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Transcription:

U N I V E R S I T E L U M I E R E L Y O N 2 E n c o h a b i l i t a t i o n a v e c l 'Ecole Normale Supérieure L et tres et Sci ences Humaines, Lyon. De l'applicabilité des Sciences Cognitives à l'ingénierie & au design pédagogique : Mise à l'épreuve expérimentale du modèle d'analyse Cognitive des Techniques d'apprentissage Mémoire de Master en Humanités et Sciences Humaines Mention Sciences Cognitives, spécialité Recherche Parcours Perception, Langage, Image (niveau M2) Formation sous la responsabilité du Professeur Olivier Koenig Mémoire délivré au jury le 25 juin 2007 par Francois-Xavier Penicaud réalisé sous la direction des Docteur Emmanuelle REYNAUD & Professeur Isabelle TAPIERO au Laboratoire d'etude des Mécanismes Cognitifs ; CNRS, Université de Lyon.

Remerciements Il est essentiel pour moi de remercier une série de personnes et services sans qui ce travail aurait été impossible. En premier lieu bien entendu Isabelle Tapiero et Emmanuelle Reynaud, qui ont accepté mon encadrement malgré le caractère particulier de ce stage. Je leur suis reconnaissant pour l'ouverture d'esprit dont elles ont pu faire preuve, leurs efforts, leur sympathie, et bien entendu leur patience. En second lieu il m'est essentiel de remercier Camille, enseignant à l'université Lumière Lyon 2, qui a accepté de se laisser conseiller et observer dans le cadre de ses enseignements. Je remercie aussi la faculté de Sciences du Langage de l'université Lyon 2, et plus particulièrement Lukas Balthasar, pour m'avoir laissé entièrement libre de réaliser cette expérimentation dans le cadre du cycle normal des cours. Je remercie par ailleurs le service Sentier de l'université, et plus particulièrement Philippe, Marion et Guy pour leur assistance technique précieuse. J'adresse une pensée toute particulière à Emilie et Benjamin, pour leur soutien permanent et les échanges amicaux que nous entretenons. De même, je tiens à exprimer ma sincère gratitude aux membres des associations Estigma et Fresco. Les échanges que nous entretenons assidûment depuis 5 ans furent une source de motivation insatiable et m'ont permis une émancipation scientifique et personnelle sans laquelle ce travail n'aurait pas existé. Le dernier remerciement ira à Anne-Gaëlle : ta présence à mes côtés m'est essentielle.

Résumé L'enseignement aux adultes est une problématique économique majeure de la société de la connaissance, qui demande à prendre en compte de multiples facteurs et de multiples acteurs. L'un des maillons essentiel parce que final de la chaîne de conception des formations consiste dans le design de la situation de formation. En effet, pour que l'apprentissage soit efficace, il est essentiel que l'on se soucie du mode préhension des informations par les apprenants. Bien qu'originellement interdisciplinaires, les sciences de l'éducation ont effectuées une chasse gardée du champ de réflexion et d'analyse des outils, méthodes, et pratiques d'enseignement. Les sciences cognitives, parce q'elles étudiants l'ensemble des mécanismes mis en jeu en situation de formation, devraient pouvoir en ce champ trouver un domaine d'application particulièrement prolifique des connaissances qu'elles développent, ce afin d'adapter l'offre de formation aux capacités mécanismes cognitifs des apprenants. Dans ce travail nous avons dans un premier temps tenté de présenter un modèle de description des schémas interactifs, modèles issus de la littérature des sciences d l'éducation, pour voir comment une approche cogniticienne forçait à repenser ceux-ci de manière à les rapprocher dune formulation ontologiquement plus vérace. Ce travail fait, notre objectif était de tester l'un des rares cadres d'optimisation des technologies d'enseignement qui se réclame des sciences cognitives. Autour des trois principaux axes qui le composent orientation intrinsèque de la motivation, explicitation des connaissances, et plurimodalité de la présentation des contenus de formation nous avons chercher à en éprouver la validité, l'applicabilité, et l'efficience en situation écologique. Les conclusions de ce travail nous permettent un fort optimisme quand aux potentialités d'application efficace des sciences cognitives au domaine de l'ingénierie pédagogique, dans une démarche d'échange avec les sciences de l'éducation. Et ce n'est as de nulle part que vient la publication annoncée au 12 juin 2007 du rapport de l'ocde au titre prometteur : "2007, Comprendre le cerveau : Naissance d'une science de l'apprentissage".

SOMMAIRE Remerciements... 2 Résumé... 3 SOMMAIRE... 4 Introduction... 1 Schéma interactif des situations d'enseignement... 3 Le modèle ACTA... 12 Bien orienter la motivation des étudiants...12 Favoriser l'explicitation des connaissances...17 Favoriser un usage plurimodal de la perception...20 Hypothèses théoriques...21 Hypothèses expérimentales...22 Matériel & Méthodes d'expérimentation... 23 De la nécessaire modestie de la démarche appliquée...23 Population...25 Objet...26 Méthodes...27 Données écartées et justifications...29 Hypothèses opérationnelles...30 Résultats... 31 Discussion... 34 Principales limites du protocole...34 Conclusions...35 Bibliographie & Annexes... 37

Introduction Toutes les opérations de formation des adultes visent à transmettre un ensemble d'informations, de connaissances, à chacun des apprenants. Cette transmission doit permettre l'intégration idéalement complète, partielle en pratique- de ces informations au socle de connaissances antérieures de l'apprenant. Dans cette situation chacun des sujets apprenants se retrouve à devoir appréhender un flux d'informations extérieures. Celles-ci sont apportées par le média interactif de l'enseignant (qui possède sont propre état cognitif), des co-apprenants, ainsi que des éventuels supports complémentaires (polycopiés, diaporamas, structures d'e-learning, etc.) qui lui sont fournit. A partir de ces éléments l'apprenant doit mettre en jeu son système perceptif pour appréhender ces données puis un ensemble d'autres fonctions de son système cognitif afin de s'élaborer une représentation sélective par essence- sur laquelle il pourra opérer. Si l'on accepte que le critère d'homéostasie s'applique au système cognitif, l'état nouveau provoqué par ces opérations doit en lui-même provoquer une réorganisation autopoétique du système cognitif concerné et par là même favoriser l'intégration de l'information sous une forme à dépendance directe des états mentaux précédents. Cet ensemble interactif et multifactoriel d'activités se structure autour de l'objectif terminal que cette intégration cognitive soit non pas volatile mais bien persistante dans le temps. Plus encore, elle doit apporter à l'apprenant un avantage cognitif pour les situations sur lesquels il sera amener à opérer, notamment dans le cadre professionnel. En apportant une explication d'origine interdisciplinaire des mécanismes entrant en jeu dans l'élaboration, l'intégration, le maintien et la transmission de connaissances, l'approche des sciences cognitives nous semble pertinente pour approvisionner massivement les travaux des sciences de l'éducation. Quels mécanismes cognitifs, dans toute leur diversité, sont mobilisés en situation d'enseignement comme d'apprentissage? Comment les recherches en sciences cognitives, si elles y répondent ne serait-ce que partiellement, ont-elles le potentiel de fournir d'efficaces outils d'analyse des pratiques d'enseignement et d'apprentissage. En amont de l'ensemble de ce qui s'avère être un système complexe (Newell, & Simon, 1972 ; Paquette, Crevier, & Aubin, 1997), intervient le concepteur (voir l'équipe de conception) de formation - il s'agit bien souvent du formateur lui-même qui produit une méta analyse du plan de Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 1

formation. Peuvent aussi intervenir des assistants de conception qui pourront participer à l'élaboration des supports d'enseignement. Tout cela constitue une chaîne de conception de la formation à laquelle il convient classiquement (Brien, 1981) d'ajouter le manager stratégique (qui étudie et identifie les besoins) ainsi que l'innovateur initial, producteur du savoir (chercheur, expert, ). Ce savoir, pour les experts notamment, peut se retrouver majoritairement implicite. Peut intervenir alors toute une chaîne de travail reconnue aujourd'hui derrière l'expression de Gestion des Connaissances (ou Knowledge Management) dont potentiellement un assistant (humain ou artificiel) à l'explicitation de connaissances. Cependant la formalisation scientifique a ses limites et il demeure important de considérer des sous-systèmes d'activités autant que cela reste cohérent. Cette nécessité est d'autant plus forte que le système obéit aux règles contraignantes d'un système complexe plurifactoriel à facteurs d'influence non déterminants. Au sein de la chaîne de conception décrite plus haut, après avoir passé le choix des objectifs, du contenu et du public, il reste trois niveaux de la conception de formation que l'on peut pertinemment scinder : la structuration générale de l'offre de formation ; le choix, la structuration, et la mise à disposition des supports de formation ; et enfin ce qui pourrait être considéré comme un support d'un type particulier- le déroulement des interactions entre population apprenante et enseignant. L'étude ici menée se cantonne à cette dernière approche. Ainsi se limite-t-elle à la considération du formateur, dans sa relation interactive directe (durant une séance d'enseignement en présentiel) avec l'apprenant. Dans la réflexion de cette problématique existent très peu de modèles opérationnels, comme le rappelle d'ailleurs le Centre pour la Recherche et l'innovation de l'ocde (OECD, 2002) après en avoir tenté une revue internationale pour l'occasion du forum de Tokyo. Au sein de la dynamique autour des initiatives de l'ocde, s'est marqué l'investissement des structures françaises. C'est dans ce contexte que Alain Finkel, en 2005, après l'organisation d'une série de colloque sur le sujet, tentera de proposer un modèle opérationnel d'analyse Cognitive des Techniques d'apprentissages (ACTA). Notons bien que l'originalité du modèle ACTA tient à ce qu'il porte sur le question des interactions entre l'enseignant et son apprenant adulte. D'autres modèles, comme le modèle MISA (Paquette, Crevier, & Aubin, 1997 ; Paquette, De La Teja, Lundgren-Cayrol, Léonard, & Ruelland, 2002), plus ancien, se sont plus attachés à la phase de structuration du contenu de formation qu'à Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 2

celle des interactions enseignants - apprenants et ce essentiellement pour des modèles d'enseignements à distance, ignorant de ce fait les questions d'interactions apprenant / formateur. Cependant l'efficience du modèle ACTA, bien que déjà enseigné à des praticiens et reposant sur des fondements théoriques apparemment solides, n'a jamais été validée dans les conditions écologiques auxquelles il prétend être appliqué. Afin de lever le doute persistant autour de l'applicabilité des modèles cogniticiens en matière d'optimisation des procédés d'ingénierie pédagogique, nous avons souhaité tenté une validation expérimentale du modèle ACTA. Schéma interactif des situations d'enseignement Différentes options de modélisation des situations d'interaction pédagogique existent, principalement issues des sciences de l'éducation. Le cadre théorique du triangle pédagogique, proposé par Jean Houssaye (2000), est sans doute l'un des plus répandus mais surtout des plus adéquates à traiter de la question des interactions en elles-mêmes. Cette conceptualisation pose trois acteurs : le professeur, le savoir, et les élèves. Quant aux relations entretenues par ces acteurs, définis comme processus, nous préfèrerons ici employer la terminologie d'intentionnalité, là où Houssaye parle d'affectivité. Ce choix se justifie par le trop grand risque de confusion en raison de la sémantique de l'affection au sein de la littérature cogniticienne. Par ailleurs il permet de plus aisément mettre en évidence les rapprochements de la culture cogniticienne à celle de l'ingénierie pédagogique. Ceci permet de considérer différemment chacun des liens intentionnels que ces objets entretiennent les uns aux autres. De ce fait chacun des doublons d'acteurs est unit par un processus particulier : enseigner, former, ou apprendre. Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 3

Selon Houssaye, chacun de ces processus est de nature intentionnelle (affective selon sa terminologie), et la sélection d'un processus intentionnel, sélectionnerait deux acteurs au détriment du troisième ainsi qu'au détriment des relations que l'acteur "mort" pourrait avoir avec les deux autres acteurs. Ainsi par le processus "enseigner" peut-on désigner une situation magistrale où l'enseignant privilégiera son rapport au savoir et à l'évocation qu'il en fait : "Le professeur fait exister le savoir et le savoir justifie le professeur". Cela s'opérerait au détriment de sa relation avec l'élève mais par ailleurs forcerait l'élève à se placer dan une relation passive, de "mort", vis-à-vis du savoir lui-même. Le processus "apprendre" quand à lui, dominant dans les approches de formation à distance, considère un processus intentionnel autonome que l'élève peut développer vis-à-vis du savoir, que ce soit spontanément ou sur consigne. Il développera ainsi une stratégie d'autoformation au dépend de sa relation au professeur, professeur dont il marginalisera la position. Le média entre l'activité "apprendre" et l'activité "enseigner" ne passe alors pas le filtre du savoir. Il est médié indirectement, par un support non in situ (livre, support e-learning, cd-rom, etc.), et le procédé intentionnel qui relie le professeur au savoir deviendrait invisible. Enfin le processus "former" désignera la relation intentionnelle réversible du professeur vers son élève. Considérant le développement d'une relation de maître à élève, il privilégiera leur contact interactif direct, de façon distincte du savoir qui ne devient plus l'objet de la relation. Les protagonistes ne définiraient alors plus qu'un comportement à direction de l'autre, la relation au savoir n'entrant alors plus dans le schéma d'activités ni de l'élève ni du professeur. Nous soulignerons la relativité de ce processus dont la définition sera partiellement réversible selon que l'on se place de la position de l'élève ayant une certaine relation intentionnelle à l'objet professeur, ou de la position du professeur ayant une certaine relation intentionnelle à l'objet élève. Ceci n'est cependant que peu souligné par Houssaye notamment du fait de la terminologie d'affectivité qui, dans le sens commun, ne correspond pas obligatoirement à une relation de nature unidirectionnelle comme l'intentionnalité le suppose. C'est cette relation du professeur vers son élève qui nous intéressera, dans ce qu'elle a pour objectif de développer les connaissances de l'élève. Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 4

A noter que si l'on reprend ce modèle dans la perspective d'une optimisation des interactions au sein d'une offre de formation, on peut projeter qu'optimiser une formation peut se faire par un travail : 1. sur la qualité des unités en jeu (formateur formé - savoir) : 1.1. qualité des formés : choix du commanditaire 1.2. qualité du formateur : choix du responsable des RH de la Formation 1.3. qualité du savoir : (définit en objectif) assumé par le responsable de formation selon la contrainte d'inclusion au savoir du formateur ou (définit en média) la structuration des médias de savoir. 2. sur la qualité des relations entre ces unités : 2.1. qualité de la relation formateur - formé 2.2. qualité de la relation formateur savoir 2.3. qualité de la relation formé - savoir On serait en droit de poser la question de la validité du modèle triangulaire (tout comme celle du modèle ACTA) par considération qu'en situation d'enseignement de groupe réduit ou individuel, la problématique passe d'une pluralité de relations à un objet devant être commun (travail du formateur possible sur un objet commun spécifique à chaque formé) à la problématique d'une relation de la connaissance du groupe (analyse majoritaire) à l'objectif de savoir commun. Ceci pourrait fausser donc le travail d'explicitation qui passerait d'intergroupal à interindividuel. Nous n'approfondirons cependant pas cette piste puisque c'est sur la notion même de savoir collectif que nous reviendrons. Dans le cadre théorique développé par Houssaye, il est particulièrement troublant de noter la façon dont celui-ci élimine l'objectif de savoir qui est l'origine même de la mise en place de cette relation - du processus "former" : "Cette relation ne s'articule pas en tant que telle autour d'un savoir ; c'est même le vide du savoir qui permet la contraction sur les processus affectifs.". Il est toutefois important de voir que les sciences de l'éducation se dotent, au travers de ce type de modélisations, d'outils de description et de critiques des pratiques éducatives, à utilité épistémique, plus que de modèles à validité ontologique. La citation suivante de Houssaye lui-même, sur les conclusion qu'il tire de son travail de modélisation, en est d'ailleurs une nette illustration : "Toute pédagogie est articulée sur la relation privilégiée entre deux des trois éléments et l'exclusion du troisième [ ] ; changer de pédagogie revient à changer de relation de base" Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 5

Il est probable que ce soit notamment par la recherche de cette vérité ontologique qui leur est si caractéristique que les sciences cognitives peuvent approvisionner à profit les sciences de l'éducation. L'approche même de penser les modélisations pour qu'elles soient vraisemblables au fonctionnement neurocognitif est en soi le gage d'une progression des modèles. Il apparaît ici essentiel, dans le cadre de notre réflexion sur l'applicabilité des sciences cognitives à l'ingénierie pédagogique, et avant de rapporter un modèle cognitif à ces scénarios pédagogiques, de formuler un certain nombre de remarques sur le modèle de triangle pédagogique. Prenons dans un premier temps le fait même de poser le savoir comme étant un ensemble de concepts qui existeraient extérieurement aux systèmes cognitifs du formateur et des formés. Cette conception proprement métaphysique ne peut être laissée en l'état dans un traitement cogniticien. Le modèle ACTA, qui s'intègre dans une perspective représentationaliste forte, n'y serait d'ailleurs probablement pas transposable en l'état. Dans la perspective du triangle pédagogique, la connaissance semble considérée sans relation à son support organique. Il serait alors nécessaire d'expliquer le concept de savoir de façon parfaitement scindé d'un quelconque support biologique. On peut envisager que l'objet n'est pas le savoir des sujets en tant que tel, mais la partie consensuelle de la représentation de leurs savoirs propres. D'une certaine manière une représentation réciproque de l'état des connaissances de l'autre. En situation d'apprentissage, le savoir subjectif n'aurait en ce sens d'importance en soi qu'au travers de sa relation au savoir commun. Le but des diverses relations intentionnelles du triangle serait alors d'accroître, chez l'apprenant, la représentation qu'il se sera faite des mécanismes de traitement de l'information de son formateur en vue, dans un autre temps, d'intégrer ceux-là à se propres mécanismes de traitement de l'information. Cependant, le troisième élément du triangle ne peut alors rester l'objet savoir, au vu notamment des mécanismes décrit comme sous-jacents à l'activité "enseigner". Quelques soit le courant théorique auquel nous nous rattachons en sciences cognitives (cognitivisme, connexionnisme, énaction, modèles hybrides, etc.), la problématique naturaliste que pose le programme des sciences cognitives est intrinsèquement lié à l'idée que les connaissances sont la nature même du fonctionnement mental d'un individu, de ses capacités de traitement de l'information, et que ces connaissances n'existent que dans le fait qu'elle appartiennent à individu. Bien entendu l'individu, par se diverses productions comportementales et langagières tentera de Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 6

dégager des invariances entre son mode traitement de l'information 1 et celui des systèmes cognitifs avec lesquels il interagit. Cette capacité à dégager massivement des invariants est d'ailleurs le plus souvent considérée comme une connaissance en soi, un mécanisme cognitif propre à l'humain. Mais il n'en restera pas moins que le savoir n'est qu'un ensemble de règles de traitement de l'information qui lui appartient indivisiblement. Le savoir est une capacité de traitement de l'information, traitement dont le comportement résultant est fonction de l'information et de l'état du tractus cognitif. Notons bien que l'utilisation du terme de tractus, caricatural à souhait, ne cherche pas à sousentendre une passivité du système. Il s'agit seulement d'expliciter, par analogie au rôles et fonctionnement du tractus vocal, que de la nature du système cognitif dépend le résultat du traitement de l'information. Ceci permet de concevoir la cognition comme un canal conducteur et modificateur de l'information. On peut selon cette logique supposer que la situation préalable à la formation est telle que chacun des tractus cognitifs mis en jeu (formateur et formé) ne permettra pas un traitement pouvant les amener à des comportements similaires. L'acte de formation visera alors à amener l'étudiant vers une imitation de ses processus de traitement de l'information. 1 Qu'il s'agisse d'une information issue d'un mécanisme interne ou d'une à activité stimulante du monde extérieur. Que cela ai pour effet la production d'une activité motrice ou cognitive (mémorisation, réorganisation conceptuelle, modification de poids d'association, etc.) Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 7

L'objectif de l'acte de formation devient alors de rechercher un rapprochement du comportement du tractus cognitif de l'apprenant par apport à celui de l'enseignant. Il s'agit donc de donner à l'apprenant un pattern de stimulations informationnelles qui lui permettra de donner à son tractus cognitif une forme lui permettant d'aborder les situations d'une manière similaire à ce qu'en aurait fait le tractus cognitif de l'enseignant. Durant en l'enseignement l'apprenant devra appliquer un traitement des informations, traitement dont la finalité est l'autodétermination d'une modification de son tractus cognitif, par autorépétition en mémoire de travail et élaboration, renforcement, ou inhibition, d'associations multimodales. A l'issu de l'enseignement les tractus cognitifs ne seront pas analogues, encore moins identiques, mais devront permettre un comportement ou des démarches cognitives de l'étudiant qui eux seront en analogie au comportement de l'enseignant. Cette perspective subjectiviste et inaliénable du savoir pousse à modifier le triangle pédagogique à réinterpréter autrement les processus "enseigner", "apprendre", et "former". Ainsi pour le processus "Enseigner", le savoir n'est pas au centre, mais constitue le départ de la démarche. La finalité n'est plus la relation de l'enseignant à un savoir collectif, mais l'énonciation de son savoir subjectif (par l'enseignant). On voit qu'à l'inverse, la démarche d'apprendre n'est pas la Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 8

définition d'une relation à un savoir commun, mais une tâche de traitement et d'appropriation d'un énoncé enseignant dans la finalité de modifier son propre savoir. Cette démarche, introduisant une délimitation par le média des activités "enseigner" et "apprendre", fonctionne tout autant que l'on considère un schéma d'enseignement en présentiel, ou à distance. C'est simplement le caractère non immédiat (et sa forme bien entendu) de l'énoncé qui modifie la nature des tâches. Ainsi la limite essentielle introduite par la non immédiateté du média est l'impossibilité d'interaction. Le média est un et unique dans le cas d'un média indirect, tandis que le média direct est multiple, constitué d'une série de petits énoncés, chacun définit en fonction du précédent et selon les retours directement donnés (verbalement ou non) par le corps apprenant. Revenons à présent sur l'élimination, que fait Houssaye, du savoir au sein du processus "former", nous ferons appel à l'idée développée par Sperber et Wilson (1986) dans le cadre de leur théorie de la pertinence. Selon eux les énoncés et autres contenus communiqués (qu'importe le média), sont produits selon un critère de pertinence en dépendance directe de la situation d'énonciation. Cette situation est définie tant en fonction du lieu et du temps d'énonciation, mais plus encore selon les connaissances réelles et projetées des interlocuteurs ainsi qu'en fonction des objectifs (partagés ou personnels) de l'échange. Le contenu informationnel produit (langagier ou autre) doit donc s'ancrer dans cette situation projetée et s'adapter au fur et à mesure que le modèle de situation évolue. Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 9

Aussi est-ce que l'échange d'informations, pour être pertinent, doit prendre en compte les intentions de chacun, intentions qui doivent se tourner vers l'évolution de la relation du savoir subjectif à l'objectif de savoir commun ; l'établissement d'un savoir commun doit être posé au seul rang d'objectif, son existence métaphysique n'étant pas tangible. La relation au formateur est alors un relais dans cet accès. Dans sa relation au formé, l'enseignant doit se tourner vers cette perspective, formaliser ses énoncés et sa recherche d'interaction, sous une forme qui en favorisera la préhension et orientera la démarche de l'élève dans le propre objectif d'apprentissage de ce dernier (i.e. de modification de ses connaissances, de son tractus cognitif). Ici, il y a intention explicite de l'étudiant d'apprendre par l'énoncé enseignant et intention explicite de l'enseignant d'induire par son énoncé une démarche d'apprentissage de l'étudiant. La situation même d'enseignement ne permet pas, du fait de cette démarche explicite de chacun, d'éliminer l'objectif de savoir commun du processus "former". Il est d'ailleurs superflu de rappeler ici ce que la littérature de psychologie sociale, au travers par exemple des très célèbres expériences de Millgram, a démontré sur l'impact de l'autorité e du contexte dans le traitement des situations. De même en situation d'enseignement, l'étudiant ne se comportera vis vis de l'enseignant que par considération de celui-ci comme porteur d'un savoir. De même l'enseignant n'agira que sous son égide de médiateur entre un savoir qui est sien (même s'il le juge collectif) et le savoir (ou tractus cognitif) de l'apprenant. Les choses ainsi définies, ce qui fait réellement différer le processus "former" de celui d'"enseigner" est que ce n'est pas le savoir enseignant qui est au centre des interactions, mais bien le savoir étudiant. Ainsi, si la finalité de "enseigner" est la production initié par l'enseignant d'un énoncé (médié directement ou indirectement) préhensible par l'étudiant, la finalité de "apprendre" une recherche Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 10

personnelle initiée par l'apprenant d'auto modification du tractus cognitif, en revanche la finalité "former" correspondrait à un schéma d'activité initié par l'enseignant dont la finalité est de provoquer une modification du tractus cognitif de l'apprenant. La relation au savoir apparaît alors essentielle et intrinsèquement imposée à la relation mais doit être repensée. Dans le processus "former", l'enseignant devient ainsi un média vers le savoir que l'étudiant se projette en objectif. Ce savoir posé en objectif est alors le système de connaissance du professeur lui-même. Le formateur est conçu comme compétent par le contenu même de son système de connaissance, comme ce que l'on pourrait qualifier être un tractus de traitement des stimulations du monde lui permettant de mettre en place un comportement le plus adéquat possible et opérant aux situations futures. Son objectif est alors de mettre en place une relation la plus saillante possible pour permettre au système cognitif auquel il fait face (celui de l'étudiant) dont il ne peut qu'inférer une grande partie de l'état de savoir de performer son potentiel de traitement d'information dans un sens analogique au sien. Mais c'est aussi l'importance, l'orientation attentionnelle, que l'étudiant accordera à cette démarche constructiviste de co-détermination qui en déterminera l'efficacité. Dans la question de la relation de l'apprenant à la modification de son savoir, et pour aider l'enseignant dans sa démarche de suivi des modifications du tractus cognitif de l'étudaints, le modèle ACTA propose la mise en place d'une démarche d'explicitation. Elle doit permettre l'identification consciente par l'étudiant de la nature de l'apprentissage et la vérification pour l'enseignant de l'orientation prise par le processus de modification du tractus cognitif apprenant (voir chapitre "Favoriser l'explicitation des connaissances", p. 20). Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 11

Le modèle ACTA Le modèle développé par Alain Finkel se base sur une conception profondément représentationaliste de la cognition. Le travail de l'étudiant est de ce fait selon lui d'avant tout élaborer une bonne représentation du contenu de l'enseignement. L'enseignant a de ce fait pour rôle de favoriser la bonne production de ces représentations. Il ressort, même s'il ne se limite pas à cela, trois vecteurs principaux du modèle ACTA : motivation, plurimodalité, et explicitation des connaissances. Tous doivent permettre de favoriser l'élaboration des représentations par les étudiants, mais surtout de stabiliser le savoir subjectif des étudiants. Bien orienter la motivation des étudiants La situation d'enseignement consiste d'abord en un lieu où les protocoles sociaux imposent une représentation réciproque des intentions 2, l'enseignant devant transmettre une information dont l'apprenant a la charge de faire acquisition au long terme. Selon Happe (1993) la relevance theory de Sperber et Wilson (1986) rend explicite le rôle de la compréhension des intentions dans la communication humaine. Par parallélisme elle évoque à ce sujet comment la littérature concernant les théories de l'esprit rend largement compte du fait qu'une partie importante de cette analyse des intentions est produite de façon implicite. Ce constat ne nécessite donc pas une recherche d'explicitation verbale systématique du contenu de ces intentions. Ce niveau minimal d'intentions supposées de chacun semble rester commun à l'ensemble des situations d'enseignement aux adultes. Ontologiquement cela peut être associé au fait, décrit plus haut, que les processus de formation, d'enseignement, et d'apprentissage, sont rattachées à une situation d'énonciation toute particulière, définit par un cadre non aléatoire. Finkel (2005) souligne que les intentions sont directement liées au critère de motivation, ellesmêmes cruciales à la qualité d'apprentissage. Il est en effet communément admis par la communauté scientifique (Deci, 1971 ; Fenouillet, 1999 ; Dessus, & Gentaz 2006 ; Eisenberger, Pierce, & 2 " intention " est ici à prendre dans le sens commun du terme, pas celui correspondant à son usage épistémologique Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 12

Cameron, 1999 ; Brien, 1997) que la motivation est un moteur essentiel à une bonne qualité d'apprentissage. Quand au lien fait entre l'intention et la motivation, rappelons que le critère de motivation est un processus orienté vers un objectif. L'intention en elle-même définit l'objectif et crée ainsi la motivation. La limite entre ces deux concepts est d'ailleurs très floue, en témoigne l'usage fréquent en alternance ou en remplacement de "motivation" du terme "intérêt" (Campion, Martins, & Wilheim, 2006 ; Deci, 1971) dont la sémantique intrinsèque est moins émotionnelle, plus passive aussi. Cependant, Finkel (2005), reprenant les travaux de Fenouillet (1999) insiste sur la variété des paramètres sources de la motivation des apprenants. En détaillant ces paramètres, il insiste notamment sur la pertinence à privilégier les sources de motivation intrinsèques (versus extrinsèques) à la tâche. Dire (Dessus, & Gentaz, 2006) qu'une motivation est intrinsèque, c'est dire que la satisfaction de réalisation de la tâche est due à cette réalisation elle-même, indépendamment des effets et récompenses qui en seraient la conséquence. A l'inverse une motivation est extrinsèque lorsque qu'elle ne vient pas de la tâche elle-même mais des conséquences de la réalisation de cette tâche. Dans le cas d'une motivation extrinsèque là tâche n'est pas réalisée pour elle-même (cas de la motivation intrinsèque) mais pour ce que son effectivité occure. Rapporter l'orientation intrinsèque de la motivation à la problématique de l'enseignement aux adultes consiste à privilégier le développement de compétences comme source consciente de motivation à contrario de l'usage, trop fréquent, de la valorisation de la sanction de l'évaluation ou à plus large échelle du diplôme. Ce dernier point se justifie par le lien du plaisir qui dans le premier cas se fait à l'activité cognitive d'apprentissage elle-même, là où elle se fait à la satisfaction de réussite donc moins directement lié aux connaissances - dans le second cas. Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 13

L'une des premières expériences significative sur le sujet fut celle de Deci (1971). Il fut mis en place une expérience dans laquelle était demandé aux sujets de résoudre des "casse-tête", sans contrainte de temps. Tous les sujets avaient déclarés, dans une phase de test, avoir de l'intérêt pour cette activité. Après une phase contrôle (pour évaluer le niveau initial des participants), vint une phase ou l'un des groupes reçu de l'argent à chaque réussite (motivation extrinsèque), tandis que l'autre non. Etaient recueillit le temps passé à la réalisation de la tâche, comme indicateur de l'intérêt de la personne à la réaliser. Dans cette seconde phase, comme cela a déjà été fait dans d'autres expériences (les behavioristes l'appelaient la "loi de l'effet"), on observe un gain d'intérêt pour le groupe récompensé. En revanche, lorsque dans une ultime étape ont été enlevées les récompenses, un gain significatif d'intérêt fut observé pour le groupe non récompensé par rapport au récompensé. D'après Dessus et Gentaz (2006), cet effet a été depuis largement reproduit, tant avec des mesures d'intérêt qu'avec des mesures de performance au long terme, avec des résultats plus significatifs chez les enfants que les adultes. Ce qu'il est notamment intéressant de voir dans ces résultats, ce n'est pas seulement l'avantage qualitatif de la motivation intrinsèque sur la motivation extrinsèque, mais bien au-delà le fait que le développement d'une motivation extrinsèque est nuisible au développement de la motivation intrinsèque. Toutefois, le constat n'est pas si consensuel qu'il n'y parait. Ainsi, Eisenberger, Pierce, et Cameron (1999) nuancent fortement les travaux de Deci et ses collaborateurs (Deci, 1971 ; Deci, Koestner, & Ryan, 1999). S'ils conviennent qu'une motivation extrinsèque portant sur une récompense tangible immédiate altère la motivation intrinsèque, les travaux qu'ils ont menés ne leur semblent pas permettre une conclusion identique pour ce qui concerne les récompenses plus indirectes ayant une signification sociale ou personnelle pour le sujet. Ce dernier type de récompenses semble au contraire approvisionner positivement la motivation intrinsèque. Pour Einsenberger et al. (1999), l'opposition analysée par Deci et al. (1971) 3 au travers du caractère extrinsèque de la motivation est mal définit. Selon eux c'est le critère de trivialité de la récompense qui est à considérer, parce que directement lié au sentiment dit d'autodétermination de la tâche (Einsenberger, & al., 1999 ; Finkel, 2005 ; ). Pour aller en leur sens, Finkel dira d'ailleurs "il faut se sentir libre pour se sentir compétent". 3 Originellement les auteurs basent leurs critiques sur l'article de synthèse, ui reprend les conclusions de l'article de 1971 : Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 14

Nous ferons ici remarquer, sans le développer outre mesure, que certains travaux, comme ceux de Dreher, Kohn, et Berman (2006), issus des neurosciences cognitives, définissent la motivation comme l'association d'un ensemble de connaissances et d'expériences (à encodage distribué), avec l'activité du système de récompense dopaminergique du cortex préfrontal, mais aussi du striatum ventral. Les auteurs, dans leurs conclusions, postule que le système préfrontal serait particulièrement mis en jeu dans l'association d'un comportement éphémère lié récompensé, tandis que le striatum permettrait un couplage de récompense vis-à-vis d'activités de plus long terme, notamment des activités nécessitant une recherche d'informations plus approfondie. Les auteurs rattachent ainsi les activités du striatum à des activités motivationnelles de plus haut niveau, et le cortex préfrontal à des activités de couplage sur es programmes cognitifs de complexité moindre, plus restrictifs surtout. Ces données suggèrent ainsi que des processus différents sont mis en jeu selon l'échelle à laquelle se situe le couplage vis-à-vis de la récompense. Notons à ce sujet (Brien, 1997 ; Dessus, & Gentaz, 2006) que dans le cas d'une tâche pour laquelle la récompense nécessite la bonne réalisation d'une démarche d'analyse aboutie, le progrès en lui-même est l'aboutissement d'un objectif partiel d'un objectif général plus éloigné. La planification, via une série de sous-objectifs (implicites ou explicites), des séquences de tâches permettant l'accomplissement d'un programme menant à un objectif l'objectif final étant la source réel de motivation prend alors toute son importance. C'est sur la nature des sous-objectifs et des tâches que devrait alors être mis l'accent. Il est donc parfaitement compatible à ces données, et aux analyses de Dreher, et al. (2006), d'envisager que le comportement motivationnel lui-même, dans lequel le striatum serait impliqué, consiste en une association des systèmes de récompenses à des objectifs d'activités et non plus des objectifs de résultats. En effet, en croisant ces données neuroscientifiques avec les données comportementales préalablement décrites, il semble que l'introduction d'un objectif valorisable, d'une récompense, comme source de motivation, n'est pas en soi néfaste à condition que cela ne soit pas une récompense immédiate et déliée de la nature de l'activité afin que le développement de la compétence cible soit lui-même essentiel à cet aboutissement. Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 15

Il est intéressant de clore ce débat en l'ouvrant aux analyses de Maunsell (2004) qui développe une critique générale des expériences qui font études de l'impact de la nature des récompenses. Il y remet ainsi en question le fait qu'elles portent sur la nature même du fonctionnement du système de récompense et appelle à ce que l'on en recentre les conclusions autour de la question de l'attention. Ainsi, selon l'auteur, varier la nature de la récompense, et surtout varier le moment et le lieu de leur apparition comme le font la plupart des travaux en la matière c'est avant tout modifier le contexte et la portée attentionnelle du sujet sur la récompense. Il note d'ailleurs que chez le macaque différentes études notent une modulation de l'activité de l'aire latérale intrapariétale (LIP) par une modulation de la récompense, sans faire référence aucune aux fonctions attentionnelles, largement décrites (pour revue voir Wardak, 2003, chap. 1), associés à cette aire. L'apport critique de l'auteur rejoint ainsi en partie l'analyse développée plus haut, permettant de penser que ce n'est pas tant la nature extrinsèque de la récompense qui modifie le comportement, mais la manière dont l'effort cognitif peut être dirigé plus ou moins directement vers celle-ci. Nous sommes donc bien à considérer une dimension attentionnelle de la cognition, notamment dépendante de l'échelle temporelle et spatiale à laquelle se situe la récompense. En accord avec les analyses de Maunsell donc, il nous apparaît d'autant plus pertinent de formuler l'orientation de la motivation comme un moyen de manipulation de l'orientation de l'attention des apprenants, moyen pour lequel on pourra utiliser des perspectives éloignées de récompense. Dans le cadre du triangle pédagogique de Houssaye (2000), il s'agit donc de se concentrer sur le choix de la relation d'intentionnalité que l'on pousse l'élève à valoriser. En effet l'une des sources de motivation de l'élève est la satisfaction d'une relation affective réussie vis-à-vis de l'enseignant. Cette amélioration de la satisfaction de la relation professorale peut notamment provenir d'une recherche de réussite aux évaluations et ce de préférence à celles de court terme. Par ailleurs l'élève en ce sens peut rechercher à éviter de contrarier l'enseignant en minimisant ses interactions immédiates en Mémoire de Recherche Master de Sciences Cognitives - François-Xavier Pénicaud Page 16