RAPPORT COMMERCE EQUITABLE SUD/SUD COMPTE RENDU SEMINAIRE 2 ET 3 FEVRIER 2011 COMPTE RENDU ATELIER 8 FEVRIER AU FSM DAKAR 2011 A DAKAR 0
SOMMAIRE Introduction. P.2 Commerce Equitable et Plaidoyer. P.4 Commerce Equitable... p.4 Plaidoyer pour le Commerce Equitable... p.5 Commerce Equitable Sud/Sud : Enjeux et Défis.....P.6 Pourquoi un commerce équitable Sud/Sud.....p.6 Définition du Commerce Equitable Sud/Sud......p.7 Défis du Commerce Equitable Sud/Sud..... p.7 Réflexions pour des pistes d actions......p.9 Augmenter le soutien des pouvoirs publics.....p.9 Sensibiliser la population au Sud........ p.13 Développer des filières intégrées au Sud...... p.15 Conclusion : Quelles perspectives de collaboration?...... P.19 Annexes...P.23 Exemples d initiatives Sud/Sud : - Politiques publiques en faveur du commerce local, le cas de Coopealnor au Brésil.......p.8 - Plaidoyer pour le commerce équitable : l exemple de Faces do Brasil.........p.12 - Sensibilisation sur le Commerce Equitable au Sud : l exemple de Sasha en Inde......p.14 - Filière textile intégrée : le projet de chaîne textile juste et solidaire en Argentine....p.17 - Chaîne de valeur du coton, le cas du Sénégal... p.18 - Réseaux de soutien à la production et à la consommation locale : Red COMAL au Honduras..p.19 - Appui pour la création de points de vente au Sud : exemple de Ndem au Sénégal...p.20 Rapport du séminaire et de l atelier sur le Commerce Equitable Sud/Sud organisés par Oxfam Magasins du Monde, Artisans du Monde, Setem et COFTA dans le cadre du FSM de Dakar 2011 Rédaction : Clémentine SERVAIRE Image de couverture : Cheikh Anta LOUME Février 2011 1
COMMERCE EQUITABLE SUD/SUD Introduction Du 6 au 11 février 2011, le Forum Social Mondial a eu lieu à Dakar. Dans ce cadre, Oxfam-Magasins du monde, Artisans du Monde, SETEM et COFTA (Cooperation for Fair Trade in Africa), ont organisé des activités centrées sur la thématique du Commerce Equitable Sud/Sud. Le commerce équitable est une alternative concrète au marché conventionnel dominé par le libéralisme et les multinationales : il offre à des petits producteurs marginalisés par ce système inéquitable la possibilité de participer à des transactions commerciales dans des conditions justes. Depuis plusieurs années, le commerce équitable a démontré son impact positif sur les communautés des producteurs participant à ce système alternatif. Ceux-ci ont en effet pu accéder à une plus grande stabilité économique et à des conditions de vie décentes. Cependant, le commerce équitable, conçu à l origine dans une logique Nord/Sud, a aussi montré ses limites. Depuis quelques temps, les acteurs au Sud affirment leur volonté de se réapproprier le concept de Commerce Equitable, d adapter ses exigences à leurs réalités, de développer des filières de production, de transformation et de commercialisation au Sud afin d accroître leur autonomie en créant davantage de valeur ajoutée dans leurs pays et en diminuant leur dépendance vis-à-vis des importateurs du Nord. Lors du séminaire organisé par Oxfam-Magasins du Monde en novembre 2009 à Overijse sur le thème «Le commerce équitable, pour quels changements?», il est apparu très clairement que le commerce équitable Sud/Sud était un thème prioritaire pour les représentants des organisations du Sud. Fort de ce constat, et souhaitant sortir de la vision Nord/Sud du commerce équitable trop restrictive, les quatre organisations ont pris l initiative d organiser un séminaire sur cette thématique à Dakar avec leurs partenaires du Sud, les 2 et 3 février 2011 en amont du Forum Social Mondial, puis ont proposé un atelier de restitution et de débats lors du FSM, le 8 février 2011. Objectifs du séminaire & de l atelier : Favoriser les échanges entre organisations invitées : expériences, enjeux, défis et projets. Créer des passerelles d échange d expériences entre les organisations de commerce équitable du Sud et du Nord. Susciter des pistes de collaboration entre organisations de producteurs autour du commerce équitable Sud-Sud. Poser les bases d un plaidoyer au Nord et au Sud en faveur d un commerce équitable Sud- Sud. Problématique : Le commerce équitable Sud-Sud : quelles perspectives et quelles pistes de collaboration entre acteurs du Nord et du Sud? 2
Déroulé du séminaire des 2 et 3 février 2011 au Centre Bopp de Dakar : La matinée de la première journée du séminaire a été consacrée à la présentation des résultats de l atelier d Oxfam Magasins du Monde à Overjise sur le commerce équitable et le plaidoyer ; une introduction des principaux enjeux et défis du commerce équitable Sud/Sud identifiés sur la base de questionnaires remplis par les organisations en amont du séminaire ; enfin la présentation de trois organisations et leurs activités de commerce équitable Sud/Sud (Red Comal au Honduras, Coopealnor au Brésil et Mi Camisa au Sénégal). L après midi les participants se sont regroupés en trois groupes de travail selon leur secteur d activité : artisanat, textile-coton, produits alimentaires et cosmétiques, afin d identifier les défis propres à ces filières et des pistes d actions communes dans le cadre du développement d un commerce équitable Sud/Sud. La deuxième journée du séminaire s est déroulée en plénière. Lors des travaux en groupe la veille, trois défis prioritaires ont été soulevés. Nous avons travaillé ensemble pour tenter d identifier des solutions et des pistes d actions communes afin de relever ces défis. Déroulé de l atelier du 8 février 2011 au FSM de Dakar : L objectif de l atelier était de présenter à un large public (organisations de commerce équitable, groupes de producteurs, ONG, syndicats, étudiants et grand public) des expériences concrètes de commerce équitable Sud/Sud et les résultats auxquels nous sommes parvenus lors du séminaire afin d enrichir davantage nos réflexions. Nous avons notamment donné la parole à Sasha (Inde), Faces do Brasil (Brésil), Otro Mercado del sur (Argentine), Mi Camisa (Sénégal), Ndem (Sénégal) et RELACC (Amérique Latine) pour nous parler de leurs expériences. Nous avons clôturé ces échanges par un débat avec le public. Ce rapport présente les échanges d expériences effectués lors de ces rencontres et les résultats, les perspectives d actions auxquelles ils ont aboutis. Photo de groupe des participants au Séminaire 2&3 février 2011 au Centre Bopp de Dakar 3
COMMERCE EQUITABLE SUD/SUD Commerce Equitable & Plaidoyer Commerce Equitable Présentation par François Graas (Oxfam-Magasins du Monde) et Mohamed el Mongy (COFTA) Le commerce équitable est d abord une réponse à un commerce inéquitable. C est à partir des années 1960-1970 que, face à l injustice des règles du commerce international, des organisations ont mis en place des filières commerciales alternatives. L idée de départ consiste surtout à appuyer les projets portés par des organisations de producteurs agricoles et d artisanat du Sud, en leur trouvant des débouchés commerciaux dans le Nord. Les pratiques de commerce équitable reposent sur un ensemble de principes. Parmi ces principes, on peut mentionner le paiement d un prix juste, mais aussi la préservation de l environnement ou la mise en œuvre de pratiques comme le préfinancement des commandes passées aux producteurs. De la sorte, le commerce équitable constitue une expérience commerciale alternative, en montrant qu un autre commerce est possible. Grâce aux pratiques qu il implique, le commerce équitable est donc aussi un outil de développement, qui permet d établir une solidarité internationale sur des filières de production complètes. Mais le contenu du commerce équitable dépasse largement la mise en œuvre de filières alternatives. En effet, le commerce équitable comporte une forte composante de changement, d un changement qui passe par l éducation, la sensibilisation, la mobilisation ainsi que par le plaidoyer. Rappel : définition du Commerce Equitable «Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel.» Marche d ouverture du FSM 6 février 2011 à Dakar 4
Commerce Equitable et Plaidoyer Le commerce équitable a été créé à partir d objectifs essentiellement politiques. L ambition de départ du commerce équitable ne se limite pas à mettre en place des filières alternatives bénéficiant à quelques dizaines milliers de producteurs. L objectif de la démarche est beaucoup plus ambitieux, car il vise à changer en profondeur les règles du commerce mondial. Concrètement, à partir du constat qu il existe un commerce inéquitable qui génère une pauvreté massive, les acteurs de commerce équitable agissent de deux manières pour créer un changement : Ils agissent sur les conséquences du commerce inéquitable. En commercialisant les produits de groupes organisés de producteurs, on peut soutenir des projets de développement au niveau local et permettre à des milliers de producteurs et à leurs familles d améliorer leurs conditions de vie. Dans cette stratégie, on cherche surtout à augmenter les volumes de vente des produits issus du commerce équitable. Ils agissent aussi sur les causes du commerce inéquitable. Il s agit ici d un travail de plaidoyer, de campagne, d éducation, afin de sensibiliser et d interpeller les citoyens, les responsables politiques et les acteurs privés sur la nécessité de changer en profondeur les règles du commerce international. Dans cette stratégie, l objectif principal est de rendre le commerce international plus équitable, plus juste. L approche se concentre donc plus sur l écrasante majorité du commerce que sur la part minime du commerce équitable dans le commerce mondial. Les deux types d action sont complémentaires et font la spécificité du commerce équitable. Les organisations de commerce équitable appuient leur discours sur des pratiques concrètes, mises en œuvre au quotidien. Autrement dit, les organisations de commerce équitable ne se contentent pas de parler de commerce, mais elles font elles-mêmes du commerce. Ainsi, l utilité et l impact du commerce équitable ne peuvent pas être réduits des parts de marché, même si celles-ci ont augmenté au cours du temps, ce qui montre que les consommateurs ne sont pas tous indifférents aux principes du commerce équitable, loin de là. 5
Commerce Equitable Sud/Sud : Enjeux et défis Présentation par Clémentine Servaire et Mohamed el Mongy (COFTA) Pourquoi un Commerce Equitable Sud/Sud? Création de nouveaux débouchés commerciaux Saturation des marchés au Nord Crise financière ayant pour conséquence une forte diminution des commandes aux producteurs du commerce équitable donc une baisse conséquente de leurs revenus Assurer la souveraineté/l autonomie des producteurs du Sud Diminuer la dépendance aux pays du Nord Assurer une souveraineté alimentaire, économique et politique Réappropriation du Concept au Sud Promouvoir une vision sud du Commerce Equitable Adapter les critères du commerce équitable aux réalités locales Sortir de la dichotomie pays du Nord riches et pays du Sud pauvres Développement de filières Sud / Création de valeur ajoutée Créer de la valeur ajoutée dans les pays du Sud en assurant la production des matières premières et la transformation au Sud Développer la consommation locale en promouvant une consommation responsable Répondre localement à des besoins locaux Préservation de l environnement Réduire l impact écologique pour assurer la durabilité du commerce équitable Lutter contre le réchauffement climatique et rendre les communautés moins vulnérables aux changements climatiques Préservation de la culture Promotion des savoirs faire et des produits traditionnels Eviter la «folklorisation» des produits équitables 6
Qu est-ce que le Commerce Equitable Sud/Sud? Production de matières premières Transformation Commercialisation Commerce Equitable Nord/Sud SUD NORD ou SUD NORD Commerce Equitable Sud/Sud SUD SUD SUD ou NORD Ce schéma explique le circuit de la production à la consommation des produits issus du commerce équitable dans le cas Nord/Sud et Sud/Sud. Dans le cas qui nous intéresse ici du commerce équitable Sud/Sud, l objectif recherché est d effectuer toutes les étapes de production, de transformation et si possible de commercialisation au Sud, afin de créer davantage de valeur ajoutée dans les pays du Sud. Le commerce Sud/Sud intervient donc à plusieurs niveaux tout au long de la filière de création de valeur, mais aussi sur différents plans géographiques : local (ex : production, transformation et distribution dans un même pays du Sud), régional, continental, international (ex : production dans un pays du Sud, transformation dans un pays frontalier, commercialisation sur un autre continent). Voici une proposition de définition élaborée lors du séminaire. Le Commerce Equitable Sud/Sud consiste à : Développer des filières complètes au Sud (par des partenariats Sud/Sud, des modes de labellisation adaptés) afin de développer l'emploi et l'économie locale tout en proposant des produits à la portée des populations du sud (en complément à l'exportation) Informer les citoyens et les pouvoirs publics aux enjeux et défis de cette économie alternative et solidaire au service des populations du Sud et qui respecte l'environnement et les ressources naturelles Faire pression collectivement sur les instances internationales pour stopper les dégâts issus de l'organisation actuelle du commerce basée sur une économie «libérale» destructrice. Imposer le paradigme du bien vivre par l'exemple, démontrant que d'autres pratiques économiques existent aujourd'hui, assurant un développement respectueux de l'humain tout en préservant les générations futures. Les principaux défis du Commerce Equitable Sud/Sud Lors des travaux en sous-groupes (artisanat, produits alimentaires et cosmétiques, textile-coton) qui ont eu lieu l après midi de la première journée du séminaire, un certain nombre de défis communs à l ensemble des organisations de producteurs du Sud ont été identifiés pour le développement d un commerce équitable Sud/Sud. 7
Voici les principaux défis identifiés : Sensibilisation : Nécessité de vulgariser les concepts, pratiques et principes du commerce équitable pour sensibiliser et éduquer les consommateurs et citoyens du Sud Chaîne de valeur / filières Sud : Développement de filières de production/ transformation au Sud pour créer de la valeur ajoutée dans les pays du Sud Plaidoyer : Développement de politiques publiques en faveur du commerce équitable Accès aux financements : Favoriser l accès aux financements solidaires (problème de préfinancement de la production pour le marché Sud) Accès au marché : Développement de points de distribution au Sud, adaptation des produits équitables aux attentes des consommateurs locaux ou d autres marchés Sud, rendre accessible les produits équitables aux différentes classes sociales du Sud (adaptation au pouvoir d achat) Certification : Mise en place de critères, principes et systèmes de garanties participatifs et adaptés aux réalités locales Mise en réseau : Partage d expériences, développement de partenariats, mise en place de projets communs Infrastructures / logistique : Amélioration des infrastructures, accès à l énergie, facilitation des transports BRESIL : DES POLITI- QUES PUBLIQUES FAVO- RABLES AU COMMERCE EQUITABLE Le cas de Coopealnor : Coopealnor, coopérative d agriculteurs localisée dans le Nord de l état de Bahia au Brésil, bénéficie du Programme pour l Acquisition d Aliments (PAA) mis en place par le gouvernement fédéral. Ce programme vise à garantir des conditions de vente justes aux agriculteurs familiaux et à contribuer à la sécurité alimentaire des producteurs et des consommateurs en améliorant la qualité et en contribuant à un développement durable des municipalités. Grâce au PAA, Coopealnor a pu augmenter la commercialisation locale de ses produits, notamment les jus d orange, car les cantines scolaires ont l obligation d acheter au moins 30% de leur consommation d aliments à des producteurs s inscrivant dans l agriculture familiale. Ce projet a eu pour principal résultat d assurer le soutien aux producteurs locaux et à une agriculture durable, et de participer à améliorer la qualité nutritionnelle des enfants. 8
Réflexions pour des pistes d actions Dans le cadre des travaux en sous-groupes, les 8 défis listés ci-dessus ont été identifiés. Trois d entre eux ont été reconnus comme prioritaires : Le plaidoyer pour la mise en place de politiques publiques favorables au commerce équitable La sensibilisation / l éducation des consommateurs et citoyens du Sud Le Développement et la valorisation de filières intégrées dans le Sud Lord de la deuxième journée du séminaire, nous avons choisi de réfléchir ensemble à des leviers d actions pour faire face à ces défis, et atteindre notre objectif commun de développement du commerce équitable Sud/Sud. Pour chaque défis, nous avons tenté de définir quels sont les moyens d action et à quels acteurs nous devons faire appel : politiques, organisations de commerce équitable, populations, réseaux, société civile, secteur privé au Nord et au Sud. 1. Augmenter le soutien des pouvoirs publics QUEL ACTEUR? QUE DOIT FAIRE CET ACTEUR? Avec qui? POLITIQUE (national) Mettre en place un cadre réglementaire sur le commerce équitable et l économie solidaire et s assurer de son application. Ex : lois qui révisent la Constitution (Equateur, Honduras) Ex Brésil : décret sur la reconnaissance des organisations de Commerce Equitable et appui à ces organisations. Le décret inclut un processus de vérification de l implémentation du système par la participation de la société civile. Reconnaissance des systèmes participatifs de garantie. Soutenir financièrement le secteur Intégrer dans la Constitution le devoir de consulter la population sur les enjeux économiques Ex : Traités de libre-échange commercial Avoir un espace de participation pour la population dans l implémentation concrète des politiques Définir une part des achats publics devant être orientée vers des produits issus du commerce équitable Ex (Brésil) : Programme national d alimentation dans les écoles. 30% des aliments consommés viennent d organisations de l agriculture familiale Soutien à l artisanat Ex Inde : fonds publics rendus disponibles Villes/autorités locales : s inspirer des campagnes européennes comme «Fair Trade Towns» (UK), «territoires de Commerce Equitable» (FR) et de leurs critères. A construire avec la société civile, dans un processus participatif. 9
POLITIQUE (international / régional) POPULATION (Sud) Organisations de commerce équitable SUD Gouvernements du Nord : consacrer des moyens pour l aide au développement : ces politiques doivent appuyer un commerce Sud-Sud (ex : financement de projets) Organisations régionales : appuyer le développement (technique, ) du secteur APE (Accords de Partenariat Economique) : impact sur les capacités des pays du Sud à se protéger. Thème de plaidoyer important (vers l UE). Donner la voix aux pays asiatiques, africains Il y a des fonds spécifiques pour le CE (créé par Accords de Cotonou) auxquels les Etats peuvent accéder. Les structures de CE doivent travailler avec leurs gouvernements pour canaliser ces fonds a travers eux vers les producteurs. Mobilisation populaire, lutte pour les droits des paysans et artisans. Montrer aux pouvoirs publics les activités et les impacts du commerce équitable Former les producteurs, les acteurs du Sud, pour qu ils puissent plaider leur cause S unir pour parler d une seule voix vers les pouvoirs publics Réseaux nationaux et régionaux qui permettent de mettre en place des suggestions sur les politiques d échanges commerciaux Faitrade Africa, COFTA, WFTO AL, WFTO Asie, etc. Organisations de commerce équitable NORD RESEAUX / collaborations Appui provenant des organisations ayant eu des résultats concrets en matière de plaidoyer Appuyer les projets dans le Sud de développement de marchés locaux Expertise, know-how en matière de sensibilisation, pour faire campagnes dans le Sud Campagnes de pression sur les multinationales qui vendent au Nord avec des pratiques néfastes pour les producteurs du Sud. Ex : supermarchés qui vendent des produits équitables mais qui en même temps exploitent producteurs du Sud à dénoncer! Campagnes en faveur de processus de certification participatif (bio, économie sociale, équitable). Systèmes qui font leur preuve dans le Sud mais sont ignorés dans le Nord (par FLO par ex). Nouvelles manière de certifier, certifications locales (dépendance moindre par rapport à l Europe) Ex : campagne qui implique des organisations de Commerce Equitable du Sud pour remettre un texte à l Union européenne sur les accords commerciaux. Processus long, 4-5 ans, en consultation. Le secteur du CE doit participer à cette consultation, et peut y intégrer les enjeux du CE Sud-Sud. Les plateformes nationales doivent attirer l attention sur notre secteur Ex : Fair Trade Forum India Montrer ce qui est possible dans les lois existantes Ex : lois d import-export au Sénégal, pour favoriser échanges avec autres pays d Afrique de l Ouest Permettre davantage d échanges car des choses se font, mais on l ignore souvent Ex : Sénégal : il existe une plateforme commerce équitable Aldianawo Avec les organisations de commerce équitable au Sud. 10
avec une charte des valeurs. Idem dans 5 autres pays africains Créer un petit comité «nord-sud» exécutif, technique, travaillant sur la sensibilisation, sur les lois (UE, Amérique du Nord, Chine, Japon, Inde ) Organisations sociales, société civile AUTRES? Travailler avec les organisations déjà présentes! Elles sont plus grandes, ont plus de compétences, plus de capacités de plaidoyer, Ex : fédération des coopératives du Sénégal. Les écoles, en consommant équitable, contribuent à mettre la pression sur les gouvernements pour que les lois y soient favorable (via ministère de l éducation par exemple) Travaux académiques, recherches, travaux d études, sur le CE, pour alimenter le travail de plaidoyer Ex : projet COFTA de recherche sur les changements climatiques et le commerce équitable avec Ndem. Ex : études sur impacts des filières qui montrent qu il y a des expériences en termes d impact sur le marché local. Résumé des discussions sur le plaidoyer : L aspect plaidoyer est ressorti comme un élément indispensable pour le développement d un commerce équitable qu il soit orienté Nord/Sud ou Sud/Sud. En effet, pour assurer un changement en profondeur des pratiques actuelles de commerce injustes, les gouvernements et institutions internationales doivent accompagner les acteurs du commerce équitable dans la construction d une autre économie, basée sur des valeurs humaines de solidarité et de justice. Dans le cas du commerce équitable Sud/Sud ou du commerce local, les gouvernements ont la capacité de prendre des mesures simples et efficaces pour soutenir le commerce équitable. L introduction de critère favorisant le commerce équitable dans les marchés publics est probablement un vecteur grâce auquel nous pouvons obtenir un impact fort et rapide en faveur du commerce équitable. Dans ce cas, les gouvernements s engagent à s approvisionner à hauteur d un pourcentage déterminé en produits issus du commerce équitable ou local (voir l exemple du Brésil rapporté par Coopealnor). L autre aspect indispensable est celui de la concertation politique avec les acteurs de la société civile et la population, notamment lors de l adoption de lois économiques et sociales, afin que les populations puissent défendre leurs intérêts, et dans le cas du commerce équitable, que certains principes puissent être édictés dans les lois. Enfin, la mise en place d un cadre réglementaire sur le commerce équitable au niveau national, qui assure une reconnaissance des acteurs de ce mouvement et un soutien à leurs actions qu il soit politique, financier, etc. (voir exemple de Faces do Brasil). Ce travail de plaidoyer auprès des gouvernements et des instances internationales doit être accompagné par les organisations de commerce équitable du Nord et du Sud, les acteurs de la société civile qui bénéficient d une expertise en termes de plaidoyer et les réseaux pour faciliter la mise en lien de l ensemble de ces acteurs et augmenter le poids de nos paroles. Mais le plaidoyer demande avant tout de sensibiliser, d éduquer les acteurs à la base, les populations, pour qu ils prennent conscience de leurs droits et apprennent à les défendre. Nous devons donc impérativement travailler en complément sur la formation des acteurs au plaidoyer. 11
PLAIDOYER POUR LE COMMERCE EQUITABLE : L exemple de FACES DO BRASIL La plateforme Faces do Brasil a été créé en 2001 à l'initiative d'un groupe d'organisations de la société civile, réunissant ONG, groupes de producteurs et partenaires gouvernementaux intéressés par la construction commune de principes et procédures garantissant une identité brésilienne dans le mouvement international du commerce équitable, en particulier dans une perspective de développement des marchés locaux. Faces do Brasil est notamment parvenu à mettre en place avec le gouvernement brésilien un décret de reconnaissance des organisations de Commerce Equitable. La première étape fut de définir conjointement des principes et critères communs au commerce équitable et à l économie solidaire. Ensuite il doit être mis en place un système d accréditation, à travers des réglementations et des contrôles, qui devrait mener à l acceptation d un système de garantie. Le commerce équitable et solidaire est alors défini comme : «un flux commercial différencié qui établit des relations éthiques et solidaires entre tous les maillons de la chaîne de production, avec pour résultats une forme de renforcement des travailleurs, des paysans et de leur famille, des peuples indigènes, des quilombola, des mineurs et paysans qui sont désavantagés ou marginalisés par le système conventionnel des relations commerciales». 2. Sensibiliser la population à la nécessité d un Commerce Equitable au Sud QUEL ACTEUR? QUE DOIT FAIRE CET ACTEUR? AVEC QUI? POLITIQUE (national) POPULATION (Sud) Appuyer les structures de Commerce Equitable pour la sensibilisation de la population - sensibilisation dans les écoles sur la consommation responsable - campagnes de communication / publicité - sensibilisation/information des producteurs - Soutien financier pour l éducation au développement Profiter des initiatives de communication pour plaider en faveur de politiques d éducation. Intégrer l économie solidaire/le CE dans la constitution du pays, dans des lois Avoir une réflexion sur sa consommation ONG nationales : sensibilisation sur les impacts du CE (emploi, environnement, conditions de vie ) campagnes de communication et plaidoyer vers les politiques Travail en commun avec les producteurs ONG/ société civile : Campagnes de sensibilisation citoyenne 12
Organisations de commerce équitable SUD Participer /Organiser des foires commerciales et en profiter pour diffuser l information, Informations dans les boutiques. Communiquer dans les réseaux sociaux en ligne (facebook / twitter) Partager les expériences/outils de sensibilisation Site de communication et réseautage en ligne Organisations de commerce équitable NORD Action d éducation au Commerce Equitable pour viser une transformation sociale Formation d animateurs Actions conjointes d éducation Ex : AdM avec Kairos Organisations de Commerce Equitable du Sud Mouvements sociaux (ex : Mouvement des Sans Terre au Brésil) RESEAUX Campagne de sensibilisation sur les politiques publiques (la consommation vue comme un acte politique). Conscientisation vers tous publics / large communication Partage de bonnes pratiques Expertise en termes de plaidoyer (appui du Nord) Conscientiser les populations sur leurs actes de conscientisation. Réseaux d acteurs de commerce équitable et réseau d économie solidaire Associations de solidarité internationale Avec les réseaux nationaux SECTEUR PRIVE Qu ils changent leurs pratiques! Les ONG : campagnes de sensibilisation sur les acteurs économiques Les partenaires économiques doivent être elles même un relais éducatif Organisations sociales Sont des leviers pour toucher des nouvelles personnes. En créant des groupements de divers acteurs qui euxmêmes ont leurs propres publics. Résumé des discussions sur la sensibilisation : Si l on invente un nouveau système d échanges basé sur des valeurs, alors, il faut accompagner les populations à travers ces mutations structurelles. L'Éducation populaire est donc un vecteur de transformation incontournable et le commerce équitable ne pourra pas se passer d'éducation des consommateurs. «L'éducation ne sera pas exclusivement la cause du changement social, mais le changement social ne pourra se faire sans éducation» (Paulo Freire) Aujourd hui, le concept de commerce équitable est relativement bien connu des populations au Nord. A contrario, les populations du Sud, qui pourtant sont censées être les bénéficiaires du commerce équitable, ne connaissent pratiquement pas ce système d échange alternatif. Dans ce cas, comment penser développer un commerce équitable Sud/Sud? Cela demande en premier lieu que les producteurs connaissent cette alternative, puis que les consommateurs comprennent l importance d une consommation responsable pour accepter de payer un produit équitable qui 13
généralement est plus cher qu un produit conventionnel. Pourquoi? Parce qu acheter équitable ou acheter local, c est contribuer au développement de mon pays, donc à une amélioration de la situation de mes concitoyens, de mes proches et de moi-même. Sans ce travail d éducation, impossible de concevoir le développement d un commerce équitable Sud/Sud. L important travail de sensibilisation qui a été fait au Nord par les organisations de commerce équitable doit maintenant être fait au Sud : Sensibilisation dans les écoles Campagnes de communication au niveau national Sensibilisation/information des producteurs Partage des bonnes pratiques Développement d outils d éducation au développement Information/sensibilisation sur les lieux de commercialisation (boutiques, foires, expositions) Etudes d impacts ; etc. SENSIBILISATION SUR LE COMMERCE EQUITABLE AU SUD : L exemple de SASHA en Inde Sasha a été fondé en 1978 pour appuyer le développement de groupes d artisans et de communautés et soutenir leurs besoins et aspirations. Aujourd'hui, c'est un réseau de plus de 100 groupes de producteur avec plus de 5000 artisans, dont plus de 70 % sont des femmes travaillant sur une large variété de métiers artisanaux. Il y a trois décennies Sasha a ouvert une boutique à Calcutta, servant de lieu de rencontre entre des artisans locaux, des designers professionnels et des clients conscientisés. Sasha a pu développer la commercialisation locale de ses produits, et aujourd hui la boutique commercialise d autres produits de commerce équitable provenant d Asie (Bangladesh, Vietnam, Thaïlande, Indonésie) et même d Afrique (Ghana, Kenya et Tanzanie). Cette réussite dans le développement d un commerce équitable local et d échanges Sud/Sud est incontestablement liée aux nombreux événements de promotion du Commerce Equitable que Sasha a mené en Inde pour sensibiliser les consommateurs comme, par exemple : Divers évènements en partenariat avec des entreprises et les Chambres de commerce Des concerts de musique Classique indienne, Musique rock etc. Des expositions thématiques dans leur boutique Le partage d information sur les portails web et réseaux sociaux La célébration de la Journée Mondiale du Commerce Equitable Des sessions de sensibilisation dans les écoles et universités Participation à des foires et expositions, et distribution de documents d information sur le commerce équitable Atelier du 8 février au FSM 14
3. Développer et valoriser une filière intégrée dans le Sud QUEL ACTEUR? QUE DOIT FAIRE CET ACTEUR? AVEC QUI? POLITIQUE (national) POLITIQUE (international / régional) POPULATION (Sud) Organisations de commerce équitable SUD Amélioration des infrastructures et de l accès à l énergie (développement des énergies renouvelables) Soutien aux entreprises/industries de transformations (investissement) Soutien aux projets de transformation sous-régionaux (facilitation des transports, barrières douanières, etc.) Ex : Développement de la transformation du coton en Afrique de l ouest (Voir encadré ci-dessous) Rassembler consommateurs et producteurs Ex : Système de paniers de fruits et légumes (type AMAP en France) où les acheteurs tissent des liens de solidarité avec des producteurs. Renforcer les capacités des groupements de producteurs au Sud Ex : Marie Diallo renforcement de la filière karité dans la sous-région : qualité, gestion, calcul des prix, etc. Renforcer les partenariats entre producteurs de matières premières et transformateurs Ex : Baobab des Saveurs a organisé sa filière d approvisionnement en identifiant des groupements de producteurs et en faisant des conventions locales avec eux Développer la commercialisation locale Ex : partenariats avec les hôtels, création d espace communautaires de Commerce Equitable. Ex : Ndem en partenariat avec Chico Mendes a pour projet de construire un espace commerce équitable pour la commercialisation de ses produits et d autre produits équitables sénégalais. Il s agira d une entreprise sociale sénégalo-italienne, à propriété partagée. Relation entre producteurs de matières premières équitables et conventionnels : sensibilisation des producteurs et partage des savoirs/techniques Echanges technologiques entre les pays (appropriation des technologies par les producteurs du Sud) pour favoriser la transformation des matières premières au Sud Ex : visites de producteurs dans d autres régions du monde, nord ou sud, pour échanger sur les techniques et technologies utilisées. Ex : Artisans du Monde a organisé un échange entre des producteurs d olive en France et en Palestine pour transfert de technologies Connaissance des aspects légaux des marchés Plaidoyer avec l appui des Organisation au Nord et des réseaux Appui des réseaux pour la mise en réseau des acteurs tout au long de la filière Structures locales ou régionales (hôtels, pharmacies, boutiques ) POPULATION (Nord) Soutenir la consommation de produits transformés au Sud (sensibiliser les consommateurs) 15
COMMERCE EQUITABLE SUD/SUD Organisations de commerce équitable NORD RESEAUX / collaborations CERTIFICATEURS Faire connaître les produits traditionnels du Sud au Nord Ex : Appuyer l obtention d agrément pour l export de ces produits au Nord (Ex : bouye) Appui au perfectionnement des filières Appui pour accès à l énergie, eau (ex : forages, panneaux solaires) Favoriser échanges d expérience, partage des technologies Lier producteurs, transformateurs et distributeurs au Sud Certifier filières intégrées (locales ou sud) Développer des systèmes de certification au Sud et des organismes certificateurs Ex : Plateforme Adianawo au Sénégal qui a mis en place une charte des valeurs et tend vers une certification sous-régionale des produits équitables Résumé des discussions sur les filières intégrées Sud : La construction de filières intégrées au Sud est apparue comme un enjeu majeur lors de ces rencontres. En effet, un véritable commerce équitable n est possible que si l essentiel de la valeur ajoutée d un produit fini est créé au Sud : créer de la valeur au Sud est la condition pour assurer un développement autonome et durable en luttant contre les causes de la pauvreté. Prenons l exemple du Ghana ou de la Côté d Ivoire, pays producteurs de café : quelle logique y a-t-il à exporter ses grains de café brut, qui seront transformés, torréfiés en Europe, puis importer du café pour la consommation, souvent sous forme de café instantané de mauvaise qualité, alors que le café ghanéen ou ivoirien aurait pu être transformé et consommé localement? Aucune logique, et un important manque gagner pour les pays producteurs, car la majorité de la valeur ajoutée d un produit fini se situe dans la transformation, pas dans la matière première. Un exemple frappant sur le coton au Sénégal : 100 kilos de coton transformé est vendu au même prix qu une tonne de coton brut. L objectif d établissement de filières intégrées est néanmoins loin d être évident à réaliser. Certaines organisations, certains pays, ont réussi à créer des filières entièrement locales (notamment en Asie et en Amérique Latine), mais pour d autres le défis reste encore à relever, et peut être très complexe dans le cas de certaines filières, comme le textile, du fait de la longueur de sa chaîne de transformation. Les leviers d actions pour favoriser le développement des filières au Sud sont multiples, un certain nombre d entre eux ont pu être identifiés lors de ces rencontres, entre autres : La nécessité de faciliter l accès aux technologies pour les producteurs du Sud, en organisant des échanges d expériences et des formations L amélioration des infrastructures (notamment pour le transport et l accès à l énergie) dans certains pays Le soutien par les gouvernements du Sud et la société civile des projets de transformation La mise en lien des producteurs et des transformateurs 16
Le renforcement de capacités des producteurs/transformateurs sur différents aspects : techniques, législatifs, financiers, etc. La mise en place de systèmes de certification des filières intégrées, adaptés aux réalités des producteurs du Sud FILIERE TEXTILE INTEGREE : Le projet Cadena Textil Solidaria en Argentine Le projet «Cadena Textil Solidaria» (Filière textile solidaire) s inscrit dans une vision basée sur la durabilité sociale et environnementale, la création de valeur ajoutée et une conception du travail comme culture de la dignité. L objectif général est la création de filières intégrées pour la production compétitive de produits textiles équitables. Les étapes de la filière respectent les trois piliers stratégiques suivants : Production de coton biologique avec des petits producteurs (90 familles bénéficiaires) Transformation (tissage, teinture, coupe et confection) avec des coopératives urbaines engagées au niveau social et environnemental et dans la création d emplois dignes (ex : Coopérative Textiles Pigüé, entreprise récupérée par les travailleurs lors de la crise en Argentine, 110 travailleurs/membres) Marketing basé sur la prise de conscience pour une consommation responsable Cadena Textil Solidaria commercialise essentiellement ses vêtements à travers le circuit du commerce équitable et les entreprises engagées dans une démarche de responsabilité sociale (Ex : Levi s), sur le marché local et international. Néanmoins, un point faible subsiste : la nécessité de volume de production que CTS n arrive pas encore à atteindre faute de continuité dans la production. Ce facteur augmente les coûts et porte préjudice aux producteurs car il est difficile de consolider les emplois et d assurer une durabilité. Le défi à relever pour CTS consiste alors à développer les débouchés commerciaux, garantissant une continuité dans les volumes de commande donc de production. A cette fin un projet de création d une marque propre est en cours, afin de pouvoir commercialiser directement sur le marché local et international. Atelier du 8 février au FSM de Dakar 17
CHAINE DE VALEUR ARTISANALE DU COTON AU SENEGAL : Le Cas de la fédération Yakar Niani Wulli Chaîne de valeur du coton au Sénégal La chaîne de création de valeur du coton au Sénégal est rendue quasi impossible car il n existe pas de filature industrielle du coton, celle-ci ayant fermé il y a quelques années. Le coton est donc cultivé par les producteurs et égrainé par la Sodefitex au Sénégal, puis la fibre est exportée pour être transformée (filature, tissage, teinture, couture). Ce «vide» dans la chaîne de valeur crée un important manque à gagner pour les producteurs sénégalais qui pourraient bénéficier de la valeur ajoutée liée à la transformation du coton. Pour pousser l aberration, les tisseurs, teinturiers et couturiers locaux, ne pouvant s approvisionner en coton sénégalais transformé, se voient obligés d acheter du fil et du tissu importés pour confectionner leurs produits, ne connaissant même pas l origine du coton (bien qu il soit souvent d origine chinoise, qui par ailleurs exerce une forte concurrence sur le coton africain, plus cher, mais généralement de meilleure qualité que le fil ou tissu de coton chinois distribué sur le marché sénégalais). Le cas de la Fédération Yakar Niani Wulli La fédération YNW regroupe près de 2000 producteurs dans plus de 80 villages de la région de Tambacounda, au Sud Est du Sénégal. Les producteurs de la fédération cultivent essentiellement du coton, mais ont diversifié leur production avec le fogno, l indigo, le bissap, et le sésame car la culture du coton seule ne permettait pas de couvrir tous leurs besoins. Aujourd hui, le coton est certifié bio et équitable et 100% du coton est vendu au prix bio et équitable, ce qui ne fut pas le cas au début du projet. Au total, les frais de certification bio et équitable reviennent à 4000 par an. Ce montant est beaucoup trop élevé pour la fédération YNW, qui sans l appui de l ONG sénégalaise Enda Pronat, ne pourrait pas continuer à produire du coton bio et équitable certifié. Afin de répondre à la problématique de la filière coton au Sénégal et créer davantage de revenus pour les populations locales, YNW en partenariat avec Enda Pronat et MiCamisa (entreprise sénégalaise de confection de chemises équitables membre de WFTO), a mis en place un projet de transformation artisanale du coton : filature, tissage et teinture naturelle, pour parvenir à des produits finis bio et équitables réalisés intégralement au Sénégal. Ce projet a la capacité de créer de nombreux emplois, notamment grâce à la revalorisation de la filature artisanale, pratique ancienne qui bénéficie aux femmes, aux artisans et aux teinturiers, mais qui a tendance à disparaître. Reste encore à développer les débouchés commerciaux pour assurer une autonomisation et une pérennisation de cette filière. Aujourd hui, il est nécessaire d exercer un plaidoyer au niveau régional pour encourager une volonté politique de transformation du coton au niveau régional. Car en dépit des efforts des cotonculteurs et ONG pour solutionner ces difficultés, l appui des gouvernements est indispensable pour redynamiser le secteur cotonnier en Afrique de l Ouest. 18
COMMERCE EQUITABLE SUD/SUD Conclusion des rencontres : Quelles perspectives de collaboration? Mise en réseau et partage des expériences Lors de l atelier du 8 février au Forum Social Mondial, un participant a lancé un appel à l union des continents : «les trois continents appauvris, et non pas pauvres, car l Afrique, l Asie et l Amérique Latine sont riches mais ont été pillées, doivent s unir pour se relever!» En effet, les pays du Sud doivent s unir pour défendre leur cause, et la première étape de cette union est la mise en lien de tous ces acteurs : se connaître, échanger, partager pour construire ensemble. Le séminaire et l atelier qui ont eu lieu à Dakar font partie de cette construction de lien, et les échanges d expériences que ces rencontres ont permis, sont une véritable réussite. Trouver des solutions communes est une question plus complexe, qui prendra certainement du temps car les réalités ne sont pas toujours les mêmes. Comme on a pu le constater durant ces rencontres, l Amérique Latine et l Afrique par exemple, ne se situent pas aux mêmes degrés d avancement dans leurs luttes sociales. Mais l échange d expérience est nécessaire, car il peut inspirer des populations et des organisations d autres continents. Dans certains pays d Amérique Latine, tout comme en Inde, des organisations de commerce équitable et d économie solidaire sont parvenues à obtenir un appui de l Etat. Comment faire pour que les autres pays d Asie, d Afrique et d Amérique Latine puissent aussi bénéficier de cet appui politique indispensable? L exemple de certains pays, et notamment du Brésil, peut-il servir de modèle aux autres? Il est évident que l on ne peut copier-coller une solution élaborée dans un contexte particulier, à un autre système. Il n existe pas de modèle universel de réussite. Néanmoins, ces initiatives peuvent servir d exemples à réadapter à d autres réalités. DES RESEAUX DE SOUTIEN A LA PRODUCTION ET A LA CONSOMMATION LOCALE Red COMAL au Honduras Le Réseau de Commercialisation Communautaire Alternative, Red COMAL, est une organisation de petits producteurs au Honduras. Son objectif est de promouvoir la production locale et d établir des réseaux de distribution équitables. Red COMAL appuie la création d une économie basée sur la solidarité, mettant en premier lieu les besoins de base des personnes ayant un accès limité au marché. Red COMAL compte environ deux cents groupes communautaires affiliés qui s occupent de la production agricole, de la transformation, et de la commercialisation des produits dans des boutiques communautaires. Le système d appui inclut le renforcement de capacités des groupes communautaires, l appui à la création de nouveaux produits et le plaidoyer politique. 19
Séminaire 2 et 3 février 2011 au Centre Bopp La nécessité de mise en réseau est donc apparue prioritaire lors de ces rencontres : mise en réseau des producteurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs, organisations d appui, pour faciliter le partage des bonnes pratiques et les échanges commerciaux. Pourtant des réseaux existent déjà, alors c est peut être là l occasion de lancer un appel aux réseaux existants pour qu ils assurent leur raison d être et renforcent davantage la création de liens entre tous ces acteurs. Nouvelle vision du Commerce Equitable Outre la mise en réseau, la nécessité de redéfinir l identité du Commerce Equitable a dominé les échanges. Il est aujourd hui nécessaire de mettre en place une démarche endogène et progressive de réappropriation du Commerce Equitable par les acteurs du Sud. Un plus grand nombre de producteurs du Commerce Equitable cherche à s orienter vers les marchés locaux au Sud, à la recherche de nouveaux débouchés en raison notamment de la crise économique qui a eu pour effet de diminuer fortement les commandes des organisations du Nord importatrices de produits équitables. On observe alors une réorientation vers un commerce communautaire, dans une logique d Economie Sociale et Solidaire mais sans toujours y apposer le nom de Commerce Equitable. Ce concept est trop connoté Nord/Sud et porte le poids des labels (en particulier FLO) et des exigences qui y sont attachées (cf. étude réalisée par le RIPESS en Bolivie sur le développement du Commerce Equitable). Pourtant, ce sont bien des initiatives de Commerce Equitable, faisant partie intégrante du mouvement d Economie Sociale et Solidaire. Nous arrivons donc au constat que l identité du Commerce Equitable doit être redéfinie. Le Commerce Equitable ne s inscrit pas uniquement dans une logique Nord/Sud, et ce système n est pas régi par un système de garantie unique. Les critères, principes, exigences du Commerce Equitable doivent être repensés par les acteurs à la base, et adaptés à leurs réalités. Dans ce sens, on voit que des initiatives de certification au Sud se développent, comme par exemple la charte de valeur du commerce équitable réalisée par la plateforme Aldianawo au Sénégal. Ce qui est certain, c est que les acteurs du Sud n ont pas attendu le nord pour développer des initiatives de commerce équitable Sud/Sud. Perspectives de Coopération.. Aujourd hui, au vu de toutes ces initiatives d échanges Sud/Sud, de cette revendication d un commerce équitable repensé par les acteurs du Sud, plus proches des réalités et accès sur la création de valeur ajoutée au Sud, comment les organisations du Nord et du Sud peuvent-elles coopérer pour appuyer cette dynamique endogène? Quelques propositions d actions : Faire un maillage entre des financeurs publics européens et des projets de commerce équitable Sud/Sud ; 20
Démultiplier les échanges d expériences dans l objectif de faire du transfert de compétences, et appuyer le développement des filières au Sud ; Appuyer la création de points de vente au Sud ; Organiser des campagnes de plaidoyer Nord et Sud pour changer les règles de l OMC, de la Banque Mondiale et du FMI ; Réaliser des études sur les systèmes de certifications existants, leurs modes de fonctionnement, leurs avantages et inconvénients, pour servir de base au développement des certifications Sud ; Créer une plateforme d échanges virtuelle entre les réseaux nationaux pour partager les expériences, réfléchir à des projets communs (plaidoyer, échanges commerciaux, etc.) ; Cartographier les initiatives/organisations de commerce équitable dans le monde ; Créer un comité de liaison entre les trois continents du Sud pour le plaidoyer ; etc. APPUI POUR LA CREATION DE POINTS DE VENTE AU SUD Exemple de Chico Mendes et NDEM au Sénégal L Association des Villageois Ndem est née en 1985 d une initiative locale pour lutter contre l exode rurale en posant les bases d un développement communautaire durable. L artisanat constitue le moteur du projet global de Ndem, intégrant les questions économiques, sociales et environnementales et répondant concrètement aux problématiques locales de création de richesse. La coopérative artisanale Maam Samba de Ndem regroupe une douzaine d ateliers artisanaux répartis en 2 grandes filières : la filière textile et la filière d'artisanat traditionnel. A lui seul, le centre artisanal offre du travail à plus de 300 personnes (hommes et femmes) de Ndem et des villages environnants. Ndem exporte ses produits en Europe à travers des organisations de commerce équitable mais souhaite développer la commercialisation locale, afin de diminuer sa dépendance à l exportation qui a eu pour conséquence une diminution drastique de ses ventes lors de la crise économique. En partenariat avec Chico Mendes, organisation de commerce équitable italienne, Ndem met en œuvre un projet de création d un espace de commerce équitable à Dakar, pour la commercialisation des produits artisanaux et maraîchers de Ndem ainsi que des produits équitables d autres groupements sénégalais, et qui servira aussi de lieu de sensibilisation sur le commerce équitable. Cet espace sera une entreprise sociale sénégalo-italienne, exemple concret de coopération Nord-Sud. Rencontre avec les fondateurs du projet de Ndem 21
En Conclusion.. Evaluation du séminaire Pour conclure, et en se référant notamment à l évaluation effectuée suite au séminaire et aux échos que nous avons eus des participants à l atelier du FSM, le choix de la thématique commerce équitable Sud/Sud a été fortement apprécié, car c est une réflexion qui occupe une position prioritaire dans les stratégies de développement des acteurs du Sud. Par ailleurs, ces rencontres ont été l occasion d échanger des expériences, de partager des bonnes pratiques, d identifier des défis communs : la parole a réellement été donnée aux acteurs du Sud. Pour en venir aux pistes d actions concrètes, certaines idées ont émergé des débats, mais on pourrait déplorer qu aucun projet n ait été mis en place lors des rencontres. Mais est-ce vraiment le moment de construire des projets conjoints ou est-ce encore le temps de la maturation des échanges? Nous pencherons pour la deuxième option, au vue des commentaires de chacun. Néanmoins, peut être qu une nouvelle rencontre sera nécessaire d ici quelques temps pour construire ces projets, une fois que les échanges auront été muris, partagés avec d autres collaborateurs du Nord et du Sud. Une perspective d avenir facilitant la construction conjointe, serait de réunir dans un premier temps les acteurs par continent, puis à plus long-terme dans une dynamique internationale. Les organisations d Amérique Latine ont montré la voie lors de ces rencontres, et ont élaboré ensemble une déclaration proposant diverses pistes d actions concrètes et communes pour le développement du Commerce Equitable Sud/Sud sur le plan continental. Cette déclaration propose par ailleurs d étendre son action au niveau international à long terme, et de s unir avec l Afrique et l Asie pour plaider ensemble davantage de justice dans le commerce mondial et promouvoir un commerce équitable entre les continents du Sud. A nous tous d agir pour que cette belle utopie devienne réaliste en assurant des suites concrètes à ces échanges et propositions d action! 22
Annexe 1 : Présentation des organisateurs Oxfam-Magasins du monde est une organisation de commerce équitable active en Belgique depuis 1976. L organisation importe des produits issus du commerce équitable auprès de ses organisations partenaires du Sud et les distribue dans des Magasins du monde tenus par des équipes bénévoles. Véritable mouvement de citoyens, Oxfam-Magasins du monde compte 3500 bénévoles jeunes et adultes qui luttent pour un monde plus juste. Avec ce mouvement, Oxfam-Magasins du monde constitue une force de changement qui mène des actions d interpellation, de sensibilisation et d information auprès des citoyens, des entreprises et des pouvoirs publics. SETEM est une association de solidarité internationale, née en 1968, indépendante et participative, qui avec d autres organisations cherche à sensibiliser les citoyens sur les inégalités mondiales croissantes et ses causes, et promouvoir les transformations personnelles et sociales nécessaires pour parvenir à un monde plus juste et solidaire. SETEM considère sa tâche comme un processus qui, à travers la connaissance et l analyse critique de la réalité, génère des réflexions, des attitudes et des actions critiques chez les personnes en les faisant sujets responsables et actifs, dans le but de construire une société civile engagée dans la solidarité et la transformation des structures et relations injustes. Elle agit principalement à travers les axes d action suivants : sensibilisation, formation et mobilisation sociale. SETEM reconnait et valorise aussi l importance du plaidoyer politique comme stratégie d intervention, et y participe via le travail en réseau et l alliance avec d autres organisations, tant du Nord que du Sud. Réseau de distribution associatif et militant, Artisans du Monde défend depuis 1974, une vision engagée du commerce équitable. Les magasins Artisans du Monde sont des lieux où le public peut acheter 100% de produits issus du commerce équitable, mais également s informer, s éduquer et s engager en faveur d un commerce mondial plus juste. Artisans du Monde revendique de pouvoir pratiquer le commerce autrement grâce à 3 moyens d action qui forment les piliers de notre mouvement : La vente de produits issus du commerce équitable qui permet aux producteurs, artisans ou paysans défavorisés des pays du Sud, de vivre dignement et d'être acteurs de leur développement ; L éducation au commerce équitable qui permet aux consommateurs de devenir des citoyens actifs dans leurs choix de consommation et dans le développement de l'économie solidaire ; 23
Les campagnes d opinion publique et le plaidoyer qui contribuent, à un niveau plus global, à changer les règles et les pratiques du commerce international. Le mouvement Artisans du Monde repose en grande partie sur le travail bénévole de plus de 6 500 adhérents. Leur engagement est essentiel pour faire vivre les magasins, sensibiliser le public, mener des actions militantes Mais le bénévolat n exclue pas la création d emplois : Artisans du Monde est ainsi le premier employeur du commerce équitable en France, avec plus d'une centaine de salariés. La Coopération Africaine pour le Commerce Equitable (COFTA) est la section régionale de l Organisation Internationale du Commerce Équitable (WFTO). C est un réseau comprenant des organisations du Commerce Equitable inscrites en Afrique et travaillant à la base avec les producteurs défavorisés, pour contribuer à la lutte contre la pauvreté par le biais du commerce équitable. La mission générale de COFTA est d améliorer les moyens d existence des producteurs africains en les associant aux principes du Commerce Equitable. COFTA a été créé par des producteurs Africains en 2004 et a pour objectif majeur d être la voix continentale pour plus d accès au marché et pour la défense des relations équitables entre les producteurs africains et leurs partenaires du Nord. COFTA est actuellement composée de 140 organisations membres venant de 24 pays africains. Les membres COFTA sont actifs dans des activités diverses, liées, entre autre, au thé, au café, à la vanille, au miel, aux fruits séchés, aux jus, à l artisanat et aux textiles. Son siège est basé à Nairobi, Kenya. 24
Annexe 2 : Liste des participants au séminaire Nom & Prénom Organisation Mail François Graas OXFAM MAGASINS DU MONDE francois.graas@mdmoxfam.be Jérôme Chaplier OXFAM MAGASINS DU MONDE jerome.chaplier@mdmoxfam.be Roopa Mehta SASHA roopa.mehta@sashaworld.com Rafael Cezimbra COOPEALNOR rafael_cezimbra@yahoo.com.br José Victor Pop Bol AJ QUEN ajquenpopadmond@gmail.com Anna Fernandez SETEM afernandez@setem.org Vanessa Moreira Sigolo FACES DO BRESIL vanessa.sigolo@gmail.com> Jasseir Alves Faces do Brasil jasseir@yahoo.com.ler Padre Graziano Mason RELACC rubentapiamcch@yahoo.es Harold Picchi OTRO MERCADO DEL SUR harold_picchi@yahoo.com.ar Francisco Martinez COOPERATIVA TEXTILES PIGUE mantecam9@yahoo.com.ar José Trinidad Sánchez RED COMAL jtsanchez@redcomal.org.hn Mohamed el Mongy COFTA advocacy@cofta.org Karfa Diallo MI CAMISA karfa@micamisa.com Moussa Diène NDEM - MAAM SAMBA ong@ndem.info Assane Mboup ONG de NDEM mboupcom@showmecounsulting.com Marie Diallo Dr MARIE DIALLO LABORATOIRES m.dialo@mariedialo.com Mama Gueye BAOBAB DES SAVEURS magueye34@yahoo.fr Madame Ilboudo GAFREH gafreh@yahoo.fr Erika Girault ARTISANS DU MONDE e.girault@artisansdumonde.org Claude Chosson ARTISANS DU MONDE c.chausson@artisansdumonde.org Marie Paule Jammet ARTISANS DU MONDE mp.jammet@artisansdumonde.org Stéphane Leborgne ARTISANS DU MONDE s.leborgne@artisansdumonde.org Françoise le Mer ARTISANS DU MONDE francoiselemer@gmail.com 25
Danièle Perrier-Cornet ARTISANS DU MONDE dperrier.cornet@wanadoo.fr Renée Cordier ARTISANS DU MONDE Renee.cordier@orange.fr Elsa ARTISANS DU MONDE elsacoa@yahoo.fr Tatiana Ferrari ARTISANS DU MONDE Tatiana_ferrari@yahoo.fr Philippe Savoye ARTISANS DU MONDE phsavoye@yahoo.fr Pierre Gendron ARTISANS DU MONDE Edmund Butcher FAIRTRADE FOUNDATION edmund.butcher@fairtrade.org.uk Kwame Banson FAIRTRADE AFRICA k.banson@fairtradeafrica.net Gianluca Bozzia CHICO MENDES gianluca.bozzia@chicomendes.it Moctar Fall WFTO/COFTA moctarfall@orange.sn Clémentine Servaire Coordinatrice activités CE FSM Clementine.servaire@hotmail.fr Cheikh Anta Loume Appui logistique et communication/graphisme cheixanta@hotmail.fr Yasmine El Rifai Appui logistique yasmineelrifai@gmail.com Hanna Sjolund COFTA - Recherche hanna.sjolund@gmail.com 26