouvait fuir, ils ont tapé, les hommes, les femmes, les enfants Ensuite, il yaeuquelqu'un connu du Kosovo qui est arrivé pour dire: «Vous n'êtes pas beaucoup ici, vous restez calme. On n'a pas le choix.» Mais

après, c'est presque tous les jours que la police venait chercher mon mari pour le mettre en prison, taper, faire ce qu'ils voulaient. Après une semaine, mon mari, il est parti chez un cousin, en Macédoine et, nous, on n'a plus quitté la maison. Parce que chez nous elle ne vient jamais la journée, la police, mais à 4 heures du matin. On avait un chat. Un soir, on l'a cherché, les enfants ne voulaient pas rentrer parce qu'on ne trouvait pas le chat. Mais, à 18 heures, je leur ai dit de rentrer, parce qu'après 19 heures on ne pouvait plus sortir. Il fallait tout fermer, on n'avait pas des volets, alors souvent j'ai mis des duvets pour ne pas voir la lumière dehors. Le lendemain, vers 7h30, je suis sortie, et j'ai cherché le chat. Parce que chez nous on a une grande maison avec mille mètres de jardin et un grand balcon avec une place pour mettre des fleurs et puis j'ai vu de l'autre côté un carton avec un sac, un sac de poubelle. Je me suis dit «mais qu'est-ce que c'est que ça?» J'ai été vers le carton et j'ouvre le sac et je vois qu'ils ont massacré le chat, mais massacré, en toutes petites pièces, et dans le carton c'est écrit: «aujourd'hui, on a massacré le chat, mais demain ce sera vos enfants.» J'ai pris vite le carton et je l'ai enterré dans le jardin. Les enfants, ils se sont réveillés et ils ont voulu chercher le chat. J'ai dit: «nous on doit aller quelque part.» Mon mari il m'avait dit: «si un jour, t'es vraiment obligée, je ne pense pas qu'ils touchent à vous, c'est moi qu'ils cherchent, mais si jamais tu prends juste ton sac et les enfants et rien d'autre.» On n'avait pas le téléphone, je ne pouvais pas l'avertir. J'ai pris les enfants, ils m'ont demandé: «On y va où maman?» J'ai dit: «on va promener, pis on revient.» Pour prendre le bus on te voit, ils te surveillent: «tu vas où?» Alors j'ai marché 5 km, jusqu'à un petit village où s'arrêtait le train. C'était première fois que je montais dans le train, on est arrivé à Skopié. Je ne savais pas où il habitait le cousin de mon mari, j'étais allée 3-4fois.Skopié est une grande ville. Les enfants y ont dit: «Mais on fait quoi maintenant?» J'ai dit: «On attend papa.» Mais je fais comment? Heureusement Je salue, grâce à Dieu, Allah! Dieu, Allah c'est la même chose. Le fils du cousin de mon mari, il m'a vu. «Mais tante Milena qu'est-ce que tu fais ici?» J'ai dit: «Je cherche mon mari.» Comme on n'avait pas d'argent pour le bus, on a marché, marché. C'était loin. Quand il nous a vus, mon mari, il était choqué. J'ai dit: «On ne peut plus rester à la maison.» On a passé deux jours là, et le cousin il a trouvé quelqu'un qui nous a amenés jusqu'en Croatie, et pis de là, on a trouvé quelqu'un d'autre et, depuis la Slovénie, on a été dans des cartons, dans un grand camion. Parce que je n'ai pas de passeport, j'ai rien moi. On était caché, on a voyagé jusqu'en Suisse, on est arrivé à Bâle. J'ai oublié de vous dire que mon fils, il était blessé à la jambe, là-bas, chez nous, on voulait lui couper la jambe. Lui, il était mal, mal, quand on est arrivé à Bâle. Mon mari, il parlait un peu le suisse allemand, parce qu'il était venu travailler 3 mois chaque année ici en Suisse allemande. Je n'arrive jamais à oublier Il pleuvait, c'était pas l'hiver, mais il pleuvait, on était fatigués, on était mal habillés, on avait faim, et le monsieur, le gardien du centre d'enregistrement, il m

ne voulait pas nous laisser entrer, c'était un grand monsieur, et il disait à mon mari «Y a pas de la guerre au Kosovo.» C'est vrai à cette époque, c'était entre la Croatie et la Serbie. Et mon mari, il voulait expliquer la situation: «J'ai un enfant blessé.» Mais lui, il ne voulait rien savoir, et moi je disais à mon mari: «Mais alors, c'est comme les Serbes ici, c'est comme chez nous, tu me parlais qu'ici c'est un pays bien, civilisé, un pays démocratique!» Parce qu'il me parlait tout le temps de la Suisse, parce qu'à l'époque de Tito, comme j'ai dit, il venait chaque année. Moi, je ne voulais pas quitter chez nous, ça ne m'intéressait pas d'aller vivre ailleurs. Mon mari, il disait: «Tu ne t'inquiètes pas, bientôt, celui-là il va partir, on va attendre l'autre.» Et moi je disais «Peut-être il va venir quelqu'un pire.» On a attendu encore un moment, puis c'est un autre monsieur qui est arrivé. Il est tout de suite venu vers nous, on est entré. Il nous a proposé quelque chose à manger, mais moi, je ne voulais rien, je ne pouvais plus. Il a appelé l'ambulance, et on a conduit notre fils à l'hôpital. Ensuite, on est allé à Alltstätten. Là on a expliqué notre histoire, on est resté là-bas pendant 10 jours, c'était bien, ils nous donnaient à manger, boire, je peux rien dire, c'était bien. Après, on est allé à Cossonay, on est resté 18 mois. J'aimais bien rester à Cossonay. C'est un petit village, les gens sont bien, vraiment, mais on a été obligé de déménager à Yverdon. La FAREAS nous a trouvé un appartement, on est resté une année, après on a dû encore déménager. Mais il yaeubeaucoup de choses Si je peux, si j'ai une place chez moi, si j'avais pu, je ne serais jamais partie et restée 16 ans ici. J'aimerais rentrer, mais malheureusement, je ne peux pas Il y a encore des choses J'ai encore la marque de quand ils ont tapé. Depuis 91, on est ici en Suisse, depuis bientôt 16 ans. Moi, j'ai passé plusieurs fois à l'hôpital psychiatrique, à cause des situations comme ça, je ne pouvais plus supporter, et c'est pas pour dire, mais moi je suis une personne honnête, je peux pas aller chez un patron et dire tout se passe bien, je cherche travail, parce quand il y a beaucoup de bruit, ça me fait peur, quand il y a beaucoup de gens, je ne peux pas rester. Mais avant, j'ai travaillé 4 ans au Grand Hôtel des Bains comme femme de chambre. Mais après, ils ont pris la permission du travail, et là j'étais très mal, parce que je voulais vraiment travailler Ah! Pourquoi ils m'ont pris le permis de travail? Je n'ai pas compris. Là-bas, il y avait toutes les fêtes: les Serbes, ils sont orthodoxes, nous on est musulmans, quand c'étaient des fêtes à nous, ils venaient, on partageait le pain. Quand c'étaient leurs fêtes, ils partageaient avec nous, et puis un jour, à cause du régime, tout ça tourne mal et tu peux plus vivre avec eux. Tu ne peux plus vivre avec ces gens. C'étaient mes voisins, ils sont la même chose, mais eux pourquoi ils ont fait ça? Parce que moi, je ne pouvais pas faire mal à quelqu'un, je ne pouvais jamais. Pis, je ne peux pas, jamais. Malheureusement, maintenant, j'ai perdu Je perds Comment Je dis parce que j'étais avant j'étais quelqu'un avec beaucoup de patience, maintenant, je ne peux plus, j'ai perdu la patience, je m'énerve vite, à cause de ce qui s'est passé et de qu'est-ce qui se passe. Maintenant c'est difficile. Avant, j'étais une dame vraiment calme C'est ça le

plus dur, parce que dans ma tête, d'un jour à l'autre, ils peuvent venir nous chercher, c'est ça qui fait peur. Parce que quand on est arrivé, on n'était pas bienvenus, pas par rapport à des gens, mais par rapport à la loi, alors moi, je disais à mon mari: «On y va d'ici, on va dans un autre pays.» Et mon mari, il disait non. Heureusement, on n'est pas tout seul. J'ai de bons amis, de bons voisins, ils sont vraiment très gentils avec nous. J'ai vraiment du respect pour les gens à Yverdon, et eux aussi ils ont respect pour moi. Quand je vois la voiture de police, je me cache, parce que ça me fait peur, j'ai toujours peur. Ce n'est pas une vie, mais malheureusement, c'est comme ça. Pendant 4 ans, j'étais toujours enfermée chez moi, je ne sortais pas. Mais grâce à une infirmière qui s'est bien occupée de moi, une dame espagnole, c'était comme une sœur pour moi, grâce à elle, j'ai pris le courage de sortir. Moi, je ne suis pas quelqu'un de fermé, j'aime les gens. Ce qui me ferait plaisir? Voir mon petit-fils Ouf! Vivre en paix. Au moins, qu'ils me donnent une chance Pour le permis, s'ils me le donnent ou s'ils me le donnent pas, mais au moins vivre en paix. Pour ne pas penser. Aujourd'hui, ce jour est passé, mais demain Qu'est-ce qui va se passer, demain? Combien de fois on doit encore déménager?