«AVENTURE POUR UN UNIFORME» Voyage d étude de deux vêtements de Plantavit de la Pause à Pézenas.



Documents pareils
LE RÈGLEMENT. du 20 Thermidor an VI. et les premiers insignes de grades des Officiers généraux

COMMENT CREER VOS BANDES GRAND FORMAT?

DOSSIER TECHNIQUE CHEMISE «LAURIE» SOMMAIRE

UN UNIFORME DE NOUVELLE QUALITE. LONGTEMPS DESIRE ET DESORMAIS DISPONIBLE! A PARTIR DU 1 er JANVIER Informations - Offre Adresses

Comment créer votre propre lampes LED

««MODE ANNEES 40 40»

un chapeau claque en soie noire de Maison G. Benoist à Nantes présenté dans sa boîte d origine A 2 un sac à main en croco marron 40/50

Conseils au masculin, l harmonie des couleurs et des proportions selon Byraub

Mademoiselle J affabule et les chasseurs de rêves Ou l aventure intergalactique d un train de banlieue à l heure de pointe

été 1914 dans la guerre 15/02-21/09/2014 exposition au Musée Lorrain livret jeune public 8/12 ans

Compréhension de lecture

fiche D AUTOCORRECTION Frimousse, une petite chienne qu'on a adoptée le mois dernier, est intelligente et docile.

DOSSIER TECHNIQUE KIMONO «JADE»

Moulin de Vernègues**** Offres séminaires 2015

Prise en main par Guy BIBEYRAN Chevalier médiéval époque XIII / XIV siècle métal 75mm Atelier Maket Référence AM Sculpteur: Benoit Cauchies

huile sur bois 67 x 49 cm Origine : Renaissance

INTRODUCTION. En un demi-siècle, le Livret de Famille a changé non seulement dans sa forme, mais aussi dans son contenu.

Pop-Art façon Roy Liechtenstein

Noël. + de fréquentation. + de communication

Prendre le bus. Un outil pédagogique pour utiliser le bus à destination des personnes âgées

Partager ses photos sur Internet

Activités autour du roman

Inauguration du Centre d archivage de la société ARCHIV SYSTEM

CET ÉTÉ, NOUS SERONS LES ROIS DE LA VIANDE

sur rendez-vous du lundi au vendredi 9 h 18 h s h i r l e y

Jean Dubuffet AUTOPORTRAIT II

Rappels. Prenons par exemple cet extrait : Récit / roman

Costumes Gala Costumes Karine

La Villa Arnaga lauréat du Prix de euros de la Fondation du Patrimoine. Communiqué de synthèse

Si c était une machine, ce serait un ordinateur génial pour voyager dans le temps et vers les autres continents.

les escaliers La pose Guide d installation pour bricoleurs Préparation des outils Prêt à installer Moulé à votre style de vie

Guide du RDAQ. Comment saisir des descriptions de fonds et collections dans le Réseau de diffusion des archives du Québec (RDAQ)

5-1/4" 5-1/4" 5/8" 2-1/2" 3/4" Ligne A. Figure 1. Ligne B. Ligne C. Entaille 1-1/2" Figure 2

Je prends le métro. Un outil pédagogique pour apprendre à utiliser le métro

Défi 1 Qu est-ce que l électricité statique?

Avec le fauteuil monte-escalier Otolift, vivez confortablement dans votre maison!

Bancs publics. Problématiques traitées : FICHE

AUDIOVISUEL PROFESSIONNEL. Ecrans de projection. Manuels, électriques, muraux, trépied Professionnels et Home Cinéma

Archivistes en herbe!

SOCIETE NATIONALE DES MEILLEURS OUVRIERS DE FRANCE Organisatrice du concours national «Un des Meilleurs Apprentis de France»

Galerie de photos échantillons SB-910

Les transports en commun Vocabulaire Mots 1

BOOK COACHING DÉCO VOS PRIORITÉS

DESCRIPTION DU CONCOURS QUÉBÉCOIS INFOGRAPHIE

Carport Evolution 1 Voiture Adossant

SOPt Désormais, elle sèine sa gaieté dans toute la maison. Avec ses couleurs, son brillant, son humour, c'est un bonheur de créatrice!

réf En plastique argent.

Discours à la communauté d affaires française Montréal, 6 février 2014 Résidence du Consul général

Identification du sujet

RAPPORT MISE A L ACCESSIBILITE DE 6 ECOLES PRIMAIRES. Ecole de MIRANGO I

Dernière chance de participer au concours de photo du Comité ZIP Les Deux Rives

Collection. produits publicitaires

RACHETER OU REMBOURSER UN CREDIT

FOURNITURES SCOLAIRES rentrée 2015

La Joconde. ( , 0,77x 0,53 m) de Léonard de Vinci TEMPS MODERNES

Bordeaux Palais de la Bourse 17 Place de la Bourse Bordeaux Cedex.

Je les ai entendus frapper. C était l aube. Les deux gendarmes se tenaient derrière la porte. J ai ouvert et je leur ai proposé d entrer.

COMMISSION ANIMATION

BORNE DE RECHARGE SUPERVISION GESTION D ENERGIE DIVA BORNE DE VOIRIE NOTICE D INSTALLATION

UNITÉ 5. Écris les noms des parties du corps indiquées dans les dessins. Bon Courage! Vol. 2

2013 /14. appréciez la différence

SOMMAIRE. Des dallages de caractère pour des piscines très exclusives RUSTIQUE BULLÉE 04 ABBAYE 12 PIERRE DU LOT 10 COLLÉGIALE 16

DIAGNOSTIC SOLAIRE ÉVALUEZ VOTRE SENSIBILITÉ ET VOTRE RISQUE AU SOLEIL! INSTITUT FRANÇAIS SOLEIL & SANTÉ.

minimum requis frais de transport de 7,50 $ partout au canada

Calculs Computional fluide dynamiques (CFD) des serres à membrane de Van der Heide

Bienvenue - Welcome. Parc de Nature et de Loisirs en Berry

Des outils numériques simples et conviviaux!

Les Éditions du patrimoine présentent La tenture de l Apocalypse d Angers Collection «Sensitinéraires»

Utiliser le site Voyages-sncf.com

Paysage de nuages. Objectif. Matériel. Vue d ensemble. Résultats didactiques. Durée. Niveau

AGASC / BUREAU INFORMATION JEUNESSE Saint Laurent du Var Tel : bij@agasc.fr Word: Les tableaux.

Le château de Versailles Architecture et décors extérieurs

Guide utilisateur. Parrot MKi9100. Français. Parrot MKi9100 Guide utilisateur 1

LE CATALOGUE DES ARTISANS N -2

Les systèmes CPC (Coût Par Clic) sont des moyens rapides d'obtenir de la visibilité à grande échelle et rapidement.


en s entraînant avec le Stability Trainer Votre guide professionnel d entrainement journalier

Chapitre 4 : Guide de Mouvement et Masque

Fils à tricoter Rowan, qualité «Wool pure dk» : 11 (12-12) pel. col. Dahlia

Marie-Anne Barbel ou l exemple d une femme d affaires du XVIIIe siècle Samantha ROMPILLON

Quel support d impression choisir?

Cours de bridge. Guillaume Lafon

Lucie. - Taille : 1 m 36 - Poids : 24, 5 kg - Cheveux : bruns - Yeux : verts - Caractère : têtue, mais gentille.

BMW Wallonie Moto Club ASBL

CATALOGUE DE COSTUMES CPA Terrebonne

Séance du jeudi 22 novembre 2012 (13h30 16h30)

Nos mondes imaginaires. mes caractéristiques physiques

Comfortlift ONE.

Un autre regard sur. Michel R. WALTHER. Directeur général de la Clinique de La Source 52 INSIDE

3 tournevis TOR-X T6, T7 et T12 1 petit tournevis tête plate 1 paire de pince plate Petites «lames» en plastique ou petits tournevis de modélisme

VISITE DE L EXPOSITION AU THÉÂTRE DE PRIVAS :

La liberté guidant le peuple sur les barricades

Dropbox par un nul et pour des nuls

Fins, réguliers, diam ext 31mm Épais, grossiers, diam 36 mm

Muret Laurentien MC. Classique et Versatile

CURVE. Le confort sur-mesure.

2. Indique le type de chacune de ces contraintes. a) L objet doit avoir des couleurs neutres. Contrainte humaine.

Tutoriel de connexion au site du Royal Moana (ver 1.5)

1 - Avant de commencer le jeu, déposer chaque paquet de cartes, face contre table,

Objet : Rentrée scolaire

Transcription:

. «AVENTURE POUR UN UNIFORME» Voyage d étude de deux vêtements de Plantavit de la Pause à Pézenas. par Emmanuel Nivon interprète historique et chercheur en culture matérielle Montréal, CANADA Amateur d histoire coloniale au XVIIIe siècle et lyonnais d origine, installé depuis 1991 au Canada, je découvris en 2000, lors de la lecture de La France des Québécois, pages perdues et retrouvées1, une photographie en noir et blanc (ci-dessous) de ce qui était présenté comme un uniforme conservé au Musée de Vulliod-Saint-Germain de Pézenas et ayant appartenu à Charles de Plantavit, chevalier de la Pause, officier français originaire de Pézenas qui fit la campagne du Canada de 1755 à 17612. Pour deux raisons, je fut vivement intrigué et attiré par cette mention. D abord, parce que les vêtements masculins de la première moitié du XVIIIe siècles sont rares ; ensuite, parce qu un vêtement mis en lien avec un officier des troupes de Montcalm durant la guerre du Canada vers le milieu du XVIIIe siècle était une première! Je me proposais alors d aller, un jour, constater sur place les détails de cet «uniforme». Quelques années passèrent durant lesquelles d autres projets m occupèrent, mais sans jamais me faire oublier «L uniforme». En septembre 2002, je prenais contact par téléphone puis par courriel avec Mme Laure Gigou, alors Conservateur départemental des Musées pour 1 2 : Prévost Robert, La France des Québécois, pages perdues et retrouvées, éd. Stanké, 1998 ; p. 140. : voir quelques lectures suggérées en fin d article. 1

l Hérault, à Montpellier. Sa disponibilité professionnelle me donna une seconde fois l envie de prendre la direction de Pézenas, mais des impératifs professionnels et financiers eurent encore une fois raison de mon voyage. Ce fut en janvier 2011 que je pris la décision d aller finalement rendre les honneurs au berceau des Plantavit de La Pause. Mme Gigou ayant pris sa retraite, je fut redirigé vers Mme Régine Tolmos-Charles, de la Conservation départementale des Musées de l Hérault. Son accueil téléphonique fut très sympathique et son appui à mon projet de recherche devint immédiatement complet. C est ainsi que le jeudi 7 avril 2011, à 7h11, je montais à bord du train TGV 5355 à Lyon- Part-Dieu en direction de Montpellier. J y arrivais avec les yeux plein du paysage traversé avec sa garrigue encore bien verte en ce printemps méridional, sur fond de craie blanche tourmenté par les éléments. À l arrivée à la gare de Montpellier, Mme Régine Tolmos- Charles m attendait bien patiemment avec sa collaboratrice, Mme Valérie Larchevêque. Les présentations faites, nous nous dirigeâmes en voiture de fonction vers Pézenas, à une heure de route. À l arrivée, la magie de Pézenas opéra tout de suite sur mon âme de voyageur. Les pierres blondes ou blanches des maisons, les hauts murs des hôtels particuliers, le temps qui semblait s être arrêté dans cette ancienne capitale régionale, tout ce spectacle me préparait à une délicieuse journée sous un soleil radieux et une douce chaleur. À peine arrivé face à l hôtel de Saint-Germain, je fut présenté à un hôte charmant, Monsieur Alain Sirventon, membre des Amis de Pézenas et grand connaisseur de l Histoire de la ville et des Plantavit de la Pause. Sa première proposition, avant que de ne rentrer dans le Musée, fut de me guider jusque devant le portail de l ancienne demeure des Plantavit de la Pause à Pézenas. portail de l hôtel des Plantavit de la Pause, Pézenas. Puis, après cette introduction émouvante, nous sommes allés déjeuner. Durant le repas, nos échanges passionnés avec M. Sirventon tournèrent autour de M. de la Pause : l histoire du 2

Chien d Or de Québec, le patrimoine bâti des Plantavit, l histoire de la comtesse de Ledinghen, dernière descendante des Plantavit de la Pause (et donatrice des uniformes qui m avaient attiré à Pézenas) et de bien d autres sujets concernant notre personnage, tant au Canada qu à Pézenas. Puis nous sommes retournés à l hôtel de Saint-Germain pour découvrir les fameux uniformes. Et là, la surprise fut complète et l émotion intense. Sortis d une armoire d époque Renaissance, deux cintres me furent présentés. L un supportait un justaucorps écarlate galonné d argent et une veste écarlate brodée d or. L autre cintre soutenait un justaucorps bleu marine brodé d or. Je reconnus tout de suite que la veste écarlate brodée d or était une partie d un habit grand uniforme de maréchal de camps selon l ordonnance de 1775 ; en toute logique, elle devait donc plutôt se retrouver avec le justaucorps bleu marine, lui aussi facilement identifiable comme l autre composante du-dit habit grand uniforme. Quant au justaucorps écarlate galonné d argent, il était dans un état remarquable pour son âge! Avant de commencer l étude détaillée de ces trois pièces de vêtement, je demandais à M. Sirventon s il savait pourquoi la veste écarlate était associée avec le justaucorps de même couleur, au lieu d accompagner son justaucorps bleu marine. Il m expliqua qu en 1976, lors de la visite à Pézenas de l ambassadeur du Canada, on lui avait demandé de réaliser une installation visuelle avec les vêtements en question. Ne sachant comment les agencer, il assembla les deux morceaux écarlates, selon une logique tout à fait défendable. C est cette présentation visuelle qui fût photographiée et reproduite dans le livre qui m avait fait découvrir les vêtements 3! Lorsque je lui appris que le Musée possédait là un exemplaire exceptionnel d'habit grand uniforme d officier général du XVIIIe siècle, M. Sirventon m'expliqua qu un conservateur d un musée militaire avait déjà fait part à Mme Gigou, de la rareté de cet uniforme. Je m attelais donc à l étude des vêtements en commençant par mettre de l ordre dans l étiquetage des vêtements. En effet, les descriptions et identifications des fiches d inventaire ne correspondaient pas avec les vêtements et leur étiquette épinglée, les numéros d inventaire 3 : voir note 1 et photographie associée. 3

des deux justaucorps ayant été interchangés. Je proposais donc à Mme Tolmos-Charles de réattribuer le numéro 2001-1-568 au justaucorps écarlate galonné d argent, le numéros 2001-1-575 1 au justaucorps bleu marine bordé d or et le numéro 2001-1-575 2 à la veste écarlate bordée d or lui étant associée. De plus, sur les fiches d inventaire, les justaucorps étaient appelés «veste» et la veste appelée «gilet», ce qui n aidait pas à l identification des vêtement selon les appellations du XVIII e siècle. Je proposais de changer aussi ces appellations mal attribuées pour celles en vigueur au XVIII e siècle. Puis je commençais l étude détaillée par le justaucorps écarlate galonné d argent. justaucorps de Plantavit de la Pause coll. Musée Vulliod-Saint-Germain, inv. 2001-1-568 Bien que défini originellement sur sa fiche comme une tenue de chasse, il se trouve être un simple justaucorps civil galonné. Sa coupe générale, ses agréments de manches et de poches, l absence de collet, le nombre de boutons sur le devant (douze jusqu au poches seulement 4 ) et le style des boutons me permettaient de dater ce vêtement autour des années 1740-50. Si l attribution à M. de la Pause est fondée, le chevalier, né en 1721, avait autour de la trentaine lorsqu il le portait. 4 : on dit alors que le justaucorps est «eu surtout» 4

Le drap de laine qui compose le dessus du vêtement est incroyablement fin et solide, typique des productions de grande qualité de certains lainages de la région de Montpellier au XVIII e siècle. Il n y a aucune décoloration du rouge due au temps, à comparer avec l intérieur des plis rarement en contact avec la lumière. Mêmes constats pour la serge écarlate fine de la doublure. Bref, seuls quelques trous et râpures dus aux mites et l oxydation du galon et des boutons d argent marquaient le passage du temps. Un état exceptionnel pour un vêtement exceptionnel! Je passais plus de 2 heures à observer et étudier le vêtement sous, littéralement, toutes ses coutures. Puis je le photographiais sous tous les angles possibles, avec les moyens à ma disposition. *** Je passais ensuite à l étude du justaucorps bleu marine et à la veste écarlate, brodés d or. uniforme de maréchal de camp de Plantavit de la Pause coll. Musée Vulliod-Saint-Germain, inv. 2001-1-575 1 (justaucorps) et 2001-1-575 2 (veste). Le justaucorps est fabriqué de drap de laine bleu marine (dit «Bleu du Roy» au XVIIIe siècle) et est doublé de serge de laine ou de soie de même couleur. Il est brodé de fil d or sur le devant, une partie du col, le collet, les poches et autour des poches, les plis du dos et les parements (replis) des manches. Les boutons de 2,75 cm de diamètre environ sont fait d un feuillet d or moulé sur une forme d os. 5

La veste est faite de drap fin écarlate, doublé de serge de laine ou de soie blanche. Elle est brodée de fil d or sur le devant, tout autour du bas, une partie du col, les poches et autour des poches. Les boutons de 1,75 cm de diamètre environ sont aussi fait d un feuillet d or moulé sur une forme d os. Je les identifie rapidement comme composant un habit grand uniforme de maréchal de camp conforme au règlement sur l uniforme des officiers généraux de 1775 5 ; ne manquait que la culotte écarlate pour compléter le tout. Plusieurs éléments permettaient de dater hors de tout doute ces vêtements. Tout d abord, la broderie d or des deux pièces correspond à celle illustrée dans la planche 4 de L'Art du brodeur par Saint-Aubin en 1770 6 ; elle y est identifiée comme la broderie de «la bordure des habits de MM. les lieutenants généraux ( )» 7. broderie d'uniforme des lieutenants généraux L'Art du brodeur, Saint-Aubin, planche IV, 1770 Notre uniforme est d ailleurs bien celui d un maréchal de camp car à broderie simple ; un uniforme de lieutenant général aurait été à même broderie mais double, selon le Règlement de 1775. La broderie de notre uniforme mesure environ 5 cm de large sans la baguette en crête du bord. D après le Règlement de 1775, c est bien la largeur imposée à la broderie d un habit «grand uniforme» et non d un habit «petit uniforme» ; la broderie du second serait de moitié moins large, soit environ 2,5 cm. 5 : Règlement arrêté par le Roi, sur l Uniforme des Officiers généraux et autres Employés dans les Armées et dans les Places, 2 septembre 1775. Ci-après noté «Règlement de 1775» dans le texte. Pour les détail avant 1775, voir notamment la page internet à http://vial.jean.free.fr/new_npi/revues_npi/34_2003/npi_3403/34_fra_em_ltglmdc.htm. 6 : L Art du brodeur, par Charles Germain de Saint-Aubin dans Descriptions des arts et métiers, faites ou approuvées par Messieurs de l'académie royale des sciences de Paris, volume XXVI, 1770 ; pl. 4. 7 : idem ; p. 235. 6

Les couleurs et les tissus sont aussi conforme au Règlement de 1775 : «Les lieutenants généraux & Maréchaux de nos camps & armées, porteront l habit uniforme de drap bleu, doublé de serge de même couleur, la veste, qui sera doublée de serge blanche, sera de couleur écarlate». Quant aux boutons, là encore notre uniforme est assez conforme au Règlement de 1775 : «l habit sera garni de douze boutons d un seul côté, jusqu à la poche ; il y aura trois sur chaque parement [de manche] & à chaque poche». Il y a seulement deux boutons de plus sur le devant de notre justaucorps uniforme pour un total de quatorze ; seuls les trois premiers ont une boutonnière fonctionnelle ouverte. On retrouve au niveau du haut du boutonnage des agrafes et des portes, très certainement pour conserver l ajustement du vêtement malgré à une augmentation subséquente du tour de poitrine. Des quatorze boutons d origine, seuls restent treize dont sept étaient encore cousus au vêtement au moment de mon passage ; en effet, lors de l examen des poches du justaucorps, en plus d enveloppes anti-mite, j ai retrouvé six autres des sept boutons manquant, jusqu alors pensés perdus, rassemblés à l intérieur d une enveloppe de la Poste (!). La veste est boutonnée conformément au Règlement de 1775 : douze boutons devant et trois sur chaque poches. La présence d un petit collet conforte la datation minimale de fabrication, soit dans les années 1770. Il est mentionné dans le Règlement de 1775 : «( ) et le collet de l habit seront de même drap bleu ( ). Le collet sera brodé du même dessin de broderie, réduite en proportion de la largeur réglée pour le collet» La coupe générale des vêtements est un autre indice qui permet de dater l uniforme. La forte courbe de la coupe du devant du justaucorps, la veste très courte par rapport au justaucorps, l angle de coupe très marqué du bas du devant de la veste, les plis de la jupe rejetés vers l arrière dans le dos, les manches plus «anatomiques» qu en début de siècle sont autant de détails qui permettent de situer sans faute la fabrication l uniforme dans les années 1770. On peut retrouver ce type d uniforme et sa broderie représentés sur bien des portraits du XVIII e siècle. En voici un exemple sur ce portrait anonyme du maréchal de camp Pierre- Guillaume-Léonard Sarrazin de Bellecombe, peint après 1783. 7

(détail) coll. Musée de l Armée, Paris inv. 05358 ; Ea 17 Bien sûr, l attribution de cet uniforme au chevalier Plantavit de la Pause reste tributaire de la confiance que l on porte à la donatrice, Mme de Ledinghen, dernière descendante de la famille. Bien que rien ne le garantisse, il y a peu de chance que ce soit une attribution fantaisiste : au début du XX e siècle, au moment de la donation des vêtements par Mme de Ledinghen, plus personne ne savait de quel genre de vêtements il s agissait; simplement, qu ils avaient toujours été dans la famille attribués au chevalier Plantavit de la Pause. Mais comme l uniforme date de la même époque à laquelle le chevalier a été fait maréchal de camp, sans être une preuve irréfutable, c est un indice fort! À des fins de comparaison, il serait intéressant de vérifier les points communs ou de mesurer les différences avec un autre uniforme du même type, le seul autre connu, conservé au musée de L Empéri à Salon-de-Provence, culotte comprise celui-là. 8

uniforme de maréchal de camp, ordonnance de 1775 coll. Musée de l Empéri *** La précieuse rareté et le témoignage fort de ces trois vêtements me font ardemment souhaiter qu ils soient une jour conservés dans des conditions plus propres à leur assurer une longévité accrue. Je recommanderais par exemple de ne plus les garder sur de simple cintres 9

en bois mince dans une armoire aux quatre vents mais du moins sur des cintres rembourrés de matériaux non-acides dans une armoire plus étanche. Selon mon expérience, et après avoir vu bien des vêtement conservés en boîte mise à plat, je ne recommanderais pas cette solution qui a par trop tendance à créer des plis sur les vêtement selon des lignes différentes de celle qu elles avaient au XVIII e siècle. Une mise en vitrine de verre à 360º, complétée d un éclairage diffus et minimal, voire automatique à détection de mouvement, serait bien sûr le suprême honneur à faire à ces magnifiques et exceptionnelles pièces! Nul doute qu elles sauraient ainsi attirer l attention du public, voire d augmenter ce dernier! Je me propose, depuis Montréal, pour toute action qui pourrait aider à la réalisation de ce vœux le plus cher. *** Ce travail terminé, je reprenais finalement la route avec Mmes Tolmos-Charles et Valérie Larchevêque en direction de Montpellier où, après un trajet touristique dans le nouveau tramway en construction de la ville, je finis à la gare pour reprendre le train et arriver sur Lyon passé 20 heures. Je ne pus reprendre mes esprits que bien plus tard, ayant le sentiment d avoir touché un morceau d Histoire, d avoir collaboré à lui redonner son identité véritable et méritée, d avoir tenté de convaincre de le mettre en valeur et d avoir fait la découverte d un coin d Hérault touchant. Enfin, je tiens à remercier sincèrement mes deux hôtes, Mme Tolmos-Charles et M. Sirventon, pour leur chaleureux accueil et leur collaboration professionnelle parfaite. Au plaisir de pouvoir revenir vous rencontrer à Pézenas, sans attendre 10 ans! Emmanuel Nivon (Montréal-Canada) lectures suggérées sur Plantavit de la Pause : - Les mémoires du chevalier de La Pause, Rapports des Archives Nationales du Québec, 1932-33, p. 305 à 397 - Mémoire et Observations sur mon voyage au Canada, Rapports des Archives Nationales du Québec, 1931-32, p. 3 à 46 - les «Papiers» La Pause, Rapports des Archives Nationales du Québec, 1933 1934, p. 65 à 231. - Dictionnaire biographique du Canada en ligne : Plantavit de Lapause de Margon, Jean-Guillaume http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=2612&&phpsessid=ychzfqkvzape 10