Connaît-on bien la Force publique de l État Indépendant du Congo? A.-B. Ergo Inspection de la Force publique à Boma et armement. Fusil Albini-Braendlin de la Force publique, attache de la baïonnette et balle en plomb de 11 mm.
Chaque soldat de la Force publique porte un fusil d infanterie Albini-Braendlin d un poids de 4,7 Kilos sans la baïonnette. Ce fusil à percussion mesure 1,35 m et son chargement se réalise par une culasse qui se relève manuellement. Il tire au coup par coup des balles de plomb de calibre 11 mm dont l étui est en laiton et dont la charge se compose de 3,8 grammes de poudre noire. La baïonnette est du modèle belge de 1857. En mission de contrôle chaque soldat a 5 balles de ce type dans sa sacoche ventrale, balles qu il doit rendre à l armurier en fin de patrouille et dont il doit justifier l usage si la patrouille n a aucun officier ou sousofficier blanc justifiant l usage des armes dans un rapport de mission écrit du type ci-dessous. Les soldats ne possèdent aucune arme tranchante. Les soldats de la Force publique localisés au Katanga utilisent des armes plus perfectionnées du type Mauser.
La Force publique au poste de Bumba (1901) Le lieutenant Nevelsteen qui écrit et signe ce rapport est un Tirlemontois, sous- officier de l armée belge promu, dans la Force publique, jusqu au grade de capitaine qu il porte à son décès. La mission à laquelle il fait référence dans son rapport se passe au sud-est du poste de Bumba le long de la rive droite du fleuve Congo avant le confluent de l Itimbiri. Les rapports de mission contiennent une foule d informations intéressantes :
- il existe dans la région de très gros villages (600 cases) entourés de petits hameaux, jamais ou rarement visités, seize ans après la création de l État ; - ceux-ci sont manifestement avertis des déplacements de la Force publique ; - les cultures vivrières y sont abondantes et prépondérantes ; - les chefs coutumiers, soumis ou non, prennent leurs responsabilités à cœur ; - les sous-officiers de l armée belge sont bien plus instruits que certains écrits d historiens ne l affirment ; leur orthographe confirme cette remarque ; - il est cependant dommage qu on parle de soumission ( ranger sous une autorité et astreindre à une loi) et pas d appartenance à une nation plutôt qu à une ethnie (les Gombe en l occurrence). - Il semble d après le rapport de Nevelsteen qu une ou des propositions précèdent toujours l astreinte ou que c est une pratique laissée à l appréciation de l officier. Dès la création, la discipline à la Force publique est très stricte. Ainsi, dans le décret du 22 décembre 1888 relatif à la justice militaire, les peines et les fautes militaires graves sont détaillées : - Les vols de chambrée, de camp et de cantonnement ; - L ivresse sous les armes ou de garde, - L inobservation grave des consignes ; - L emploi des armes sans ordre ; - La perte ou la vente d effets militaires, d armes ou de munitions appartenant à l état ; - Les réclamations faites par plusieurs ; - La désertion simple ; - Le refus d obéir aux ordres donnés par un supérieur ou abstention à dessein de les exécuter ; - Révolte ou résistance simultanée aux ordres de leurs chefs par plus de 3 militaires réunis. Ces faits sont passibles de 5 ans au maximum de servitude pénale et d une amende n excédant pas 1000Fr ou d une seule de ces peines seulement. Les militaires préféreront des peines de chicottes non evisagées dans le décret, à ces peines. La peine de mort (passé par les armes) est requise dans : - Les cas de lâcheté devant l ennemi ou pour l emploi de moyens irréguliers pour se soustraire à un danger ; - Les cas de trahison ou de connivence avec l ennemi (cession de places, de postes, de magasins, d armes, de munitions, de bateaux ou livraison de secret d une expédition, ou même d un espionnage en campagne pour le compte de l ennemi ; - Les cas de désertion en temps de guerre. Ces peines sont applicables aux officiers aux sous-officiers ainsi qu aux soldats qui relèvent tous des Conseils de guerre. NB. À la révolte de la garnison de Luluabourg (1895) un sous-officier blanc a été condamné à la peine de mort par un Conseil de guerre pour avoir abandonné son poste à l arrivée des révoltés. Ayant demandé la procédure d appel il s est suicidé au cours du voyage en bateau le conduisant à Boma, en se jetant dans les eaux du Kasai. Le commandant Lothaire est passé deux fois en jugement au civil (Boma et Bruxelles) pour le jugement et la pendaison du marchand d armes Stokes et a été acquitté les deux fois. On confond souvent les sentinelles (Congolais armés, d ethnies non locales, au service des compagnies pour notamment la protection des stocks) et les soldats de la Force publique qui assurent les missions de gendarmerie et font respecter les décrets, gardent et protègent les bornes frontières, accompagnent les expéditions en assurant leur protection, ou sont structurés en pelotons de combat pour éliminer les esclavagistes, garder les fortifications et formés à l utilisation de l artillerie lourde et de campagne ou aux travaux de génie. Il est étonnant de lire que les soldats n ont aucune discipline alors que quelques années plus tard, ils seront capables de tenir tête et de battre les ascaris allemands, mieux armés et plus encadrés, sur des terrains mieux connus de ces derniers.
Formation d artilleur. Lieutenant Aiuti. Garde borne frontière.