Le rapport de l ONU, une aide pour la RDC?



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Johanna Val Le rapport de l ONU, une aide pour la RDC? Malgré la fin génocide au Rwanda (1993-1994), la page n est pas tournée. L ONU a publié récemment un rapport évoquant la possibilité d un génocide commis en République Démocratique du Congo. Les Hutus rwandais réfugiés dans ce pays après l accès à la vice-présidence de Paul Kagame, l homme qui mit fin au génocide contre les Tutsis, ont subi les préjudices. De 1993 à 2003, de nombreux Hutus et civils congolais auraient ainsi été tués. Ces crimes auraient été aussi perpétrés par des ressortissants rwandais et par des groupes ethniques minoritaires congolais. Les tensions ne se sont pas apaisées et les violences persistent toujours (notamment envers les femmes et les enfants). Le rapport de l ONU a ainsi contribué à éclairer la situation de ces derniers en recensant par exemple 1500 viols entre juin et août 2010. Le rapport de l ONU soulignant l éventualité du génocide congolais aide-t-il à la reconnaissance des victimes et à la poursuite de criminels de guerre? Dans un premier temps, nous étudierons le contenu du rapport, puis nous nous demanderons si ce rapport peut constituer une première étape en vue d une reconnaissance des victimes et l inculpation des coupables. Vendredi 1 er octobre 2010, l Organisation des Nations Unies (ONU) a publié un rapport définitif sur les atrocités perpétuées sur le territoire de la République démocratique du Congo (l ancien Zaïre). D après Le Monde (01/10/2010), ce rapport évoque la possibilité d un génocide notamment contre les Hutus réfugiés en RDC après le génocide au Rwanda, par peur de représailles. Ce rapport serait selon l article du 01/10/2010 de L Express «un premier pas contre l impunité dans cette région», car 617 «violations graves» auraient été perpétrées. En effet si l on en croit les chiffres publiés par le journal congolais Le Potentiel dans un article du 27/08/2010, 6 millions de personnes auraient été victimes de ces exactions. Ce nombre important de morts est bel et bien dû à un génocide. Selon L Express (01/10/2010), «les opérations étaient planifiées depuis longtemps» et Paul Kagame lui-même a déclaré avoir organisé l attaque des camps de Hutus réfugiés en RDC pour répondre au génocide des Tutsis. Ce rapport met également en évidence l utilisation du viol comme arme de guerre dans le pays. «La RDC, capitale mondiale du viol» est la manière dont le pays est qualifié par Jeune Afrique (28/04/2010). En effet, de nombreux crimes sexuels ont eu lieu sur le territoire congolais. D après Le Monde du 08/09/10, ce serait près de 500 viols qui auraient été comptabilisés dans les régions du Nord et Sud Kivu pendant l été 2010 ; les victimes sont évidement des femmes mais aussi des enfants. C est dans ces régions que l on totalise le plus de viols (un tiers du total des viols dans le monde), soit environ 5000 au cours de six premiers mois de l année. Selon l article d Afrique Actu du 01/12/2010, le total des victimes de viols s élèverait à 12 000 depuis le début de l année 2010 (des hommes ont également été violés). Des casques bleus de l ONU seraient également impliqués dans ces crimes. Néanmoins aucune preuve contre eux n a été trouvée. En moyenne, il y a en moyenne 14 viols par jour d après un article du Figaro du 05/10/2010, et ceux-ci pourraient «détruire» le pays : la violence et les crimes sexuels sont plus ou moins banalisés et entretenus car ils restent trop souvent impunis. Les principaux coupables dénoncés par le rapport de l ONU sont les pays voisins. Il s agit principalement de l armée rwandaise qui cherchait les coupables du génocide des Tutsis, mais également de l Angola, de l Ouganda et du Burundi comme le rappelle Le Monde du 01/10/10. D après L Express du 01/10/2010, les Etats-Unis seraient également impliqués dans ce génocide, car le pays aurait financé et armé le Rwanda à l époque. En outre, l armée rwandaise, aidée par ses alliés locaux comme l Alliance des forces démocratiques du Congo, aurait massacré les Hutus réfugiés en RDC, des civils et des opposants. De plus, des meurtres, des viols et des pillages auraient été commis par des soldats des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, 1

autrement dit par l armée du pays qui est censée protéger les habitants (Le Point du 14/10/10). Par ailleurs, de nombreuses milices «indépendantes» se sont rendues coupables de plusieurs crimes. Elles sèment le trouble dans tout le pays. Par exemple, d après 20 Minutes (04/02/2011), plusieurs hommes armés ont assailli l aéroport de la ville minière du pays, Lubumbashi, afin de prendre le contrôle d un dépôt de munitions. Ces groupes sont également accusés d enrôler des enfants même si, selon l article du Soir du 27/12/2010, un cinquième des enfants soldats est enrôlé par la Force Armée RDC (la FARDC l armée officielle). Le rapport de l ONU met en évidence un autre aspect, celui de l incapacité de la MONUSCO (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation de la République Démocratique du Congo) à instaurer un climat de paix dans le pays. D après un article de La Tribune (du 15/10/2010), l ONU avoue l incapacité de la MONUSCO à protéger tous les civils. Face aux problèmes de violence en RDC, la mission onusienne qui a pour but la protection des civils et le maintien de la paix se voit débordée, et malgré des effectifs assez importants, ne peut assurer la protection de tous les civils. Cette impuissance se traduit par la peur constante d un nouveau massacre. Par exemple, l article du 21/12/2010 de l Observateur, relate qu à l approche de Noël, plusieurs ONG dont Oxfam Peace, Direct ou encore Refugees, ont demandé à la communauté nationale et internationale de protéger et d agir en faveur des habitants du Nord du Congo afin d éviter de nouveaux massacres commis par l un des groupes armés les plus dangereux et violents (l Armée de Résistance du Seigneur) comme les années précédentes. L un des grands problèmes de la RDC aujourd hui est l impunité des coupables qui est entretenue par la corruption et par le manque de poursuites et d enquêtes judiciaires sérieuses. Le rapport de l ONU suscite de l espoir pour l ensemble des Congolais et notamment les victimes du génocide (Libération du 01/10/2010) : par exemple, l ambassadeur de la RDC à New York se félicite du texte et réclame justice pour son pays (Le Monde du 01/10/2010). Mais d un autre coté, l armée congolaise est elle-même accusée de participer aux violences perpétrées dans le pays, selon Le Soir du 12/03/2010, ce qui nuit à l image et à la crédibilité du pays. D après The Guardian du 10/02/2011, 11 soldats congolais ont été arrêtés en raison de leur implication dans des violences envers les femmes et les enfants perpétuées au début de l année 2011. Le Rwanda, l un des principaux pays concernés par les critiques onusiennes, rejette catégoriquement ces accusations. D après un article du New York Times du 01/10/2010, le gouvernement rwandais voit ce rapport comme une «insulte à l Histoire» et le qualifie de dangereux car il peut nuire à la stabilité et à la paix dans la région des Grands Lacs. Selon l article du 01/10/2010 du Monde, pour les autorités rwandaises, le rapport s appuierait uniquement et de façon inappropriée sur des «sources anonymes». Selon le même article, l Ouganda, qui est également intervenue militairement en RDC et dont l armée est accusée de crimes, «rejette ce projet de rapport dans sa totalité et demande qu il ne soit pas publié». Avant même sa publication, lorsque le quotidien Le Monde avait publié des extraits de la version brute du rapport, les pays concernés s étaient indignés. Selon l article de 30/09/2010 d Afrique Actu, le Rwanda fut outré par l utilisation du terme «génocide». Il a d ailleurs menacé de retirer ses troupes de la mission de maintien de la paix dans la région du Darfour supervisée par l ONU si cette dernière ne modifiait pas ses écrits. Ceci mit l ONU dans une position délicate et selon l article du Monde du 07/09/2010, Ban Ki-Moon, secrétaire général de l ONU, a dû se rendre au Rwanda pour apaiser les tensions. «Ni l ONU ni la RDC n accordent à ce péril l attention requise», c est ce que l ONG Human Rights Watch a déclaré d après l article du 15/10/2010 de L Express. Cette situation tend cependant à changer si l on en croit les nombreuses ONG qui s impliquent dans le pays et les associations d aide aux victimes (particulièrement aux femmes) qui se créent. De plus le rapport de l ONU est une preuve de l importance que les Etats étrangers et les organisations mondiales commencent à accorder aux crimes commis en RDC. Des mouvements se mettent en place : près de 20 000 «mamans» ont défilé à Bukavu, dans l est de la RDC, contre les violences sexuelles et l utilisation 2

du viol comme arme de guerre comme le rappelle Le Point du 17/10/2010. Selon cet article, ces manifestations rassemblent des femmes de toutes classes sociales, religions et professions, le but étant de faire réagir la communauté internationale sur leur souffrance. Ce genre de regroupement des femmes victimes ou non des violences se fait de plus en plus fréquemment. Les femmes rejetées par leur famille après leur viol sont accueillies dans des centres afin de recevoir une aide psychologique et de favoriser leur rapide réinsertion dans la société. C est que d après Le Monde du 16/04/2010, 9% des femmes violées sont abandonnées par leur mari et leur famille. Par ailleurs, les puissances mondiales commencent à s intéresser aux atteintes aux droits des hommes commis au Congo et les sanctionnent. Par exemple, l article du 23/12/2010 du Soir, annonce que les Etats-Unis, ont privé le gouvernement de leur programme sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA : Africa Growth and Opportunity Act) qui lui accordait un statut de partenaire économique avantagé. Cependant, cette punition revient davantage à sanctionner la population que le gouvernement. En outre, des personnalités étrangères s engagent à aider les femmes victimes des violences sexuelles. C est le cas par exemple du navigateur et artiste français Titouan Lamazou, qui d après l article du 11/08/2010 du Potentiel, a crée l ONG Lysistrata afin d aider les femmes en RDC, notamment celles de la ville de Butembo dans la région du Nord Kivu. D autres associations et ONG se mobilisent afin de venir en aide à la population féminine, comme par exemple la Synergie des femmes pour le soutien aux victimes des violences sexuelles, qui représente une coalition de 35 associations locales. Enfin, de grands acteurs du génocide en RDC sont traduits devant la Cour Pénale Internationale (CPI) afin qu ils répondent de leurs actes. Un Hutu rwandais, Calixte Mbarushimana, est soupçonné d avoir participé aux crimes de guerre et contre l humanité en RDC (Afrique Actu 11/10/2010). Sur le banc des accusés se trouvent également Thomas Lubanga (ancien chef de milice ayant ordonné et exécuté de nombreuses exactions) et Bosco Ntaganda, le général des FARDC, dont la CPI demande l extradition à la RDC qui s y oppose. Le cas de la République Démocratique du Congo est un cas assez complexe car de nombreux pays et groupes armés sont impliqués dans les violences qui déstabilisent le pays. Cependant, grâce aux ONG, aux Etats et à l ONU (par le biais des Casques bleus et du rapport), un début de mobilisation internationale se développe afin que les Congolais puissent bénéficier des droits fondamentaux de l homme, qui jusqu à présent étaient bafoués. C est notamment grâce à l intervention d une justice internationale que cela est possible. La Cour Pénale Internationale, rattachée à l ONU, fut crée en 1992, pour sanctionner les atteintes aux droits universels des hommes. Toutefois, son action reste délicate et difficile à mettre en place, en particulier en raison du manque de coopération de la RDC concernant l extradition de certains présumés coupables. 3

Une justice internationale à consolider Depuis 1945 et après les procès de Nuremberg et de Tokyo, le projet de création d une justice internationale est resté en suspens jusqu en 1992 et la mise en place des Tribunaux Pénaux Internationaux (TPI) charger de poursuivre les auteurs des crimes commis dans l ex Yougoslavie et au Rwanda précisément. La Cour Pénale Internationale (CPI) fut ensuite créée en 1998 après la conférence des Nations Unies à Rome et prit ses fonctions en 2002 afin de répondre aux limites des TPI. La situation instable dans laquelle se trouve actuellement la République Démocratique du Congo met en évidence un problème de justice qui dépasse les frontières du territoire et qui s applique à toute la région des Grands Lacs. En effet, plusieurs Etats sont impliqués dans le génocide dénoncé par le rapport de l ONU le 1 er octobre 2010. Le problème d une justice commune aux différents pays de la planète se pose donc. L essor d une justice internationale peut-elle aider les pays? Est-elle bénéfique à la défense des droits des hommes et favorise t-elle la pacification des relations diplomatiques? La CPI est-elle efficace? Premièrement, nous verrons que la justice internationale aide au respect des droits des hommes et favorise la régulation des conflits, puis dans un second temps, nous montrerons que cette justice n a cependant pas suffisamment de moyens propres qui lui assureraient une autonomie d action. Tout comme les procès de Nuremberg et de Tokyo, qui avaient pour but de punir les crimes des responsables de la Shoah et de la Seconde Guerre Mondiale, les TPI avaient pour objectif de lutter contre l impunité des atteintes aux droits humanitaires (notamment après les exactions commises en ex Yougoslavie et le génocide rwandais). Néanmoins, la marge de manœuvre des TPI étant limitée (faible nombre de prévenus, action limitée dans l espace, rapport de force vis-à-vis des Etats ) et leur recours étant à caractère exceptionnel et spécifique (pour un crime précis, dans un lieu et à un moment donnés), il a fallu créer une Cour Pénale Internationale dotée de capacités plus large. Elle peut s autosaisir ou alors, le Conseil de Sécurité de l ONU peut le faire. La CPI tend ainsi à remplacer les TPI. Depuis son entrée en vigueur, la CPI a remise en cause l immunité des anciens chefs d Etat (avec le cas du dictateur chilien Augusto Pinochet) et des chefs d états en fonction (notamment avec le dirigeant serbe Slobodan Milosevic) en les jugeant pour les actes criminels qu ils ont commandités durant l exercice de leur pouvoir. Il y a donc une volonté de plus en plus forte de lutter contre l impunité des «violations graves du droit humanitaire international». De plus, la présence d une justice internationale dans les conflits, phénomène relativement nouveau, induit une certaine crainte pour les Etats ou groupes d individus. Par peur de devoir rendre des comptes devant la CPI et de devoir assumer des sanctions, le recours à certains moyens illégaux devient quelques fois une solution à écarter. Par exemple, en Guinée, le chef de l armée Moussa Dadis Camara s est imposé par la force en 2008 comme chef d Etat après la mort du président Lansana Conté. Cependant, probablement conscient des risques juridiques encourus, il a laissé la place au président élu démocratiquement par le peuple sans la moindre objection et sans le moindre mouvement de rébellion. La justice internationale devient donc une sorte «d arme» qui permet de dissuader tout acte allant à l encontre des lois internationales. Néanmoins l action d une justice internationale n est pas totalement efficace. Cette inefficacité s explique par à plusieurs facteurs dont le fait que seulement 108 pays ont ratifié la CPI, soit près de la moitié seulement des Etats de l ONU. Cela constitue un véritable obstacle à l avancée d une justice internationale car les ressortissants des pays ne l ayant pas ratifié n ont pas à comparaître et à rendre des comptes devant elle en cas de litige international. C est le cas par exemple des Etats-Unis concernant les maltraitances des détenus de la prison de Guantanamo. De plus, d autres pays influents comme la Chine ou la Russie, font partie de la liste de ceux qui n ont pas approuvé la CPI, ce qui nuit à la légitimité de cette instance. 4

L un des problèmes auxquels est confrontée la CPI est le manque de moyens. En effet, sa capacité à poursuivre et sanctionner les coupables dépend du consentement des Etats à livrer les suspects de crimes. Le fait est qu il n y a pas de police internationale pouvant arrêter les personnes tombant sous le coup d un mandat d arrêt international. Cet écueil constitue un véritable obstacle à l efficacité de cette justice. Le cas du chef d Etat soudanais, Omar El-Béchir, inculpé par la CPI pour dix chefs d accusations dont crime de guerre et génocide dans la région du Darfour illustre le problème. Le président a tout simplement ignoré les poursuites initiées par la CPI. De plus, lors de ses déplacements dans les pays ayant ratifié la CPI, comme le Kenya, aucun moyen n a été mis en place pour procéder à son arrestation. Ceci rend toute sanction impossible. La dépendance de la justice internationale est donc d ordre militaire mais aussi financière (elle est financée par les contributions volontaires des Etats), et cela se traduit par une forte influence des Etats sur la CPI. Par ailleurs, la CPI ne peut intervenir que lorsque l Etat ou les Etats en conflit ne peuvent régler eux-mêmes le litige. Même si la CPI lance un mandat contre une personne suspectée, si la justice nationale décide de prendre en charge la procédure juridique, la CPI devra annuler son mandat. Son rôle n est que complémentaire. En outre, la justice internationale est également sous l influence des pays. Par exemple, le gouvernement cambodgien a fait pression auprès de la CPI afin que seuls quelques responsables Khmers Rouges soient inculpés et jugés pour le massacre d une partie de la population en 1975. De plus, le recours à une justice internationale est souvent considéré comme une domination des vainqueurs sur les vaincus. Durant le procès de Nuremberg par exemple, les responsables de la Seconde Guerre Mondiale ont été punis pour les crimes contre l humanité et crime de guerre. Toutefois, certains se sont demandé si l utilisation de la bombe atomique par les Etats-Unis en 1945 à Hiroshima et à Nagasaki au Japon n aurait pas dû mener les Etats-Unis à comparaître devant un tribunal international. Ainsi, les crimes restent souvent impunis comme par exemple au Rwanda où malgré la création de la TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda) aucun procès n est arrivé à son terme et seul un coupable a pu être reconnu (grâce à sa coopération). Le rôle d une justice internationale reste donc à consolider. Même si la justice internationale devient un protagoniste important dans les conflits internationaux, son efficacité reste à prouver. En particulier le manque de moyens, la non ratification de près de la moitié des Etats de l ONU, dont les plus influents, et sa dépendance à l égard des Etats constituent autant de freins à son l action et nuisent à la poursuite des responsables. Certes, elle aide à la lutte contre les crimes qui dépassent l ordre national mais les résultats restent superficiels. En République Démocratique du Congo où, malgré la présence de forces onusiennes et l intervention de la CPI pour juger les auteurs des crimes commis, la justice n est que partiellement appliquée. La justice et les autorités internationales sont présentes sur le territoire mais cela ne participe que très faiblement à l amélioration des conditions de vie des Congolais et notamment de femmes car le nombre de viols ne cesse d augmenter. Donc tant que les moyens de la justice internationale resteront limités, et tant que les pays n ayant pas ratifiée la CPI ne trouveront rien de bénéfique à tirer de cette reconnaissance, les problèmes de violence en RDC, comme dans d autres régions, ne pourront être résolus. La question d une justice internationale, totalement compétente et indépendante, reste ainsi en suspens. 5