N 39 JACQUES NÈVE Horloger d Art + 32 (0)477 27 19 08 - jneve@horloger.net - www.horloger.net GARNITURE DE CHEMINÉE «À L ÉGYPTIENNE» Cléopâtre Époque Second Empire Signée sur la base : J.B. Marchand et Cumberworth sculpt. Pendule : H : 76 cm ; L : 62 cm ; P : 35 cm Candélabres : H : 116 cm ; L : 50 cm ; P : 30 cm BIBLIOGRAPHIE DE RÉFÉRENCE : L art en France sous le Second Empire, Paris Grand Palais, 11 mai-13 août 1979 ; Egyptomania, L Egypte dans l art occidental 1730-1930, Paris Musée du Louvre, 20 janvier-18 avril 1994. 1
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GARNITURE DE CHEMINÉE «À L ÉGYPTIENNE» Cléopâtre Exceptionnelle garniture de cheminée d époque Second Empire, comprenant une pendule surmontée d un groupe représentant Cléopâtre accompagnée de sa servante, et une paire de candélabres à huit bras de lumières à décor de bouquets, composée de deux nubiennes supportant chacune un vase. Bronze doré et patiné brun Socle en marbre noir de Mazy. Signée sur la base : J.B. Marchand et Cumberworth sculpt. Pendule : H : 76 cm ; L : 62 cm ; P : 35 cm Candélabres : H : 116 cm ; L : 50 cm ; P : 30 cm Les figures en bronze patiné de Cléopâtre, de sa servante et de ses deux esclaves nubiennes, sont réalisées d après des modèles du sculpteur Charles Cumberworth (1811-1852). Cet élève de Pradier (1790-1852), né d un père anglais et d une mère française, exposa au Salon entre 1833 et 1848 différents modèles de statuettes de Paul et Virginie, de jeunes indiennes et d allégories. Fréquentant le cercle des sculpteurs romantiques comme Feuchère, Dantan, Maindron et Barre, il fit l essentiel de sa carrière en tant que portraitiste sous la monarchie de Juillet ; il représenta Marie- Amélie, reine des français et le Duc de Montpensier. 6
Face à l accroissement de la demande d articles de luxe, Cumberworth se spécialisa dans la création de modèles destinés au marché anglo-saxon et commercialisés auprès de l éditeur Susse. La fabrique de bronzes parisienne Marchand, fondée en 1820, édita son groupe Cléopâtre, ainsi que sa non-moins célèbre Lesbie. En imaginant Cléopâtre nonchalemment assise sur une dépouille de lion entourée de deux nubiennes au déhanché suggestif, Cumberworth, a su composer un groupe tout en harmonie et volupté, magnifiquement remis au goût du jour par un ensemble de bronzes dorés empruntés à l Egypte et aux arts décoratifs du Second Empire. Une paire de sphinx ailés coiffés du némès égyptien, deux crocodiles du Nil, des vautours enserrant un serpent composent les motifs du socle dont les patins sont ornés de faucons aux ailes déployés symbolisant le dieu Horus. Autant de détails éclatants de dorures jouant avec le noir profond du marbre et confrontés à d opulents bouquets de fleurs en bronze doré, caractéristiques de l éclectisme Napoléon III De par sa taille exceptionnelle et son décor «à l égyptienne», notre pendule était destinée à prendre place sur les non moins impressionnantes cheminées des hôtels particuliers et des grands immeubles haussmanniens construits sous le Second Empire. Entre démesure et exotisme, la mode de l Egypte s accomodait alors fort bien avec le goût ostentatoire du moment. Laissant cours à une libre fantaisie, qui n avait quasiment plus rien à voir avec l Antiquité, l égyptomanie, nourrie par la littérature, le théâtre et la poésie, reliait volontiers l exotisme à l art du moment ; Nubiens et Nubiennes traités «à l égyptienne» proliféraient ainsi parmi les jardins et les entrées, soit comme simples décorations, soit comme fontaines, soit encore en tant que porte-torchères Parmi ces représentations rêvées de l Egypte pharaonique figurait en place d honneur, Cléopâtre, la souveraine absolue, représentée le plus souvent drapée pittoresquement dans des vêtements à l imitation de l antique où se mêlaient gaiement bijoux et accessoires. La reine, symbole de la beauté éblouissante, reconnaissable à sa coiffure ornée du serpent, n eut de cesse de fasciner les peintres et les sculpteurs du XIXe siècle. La Cléopâtre de Cumberworth, est quant à elle, représentée tenant dans une main une coupe, de l autre une boîte à bijoux. Édité par Léon Marchand, cet imposant groupe en bronze patiné fut présenté pour la première fois à l Exposition Universelle de Londres de 1862 (fig.1). 7
Fig.1. Vue sur le Palais de l Exposition Universelle de 1862 par l architecte Francis Fowke. Comme nous l indique cet extrait du catalogue officiel, les sculptures et modèles de garniture de cheminée de Marchand étaient fort appréciés par les amateurs d objets décoratifs de luxe : «Fondée en 1820, cette maison a su, par des efforts constants, se placer au premier rang parmi les fabricants de bronzes d art et d ameublements ; M. Léon Marchand, qui en est le chef actuel, s est surtout attaché à s assurer la collaboration des artistes du premier mérite On trouve encore au milieu des produits que M. Marchand a exposés, le charmant pêcheur de Schoenewerk, qui a obtenu pour ce groupe la médaille d or au salon de 1861 ; Le groupe de Cléopâtre de feu Cumberworth, augmentation parfaitement réussie.» (Extrait du Catalogue officiel de l Expositon Universelle de Londres, section française, Paris 1862). Il faut remonter au début du XIXe siècle pour retrouver l origine de ces garnitures de cheminée néo-égyptiennes, dont les premiers exemplaires furent réalisés par Benjamin Lewis Vulliamy à Londres. Dès 1806, cet horloger fournit un incroyable modèle de pendule en forme de pylône reposant sur quatre sphinges, dont l ornementation s inspirait déjà des motifs relevés dans le Voyage dans la Basse et Haute Egypte de Dominique Vivant-Denon (fig.2). Ce fabuleux ouvrage, publié en France en 1802 et aussitôt disponible à Londres, connut rapidement un immense succès dans l Europe entière, et servit dès lors de nouvelle référence à toute une génération d artistes et d artisans en quête de sujets d inspiration égyptisante. 8
Fig.2. Benjamin Lewis Vulliamy (1780-1854) Londres, Victoria and Albert Museum (M 119-1966) Les motifs de Sphinx, de têtes de lions, de corniches à gorge et d hiéroglyphes participaient ainsi à la reconstitution fantaisiste d une civilisation lointaine que Napoléon, lors de sa campagne d Egypte, avait remise à l honneur. Les choix esthétiques de nouveaux décorateurs voyageurs, tel que l anglais Thomas Hope (1769-1831), accentuèrent encore ce phénomène de mode. Son «Egyptian Room» 1 réalisée à partir de ses propres collections, devint une référence dans toute l Europe. Parmi le décor de ses nombreux meubles et objets, figurait une pendule «à l égyptienne» représentant la déesse Isis (fig.3). Devenue depuis lors un modèle de référence, elle inspira une série de variantes avec ou sans pilastres latéraux, en forme de pyramides tronquées ou de vases ; son cadran pouvait être porté par une Isis à la poitrine dénudée, ou bien voilée. Ainsi tout au long du XIXe siècle, les images féminines d Isis et de Cléopâtre, symboles de la beauté et du mystère de l Orient, devinrent facilement transposables dans le domaine de l horlogerie de luxe. Ces pendules d exception, le plus souvent fabriquées en France, étaient destinées à être vendues dans la plupart des pays occidentaux en quête d exotisme et de magnificence. 1 Située Duchess Steet à Londres, l «Egyptian room «de la maison de Thomas Hope était décorée dans un style néo-classique d avant-garde comprenant des salles Indienne et Égyptienne. 9
Fig. 3. Thomas Hope 1769-1831) Pendule de la maison de Thomas Hope Bronze et marbre H : 50,2 cm L : 29,5 cm Royal Pavilion Art Gallery and Museum, Brighton 10
M. L. MARCHAND, fabricant de bronzes 1841, Prize Medal, avec approbation spéciale ; 1849, Médaille de bronze ; 1855, Médaille de 1 ère classe À la tête d une fabrique de bronzes parisienne fondée en 1820 par son oncle et dirigée ensuite par son père, il est établi 57 rue de Richelieu, puis à partir de 1860, 43 boulevard du Temple, et après l Exposition de 1867, 8 rue du Grand- Chantier (maintenant rue des Archives). Comme nous l indique L Illustration, sa production comptait des sculptures d artistes anciens et contemporains, ainsi qu une vaste production de bronzes d ameublement - torchères, garnitures de cheminée, luminaires, pendules, vases, statuettes et groupes - (fig. 4). Fig. 4. Un intérieur de la galerie d exposition des bronzes de M.L. Marchand, à Paris L illustration 1860, 2ème semestre, p. 341. Il obtient une médaille à Londres en 1851, puis une médaille d argent en 1855 où ses pièces les plus importantes sont des torchères portées par des figures de femme de Klagmann. En 1862, deux médailles récompensent d une part ses bronzes, d autre part la cheminée de Piat. Il reçoit une médaille d or en 1867. 11