MESURES EN CONTINU DE LA BIOMASSE ET DE LA PHYSIOLOGIE DES MICROALGUES DANS LA DEÛLE



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Etude réalisée par le Laboratoire d Océanologie et de Géosciences (LOG) en collaboration avec l Université de Lille 1 (USTL) dans le cadre de la convention n 69678 entre l Agence de l Eau Artois- Picardie et l Université du Littoral Côte d Opale. Luis Felipe Artigas (Maître de Conférences ULCO) Fabrice Lizon (Maître de Conférences USTL)

Mise en place de mesures en continu de la biomasse et de la physiologie des microalgues dans les eaux du canal de la Deûle Introduction : Le phytoplancton est un des éléments biologiques identifiés par la Directive Cadre européenne sur l Eau (2000/60/CE publiée au Journal Officiel des Communautés Européennes en décembre 2000) sur les eaux superficielles continentales comme les plans d eau et les fleuves, pour participer à la définition de l'état écologique de ces masses d'eau. De par sa réactivité face à des perturbations du milieu et de par son rôle structurant des chaînes et réseaux trophiques, il constitue un puissant bio-indicateur des qualités trophiques des masses d eau. Des stratégies d échantillonnage sont actuellement mises en place dans les systèmes fluviaux et lacustres pour satisfaire à cette définition et pour suivre le devenir de la qualité écologique au fil du temps. Parmi les variables phytoplanctoniques étant à la base de la définition de la qualité écologique des masses d eaux superficielles continentales, la biomasse phytoplanctonique représente un indice de choix, et sa mesure est dérivée des mesures de la concentration en chlorophylle a. Par ailleurs, la diversité phytoplanctonique (composition et abondance) est traditionnellement déduite de déterminations et comptages phytoplanctoniques réalisés par microscopie à inversion après sédimentation. La présente étude a été réalisée en partenariat entre le Laboratoire d Océanologie et Géosciences (LOG) de Wimereux, l Agence de l Eau Artois-Picardie, le Laboratoire de Chimie Analytique Marine de l Université Lille I et le Laboratoire de Chimie de l Université Libre de Bruxelles. L objet de cette étude était d étudier la variabilité à haute fréquence des biomasses phytoplanctoniques totales, des espèces et groupes phytoplanctoniques, et de mettre en relation cette variabilité avec la variation de variables physico-chimiques, et chimiques acquises en continu et par des prélèvements discrets sur la Deûle au niveau du site AGORA de SITA (ancien site Métaleurop fermé depuis 2003), voué à la valorisation des déchets. L étude a été menée du 15 avril au 15 mai 2009. Les mesures des paramètres physico-chimiques de l eau ont été assurées par le biais d une station automatique de mesures en continu (Agence de l Eau Artois Picardie). La forte influence des facteurs hydrodynamiques et climatiques sur le phytoplancton nécessite, pour le suivi des communautés, le couplage des mesures de pigments avec des mesures physiques et climatiques pour interpréter les changements. Le couplage avec les mesures chimiques est également indispensable. De nouveaux outils de détection et de suivi du phytoplancton sont actuellement testés dans divers systèmes aquatiques. Parmi ces techniques alternatives à la microscopie traditionnelle, l utilisation de la fluorescence différentielle (ou spectrofluorescence) immergeable (Fluoroprobe bbe) ou associée à un système de pompage d eau (Algae Online Analyzer - AOA) permet de séparer et d estimer les biomasses de 4 groupes spectraux de phytoplancton en fonction de leur respectif cortège pigmentaire caractéristique. Des analyses qualitatives et quantitatives pigmentaires (chlorophylle a) et algologiques (comptages microscopiques du phytoplancton) ont été réalisées en parallèle au laboratoire, permettant ainsi de tester cette technique de fluorescence différentielle et d exploiter les données acquises : mise en relation des analyses pigmentaires avec les paramètres physico-chimiques, à une fréquence d acquisition impossible d avoir avec n importe quelle autre technique de détection. En parallèle, l AOA permet également de suivre des propriétés physiologiques des micro-algues et cette mesure sera utilisée pour éclairer les hypothèses faites à partir du suivi de la dynamique des groupes spectraux et des variables expérimentales enregistrées en continu à l aide de la station de mesures de l AEAP.

Généralités et Objectifs Le phytoplancton est le producteur primaire prédominant dans les grands cours d eau et les milieux canalisés, et peut être à l origine de nuisances telles que des accumulations importantes (blooms ou efflorescences), odeurs, couleurs, toxines (Noppe, 2000). En partie pour ces raisons, la Directive Cadre Eau 2000/60/CE requiert l utilisation du phytoplancton pour décrire l état écologique des rivières. Cependant, il n existe actuellement pas en France de réseau national de suivi qualitatif et quantitatif du phytoplancton, en raison d'une grande difficulté d analyse (Prygiel, 2003). Toutefois, afin de connaître la nature et l évolution des groupes algaux majoritaires, un réseau de suivi qualitatif et quantitatif du phytoplancton a été instauré en 1994 et poursuivi en 1996, et une étude (menée sous forme de sujet de thèse : Noppe, 2000) pour la mise en place d un réseau de surveillance a été entreprise en 1997. Ces travaux ont permis entre autres de conclure que les grands cours d eau Européens présentaient une forte analogie de composition qualitative du phytoplancton, malgré des caractéristiques physiques et des niveaux de pollutions différents (Noppe, 2000). Cependant, une forte variabilité spatio-temporelle des analyses phytoplanctoniques et pigmentaires a été mise en évidence, nécessitant une fréquence d échantillonnage, et donc un coût d analyse, élevés. L'absence de méthode standardisée pour le suivi du phytoplancton, de flore de référence et de spécialistes qualifiés, mais aussi l'extrême variabilité des analyses ont d autant plus nui à la création d un réseau de surveillance phytoplanctonique (Prygiel, 2003). Le développement de tel ou tel groupe de phytoplancton dépendra par ailleurs fortement des facteurs climatiques (lumière et température), hydrodynamiques (débit, vitesse du courant, turbidité), et des proportions et disponibilité des différents nutriments. D autres facteurs (pression de broutage par le zooplancton, présence de toxines ) peuvent entraîner des modifications importantes de biomasse et composition des communautés. Les communautés phytoplanctoniques présentent une importante variabilité spatio-temporelle, due à la croissance rapide des individus et à l hétérogénéité de la masse d eau dans laquelle ils se développent : le phytoplancton présente une variabilité nycthémérale et hebdomadaire telle que ses densités peuvent augmenter de 10 à 50% entre matin et soir, et que sa biomasse peut doubler en 2 à 3 jours pour les petites espèces. Toutefois, des changements spécifiques ne s observent que sur quelques jours voire quelques semaines, caractérisant les blooms ou effloresences phytoplanctoniques. Le phytoplancton se répartit en outre de manière hétérogène, les espèces se concentrant parfois en agrégats, ce qui rend difficile l échantillonnage et l'évaluation de la variabilité à petite échelle spatiale (Noppe, 2000). Au niveau de la station de prélèvement dans la Deûle, la densité algale, la composition du peuplement et les teneurs en pigments ont une variabilité spatiale de l'ordre de 20%. Le phytoplancton présent peut donc être caractérisé par un échantillon prélevé sous la surface dans le courant principal, à condition de choisir correctement la station. Le phytoplancton pouvant être sujet à de fortes variations à petite échelle temporelle, il est en outre conseillé d effectuer des prélèvements tous les 15 jours minimum (Noppe, 2000). Le contrôle de la production des microalgues est exercé par deux grands types de facteurs : les facteurs extrinsèques et intrinsèques. Les premiers concernent les variables de l environnement telles que l intensité et la qualité de la lumière, les concentrations en éléments nutritifs, la température; les seconds, des facteurs tels que l efficacité photosynthétique, la composition pigmentaire et le caractère génétique d une espèce. Ces derniers sont donc d ordre physiologique et intègrent les mécanismes d adaptation que sont susceptibles de mettre en œuvre les microalgues à différentes échelles de temps. On distingue généralement 3 grands types d échelle de temps sur lesquelles les processus d adaptation des microalgues peuvent prendre place :

à court terme, i.e. à l'échelle de quelques heures à la journée, des adaptations purement physiologiques (modification des propriétés photosynthétiques) peuvent survenir ; à moyen terme, i.e. à l échelle du jour à quelques jours, des adaptations ontogéniques (modifications de type biochimique) peuvent se «superposer» aux adaptations précédentes ; enfin à long terme, i.e. à l échelle des semaines à une centaine de jours, donc de la saison, certains écologistes parleront d adaptation structurelle pour décrire les successions d espèces dans le temps. Ces successions d espèces ne sont en réalité pas toujours considérées comme des adaptations. Elles reflètent en effet le développement des espèces les plus aptes à croître et à dominer le peuplement phytoplanctonique dans des conditions environnementales données. Les deux autres types d adaptations surviennent en relation avec les variations de lumière liées aux passages des nuages et la stabilité de la colonne d eau. Le mélange vertical des eaux, dû au vent et/ou au passage des péniches dans le cas d un canal comme la Deûle, peut en effet entraîner des excursions verticales des cellules à travers le gradient de lumière à un rythme plus ou moins élevé. Les cellules reçoivent ainsi une énergie lumineuse fluctuant plus ou moins rapidement, d autant plus que l eau sera turbide (Lizon et al., 1998). Ceci conditionne ce que l on appelle «l histoire lumineuse» (de l Anglais «light history») des cellules et par conséquent leur mécanisme de photoadaptation sur le court et/ou le moyen terme (Falkowski, 1983). L objectif des microalgues est alors d optimiser leur taux de croissance, selon la disponibilité des éléments nutritifs, bien évidemment. Les mécanismes d adaptation cellulaire à court et moyen terme peuvent être aisément étudiés à l heure actuelle par des appareils tels que les fluorimètres à lumière modulée (cf. Matériels et Méthodes) qui peuvent effectuer des mesures de façon autonome à l échelle de quelques secondes et durant plusieurs jours. Il est également possible avec ces fluorimètres de discriminer 3 ou 4 groupes majeurs de microalgues d un peuplement (algues bleues, vertes, brunes et Cryptophytes), en terme de biomasse et/ou d activité physiologique. Ces appareils constituent aussi des techniques alternatives aux classiques méthodes d observation microscopique du phytoplancton et d'analyse au 14 C de la production primaire. Pour appréhender et comprendre les variations temporelles de la biomasse des micro-algues, il apparaît donc nécessaire d effectuer de façon synchrone des mesures à toutes les échelles de temps (petites, moyennes et grandes) des paramètres de l environnement (principalement les sels nutritifs utilisés par les micro-algues et la lumière) ainsi que de la biomasse et de la physiologie du phytoplancton (composition pigmentaire et efficacité photosynthétique). La question précise qui se pose à l utilisateur des capteurs haute-fréquence est celle de la plusvalue concrète apportée par ce type d instrument. Celle-ci est évidente car comme nous allons le voir, ce type de mesure en continu permet d éviter les phénomènes d aliasing (erreurs d appréciation de la variabilité réelle d un paramètre) et de détecter tout «shift» ou variation brutale des paramètres mesurés. Plus concrètement encore, ce type de mesure permet d obtenir des informations quelles que soient les conditions météorologiques, le jour de la semaine et les heures de la journée, voire l état de santé de l opérateur. Enfin, les mesures en continu devraient permettre de relativiser les diagnostics établis à partir de mesures ponctuelles et donc de prévenir ou d anticiper d éventuels contentieux quant à l évaluation de l état écologique.

Matériels et Méthodes : Fluorimètrie in vivo : biomasse et physiologie des microalgues La biomasse phytoplanctonique a été estimée in situ par 2 types de fluorimètre appartenant à deux catégories différentes mais présentant toutes deux la possibilité de déterminer une biomasse en équivalent chlorophylle a (µg.l -1 ) des 4 groupes majeurs de phytoplancton déjà cités (Beutler et al., 2002). Ces fluorimètres sont (Fig. 1) : le «Fluoroprobe»(bbe Moldaenke) qui permet de réaliser des profils verticaux surface-fond à différents endroits du canal ; l «Algae Online Analyser»(AOA, Moldaenke) qui est un analyseur autonome permettant de mesurer après pompage d un échantillon (fréquence de 10 sec durant plus d un mois) non seulement la biomasse mais également un indicateur physiologique du phytoplancton, le paramètre dit de Genty (1989). bbe Algae Online Analyser (AOA) bbe FluoroProbe (FPr. bbe) Figure 1 : Les fluorimètres bbe Moldaneke : Algae Online Analyzer (AOA, gauche), le Fluoroprobe (droite), cuve d excitation (bas) Le principe de ces fluorimètres pour déterminer la biomasse et/ou la physiologie par groupes fonctionnels repose sur les caractéristiques différentielles des spectres (sous excitation) par fluorescence, des pigments accessoires des 4 groupes de micro-algues. Ceci est rendu possible par l utilisation de 5 diodes émettrices à 450, 525, 570, 590 et 610 nm. L empreinte caractéristique des 4 groupes est déterminée à partir de cultures mono-spécifiques et mixtes, et cette empreinte est alors stockée dans les fluorimètres. La discrimination des groupes fonctionnels est alors possible sur des mélanges de populations naturelles (Beutler et al., 2002). Les algues d un même groupe phytoplanctonique contiennent une qualité et quantité de pigments photosynthétiques similaires. Leur spectre d excitation, (avec une longueur d onde d émission fixée à 680 nm) est significatif pour chaque classe d algue. Une caractérisation peut alors être faite de la part relative de chacun des 4 groupes spectraux déduits des réponses recueillies après excitation par 5 diodes émettant à différentes longueurs d onde, en termes de «chlorophylle a équivalent». Il est possible alors de calculer la contribution relative de chaque groupe spectral à la biomasse phytoplanctonique totale (Beutler et al., 2002). Le tableau 1 décrit les 4 groupes que nous avons cherché à mettre en évidence avec la fluorescence différentielle, correspondant à des groupes taxinomiques et à des espèces couramment rencontrées en eaux superficielles continentales européennes :

Groupe spectral Groupe taxinomique Algues Brunes Diatomées (Bacillariophycées) Présence Dominance au printemps Algues vertes Chlorophytes Dominance en été Algues bleuesvertes Cyanophytes ou Cyanobacteria Abondantes en été Principaux genres Pigments (longueur d onde d excitation) Stephanodiscus, Chlorophylle a,c, Skeletonema, xanthophylle, Cyclotella, fucoxanthépéridine (525 (Thalassiosira) nm) Scenedesmus, Monoraphidium, Pediastrum Oscillatoria, Microcystis Chlorophylle a, b, caroténoïde (450 nm) Chlorophylle a, phycocyanine (610 nm) Crytophycées Cryptophytes (+ cyanobactéries riches en phycoérythrine, typiquement) Présence modérée Rhodomas, Cryptomonas Planktothrix rubescens (Cyanobacteria) Chlorophylle a, c, phycocyanine (570-590 nm) Tableau 1 : principales espèces phytoplanctoniques représentatives des cours d'eau européens (modifié d après Noppe, 2000 ; Leboulanger et al., 2002 & Jacquet et al., 2010) Le paramètre physiologique dit de Genty et al. (1989) mesuré par l AOA nous informe sur le rendement photosynthétique maximum du photosystème II des 4 groupes de microalgues (à condition que la biomasse dépasse une concentration seuil de 1 µg.l -1 ). Pour ce faire, les algues sont préalablement adaptées 10 min au noir dans le but de «libérer» tous les photosystèmes des photons reçus auparavant. Ce paramètre nous informe sur l'état physiologique des cellules, c'est-àdire sur son aptitude plus ou moins grande à photosynthétiser et donc à produire de la matière organique. Il est donc sensible à la lumière et aux concentrations en sels nutritifs de l environnement qui permettront l élaboration de la matière organique. Le paramètre de Genty présente généralement des valeurs moyennes supérieures à 0,55 en conditions non limitantes de sels nutritifs et de l ordre de 0,2 dans le cas contraire (Pannard et al., 2007). Parallèlement à ces mesures à haute fréquence, rappelons que des échantillons d'eau sont prélevés une fois par semaine afin d'effectuer des analyses qualitatives et quantitatives du phytoplancton, et de valider ainsi par observation microscopique (AQUASCOP) la détermination des groupes phytoplanctoniques par les fluorimètres «AOA» et «Fluoroprobe». Analyses des séries temporelles Les mesures des paramètres physico-chimiques (température, lumière et éléments nutritifs) et biologiques (fluorescence de l AOA) obtenues toutes les 10 min sur 2 mois via la station de monitoring de l Agence de l Eau Artois-Picardie ont été étudiées par des méthodes d études des séries temporelles afin de caractériser les variations systématiques de différentes périodes, les tendances et les bruits de fond que ces séries de mesures sont susceptibles de contenir. Des autocorrélations, des décompositions de séries et des recherches de tendances ont ainsi été appliquées aux séries de mesures. Des analyses multivariées ont également été utilisées mais il s est avéré que ce sont les méthodes de régressions multiples utilisant le principe «des meilleurs sous-ensembles» (Minitab software) qui se sont révélées les plus appropriées pour établir une hiérarchisation de tous les paramètres de contrôle (extrinsèques et intrinsèques) vis-à-vis des variations temporelles des biomasses chlorophylliennes obtenues par fluorescence et des indices physiologiques (paramètre de Genty).

Cette technique de régression multiple a été appliquée aux séries temporelles complètes (2 mois) et aux séries journalières, c est à dire pour chaque jour de la période d étude. L objectif est ici d évaluer les alternances de paramètres susceptibles de contrôler la biomasse planctonique à l échelle saisonnière. Résultats et discussion : 1- Analyses taxonomiques et pigmentaires des microalgues Les enregistrements de fluorescence différentielle effectués toutes les 10 minutes par l Algae Online Analyser ont permis de suivre la dynamique à haute résolution temporelle des concentrations phytoplanctoniques de la Deûle pendant l ensemble de la période d étude (Fig. 2a). La concentration phytoplanctonique totale (assimilée à la chlorophylle a, série vert-kaki) représente la concentration en équivalents chlorophylle des 4 classes spectrales confondues. Le premier constat est la mise en évidence d une alternance des cycles jour/nuit qui se caractérise par un pic de concentration le jour et par une baisse la nuit. L analyse des séries temporelles sera présentée dans la section suivante. A échelle journalière à hebdomadaire, la période du 11 au 17 avril montre de fortes concentrations totales (figure 2a, série vert-kaki) en équivalents chlorophylle a (12 à 24 µg.l -1 ), faisant suite à une période fortement ensoleillée. Les concentrations chutent ensuite, entre le 17 et le 19 avril, pour atteindre les concentrations de 6 µg.l -1, après une période de mauvais temps. Les concentrations vont de nouveau être fortes (de 14 à 16 µg.l -1 ) pour les périodes du 24 au 28 avril, puis du 1 er au 3 mai. Après cette date, les concentrations vont chuter jusqu à la fin de la campagne, atteignant des minima compris entre 4,5 et 6 µg.l -1 pour la semaine du 11 au 15 mai, en réponse aux mauvaises conditions météorologiques. Au début de la série, les algues majoritaires sont les diatomées (série marron), dont les concentrations varient entre 8 et 12 µg.l -1 entre le 11 et le 17 avril. Puis les concentrations chutent pour atteindre des proportions similaires à celles des algues vertes (série vert fluorescent). Entre le 19 avril et le 7 mai, les concentrations en diatomées et algues vertes oscillent entre 2 et 8 µg.l -1 chacune (en fonction des cycles jour/nuit et de la météo), avec tantôt les diatomées, tantôt les algues vertes en légère majorité. Le 15 mai, dernier jour de la campagne, les concentrations de ces deux groupes sont inférieures à 2 µg.l -1. Les concentrations en Cryptophycées ou des Cyanobactéries à riches contenu en phycoérythrine (série orange) oscillent entre 1 et 4 µg.l -1. Les Cyanobactéries (série bleue turquoise) restent peu présentes pendant notre période d échantillonnage. Leurs concentrations n excèdent que rarement les 1 µg.l -1. La comparaison des séries d analyses microscopiques ponctuelles réalisées par microscopie optique (comptages cellulaires, bureau Aquascop) et des enregistrements en continu avec l AOA présentent une évolution temporelle similaire. Le peuplement algal est composé essentiellement de diatomées et d algues vertes, confirmant les données de l AOA. Les densités cellulaires fluctuent fortement : les concentrations totales sont abondantes le 14 avril (supérieures à 6000 cellules.l -1 ), puis chutent fortement pour atteindre 1400 cellules.l -1 le 20 avril. Elles remontent ensuite plus lentement jusque 4800 cellules.l -1 le 29 avril. La figure 2 présente uniquement les groupes taxonomiques correspondant aux groupes spectraux. Quatre périodes ont pu ainsi être dégagés : - un début de période présentant un maximum d abondance lié aux algues brunes (groupe spectral) et aux diatomées (groupe taxonomique déterminé par microscopie)

- une chute des concentrations phytoplanctoniques affectant essentiellement ce même groupe des diatomées et, en moindre proportion, les Chlorophycées - une remontée des valeurs des concentrations phytoplanctoniques totales (signal total de chlorophylle a et abondances) due à la fois aux Chlorophycées et aux Diatomées, enregistrée à deux reprises (fin avril et début mai) - une chute progressive à partir de début mai des concentrations totales, essentiellement due à une décroissance des algues vertes et en algues brunes A Equivalents chlorophylle a (µg.l-1) 26 24 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 Suivi du phytoplancton sur la Deûle 10/04-15/05/2009 Algues vertes Algues bleue-vertes Algues brunes Cryptophycées Chlorophylle totale 0 10/04 12/04 14/04 16/04 18/04 20/04 22/04 24/04 26/04 28/04 Dates 30/04 02/05 04/05 06/05 08/05 10/05 12/05 14/05 16/05 B cellules.l-1 6000 5000 4000 Phytoplancton Deûle printemps 2009 Cryptophytes Chlorophytes Diatomées Cyanophytes 3000 2000 1000 0 14/4 16/4 18/4 20/4 22/4 24/4 26/4 28/4 30/4 Dates 2/5 4/5 6/5 8/5 10/5 12/5 14/5 Figure 2 : Variations temporelles de la composition spécifique des microalgues pendant la période de mesures en continu de la Deûle (10/04-15/05/2009) : A) groupes spectraux exprimés en équivalents chlorophylle a (µg.l -1 ) par le fluorimètre Algae On Line (bbe Moldaenke, en haut) et B) abondances cellulaires des groupes taxinomiques majoritaires correspondants, déterminés par microscopie à inversion (AQUASCOP, en bas).

L espèce majoritaire du peuplement est la diatomée Stephanodiscus hantzschii (Prygiel, 2009), qui atteint le 14 avril une densité proche de 3800 cellules.l -1, soit près de 60% de la densité totale. Elle représente en outre 25 à 70% de la biomasse phytoplanctonique. Ces données confirment le pic printanier de diatomées observé en début de campagne. Parmi les algues vertes (Chlorophycées), le genre Scenedesmus et parmi les Cryptophycées, l espèce Rhodomonas minuta furent les responsables des plus fortes concentrations rencontrées respectivement pour ces deux groupes. La comparaison des concentrations totales (assimilées à la chlorophylle a) aux données de biomasse phytoplanctonique calculées à partir des comptages cellulaires affectés des mesures de biovolumes et de coefficients de contenu de C par biovolume (Fig. 3) donne des résultats concordants (Prygiel, 2009). Toutefois, les calculs de biovolumes maximisent l importance des diatomées et minimisent l importance relative des chlorophycées qui représentent un pool important des abondances cellulaires et des groupes pigmentaires. Par ailleurs, le contenu en C des cellules ne correspond pas forcément au contenu en pigments, base du calcul de l importance relative des groupes spectraux par fluorimétrie différentielle. mgc.l-1 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 Phytoplancton Deûle printemps 2009 Chloro+Cyano+ Cryptophycées Diatomées 0.0 14/4 16/4 18/4 20/4 22/4 24/4 26/4 28/4 30/4 Dates 2/5 4/5 6/5 8/5 10/5 12/5 14/5 Figure 3 : Comparaison des biomasses carbonées par groupes taxonomiques (données totales, microscopie à inversion, Aquascop) et des groupes spectraux déterminés par l AOA, dans la période de mesure en Deûle, printemps 2009 Enfin, les concentrations en équivalent chlorophylle a issues de mesures de l AOA montrent une bonne concordance avec les mesures ponctuelles réalisées au laboratoire après filtration sur le terrain, même si des problèmes de conservation et congélation ont été notés au cours de cette étude (Prygiel, 2009).

2- Fluorescence in vivo par groupes fonctionnels : variations temporelles à haute fréquence Les séries de biomasses totales ou par groupes fonctionnels de microalgues (fluorimètre AOL) présentent des variations temporelles complexes intégrant des composantes systématiques à court ou moyen terme, ainsi que des tendances à plus long terme au cours de la période d'étude. Des cycles de 24 h très prononcés sont tout d'abord observés sur les séries de chlorophylle a totale, des diatomées et des chlorophycées (Fig. 4); c'est à dire pour les 2 groupes phytoplanctoniques présentant les biomasses les plus élevées (concentrations fluctuant entre 2 et 8 µg.l -1 ) au cours de la période d'étude. Les cryptophycées, de biomasse plus faible (comprise entre 1 et 2,5 µg.l -1 ), ne montrent de cycles de 24 h qu'aux moments où leur biomasse est la plus élevée. Les cyanophycées, dont les concentrations n'excèdent que rarement les 1 µg.l -1, ne présentent pas de cycles de 24h. Ces cycles présentent des amplitudes de variations journalières fortes, comprise selon les périodes de temps entre 2 et 5 µg.l -1 à la fois pour les diatomées et les cyanophycées. Les maxima de biomasse surviennent classiquement après la mi-journée, les minima durant la nuit (Fig. 4). Concentration Chl.a (µg/l) 20 15 10 5 Chl.a totale Diatomées Chlorophycées Cryptophycées Cyanophycées Tendance Chl.a totale Chl.a totale lissage (24h) 0 16 15 1 2 3 4 5 6 7 8 27 26 25 24 23 22 21 20 19 18 17 30 29 28 Temps (jours avril - mai) 14 13 12 11 10 9 Figure 4 : Variations temporelles de la biomasse chlorophyllienne totale et pour les 4 groupes fonctionnels de phytoplancton. Pour la chlorophylle a totale, sont présentées : les données brutes, les variations inter-journalières (CAD après extraction des cycles de 24 h) et la tendance générale sur le mois. Afin de caractériser les variations de biomasse chlorophyllienne sur le moyen terme et de rechercher d'éventuelles périodicités supérieures à 24 h, les cycles journaliers ont été extraits pour chacune des séries temporelles de fluorescence. Les différentes séries de biomasse chlorophyllienne, mise à part celle des cyanophycées, montrent alors des augmentations à 3 ou 4 reprises au cours du suivi, ainsi que des alternances de dominance entre le groupe des diatomées et des chlorophycées. Dans ¾ des cas, ces alternances de dominance de groupe se produisent aux mêmes dates que les augmentations de biomasse totale (Fig. 4) : du 15 au 17 avril ; du 24 au 28 avril ; du 2 au 3 mai et du 11 au 12 mai. C'est pour cette dernière période de temps que les diatomées ne dominent pas les chlorophycées, mais aussi que l'augmentation de la biomasse est la plus faible.

Des augmentations de biomasse chlorophyllienne à l'échelle de quelques jours sont donc fréquentes au cours du suivi mais ne présenteraient pas de caractère systématique : en effet les autocorrélations effectuées ne révèlent pas de périodicité significative. Elles sont donc logiquement aléatoires, très probablement en liaison avec les variations de l environnement. Enfin, des tendances générales à la diminution (linéaire voire quadratique CAD en X 2 ) sont observées sur mesures de biomasse chlorophyllienne par groupes d algues (Fig. 4). Ces tendances sont très probablement le résultat de l'évolution globale des conditions environnementales sur le long terme, en liaison ou pas avec la dynamique des microalgues. Ceci sera examiné dans le paragraphe suivant consacré au contrôle de la dynamique phytoplanctonique. 3- Contrôle de la variabilité temporelle des microalgues : Après un examen des séries temporelles des principaux paramètres environnementaux et physiologiques des microalgues, nous chercherons à hiérarchiser ces paramètres par des analyses globales des séries de données mais aussi à partir des séries journalières afin de détecter d'éventuels changements dans le contrôle de la biomasse phytoplanctonique jour après jour. Notons que les concentrations en ammonium sont proches du seuil de détection de la sonde et donc peu fiables (Billon, 2010). i/ Paramètres extrinsèques : l'environnement La majorité des paramètres de l'environnement impliqués dans la dynamique des microalgues montrent de façon plus ou moins régulière des cycles journaliers, inter-journaliers et des tendances générales à la diminution ou à l'augmentation (Fig. 5). Des cycles de 24 h sont en effet observés pour la température, ce qui s'explique aisément par les cycles journaliers de la lumière (Fig. 5a). La turbidité de l'eau, la conductivité, les phosphates et les nitrates présentent également des cycles de 24 h (Fig. 5b et c). Concernant les nitrates, les cycles ne sont cependant pas réguliers au cours de la période d'étude : ils ne sont pas observés chaque jour du suivi et ne sont pas non plus toujours en phase avec les variations de biomasse ou de température. Au contraire, pour les phosphates et la conductivité, les cycles de 24 h apparaissent très régulièrement avec des diminutions au cours de la journée et des maxima en fin de nuit. Ceci suggère, outre une consommation durant le jour (phosphates et dioxyde de carbone par les producteurs primaires), une régénération des stocks durant la nuit. Après extraction des cycles de 24 h, des variations inter-journalières sont aussi observées pour la lumière, la température, la conductivité, les phosphates et les nitrates. Lumière et température présentent en effet 3 à 4 périodes d augmentations sur le suivi, avec un léger décalage entre elles de 1 à 3 jours : départ du suivi, 23-24 avril, 30 avril 1 er mai et 7-10 mai. La température apparaît plus en phase avec les variations inter-journalières de la biomasse chlorophyllienne que la lumière (Fig. 4 et 5). Pour les phosphates et les nitrates, les variations temporelles sont plus complexes et font appel aux relations «mise à disposition / consommation» des producteurs primaires. Dès que les nitrates augmentent dans le milieu, la biomasse totale augmente quasi simultanément. Après 3 à 4 jours de «bloom», les concentrations en nitrates diminuent mais ne deviennent jamais limitantes (concentrations toujours supérieures à 30 mg/l avec des amplitudes de variations limitées à 2 ou 3 mg/l). Pourtant, la biomasse chlorophyllienne diminue 2 à 4 jours plus tard selon les périodes. Notons que lors des trois premiers épisodes d augmentation de biomasse phytoplanctonique, les diatomées dominent les chlorophycées. Pour les phosphates, des périodes d augmentations et de diminutions sont également observées, mais il est plus difficile de les mettre en relation* avec la biomasse et le phénomène de consommation : les phosphates montrent par exemple des pics de

concentrations au même moment que les épisodes de forte biomasse phytoplanctonique des 24-28 avril et 2-3 mai (Fig. 4 et 5). Intensité lumineuse (Lux) 12000 10000 8000 6000 4000 2000 A Température Int. lumineuse 18 16 14 12 10 Température ( C) 0 B 850 800 Conductivité Turbidité Tendance Lissage (24h) 8 50 40 Conductivité (µs/cm) 750 30 20 Turbidité (NFU) 700 10 650 0 C 40,0 37,5 Nitrates Phosph. Tendance Lissage (24h) 0,7 0,6 0,5 Nitrates (mg/l) 35,0 32,5 0,4 0,3 0,2 Phosphates (mg/l) 30,0 25 24 23 22 21 20 19 18 17 16 15 0,1 0,0 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 30 29 28 27 26 Temps (jours avril - mai) Figure 5 : Variations temporelles des principaux paramètres environnementaux : lumière et température (A), turbidité et conductivité (B), concentrations en nitrates et en phosphates (C). Sont présentées : les données brutes, les variations inter-journalières (CAD après extraction des cycles de 24 h) et les tendances générales sur le mois s il y a lieu.

Pour les évolutions générales au cours du suivi, il convient de noter que les nitrates montrent une forte tendance à la diminution à la différence des phosphates (Fig 5). Ces derniers présentent une tendance de type quadratique ou en arc, c'est-à-dire avec une tendance à la diminution en milieu de suivi, puis une ré-augmentation en fin de suivi. Une légère tendance en arc inverse s'observe dans le même temps pour la lumière, tandis que la température augmente globalement tout au long du suivi et la conductivité diminue très légèrement. Enfin, la turbidité ne montre pas d'évolution générale particulière (Fig. 5). *N.B. L étude détaillée des corrélations se fera dans la partie iii/ «Contrôle de la variabilité de la biomasse phytoplanctonique». ii/ Paramètre intrinsèque (physiologique) : rendement photosynthétique du PS II La physiologie des microalgues ne peut être étudiée (via le paramètre de Genty et al., 1989) pour cette série temporelle que pour les groupes des diatomées et des chlorophycées. La fiabilité de l'estimation du rendement quantique du photosystème II dépend en effet des biomasses chlorophylliennes qui doivent être supérieures à 1 µg.l -1. Paramètre de Genty (%) - Diatomées 100 90 80 70 60 50 40 A P.G. d iatomées P.G. Cryptophycées P.G. Chlorop hycées 10 9 40 30 20 10 0 Paramètre de Genty (%) - Chloro. et Cyanophycées Paramètre de Genty (%) - Diatomées 82,5 80,0 77,5 75,0 72,5 70,0 67,5 65,0 16 15 B 25 24 23 22 21 20 19 18 17 16 15 26 27 28 29 30 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 14 13 12 11 1 2 3 4 5 6 7 8 30 29 28 27 26 25 24 23 22 21 20 19 18 17 Lissage diatomées Tendance Lissage chlorophycées 20,0 17,5 15,0 12,5 10,0 7,5 Paramètre de Genty (%) - Chlorophycées 5,0 Temps (jours avril - mai) Figure 6 : Variations temporelles des valeurs brutes (A) du paramètre de Genty et al (1989) pour les diatomées et les chlorophycées. Sont également présentées (B) : les variations inter-journalières (CAD après extraction des cycles de 24 h) et les tendances générales sur le mois pour les deux groupes.

Le paramètre de Genty et al. (1989) estimé pour les diatomées est très supérieur à celui des chlorophycées pour toute la période d'étude (Fig. 6): il est en moyenne et respectivement pour ces 2 groupes de 0,74 et 0,10 (paramètre relatif, sans unité). Des cycles de 24 h sont également clairement observés pour ce paramètre, ainsi que des variations inter-journalières lorsque les cycles de 24h sont soustraits aux données (Fig. 6b). Ces cycles inter-journaliers du paramètre de Genty présentent des décalages intéressants entre les diatomées et les chlorophycées : les maxima de ce paramètre pour les chlorophycées sont en effet observés avant ceux des diatomées. Cependant, les maxima du paramètre de Genty des diatomées semblent durer plus longtemps : de 2 à 3 jours contre 1 journée pour les chlorophycées. De plus, en fin de période d'étude, des augmentations ponctuelles du paramètre de Genty sont observées pour les diatomées. Enfin, des tendances générales à la diminution sont observées pour les paramètres de Genty des diatomées et des chlorophycées (Fig. 6b), avec un coefficient de pente plus prononcé pour les chlorophycées. Le pourcentage de différence entre le début et la fin du suivi pour le paramètre de Genty est de l'ordre de 60% pour les chlorophycées et de 20% seulement pour les diatomées. Concernant la physiologie, des différences entre les deux groupes phytoplanctoniques majeurs sont donc observées en terme de performance photosynthétique et de fluctuation temporelles. Cependant, les biomasses chlorophylliennes de ces deux groupes de phytoplancton sont sensiblement équivalentes, hormis peut être lors de la période d'augmentation de la lumière, de la température et des nitrates entre les 25 et 28 avril. Le paramètre de Genty ne permet donc pas de tout expliquer quant aux performances photosynthétiques des 2 groupes d algues dans ces eaux très riches. Ce résultat n est pas un cas isolé, il a déjà été constaté dans des eaux marines côtières eutrophisées (S. Lefèvre, com. pers.). iii/ Contrôle temporel des biomasses par groupes phytoplanctoniques : Les figures 7 et 8 montrent que le contrôle de la dynamique des microalgues par groupes fonctionnels serait complexe, car i/ les paramètres de contrôle ne présentent pas la même hiérarchisation pour les deux groupes phytoplanctoniques majeurs, ii/ des alternances non négligeables de paramètres de premier plan sont observées quand on considère une échelle d'observation journalière. AOA Genty Par. PO4 NH4 NO3 Conduct. Temp. turbid. Irrad. Pluie % Var. Chla totale 56* Diato 46,4* 1 Chloro 25,5* 2 Crypto 17,9 3 4 GP - Chla T. - 38,5* GP - Diato - 50,6* GP - Chloro - 37,7* Figure 7 : Graphe en mosaïque synthétisant les résultats des régressions multiples sur «les meilleurs sous ensembles» pour définir à l échelle mensuelle les facteurs de contrôle (du 1 er au 4 ème ) des biomasses et des paramètres de Genty et al. (GP) pour les principaux groupes phytoplanctoniques. Les pourcentage de variance pour des modèles à 4 prédicteurs sont données, ainsi que la significativité (*) des coefficients de détermination. A l'échelle mensuelle tout d'abord (Fig. 7), le 1 er paramètre de contrôle de la chlorophylle a totale serait la physiologie (rendement photosynthétique du PS II), le 2 ème la température, le 3 ème les concentrations en nitrates et le 4 ème la turbidité de l'eau (référence au climat lumineux des eaux, turbidité due aux particules organiques et inorganiques et aux substances dissoutes). Par contre, du

point de vue des groupes phytoplanctoniques, les 1er et 2ème facteurs de contrôle (ceux dont la contribution est la plus forte) sont respectivement: la teneur en nitrates et en phosphates pour les diatomées, les phosphates et la température pour les chlorophycées la turbidité et la température pour les cryptophycées. Ainsi la physiologie photosynthétique ne semble pas être un paramètre de contrôle quand on étudie la biomasse par groupe phytoplanctonique à grande échelle, de même que la lumière n'apparait pas comme un paramètre de premier plan, sauf pour les cryptophycées (groupe présent mais avec une faible biomasse). Afin d'approfondir la notion de paramètre de contrôle (environnemental ou physiologique) par groupe phytoplanctonique, des analyses du même type ont été réalisées à plus petite échelle. Diatomées (AOA) Dates G. P. PO4 NH4 NO3 Cond T C tur. Irrad. Pluie % Var. 15/avr 96,3 16/avr 92,8 17/avr 79,1 21/avr 67,3 22/avr 70,4 23/avr 91,5 24/avr 85,3 25/avr 79,9 26/avr 64,2 27/avr 81,6 28/avr 48,2 29/avr 74 30/avr 55,1 01/mai 48,7 02/mai 83,3 03/mai 70,6 04/mai 65,9 05/mai 64,2 06/mai 63,7 07/mai 69,1 08/mai 63,5 09/mai 36,7 C hlorophycées (AOA) Dates G. P. PO4 NH4 NO3 Cond T C tur. Irrad. Pluie % Var. 15/avr 52 16/avr 72,3 17/avr 61,2 21/avr 73,6 22/avr 82,1 23/avr 77,2 24/avr 75,9 25/avr 68,8 26/avr 69,2 27/avr 79,5 28/avr 52,9 29/avr 51,7 30/avr 72,4 01/mai 70,1 02/mai 39,4 03/mai 72 04/mai 66,7 05/mai 58,6 06/mai 64,2 07/mai 69,9 08/mai 63,1 09/mai 72,8 Figure 8 : Graphe en mosaïque synthétisant les résultats des régressions multiples sur «les meilleurs sous ensembles» pour définir à l échelle journalière (durant 1 mois) les facteurs de contrôle (du 1 er au 4 ème ) des biomasses et des paramètres de Genty et al. (GP) pour les deux groupes phytoplanctoniques majeurs. A l'échelle journalière, les paramètres de contrôle divergent encore entre les groupes : la physiologie n'intervient pas du tout pour les diatomées, mais peut être un 1 er ou 2 ème et/ou 3 ème facteur de contrôle pour les chlorophycées (Fig. 8). Plus précisément, ces facteurs de contrôle sont respectivement (selon les fréquences les plus observées jour après jour) : la température, l'irradiance, la turbidité et les nitrates pour les diatomées, la température, la physiologie et/ou la turbidité (sensiblement ex-aequo au second plan) et les nitrates/phosphates pour les chlorophycées. Notons que pour les deux groupes, la température est le 1 er facteur de contrôle. Ceci s'explique probablement par la période de l'échantillonnage, période d'augmentation forte de l'irradiance incidente et donc des températures, alors que les éléments nutritifs ne sont pas encore épuisés dans

le milieu. Cet épuisement des sels nutritifs n'est peut être pas effectif non plus du fait de la pression anthropique exercée sur le cours d'eau en amont. 4- Distribution spatiale de la biomasse phytoplanctonique par classes d algues : Rappelons que des profils verticaux avec le Fluoroprobe bbe ont été effectués à travers la Deûle à partir du pont situé à proximité du site d'échantillonnage. La figure 9 présente ces profils sous forme d'iso-courbes pour les 2 groupes phytoplanctoniques de plus fortes biomasses. La répartition spatiale des 2 groupes est différente : les diatomées présentent sur la rive droite (à gauche sur la figure 9; rive opposée à celle du laboratoire mobile de l'agence) des concentrations plus faibles que sur la rive gauche, avec des isolignes (mêmes concentrations) horizontales soulignant une stratification, remontant à partir du milieu du canal; au contraire, les chlorophycées ne montrent pas de différence de concentration entre les deux rives, ni de stratification, mais une augmentation de concentration au milieu du canal. Figure 9 : Profils verticaux représentés en isolignes de la chlorophylle a pour les diatomées et les chlorophycées de la rive gauche à la rive droite (dimension spatiale arbitraire). Cette différence de structuration pourrait être liée au vent soufflant schématiquement de la rive droite à la rive gauche le jour de l'échantillonnage. On peut sans doute avoir une idée des vents dominants à cette période. Les diatomées, généralement plus grosses, seraient davantage advectées au travers du canal que les chlorophycées.

Par ailleurs, des profils verticaux effectués entre 2 passages de péniches montrent que celles-ci engendrent un brassage de la colonne d'eau, mais pas une homogénéisation complète. Les profils verticaux de chlorophylle a (Fig. 10) restent relativement hétérogènes après le passage d une péniche, tandis que cette hétérogénéité semble réduite pour la température et la transmissiométrie. En revanche, la concentration en diatomées diminue en surface et augmente, au niveau du fond après le passage d une péniche (Fig. 10). De même, la transmissiométrie (% de lumière transmis dans un petit échantillon d eau) fluctue entre la surface et le fond au passage des péniches : une augmentation est constatée au fond de la colonne d'eau, indiquant une augmentation potentielle et temporaire de la lumière au fond du canal (Fig. 10). «Avant» «Après» Concentration Chla. (µg.l -1 ) -2 0 2 4 6 8 10 0,5 0,5 0 2 4 6 8 10 12 1 1 Profondeur (m) 1,5 2 2,5 1,5 2 2,5 3 3,5 3 3,5 Chloro Diato Crypto Température ( C) 15 15,5 16 16,5 0,5 Température ( C) 15 15,5 16 16,5 0,5 1 1 Profondeur (m) 1,5 2 2,5 1,5 2 2,5 3 Temp. Transm. 3 Temp. Transm. 3,5 78 80 82 84 86 88 90 Transmissiométrie (%) 3,5 78 80 82 84 86 88 90 Transmissiométrie (%) Figure 10 : Profils verticaux (depuis le pont) de la chlorophylle a pour les diatomées (en noir), chlorophycées (vert) et cryptophycées (orange), ainsi que pour la température (en rouge) et la transmissiométrie (bleu) effectués avant et après le passage d une péniche.

Conclusion La mesure à haute fréquence des biomasses phytoplanctoniques n'est pas nouvelle dans le domaine de la limnologie et de l'océanographie (Platt, 1972 ; Denman et al., 1977; Seuront et al., 1996, 1998). L'IFREMER conduit déjà ce type de mesure depuis plusieurs années dans les écosystèmes marins côtiers ou les ports (bouée Marel). Ce type de mesure a permis de mettre en évidence que la distribution du plancton était de type fractale (d une hétérogénéité semblable à toute les échelles d observation) et que la structuration de ce plancton était globalement contrôlée par la turbulence du milieu à petite échelle puis par la biologie des organismes à microéchelle. Les nouveaux fluorimètres tels que «l'algae Online Analyzer» ou le «Fluoroprobe» (bbe Moldaenke) vont probablement nous permettre d'aller plus loin en nous informant sur la structuration des microalgues par groupes fonctionnels (Houliez, thèse LOG en cours), mais aussi sur la variabilité à petite échelle des propriétés physiologiques du phytoplancton en relation avec les variables environnementales. Dans les systèmes aquatiques d eaux douces, et notamment dans les lacs, des stations de mesure automatique impliquent la discrimination des groupes spectraux de phytoplancton et permettent également de détecter des algues nuisibles comme c est le cas dans les lacs français dans le cadre du programme PROLIPHYC (ANR ; Jacquet et al., 2010). De même, des systèmes lotiques et lentiques en Europe et en Amérique du Sud (lacs et tributaires de l Amazone, programme ANR CARBAMA, Artigas et al., 2010) sont explorés dans le but de relier la dynamique fine des groupes fonctionnels phytoplanctoniques à la dynamique des échanges de CO 2 entre l eau et l atmosphère, dans le cadre des changements globaux et de la compréhension fine du rôle du phytoplancton dans la régulation du climat. Les mesures à haute fréquence de chlorophylle a nous ont permis via un fluorimètre AOA de mettre en évidence des cycles journaliers, inter-journaliers et des tendances sur toute la période de mesure (plus d un mois). Cela aurait nécessité un effort d échantillonnage et d analyse beaucoup plus lourd sans ce type d appareil, et aurait été impossible à conduire à l échelle du mois. Ce type de mesure permet aussi d éviter le phénomène d aliasing (mauvaise appréciation de la variabilité naturelle d un paramètre) dans le cas d une variabilité non prévisible de la biomasse phytoplanctonique (ou encore de la dominance des groupes fonctionnels) et de détecter des changements brutaux (shift) dans les suivis à long terme (exemple des recherches sur l influence des changements climatiques). Les concentrations en chlorophylle a mesurées dans le canal de la Deûle montrent en effet : - des cycles de 24 h très prononcés, y compris pour certains éléments nutritifs tels que les phosphates et les nitrates. Ceci est couramment observé dans des eaux riches où les microalgues présentent un bon état physiologique et par conséquent des taux de croissance élevés (plus particulièrement les diatomées). - des variations inter-journalières de la biomasse phytoplanctonique marquées d alternance des dominances diatomées-chlorophycées lorsque la biomasse totale augmente, en liaison avec les concentrations en sels nutritifs, la lumière et la température des eaux. - des tendances à la diminution au cours du suivi temporel, en liaison également avec les variables de l environnement. Des relations très intéressantes entre biomasse ou physiologie phytoplanctonique et variables environnementales ont également été mises en évidence grâce au fluorimètre AOA. Il montre clairement que l importance de ces variables de contrôle environnemental est fonction des échelles d observation. En effet, selon que l on étudie le contrôle du phytoplancton à l échelle du mois ou du

jour (durant une période de temps assez longue), on ne trouve pas la même hiérarchisation des paramètres de contrôle phytoplanctonique : - à l échelle du mois, ce sont les nitrates et les phosphates qui sont importants pour les diatomées ; - à l échelle du jour, c est la température, la lumière et la turbidité qui importent. De plus, le fluorimètre AOA permet de montrer que pour les chlorophycées les résultats sont différents : phosphates et température prévalent à l échelle du mois ; température, physiologie et sels nutritifs à l échelle du jour. Enfin des mesures en profils verticaux avec un appareil analogue à l AOA, le Fluoroprobe, ont montré l hétérogénéité de la distribution du phytoplancton sur la verticale avec des différences selon les groupes fonctionnels. Diatomées et chlorophycées ont en effet montré une distribution verticale différente entre les rives gauche et droite du canal de la Deûle, en relation avec la direction du vent. Cette distribution verticale est également contrôlée par le passage des péniches qui remettent en suspension les diatomées et/ou des particules diverses à travers toute la colonne d eau. Le contrôle de la biomasse phytoplanctonique par groupes fonctionnels apparait donc complexe. Toutefois pour répondre à notre question de départ, il semblerait via les résultats du fluorimètre AOA- que le contrôle de type environnemental (paramètres extrinsèques) prédomine sur le contrôle physiologique (paramètres intrinsèques, rendement photosynthétique du photosystème II) pour les microalgues du canal de la Deûle. L utilisation de ce type de capteur est donc tout à fait opportune dans le cadre de la surveillance des cours et des plans d eau. Il est toutefois regrettable que les séries temporelles ne soient pas plus longues sur un même site, ce qui permettrait de mieux étudier les interrelations entre les paramètres de contrôle extrinsèques et intrinsèques. En effet, la série temporelle étudiée ici ne concerne qu une période durant laquelle les éléments nutritifs ne sont pas limitants. Il aurait été intéressant de mesurer des rendements photosynthétiques par groupes fonctionnels de phytoplancton au moment où la compétition pour les sels nutritifs prend place. Notons pour terminer que l hétérogénéité spatiale serait également un facteur à considérer davantage pour le futur, tout particulièrement en présence de facteurs physiques dominants tels que courant et/ou vent à direction variable ou pas. Ce type de facteur pourrait être responsable de sous estimation de la biomasse ou de la diversité spécifique d une masse d eau échantillonnée très ponctuellement d un point de vue spatial. Ainsi, du point vue opérationnel, le suivi de la dynamique de grands groupes fonctionnels (spectraux) phytoplanctoniques par fluorescence différentielle à haute fréquence, pendant des moments-clé du cycle saisonnier, est fortement recommandée pour le suivi de la qualité des eaux naturelles. Cette détection peut être complétée par des mesures basées sur la prise d empreintes d algues nuisibles en eaux douces (Leboulanger et al., 2002 ; Jacquet et al., 2010) et marines (Houliez et al., in prep). Ceci n excluant en rien la nécessité de continuer l acquisition de façon régulière, de données approfondies sur la diversité phytoplanctonique totale ou partielle (indicateurs cibles), en employant des techniques microscopiques traditionnelles, pouvant être couplées à des techniques moléculaires et/ou cytométriques, à explorer.