Deux Notae dates Praehistoricae radiocarbone 23-2003 par : AMS 173-179 sur le gisement néolithique du Gué du Plantin 173 Deux dates radiocarbone par AMS sur le gisement néolithique du Gué du Plantin (Neufvilles, Province du Hainaut, Belgique) Bart VANMONFORT, Paul HAESAERTS & Ivan JADIN Résumé Deux dates C14, obtenues récemment par la méthode de l AMS pour la couche néolithique au Gué du Plantin à Neufvilles (Hainaut), modifient l approche chronologique de la séquence. En particulier, la date 5330 ± 39 BP (OxA-11866), réalisée sur du recuit adhérent à un fragment de poterie de l unité S, conduit à situer l occupation du site par une population du Michelsberg vers le milieu du 4 ème millénaire avant notre ère. Mots-clefs : Gué du Plantin (Neufvilles, Hainaut); Culture de Michelsberg; datation C14 par AMS. 1. Introduction Le gisement néolithique du Gué du Plantin à Neufvilles (Hainaut) a été fouillé en juillet 1969 par une équipe de l Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (de Heinzelin, Haesaerts & De Laet, 1977). La concentration principale fut mise au jour dans le fond de la vallée du ruisseau du Plantin lors de travaux de terrassement pour un bassin de décantation, à faible distance de son confluent avec la Gageolle, affluent de la rive gauche de la Senne. L aire fouillée en 1969 correspond à un lieu de rejet préservé sur le bord septentrional de la vallée; il se situait au pied d un talus délimitant un vaste replat limoneux en partie recouvert par des déchets d exploitation de carrière où un abondant matériel néolithique fut récolté en surface au cours des années cinquante. Les dépôts alluviaux de la vallée du Plantin contenaient également les témoins d une occupation du site à l Époque gallo-romaine ainsi que les restes d un gué aménagé datant de la période carolingienne. Sur le champ de fouilles, l essentiel du matériel néolithique attribué à une phase relativement ancienne du Michelsberg en Belgique (de Heinzelin & De Laet, 1977) fut rencontré dans l unité S, associé à des dépôts fluviatiles riches en débris végétaux qui colmataient un petit chenal en fond de bateau à la base de la séquence holocène, mais aussi dans la partie inférieure de l unité T sus-jacente (fig. 1 et 2). Les caractères taphonomiques du gisement ont per- Fig. 1 (ci-contre) Neufvilles Gué du Plantin : emplacement du champ de fouilles ainsi que des carrés I6 et H6 dans le profil de la Berge Nord. D après de Heinzelin, Haesaerts & De Laet, 1977 : 12.
174 B. Vanmonfort, P. Haesaerts & I. Jadin Au cours des années septante, la chronologie de la séquence du Gué du Plantin reposait sur quinze dates C14, dont dix furent obtenues par Martine Dauchot-Dehon à l Institut Royal du Patrimoine Artistique et cinq autres par Étienne Gilot du Labomis de rapporter les artefacts et ossements de l unité S à une nappe de déchets et de restes culinaires jetés à partir de l habitat situé sur le replat limoneux. Par contre, le matériel de l unité T, plus largement réparti et de dimensions plus petites, évoquait un remaniement de la nappe de déchets lors de la reprise des apports fluviatiles (Haesaerts, 1977 : 17, 20-21). 2. La chronologie du site et les dates conventionnelles Numéro de l échantillon Nature de l'échantillon Localisation Stratigraphie Âge BP IRPA-191 Bois Berge Nord, sondage Lv-793 Débris de bois Berge Nord, (non traité au NaOH) P. + 17 Lv-794 Débris de bois Berge Sud, P. -6,00 Lv-785 Branchettes + macrorestes Berge Sud, P. -13,70 IRPA-188 Bois de chêne (Quercus) Berge Sud, P. + 7,00 IRPA-188 Bois de chêne (contrôle) id. : Berge Sud, (bis) P. + 7,00 Lv-792 Limon humifère Fouilles, carré F4 Lv-845 Limon humifère Fouilles, IRPA-192 Limon humifère Fouilles, carré C2 IRPA-194 Bois Fouilles, IRPA-190 Bois Fouilles, carré G5 IRPA-193 Bois Fouilles, IRPA-186 Bois Fouilles, carré H4/5 IRPA-187 Bois Fouilles, carré I6 IRPA-189 Bois Fouilles, carré I6 OxA-11866 Résidu d'aliment dans la Fouilles, poterie (ex 19B/48/530; carré I6 devenu 2002/1) OxA-11894 Deux noisettes (Corylus avellana L.) (ex 19B/49/547; devenu 2002/2) Fouilles, Cohérence P. Haesaerts & J. de H., 1977 δc13 (pour mil) Dauchot-Dehon & Heylen, 1979; Gilot, 1997 YA 1110 + 65 admise Période carolingienne XA 1340 + 40 admise Extension Sub- Atlantique de Fagus; 77-97 cm; non-traité au NaOH XA 2450 + 50 rejetée Extension Sub- Atlantique de Fagus; 77-97 cm; datation sur humates base WA 2720 + 60 rejetée Dépôt fluviatile; -2,10 m base WA 4800 + 240 rejetée Bois fossile réutilisé base WA 5795 + 260 rejetée Bois fossile réutilisé VB 2160 + 60 admise Sol; extension Sub- Boréale de Fagus; 74-90 cm; datation sur humates VA 2530 + 55 admise Sédiment humifère; début du Sub-Atlantique; datation sur humates UB 4650 + 230 admise À la fin de la Période atlantique base TA 3820 + 185 rejetée À la fin de la Période atlantique; date trop jeune base TA 4155 + 205 rejetée À la fin de la Période atlantique; date trop jeune base TA 4400 + 225 rejetée À la fin de la Période atlantique base TA 4740 + 170 admise À la fin de la Période atlantique sommet S 4740 + 225 admise Néolithique base S 4845 + 225 admise Néolithique S 5330 + 39-24,0 Néolithique S 7605 + 45-28,4 D'âge mésolithique? Tabl. 1 Dates radiocarbone conventionnelles ou par AMS pour le Gué du Plantin, à Neufvilles (Province du Hainaut, Belgique).
Deux dates radiocarbone par AMS sur le gisement néolithique du Gué du Plantin 175 Fig. 2 Stratigraphie synthétique des carrés I6 et H6 du Gué du Plantin à Neufvilles. Les échantillons proviennent de la couche S. Dessin : Paul Haesaerts, 1969. ratoire de Datation par 14 C de l Université catholique de Louvain (Haesaerts & de Heinzelin, 1977; Dauchot- Dehon & Heylen, 1979; Gilot, 1997). Les datations se distribuent sur l ensemble de la séquence stratigraphique, depuis l unité S qui contient la principale concentration néolithique jusqu à l unité YA rapportée à l époque carolingienne. Dans la majorité des cas, elles furent réalisées sur des fragments de bois; une date fut obtenue sur un mélange de branchettes et de restes végétaux, trois autres sur limon humifère (tabl. 1). D emblée, l interprétation des dates est apparue délicate, en raison de certaines incohérences internes, et du fait de contradictions par rapport à plusieurs aspects de la stratigraphie, de l archéologie et de l évolution du couvert végétal (Haesaerts & de Heinzelin, 1977). En particulier, les dates IRPA-189 (4845 ± 225 BP) et IRPA-187 (4740 ± 225 BP), obtenues pour l unité S, paraissaient rajeunies de près d un demi-millénaire par rapport à l âge supposé et admis du Néolithique moyen en Belgique (de Heinzelin et De Laet, 1977). D autre part, un net décalage chronologique était perceptible entre les dates les plus récentes de l unité TA (IRPA-190 : 4155 ± 225 BP et IRPA-194 : 3820 ± 185 BP) et le contenu pollinique assurément «Atlantique» des dépôts tourbeux de l unité UB, datée 4650 ± 230 BP (IRPA-192). À l époque, ces déviations furent attribuées à la contamination d une rampe de préparation au laboratoire de l IRPA, ce qui fut confirmé par la suite par M. Dauchot-Dehon (Haesaerts & de Heinzelin, 1977 : 30). Par ailleurs, la configuration du site du Gué du Plantin fut à l origine d une autre source d erreur, dont témoignent la série de dates aberrantes échelonnées entre 5300 et 790 cal BC à 2 ó (IRPA-188, IRPA-188bis et Lv-785) obtenues pour l unité WA contemporaine de l occupation romaine et la date 770-400 cal BC à 2 ó (Lv-794 : 2450 ± 50 BP) de l unité XA rapportée au haut Moyen Âge. De fait, compte tenu de la nature du matériel daté, fragments de troncs et branchettes, l importance des déviations chronologiques enregistrées implique une réincorporation de matériaux provenant de couches plus anciennes, un processus favorisé par une dynamique fluviatile développant un système de chenaux emboîtés (Haesaerts, 1977 : 28). La conjonction de ces différents facteurs a donc conduit à rejeter près de la moitié des dates réalisées pour le Gué du Plantin, dont la séquence constitue cependant un excellent terrain d expérience pour la compréhension des approches méthodologiques appliquées aux formations holocènes de notre pays. Tous ces éléments justifiaient donc une évaluation chronologique plus précise de l occupation néolithique du site en profitant des facilités de la méthode de datation radiométrique par accélérateur de particule, Accelerator Mass Spectrometry, ou AMS. Les échantillons nécessaires actuellement avec la méthode de l AMS sont infiniment plus petits et les chercheurs préfèrent dater des objets ou du matériel intimement liés aux activités des populations préhistoriques. 3. Les dates AMS Deux échantillons provenant de la partie inférieure de l unité S furent sélectionnés parmi le matériel
176 B. Vanmonfort, P. Haesaerts & I. Jadin provenant du Gué du Plantin préservé dans les collections de l Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique et soumis au comptage par le système AMS de l unité de l Oxford Radiocarbon Accelerator. AMS 2002/1 OxA-11866 : 5330 ± 39 BP (ä 13 C = -24,0 ) Un premier échantillon détritique a été détaché de la partie interne d un large tesson provenant de l unité S (carré I6), lequel était conservé dans les réserves de l IRSNB (fig. 3 et 4); plateau 19B/48/ 530). L échantillon de 1,9 gramme a été divisé en deux parts plus ou moins égales par Éric Dewamme, Technicien spécialisé en Préhistoire; une partie a été envoyée à l Oxford Radiocarbon Accelerator dépendant du Resarch Laboratory for Archaeology, tandis que l autre sera analysée pour déterminer la nature de la substance soumise à la datation. Tout porte à croire qu il s agit de recuits attachés sur la partie interne du tesson, et non de «bouillasse» mélangée à des résidus ligneux et des déchets appartenant aux apports fluviatiles de l unité S. AMS2002/2 Oxa-11894 : 7605 ± 45 BP (ä 13 C = -28,4 ) Le second échantillon consiste en deux cupules de noisette provenant de l unité S dans le, lequel jouxte I6 (fig. 5 et 6). Ensemble, elles pèsent 0,587 g. Freddy Damblon, de la section de Paléobotanique à l Institut, a confirmé cette détermination. Le reste de la boîte occupe toujours les réserves (plateau 19B/49/547). Nous attendions que ces deux noisettes soient assez proches de l époque du Michelsberg, autrement dit, que le décalage entre l occupation du site et ces résidus soit, nous semblait-il, contemporain ou peu après, lors du comblement des chenaux. Contrairement à nos espérances, le résultat de cette date est beaucoup plus ancien que celui du premier échantillon et nous pose des questions. Hélas, nous n avions pas imaginé que les fonds des chenaux d une époque pouvaient avoir autant recreusé des chenaux antérieurs. Grâce à la nature du sédiment et parce que les coquilles de noisettes sont particulièrement petites et dures, leur persistance a été assurée au travers du temps. Il faut admettre que les artéfacts du Michelsberg ont été mélangés aux noisettes qui se sont libérées à une époque de leurs terres, ont été entraînées dans le courant, pour côtoyer des objets plus jeunes d au moins 2.300 ans On pourrait même suggérer que les noisettes soient d âges différents et que la date ne reprendrait que la moyenne des deux âges! 4. Le Gué du Plantin et la datation du contexte dit «Michelsberg» en Belgique Fig. 3 Neufvilles Gué du Plantin : tesson attribué à la Culture de Milchelsberg avec recuit sur la face intérieure, provenant de la couche S, carré I6. Échelle : 1/1. Photographie : Éric Dewamme. Les deux nouvelles dates obtenues à Neufvilles sont significativement plus anciennes que les dates réalisées il y a un quart de siècle. Toutes les dates conventionnelles des couches S et T ont été faites sur des fragments de bois. Vu la complexité de ces dépôts, confirmée entre autres par la deuxième date AMS qui démontre un remaniement important, l association des échantillons avec le matériel archéologique non directement associé devient douteuse. Contrairement à la déviation assez restreinte
Deux dates radiocarbone par AMS sur le gisement néolithique du Gué du Plantin 177 Fig. 4 Neufvilles Gué du Plantin : diagramme de calibration de OxA-11866 : 5330 ± 39 BP. Réalisé à l aide du programme OxCal 3.5 (Bronk Ramsey, 1994, 1995, 1998), en utilisant les données dendrochronologiques de la courbe de calibration de 1998 (Stuiver & van der Plicht éds, 1998). de la date OxA-11866, sa calibration est étalée sur près de 200 ans à 1 ó et sur 320 ans à 2 ó. Ceci est le résultat d un plateau dans la courbe de calibration en plein milieu du Néolithique moyen. Ainsi, l occupation de Neufvilles ne peut être située plus précisément qu entre 4260 et 4040 cal BC à 90,2 % de probabilité ou même entre 4320 et 4000 cal BC à 95,4 % de probabilité. En tout cas, la datation confirme l hypothèse basée sur le matériel céramique suivant laquelle ce site serait bien une des premières manifestations du Néolithique moyen dans notre pays (e. a. : Jeunesse, Fig. 5 Neufvilles Gué du Plantin : deux noisettes provenant de la couche S,. Échelle : 2/1. Photographie : Éric Dewamme. 1982; Vermeersch & Burnez-Lanotte, 1998). Pour déterminer la position chronologique du site par rapport aux autres habitats du Néolithique moyen en Belgique, nous avons réévalué les dates radiocarbone par AMS disponibles. Le premier fait qui empêche une évaluation poussée est le nombre réduit de datations fiables ainsi que l hétérogénéité des échantillons, des techniques utilisées et des contextes chronoculturels. Il n y a, par exemple, que cinq sites d habitat, attribués à différents phénomènes culturels, qui ont à ce jour livré des dates AMS. Trois sites, Neufvilles - Gué du Plantin (cette contribution), Spiere - De Hel (Vanmontfort, 2001; Vanmontfort et al., sous presse) et le secteur sud de Doel- Deurganckdok (Crombé et al., 2002) sont associés au phénomène dit «Michelsberg belge» tandis que le contexte culturel des sites de Melsele - Hof ten Damme (Van Roeyen et al., 1992) et d Oudenaarde-Donk (Parent et al., 1987; Vanmontfort et al., en préparation) n est pas clair faute de sites de comparaison. Le site de Melsele, pour le moins, se trouve très proche du contexte Swifterbant (van Berg et al., 1992). Le deuxième problème, qui empêche une évaluation poussée, est lié à la courbe de calibration et, plus précisément, aux deux plateaux, respectivement entre environ 4260 et 4080 cal BC ainsi qu entre
178 B. Vanmonfort, P. Haesaerts & I. Jadin Fig. 6 Neufvilles Gué du Plantin : diagramme de calibration de OxA-11894 : 7605 ± 45 BP. Réalisé à l aide du programme OxCal 3.5 (Bronk Ramsey, 1994, 1995, 1998), en utilisant les données dendrochronologiques de la courbe de calibration de 1998 (Stuiver & van der Plicht éds, 1998). environ 3950 et 3790 cal BC. En chronologie radiocarbone, ces plateaux correspondent aux zones comprises respectivement entre 5370 et 5240 BP et entre 5100 et 5000 BP. Plusieurs dates tombent dans un de ces deux plateaux. Les dates disponibles pour les sites miniers et les contextes funéraires montrent une existence bien après ces plateaux, jusqu au début du 3 ème millénaire. Ces phénomènes persistent bien au-delà de cette période et ne sont pas exclusivement liés au «Michelsberg belge». Nous discuterons de ces problèmes dans un prochain article. 5. Conclusion... provisoire Une nouvelle date C14 obtenue pour l occupation du Néolithique moyen de Neufvilles - Gué du Plantin met en évidence l ancienneté de l occupation du Néolithique moyen dans notre pays, avec un âge de 5330 ± 39 BP (OxA-11866). Étant donnée la grande fourchette de temps liée à des plateaux dans la courbe de calibration, cette date calibrée correspond à une époque entre 4260 et 4040 cal BC, à 90,2 % de probabilité. Ces mêmes plateaux empêchent une évaluation détaillée de l occupation de notre pays dans la période de la fin du 5 ème jusqu au début du 4 ème millé- naire. Nous porterons toute notre attention sur ce phénomène. Une autre date, réalisée sur les deux noisettes, doit être écartée car, bien que le résultat soit physiquement valable, l association entre ces restes et les artéfacts du Michelsberg était déficiente! Pour le moment, la chronologie du Néolithique moyen du Gué du Plantin reste une histoire À suivre Note Ivan Jadin porte seul la responsabilité de formulations incorrectes et lacunaires en français. Merci de votre compréhension. 6. Bibliographie BRONK RAMSEY C., 1994. Analysis of Chronological Information and Radiocarbon Calibration : The Program OxCal. Archaeological Computing Newsletter, 41 : 11-16. BRONK RAMSEY C., 1995. Radiocarbon Calibration and Analysis of Stratigraphy: The OxCal Program. In : Cook G.T., Harkness D. D., Miller B. F. & Scott E. M. (éd.), Proceedings of the 15 th International Radiocarbon Conference, Glasgow, Radiocarbon, 37 (2), Glasgow : 425-430.
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