LES NOUVEAUX ARTYSANS : CRÉER, FABRIQUER, TRAVAILLER AUTREMENT



Documents pareils
Paris Maker Faire. 21 & 22 juin

Cité de la Mode et du Design à Paris 34, quai d Austerlitz, Paris Du 6 au 13 septembre

Innovation & Design. Design our futures. facebook.com/kedgeds. Inventer nos futurs.

Conférence de Presse jeudi 19 mars 2015 Salon Mondial du Tourisme

Centre national de la danse Mesures en faveur de la formation, de l insertion, des conditions de vie et de la diversité des jeunes créateurs

Dossier de presse «Fais-nous rêver-fondation GDF SUEZ»,

agence-école LVB 2 en communication visuelle L Agence dans l école, l école dans l agence Un principe inédit : faire venir l entreprise dans l école.

CREATION INNOVATION EDUCATION

Contacts presse : Académie : Nathalie Champlong Medef : Patrick Lecurieux Durival

Master recherche Histoire des mondes moderne et contemporain

SOCLE COMMUN: LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE. alain salvadori IA IPR Sciences de la vie et de la Terre ALAIN SALVADORI IA-IPR SVT

LE BEP A NOUVEAU PARTENAIRE DU KIKK FESTIVAL POUR EXPLORER LE FUTUR DE LA CRÉATION ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

SILICON SENTIER UNE ASSOCIATION D ENTREPRISES LOI siliconsentier.org

Dossier de presse. La Cantine Numérique de Saint-Brieuc

Soyez de ceux qui construisent l avenir

Il allie compétences classiques et maîtrise de technologies avancées, DAO, CAO, impression 3 D, et mêle bois et matériaux innovants.

Innovathèque Alsace Grand-Est

UN PROJET SCIENTIFIQUE ET CULTUREL POUR LA SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE

Dossier de presse 18 juin LE CARGO Plateforme lieu d'innovation. Contenus numériques & Industries créatives

Master professionnel Urbanisme : stratégie, projets, maîtrise d ouvrage (USPMO)

Les principaux dispositifs de soutien aux PME/TPE des métiers de la création, de la mode et du design

72% des Français prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France. Mais pas à n importe quel prix!

ACCORD-CADRE ENTRE LE MINISTERE DE L'ÉDUCATION NATIONALE L'ASSOCIATION OUVRIERE DES COMPAGNONS DU DEVOIR DU TOUR DE FRANCE

MASTER ARTS APPLIQUÉS : COULEUR, IMAGE, DESIGN

7, rue Jules Ferry Bagnolet contact@riofluo.com

Ce site intègre des technologies et fonctionnalités à la fois simples et très innovantes pour offrir une interface pratique et performante.

Crédit photo : Troyes Expo Cube

>> Dossier de presse. Octobre 2014

Interview de Hugo, coordinateur de l espace de coworking de La Cordée Perrache (Lyon)

Construisons ensemble le monde de demain

MUSÉE D ART ET D HISTOIRE, GENÈVE 7, 8 ET 9 NOVEMBRE 2014

Grands Magasins et Magasins Multi-Commerces

Démarche & ses étapes (information) III. Présentation des orientations et des actions du schéma de développement culturel d Alsace Bossue

«Les projets collaboratifs pour les nuls»

Mastère spécialisé. «Ingénierie de l innovation et du produit nouveau De l idée à la mise en marché»

dossier de presse weforge [ 2015 ]

Élargissez vos compétences en intégrant une formation Bac +6 répondant aux enjeux de l'éco-innovation

Service des arts visuels Consultations sur le soutien aux organismes artistiques

Un contrat de respect mutuel au collège

Responsable mécénat/ partenariats entreprises

Renaissance Nancy 2013

Devenez expert en éducation. Une formation d excellence avec le master Métiers de l Enseignement, de l Education et de la Formation

Introduction à l enquête 2012 «Organisation fonctionnelle des équipes». ADBU

Master professionnel Communication des organisations Expertise, audit et conseil

Prix 2 ème édition. Excellence partagée entre architecte et industriel. Appel à candidature

LE SECTEUR DU BATIMENT

«LA FRANCE EST CAPABLE DE GRANDS ÉVÉNEMENTS. LA FRANCE A BESOIN DE SE PROJETER»

ANNE VICTOR Studio All Rights Reserved

Soutenons ensemble l économie sociale et solidaire pour un développement durable

SAINT-LUC TOURNAI ÉBÉNISTERIE. Enseignement Secondaire Professionnel

En 2015, Lisaa déplace les frontières!

Comité stratégique de la démarche Alsace 2030 : des ambitions fortes, une vision partagée

JUNIOR ESSEC CONSEIL NATIONAL DU NUMÉRIQUE. Journée contributive n 1 : Croissance, innovation, disruption Junior ESSEC 28/11/2014

L Académie des Dalons

L INITIATIVE «FRENCH TECH»

Programme d Investissements d Avenir

ayant le potentiel de recréer rapidement une partie des emplois détruits ces dernières années.

LE CONGÉ SOLIDAIRE DEUX SEMAINES POUR AGIR AU SERVICE DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

LoungeShare - Concept

Refaire : aux frontières du "Do It Yourself"

Master professionnel Communication des organisations Stratégies et produits de communication

LES ORGANISATEURS NOTRE PARRAIN SANSEVERINO. LE KUBE a décidé d organiser les JiDiY dans le prolongement des services.

Mobilisation contre le décrochage scolaire. Bilan de l action entreprise sur l année 2013 et perspectives pour l année 2014

EXIGEZ L IMPOSSIBLE. Venez Partager, Supporter et Révéler votre véritable nature. Celle qui donne envie de gagner avec vous.

Nous avons besoin de passeurs

MuseomixBE 2015 ET SI MON MUSÉE PRENAIT PART À L ÉDITION 2015 DE. Museomix?

L innovation numérique

Dossier de projet : Recherche d un local partagé

Showroom 2006 Journées Portes Ouvertes des Ateliers des Artistes Lyonnais DOSSIER DE

Consolider le développement du Jardin

Investir l excellence et la solidarité

Conséquences des changements de mode de vie sur la production et la distribution des biens de consommation : résultats d une étude du CRÉDOC

Appel à financement participatif

DOSSIER DE PRESSE. LA PREMIERE ECOLE DE COMMERCE DEDIeE AUX METIERS DU WEB. ESCEN - The Web Business School /// Paris - Bordeaux - San Francisco

Atelier Jerry au - - TOGO JERRY DO IT TOGETHER

L innovation dans l entreprise numérique

Une vraie boutique et plus encore.

Pourquoi et comment les collectivités locales associent d autres acteurs à la définition et à la mise en œuvre d actions publiques?

Gestion Participative Territoriale :

Technopole de Bourges : Construction d un Centre d Affaires Vendredi 4 février H00

DOSSIER DE PRESSE. Paris soutient 14 espaces de coworking étudiants- entrepreneurs

Dexia, le partenaire du développement

Les solutions pour amorcer et héberger son entreprise

Contribution à la Consultation nationale des acteurs du soutien à la parentalité

Dossier de Presse La communauté de communes de Mimizan participe au Salon PROVEMPLOI, à Paris, le 15 octobre 2013.

L incubateur des métiers de création PROGRAMME DES FORMATIONS

Avant de parler de projet commun, il est important de rappeler ce qu est un projet à travers quelques indicateurs :

collectif : créatrice > concepteur > graphiste > designer > rédactrice > webdesigner > architecte > typographe > illustratrice > scénographe...

Public. Débouchés. Les atouts du Master PIC. Statistiques des débouchés 22 % 16 % 10 % 14 % 38 % Entreprise Start-up Thèse.

L AFMD et l ISTR brisent le tabou de la religion en entreprises

Evaluation du dispositif de Volontariat de Solidarité Internationale. Résumé MAEE

Master 2 professionnel Soin, éthique et santé Mention Philosophie

Les Fondations du groupe Bouygues

Conseil Municipal des Enfants à Thionville. Livret de l électeur et du candidat

Eléments de présentation du projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture par le Conseil supérieur des programmes

APPEL A LA RECONNAISSANCE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL EN BRETAGNE

À DISTANCE LE MBA MANAGER DE PROJET CULTUREL.

Guide à destination des chefs d établissement et des enseignants

LES PLATEFORMES D INITIATIVE LOCALE ET LA CREATION D ENTREPRISE INNOVANTE EN FRANCE QUELLE PERTINENCE POUR LA TUNISIE?

Transcription:

LES NOUVEAUX ARTYSANS : CRÉER, FABRIQUER, TRAVAILLER AUTREMENT

LES NOUVEAUX ARTYSANS : CRÉER, FABRIQUER, TRAVAILLER AUTREMENT Vendredi 10 octobre 2014 3ème éd. Biennale Déco. & Création d Art (Pantin, Communauté d agglomération Est-Ensemble) «Le contexte économique, les enjeux liés au développement durable, l utilisation des technologies numériques bouleversent les modes opératoires traditionnels des acteurs et des entreprises. Économie du partage, mutualisation des compétences, travail collaboratif, interdisciplinarité constituent aujourd hui les nouvelles pratiques d une génération d entrepreneurs de la création dite Y, soit née entre 1980 et 2000 - contemporaine de l ère digitale et aux savoir-faire hybrides. Qui sont ces nouveaux acteurs aussi appelés néo-artisans? Comment sont-ils organisés? Quelles innovations portent-ils? Quelles incidences sur le secteur des métiers de la création?» Pourquoi Pantin? La ville de Pantin est l une des 9 communes partenaires de la Communauté d Agglomération Est-Ensemble. Elle abrite le Pôle Pantin Métiers d Art Maison Revel et s est lancée il y a 15 ans le pari volontariste d'implanter sur son territoire des savoir-faire d'excellence. Le Pôle Pantin Métiers d'art, membre du réseau Villes et Métiers d Art depuis 2006, (constitue) est le fruit d une démarche innovante générée par la ville à la fin des années 90 pour accélérer l'évolution du quartier des Quatre-Chemins : le tirer "vers le beau", par la promotion de la création artisanale et l'implantation d'artisans-créateurs et designers dans des ateliers proposés par la ville. Aujourd'hui plus d'une quarantaine d'artisans d'art et designers exercent leur activité à l'intérieur du pôle artisanal. Ces artisans sont en partie implantés au sein des 18 locaux réhabilités ou construits par la ville. En 2008, le Pôle Pantin Métiers d'art ouvre un Centre de Ressources des Métiers d'art dans l'ancien hôtel particulier des vernis Revel. La Maison Revel apporte un soutien économique et professionnel aux artisans-créateurs de Pantin et de la Communauté d'agglomération Est Ensemble, ainsi qu'à l'association Révélateur des artisans du pôle. Elle développe des actions culturelles (expositions, visites d'ateliers, projections, rencontres, workshops, Biennale Déco et Création d'art) et pédagogiques à destination des écoles primaires et des collèges en partenariat avec l Éducation nationale.

1. WoMa, «Fablab» ou «Fabrique de quartier» de l est parisien. Delphine Chenuet : 1 des 7 membres fondateurs de WoMa. Diplômée de l École nationale supérieure d Architecture de Paris La Villette. Formée au design et à l architecture, intègre le Collectif Jugeote de 2003 à 2006, puis après un court passage chez Newmag, devient, en 2007, fondatrice/gérante de l Atelier des Possibles. Agit pour WoMa depuis 2013. WoMa est une association loi 1901. Il s agit d une fabrique de quartier installée au 15 bis rue Léon Giraud dans le 19 ème arrondissement de Paris. Créé en octobre 2013, le lieu devient fonctionnel six mois plus tard. Il contribue à revitaliser le tissu social local. À l occasion cette 3 ème Biennale Déco & Création d Art de Pantin, WoMa est invitée à transformer le studio 2 en atelier mutualisé. www.woma.fr - Le principe : la mutualisation des outils et des compétences ressources (pour mieux contrecarrer les limites de l investissement individuel) et l accompagnement de tiers vers d autres façons de faire. - Les fondateurs possèdent des compétences complémentaires (2 architectes, 1 sociologue, 1 commercial, 1 design de services...). Sans nécessairement se connaître au préalable, ils se sont retrouvés à construire ce projet ensemble. Tous travaillent en indépendants parallèlement. L équipe reste ouverte et se dit prête à fédérer les bonnes volontés. Un appel à compétences est ainsi exprimé sur le site : «vous souhaitez insuffler vos compétences, rejoignez le mouvement, faites partie de l équipe». - Le champ d action : développement de projets de design, d architecture, d art et d objets connectés. - L éthique : rompre avec l habituelle hiérarchisation des faire ; «Ouste les vieux clichés, cols blancs/cerveau d un côté et main de l autre. Ici pas de col qui tienne, on se remonte les manches pour travailler et fabriquer ensemble». WoMa ambitionne de relier l idée et la matière de manière collaborative. La cristallisation de la pensée passe par l action, le process, le faire ensemble. WoMa s inscrit de fait dans cette recherche d un nouveau modèle d économie circulaire. Dans un cycle de développement de projet, il est impératif que chaque acteur puisse vivre décemment de son projet. Le nom WoMa résulte de la contraction de Working et de Making, son activité repose sur la coexistence en son sein des comakers et des coworkers.

Le coworking offre un espace de travail collaboratif orienté vers la fabrication numérique et sur le DIY (Do It Yourself) ouvert à tous. Le comaking offre un atelier de fabrication et met à disposition des personnes ressources aptes à accompagner la conception d un projet plus complexe. - L espace de travail se développe sur 180 m 2. Les outils mis à disposition sont les suivants : outillage traditionnel, découpe laser, fraiseuse numérique, imprimante 3D française développée par Dood en open source (un code source libre qui peut être relu et amélioré par tout le monde et qui permet une indépendance technologique à moindre coût). - Les formules proposées sont souples et multiples, destinées à s adapter à des profils très différents (professionnels aguerris, start-ups, bricoleurs, enfants/familles). On peut y louer les outils à l heure (90 ), bénéficier d une formation aux outils numériques au prix de 400 la demi-journée, être un comaker nomade pour un forfait de 150 /mois ou faire le choix d être un coworker résident pour une somme de 600 /mois. Toutes les formules, quelles qu elles soient, demandent préalablement une adhésion symbolique à l éthique du projet. Il faut être membre pour accéder aux ressources mutualisées (outils et hommes). On le devient en s acquittant d une adhésion de 10 pour l année. - Le financement : l association est en cours de transformation et devrait à court terme devenir une SCIC (soit une Société d Intérêt Collectif). Pas de mécène. WoMa a été financée à 25% par une subvention coworking de la Fonderie (Agence numérique de la Région Ile de France) et à 75% sur ses fonds propres. - Les projets : WoMa travaille avec Spintank (agence de communication qui emploie 40 salariés) depuis un an. En échange d un accompagnement personnalisé en interne, Spintank intègre les compétences de WoMa à son catalogue de prestations. Localement, WoMa s ancre dans le territoire choisi, à savoir le 19 ème arrondissement de Paris qui compte un gros pourcentage de travailleurs indépendants. L association y développe de nombreux partenariats comme avec l Espace 19 (association loi 1901, destinée à mieux faire vivre ensemble les citoyens du 19 ème arrondissement de Paris). Les enfants y suivent une formation informatique & numérique. Ils conçoivent au 19 et viennent réaliser leurs projets dans les locaux de WoMa en apprenant à se servir des machines.

2. Le collectif Wood & the Gang, réseau créatif Lointain écho musical, le Collectif Wood & the Gang est un réseau créatif installé aux Lilas, qui évolue selon le modèle collaboratif, sous le statut associatif. Il compte quatre membres à ce jour : Arnaud Maurer, Sten Ridarch, Rémi Perret et Raphael Ponsich. Il associe les compétences d un architecte, d un designer, d un artisan et d un plasticien qui mènent ensemble des projets de direction artistique, de conception et de fabrication. Le & de «& the Gang» signifie toutefois que la porte reste toujours ouverte aux compétences autres pour répondre au mieux aux projets du moment. Arnaud Maurer obtient un master à l École Bleue (Design global, Paris) en architecture intérieure et design mobilier en 2001. Indépendant depuis 2003, il travaille en tant que graphiste 3D et designer dans les domaines du design, de l architecture. Depuis 2010, il conçoit des espaces et du mobilier sur mesure pour une clientèle de particuliers et de professionnels. Ancien cadre de l aviation, issu d une reconversion professionnelle, Sten Ridarch s est formé aux techniques du bois à l École Boulle, à l Institut National de Formation et d Application (INFA) de Tremblay et au Lycée Technique du Bois Léonard de Vinci à Paris. Il a, avant de s installer à Pantin, passé une année auprès de prototypistes objets et mobilier, pour aiguiser le côté «conception» dont la création a souvent besoin. Diplômé de l école nationale d architecture de Paris la Villette, Rémi Perret récupère, transforme et réinterprète les objets et les espaces à sa disposition et exerce un détournement de la matière devenue expression artistique. Raphael Ponsich obtient d abord un CAP de menuisier en siège, suivi d un CAP ébénisterie puis un Diplôme des Métiers d'art en ébénisterie. Il aborde durant ces études toutes les phases de la conception d'un meuble, du design à la réalisation. Il dessine et réalise aujourd hui un agencement original et sur mesure pour les particuliers, dessine et réalise du mobilier adapté au studio de musique. Tous se connaissaient et avaient coutume de travailler ponctuellement ensemble au sein du pôle artisanal de la Maison Revel à Pantin. Fin 2013, les 4 membres quittent leurs ateliers respectifs pour s installer dans des locaux permettant de répondre à des projets plus importants. Ils disposent désormais d un atelier de 170 m2 et de 70 m2 de bureaux en mezzanine. Chacun poursuit son activité personnelle indépendamment de l association et possède un statut juridique propre (travailleur indépendant, auto-entrepreneur, artiste affilié à

la Maison des artistes...). L éthique : Les membres de Wood & the Gand dessinent et réalisent les projets qu ils mènent. Ils utilisent et nourrissent un réseau d échange de services et de co-working. Leur démarche répond à un idéal d entraide naturellement humaniste mais aussi très rationnel nécessaire à une logique économique. Le système est ancien et mû par le bon sens. «Les artisans du Faubourg Saint- Antoine fonctionnaient de la même manière». La mobilisation des forces et compétences prend corps autour de questions simples : «Qu est-ce que je peux t apporter? Qu est-ce que tu peux m apporter? Que peut-on faire ensemble?». Le capital de Wood & the Gang, c est l humain : «On mutualise nos outils, nos bras, nos forces, nos idées» par souci d économie et de performance. Réunir les compétences de tous autour d un «Les Arbres des connaissances» Une auditrice de la salle établit un parallèle entre nos pratiques culturelles collaboratives et le concept des «Arbres des connaissances» surgi au cours de la décennie 90. Concrètement, les arbres des connaissances servent d outils pour cartographier des connaissances capitalisées par un individu, un groupe, une communauté, dans un but d échange et de choix. La théorie des «arbres des connaissances» trouve son origine lorsque Michel Serres (historien des sciences et professeur à l Université de Stanford, US) se voit confier en 1991 par le Premier Ministre, Mme Edith Cresson, la tâche de développer un système de reconnaissance des savoirs.» Les Arbres des connaissances répondent donc à un projet d éducation populaire : construire et partager les savoirs pour permettre à chacun de s émanciper et de gagner en pouvoir d action individuelle et collective. Ce doit être un moyen de développer la coopération comme mode d apprentissage au sein d un collectif. Au nom du principe suivant : «Connaître, c est relier les informations, comprendre, c est relier ses connaissances», cette méthode repose prioritairement sur la mise en réseau des connaissances et leur valeur échangeable et réciproque. L efficacité de la méthode passe par l hybridation des modes de capitalisation des connaissances (cf. projet SCATE, Study Circles, a Tool for empowerment). Ses défenseurs insistent sur le fait que la méthode (loin d aboutir à une uniformisation collective) doit favoriser le libre arbitre pour permettre à l individu de passer de la logique des savoirs subis à celle des savoirs choisis (principe de pédagogie active). Le concept se pose dès lors comme une alternative au système des validations institutionnelles du savoir. Michel Autier, Michel Serres et Pierre Lévy ont fondé une entreprise en 1992 (Trivium) et ont développé dès cette date une application numérique appelée Gingo. En 1999, Michel Autier et Pierre Lévy faisaient paraître un ouvrage didactique sur Les Arbres des Connaissances, Paris, La Découverte, coll. Poche Essais. Préface de Michel Serres. projet. Se laisser porter par les uns et les autres, bénéficier d une dynamique collective. «Travailler avec d autres, nous dit Arnaud Maurer, permet de mieux se placer au sein d un projet. On prend conscience des compétences de l autre et on se positionne mieux.» Le fonctionnement interne repose sur l échange et l entraide. Les compétences sont mises en commun à tous les niveaux : cela peut aller d un morceau de bois à déplacer à un devis à

élaborer, en passant par le dessin numérique d un projet. Les services rendus en interne sont quantifiés et échangés. Les temps de travail s échangent au gré des projets et des urgences de chacun («j ai besoin de toi 3 jours... et la semaine suivante, c est l inverse»). Penser réseau : s ils sont aujourd hui quatre individus assez interdépendants au quotidien, certains projets requièrent ponctuellement d autres compétences (métallier, spécialistes de la lumière ou en communication...). L idée est alors que chacun puisse faire bénéficier le collectif de son réseau propre. La mise en commun des réseaux de chacun dénoue les problèmes posés, multiplie les partenaires, les temps de travail échangés et les opportunités professionnelles. Preuve, selon eux, que le réseau artisanal existe et qu il ne demande qu à s exprimer. Quelques projets qui ont fait connaître le collectif : - En 2013, «10 tables en 10 jours», dans le cadre des Designer s Days et à l appel du l organisateur Wiithaa (collectif de designers et d architectes travaillant sur le déchet et l upcycling) dont le titre était «État(-s) de matière». Les propositions étaient présentées à la Gallery S. Bensimon, à Paris. - En 2013, le collectif dessine et réalise 3 sculptures d animaux pour une scénographie remarquée au showroom Peugeot au 136, Avenue des Champs-Élysées, à Paris : «Animal Instinct». - En 2014, le collectif Scénographie, conçoit et réalise sur 1000m2 l espace forum tendances et défilé au sein du salon prêt-à-porter en France : Le Who s Next. 3. Le Défi Innover Ensemble avec les Compagnons du Devoir Les Compagnons du Devoir, au cœur de l innovation : Le compagnonnage est un état d esprit. La solidarité est nécessaire à la cohésion du groupe. Les femmes y sont admises depuis 10 ans. Aujourd hui, la grande majorité des Jeunes entrants possèdent le Baccalauréat. Les Compagnons du Devoir forment à 29 métiers différents (boulangers, électriciens, maçons, selliers, vignerons...) relevant de l artisanat et dont l artisanat d art ne constitue qu une sous-partie. Ils ont très tôt compris que leur avenir ne pouvait pas reposer exclusivement sur les métiers de tradition. Aujourd hui leur Tour de France ressemble davantage à un Tour du Monde. Ils ont très tôt souhaité quitter l isolement de l atelier, s ouvrir, amener de la transversalité dans leurs pratiques pour un enrichissement intellectuel et un avenir économique. Conscients de cet impératif, les Compagnons du Devoir ont profité de

cette 3 ème Biennale de Pantin pour initier un Atelier Savoir-faire augmentés, visant à mettre la technologie au service des métiers et qui se poursuivra jusqu en avril 2015. Résolument tournés vers l innovation et la recherche, les Compagnons du Devoir incitent leurs jeunes à mener des projets prospectifs : - Design culinaire - Ingénierie et science (jardiniers et scientifiques) - Maréchaux ferrants & formation biomécanique - Sellerie et architecture textile - Couverture en altitude, carrosserie composite, éoliennes flottantes En 2015, les Compagnons du Devoir ouvriront leur Pôle d excellence des matériaux souples à Pantin. Un bâtiment de 7000 m 2 dont 1000 m 2 ira aux ateliers. L objectif annoncé par Thomas Guinet, le directeur Île-de-France des Compagnons, est d accueillir 260 jeunes par an. L accent sera prioritairement mis sur la transversalité des compétences et les workshops. Une procédéthèque (bibliothèque de procédés) est aussi à l étude. Une démarche transversale, interdisciplinaire et collaborative : Le Défi Innover Ensemble est une initiative portée par les Compagnons du Devoir et soutenue par la Fondation J.M. Weston. C'est un atelier de projet collaboratif et interdisciplinaire autour du cuir qui implique chaque année depuis 2011 une vingtaine de participants et sept métiers complémentaires : cordonnier-bottier, tapissier, sellier, maroquinier (Compagnons du Devoir), designer produit et designer textile (ENSCI), management de la création (IFM). Ils se répartissent en deux équipes, chacune constituée de deux étudiants en formation dans les métiers du savoir-faire (Compagnons du Devoir), de deux designers et de deux étudiants en management. Les étudiants sont tous volontaires. Son objectif est le développement d un produit, de l analyse de marché jusqu à la stratégie de distribution en passant par la création et le prototypage. L année scolaire 2014-2015 consacre l édition n 4 du Défi Innover Ensemble autour du thème «Hybridation du cuir» (broderie et plissage, techniques textiles appliquées au cuir). Les trois éditions précédentes avaient pour thèmes : «Bagage pour homme en voyage d affaires», «Paravent contemporain pour un hôtel international» et «Chaussure pour homme, du haut de gamme pour la génération sneakers». http://www.defi-innover-ensemble.com

Grégoire Talon, coordinateur du Défi Innover Ensemble Grégoire Talon est diplômé de l ENSAD et de l ENSCI. Employé comme designer salarié chez les Compagnons du devoir un cas unique dans l histoire des Compagnons du Devoir - il est à l initiative du Défi Innover Ensemble et est aidé dans sa tâche par Florent Pottier, responsable de la Mission Innovation Projet. Si on lui demande de définir son rôle, la question lui semble «abyssale» : «je désigne la rencontre de différentes compétences autour d une thématique donnée. Mon rôle est pédagogique.» A son arrivée, Grégoire Talon a posé un constat simple mais justifiant à lui seul le Défi Innover Ensemble : un produit, s il est destiné à un client, doit répondre aux attentes du client davantage qu aux fantasmes de son créateur s il veut être économiquement viable. Les commanditaires des artisans d art sont majoritairement des stylistes, des architectes d intérieur et des designers. Il est impératif que les créations soient moins des «chefs-d œuvre» que des produits/des objets en adéquation avec une mode et un marché. Cela implique d être innovant d un point de vue technologique mais aussi dans le positionnement marketing. Il est nécessaire de déterminer des manières de «faire différent» dans un contexte en évolution. - Résultat Les étudiants des Compagnons intègrent cette donnée économique dans leur logique de production sans rien sacrifier de la qualité exigible d eux. Ils ont la satisfaction d être associés au développement du produit et non à sa seule exécution. Les étudiants en management réajustent leurs idées à l aune des capacités techniques de la matière et de son travail. Tous apprécient le contexte entrepreneurial de la démarche, depuis la conception jusqu à la mise sur le marché du produit. La mise en commun des compétences conduit à l enrichissement de chacun. - Concrètement Le Défi Innover Ensemble s étend sur 4 à 5 mois entre mars et juillet. On peut assister librement à la présentation des propositions élaborées par les élèves. 4. LAB-A-JOUR au Palais de Tokyo, 3 jours pour une immersion transversale dans la création innovante L événement LAB-A-JOUR fut initié les 4, 5 et 6 avril 2014 par le mouvement Slow Made (Marc Bayard, Président) dans le cadre des Journées Européennes des Métiers d Art et en

partenariat avec l INMA, les Ateliers de Paris, les Compagnons du devoir, Génération Boulle et avec le concours du GIL le Syndicat du Luminaire - du Collectif Blackboxe (hackers-makers) et de CKAB (start-up spécialisée dans les imprimantes 3D). http://slowmade.fr/ - Prétexte : Revisiter le concept de l abat-jour qui allie la forme et l électronique (LED, design d interaction, moulage et impression 3D). - Définitions - «workshop expérimental d immersion dans le temps de la création et de l innovation» - «laboratoire collectif et ouvert» - «flashmob entre artisanat et haute technologie» - Enjeu : Donner un temps à des acteurs différents (artisans, designers, hackers-makers) de se rencontrer, de dialoguer pour développer ensemble des projets innovants et tenter de les réaliser. Engager un dialogue. L idée n est pas d aboutir mais de trouver des collaborations. Mise en commun de compétences diverses dans un contexte inédit (tant en termes de durée, qu en termes d identités et de savoirs) pour propulser des idées au-delà des limites habituelles de chacun. Définir un nouveau protocole de recherche. - Organisation : Une vingtaine de participants (étudiants ou jeunes professionnels des métiers d art, des arts appliqués et du design) répartis en six équipes avec la collaboration des hackers-makers du collectif Blackboxe : - Thomas Angioni (Designer) et Vincent Patfoort (ébéniste) - Etienne Buffard (compagnon sellier) et Fabien Petiot (designer) - Marie Lombard (designer), David Desmoutis (designer) et Barbara Michet (compagnon maroquinier) - Dimitry Hlinka (marqueterie) et Germain Magat (designer) - Julia Gruber (designer textile), Matthieu Rossye (compagnon menuisier) et Charlotte Juillard (designer) - Lorenzo Nanni (plasticien) et Géraud Pellottiero (designer d'espace)

Le collectif Blackboxe : Maurin Donneaud, Vincent Simoncelli, Justine Hannequin, Colin, «ANTI» et Martin Wiklund (motion designer). Coordination générale : Nicolas Rizzo, responsable du développement à l INMA, secrétaire général de l association Slow Made. Animation du workshop : Grégoire Talon, designer, Responsable de projet Innover ensemble Compagnons du Devoir. Accompagnement : Ludovic Avenel, ébéniste, Président de l association Génération Boulle. Les travaux des équipes ont commencé le vendredi 4 avril de 18h à minuit et se sont poursuivis le samedi 5 avril jusqu au dimanche 6 avril de 12h à 20h. Le dimanche soir, un collège d experts a assisté à la présentation de chaque projet sous l autorité du designer Jean-Baptiste Sibertin-Blanc, parrain de l'opération. Les experts étaient les suivants : Alain Lardet (fondateur des Designer s Days et vice-président de l association Slow Made), José Bénadon (directeur général de Kréon France), Loïc Bigot (fondateur de la Tools Galerie), Nathalie Degardin (journaliste pour Design Home) et Françoise Seince (directrice des Ateliers de Paris). - Ressentis Fabien Petiot : Docteur en histoire de l art et designer diplômé de l ENSCI-Les Ateliers. Enseigne à l École Camondo, à l Institut français de la Mode et aux Compagnons du Devoir. Organise des expositions. Ses travaux portent la production artisanale en regard de l économie contemporaine. «3 jours. Luxe. On arrête le quotidien. Les réalisations ne sont pas nécessairement révolutionnaires ou montrables, mais l innovation se passe aussi du côté de la sociabilité et de la rencontre. On s était rencontrés avant pour constituer des métiers heureux.» «Le rêve initial était celui d une tricoteuse numérique. On a commencé par collecter des matériaux, à faire des tests de matière, à chauffer des plastiques, à thermoformer, à produire des jeux de moirages Cette expérience nous a donné envie de continuer, continuer à aller vers d autres aussi, notamment des spécialistes de la maille.»

Dimitri Hlinka : intègre l École Boulle en 2007 au Lycée professionnel des métiers de l ameublement (site Faidherbe). Prépare un DMA (Diplôme des métiers d art) section marqueterie d art. S oriente ensuite en section design à l École Boulle pour se familiariser avec la démarche de projet. Actuellement en DSAA Graphisme événementiel et médiation. S ouvre délibérément à plusieurs méthodologies de travail. «La combinaison des compétences, artisanat, design et technologie produit de l émulation dans chaque discipline. Échange bouillonnant et généreux.» «Notre souhait était de parvenir à réaliser un luminaire volant qui se déplacerait dans l espace grâce à une structure gonflable.» «La démarche nous incite à nous questionner sur notre propre pratique. Une manière de remettre en cause ce qui était admis pour acquis : quelque chose d ornemental ne pourrait-il pas devenir interactif? Peut-on programmer un changement d état? Autant de questions prospectives et nouvelles pour moi qui découlent des outils mis à disposition et du contexte collaboratif.» Vincent Patfoort : titulaire d un DMA ébénisterie et d un diplôme de sculpture sur bois. Poursuit son parcours vers le design avec un DSAA créations industrielles à l ENSAAMA (Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d art). Lauréat national du Prix Avenir Métier d Art de l INMA pour la présentation de sa sellette japonaise. «J ai accepté de participer pour la part d inconnu sous-tendue par la démarche. Même si on s était rencontrés avant et que l on avait envie de travailler ensemble, il demeurait pour moi, venant des métiers d art, une énigme de taille : les hackers! Quelles sont leurs pratiques? Quel est leur mode de fonctionnement? Je n en savais rien.» «Les groupes ont fonctionné très différemment. Certains sont venus avec des idées. D autres ont façonné tout de suite. Nous rien. On a vraiment créé dans le cadre du workshop. Nous sommes partis sur l idée d un tissu thermochromique. Inscrire de la lumière dans la matière à partir d une impulsion lumineuse, semi-échec, nous avons alors fait appel à de la peinture phosphorescente. Il s agissait d aborder la lumière en tant que matière. Figurer une trace de lumière sur l objet, chercher à y voir une analogie temporelle... Les essais ne furent pas très concluants, mais l intérêt de ces trois jours résidait dans le protocole de recherche. Plus de rôle arrêté et plus de hiérarchisation. Moi ébéniste, je n ai pas touché au bois une seule fois.»

«Des perspectives? Un peu tôt pour penser applications, mais en revanche, tandis que je n aurais jamais poussé les portes d un fablab, aujourd hui, je me sens sereinement prêt à envisager de créer avec d autres dans ce genre de structures». Retombées L événement a fait sensation. Plus d un millier de personnes, grand public, chercheurs, artistes et acteurs culturels y ont assisté. Retombées médiatiques aussi : France Inter dimanche 6 Avril (7h30) http://www.franceinter.fr/emission-journal-de-7h30-du-week-end-journal-de-7h30-76 5. Olivia Verger-Lisicki, synthèse Spécialiste des questions d innovation sociétale à la croisée du design, de la conception innovante et de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), Olivia Verger-Lisicki vient de finaliser des travaux de recherche sur l innovation frugale à l École Polytechnique. Ancienne responsable de l activité business inclusif à l IMS (réseau inter-entreprises), elle a piloté de nombreux projets sur l économie inclusive (une économie ouverte à tous) et coordonné l ouvrage Et les clients pauvres? Quand les entreprises s engagent aux éditions Autrement en 2008. Elle est aujourd hui membre du Conseil Scientifique et Stratégique de la Sustainable Design School (École internationale de l innovation et du design durable) et vient de créer sa société de conseil et études en innovation, Qamaqi. http://www.inndesign.fr «Les différents éclairages de cette tableronde nous ont offert un condensé de multiples tendances en cours. Beaucoup de sujets ont été évoqués : économie circulaire, économie collaborative, co-making, co- Les Makers Dans son livre Makers, Chris Anderson décrit l'avènement d'un nouveau monde industriel porté par les FabLabs (Fabrication laboratory) ou "Makerspaces", ces espaces ouverts à tous pour fabriquer tout type d'objet de l'artisanat traditionnel à l'électronique high-tech (imprimantes 3D, découpeuses laser ). On peut y dessiner soi-même ses objets ou adapter des plans libres de droit, dénichés sur le web (un vélo, par exemple) et s'entraider entre bricoleurs, designers, artistes, étudiants... Ce mouvement reprend l esprit du DIY (Do It Yourself), qui désigne le fait de faire par soi-même sans l aide d experts ou de professionnels. Il rejoint aussi l esprit du «Hacking», qui historiquement s est concentré sur le logiciel, mais le détournement ingénieux est un état d esprit qui peut s appliquer à tous les champs. C est pourquoi les «Makers» sont considérés aujourd hui comme les porteurs d une démarche d «empowerment» générale : au-delà du fait de se réappropier la matière («hacker», rendre accessible à soimême et aux autres le monde physique des objets au-delà du software), il s agit de se réapproprier le monde dans lequel on vit et de se redonner le pouvoir d'inventer celui de demain. Un "Maker" est bien plus qu'un "bidouilleur" : c'est un agent actif qui veut impulser une nouvelle dynamique dans son quotidien et dans la société.

working, open source, design centré sur l humain, design d interaction, design des connaissances, prosumers (contraction de producteurs et consommateurs) Ils témoignent d un changement profond de nos modèles économiques et de nos sociétés plus globalement.» On assiste notamment à une convergence beaucoup plus forte entre art, science, technologie et ingénierie sociale. Des domaines que l on a longtemps considérés comme n ayant rien à voir ensemble! Designers, ingénieurs, entrepreneurs, artistes, artisans, porteurs de projets associatifs se retrouvent aujourd hui autour de projets communs. Il y a quelques années, c était inconcevable. Le phénomène des Makers (cf. encadré) contribue à favoriser ces hybridations. Il propose une nouvelle idée de l artisanat que chacun peut cultiver à son niveau et une approche inédite de l innovation où tout le monde peut devenir contributeur voire concepteur de nouvelles solutions, par le Faire et le Faire Ensemble. On rejoint ainsi un mode contributif plus «ancien», celui des Hackers (cf. Steven Levy, L éthique des hackers, éd. Globe, 2013) qui s exerçait principalement dans le domaine du software (logiciels libres). Ici c est le hardware, le monde physique, qui s ouvre! Celui de la matière et des objets du quotidien! Il ne s agit pas simplement de personnaliser un objet (comme on peut le faire avec son téléphone avec des applis qu on télécharge, en restant passifs au fond, en mode «distributeur automatique») : il s agit ici de (re)devenir les acteurs de la conception, en amont, de cet objet! Le principe préexistait et l approche ici est inclusive et transdisciplinaire : elle concerne tous les domaines et tous les acteurs, pas seulement les «geeks» ou les bricoleurs experts. Etre un «Maker» est un état d esprit, celui de considérer que l avenir est libre. En se réappropriant le monde des objets, on se réapproprie le monde dans lequel on vit. Ces approches croisent finalement trois courants forts sur l innovation (témoignant de nos modèles économiques en mutation) : 1. User-driven innovation : la conception part de ceux qui vont utiliser ce qui est conçu Une évidence? Encore peu mise en œuvre pourtant! Mais un mouvement en faveur de l innovation tirée, non pas de la technique, mais de l observation fine des usages est en cours. Cette réflexion est centrée sur l humain et privilégie des postures d empathie pour appréhender l expérience client dans sa globalité (les contextes de vie, les aspects émotionnels notamment, et non les seuls paramètres techniques et fonctionnels). 2. Open innovation : au-delà du buzzword, l innovation ouverte est une véritable lame de fond qui bouscule tous les secteurs. La «multitude» s invite désormais dans les processus de

création : le crowdsourcing et crowdfunding en sont des exemples. En gardant à l esprit que ces phénomènes sont émergents, on pourrait aussi parler de «crowd-making», à travers le développement des fablabs (une cinquantaine en France), des nouveaux collectifs créatifs, fabriques de quartiers (cf. interventions plus haut) Toute une myriade de lieux de cocréation, «tiers lieux», où s inventent de nouveaux produits ou services, dans la «fertilisation croisée» entre différents milieux, métiers, sujets. Mais l ouverture est aussi à l œuvre de façon moins visible, à l intérieur des organisations, dans les décloisonnements internes et les hybridations des compétences (entre ingénieurs et designers par exemple ou entre profils scientifiques et littéraires - la rencontre des sciences «dures» et sciences «molles»!). De nouvelles méthodes managériales et organisationnelles émergent autour des principes de transparence, de partage, d horizontalité et de proximité. Les dispositifs d innovation participative se développent avec l écoute et la stimulation des initiatives de l ensemble Lexique Bottom-up : démarche ascendante ou collaborative, du client à la marque, de la pratique à la théorie, etc. Buzzword : terme ou expression à la mode, employés pour désigner une nouveauté et la mettre en avant. Crowdfunding : financement participatif. Appel aux dons à destination du public (et non des acteurs traditionnels du financement), le plus souvent via les réseaux sociaux ou internet. Crowdsourcing : externalisation ouverte. Appel aux compétences et aux savoir-faire de personnes extérieures à l organisme pour réaliser un projet en sous-traitance, de manière collaborative ou non. Ex. : Wikipédia et son encyclopédie collaborative. Flashmob : mobilisation éclair. Rassemblement momentané d un groupe de personnes, qui ne se connaissent pas forcément, pour réaliser des actions décidées à l avance. Up-cycling : surcyclage. Fait de recycler des déchets pour créer des matériaux ou produits de meilleure qualité. des collaborateurs et des initiatives du terrain (innovation «bottom-up»). Progressivement, les organisations apprennent à jouer collectif. Et au-delà de cette horizontalisation en interne, il s agit de s ouvrir à de nouveaux modèles économiques d innovation où les ressources ne sont plus détenues uniquement dans une organisation, mais distribuées et partagées à travers un large réseau d acteurs. 3. Innovation disruptive : les efforts d innovation se concentrent encore très majoritairement aujourd hui sur l amélioration de l existant sans le questionner, alors que les enjeux actuels (enjeux économiques et sociétaux) appellent une vraie rupture dans la façon de faire et de penser. L innovation disruptive s appuie sur différents courants qui proposent une nouvelle façon de se poser des questions pour ouvrir les possibles. La logique de LAB-A-JOUR est typiquement celle-ci : il s agit de revisiter à la source le concept de l abat-jour, en cassant

l identité «dominante» de celui-ci, en lui en inventant de nouvelles, en décalant, détournant, diversifiant nos regards sur l objet. Récemment, le Cirque du Soleil a ouvert de nouvelles voies pour les drones avec une danse de drones-luminaires (des drones habillés d abat-jour)! Cette posture mentale rejoint d une certaine façon la logique d effectuation qui consiste à faire le constat des ressources existantes et à définir de de nouveaux possibles en fonction de ces ressources. L idée va à contre-courant de ce qui se pratique majoritairement aujourd hui avec la quête permanente de nouvelles ressources. Le propos rejoint aussi celui de l Ingénierie frugale, reposant sur l idée de «faire mieux avec moins». Comment développer une nouvelle agilité moins consommatrice de ressources? Comment être plus performant dans un monde très contraint? Autant de questions qui conduisent à une nouvelle ingéniosité.