1 La régulation des phénomènes culturels Le droit mou en action: le cas de la régulation de la musique à la radio MF 2 La mise en œuvre des objectifs culturels par le droit Mettre en œuvre des objectifs culturels, c est en partie, agir à l égard de la création, de la créativité On ne décrète pas la créativité: on peut tout au plus favoriser des conditions propices à son éclosion 3 Mais comment mettre en œuvre des objectifs culturels? Pour favoriser la création, il est parfois nécessaire de délimiter, de conférer des droits exclusifs ou partiellement exclusifs En matière de diffusion, comment régir des matières comme les genres musicaux, littéraires, cinématographiques? 4 Le droit Exprime des obligations faites à des personnes Mais, lorsqu il régule, il emprunte souvent à d autres univers Normatifs ou autres 5 Une illustration: la régulation de la musique Comment produire ou décréter la diversité? 6 La diversité dans les genres d'émissions :l'autre facette du principe de l'équilibre. L'article 3(1)i)(i) de la Loi sur la radiodiffusion commande que : la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait être variée et aussi large que possible en offrant à l'intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit. 7 La multiplication du nombre de stations engendre une certaine tendance à la spécialisation vers la desserte d'auditoires plus ou moins ciblés; l'avènement de la télévision a coïncidé avec une tendance de plus en plus marquée des stations de radio à opter pour une programmation spécialisée, misant sur un nombre restreint, parfois unique, de genres d'émissions afin de s'assurer la fidélité d'une tranche-cible de l'auditoire global. 8 Le mouvement vers la spécialisation est loin d'aller de soi. Le modèle de Steiner La réglementation afin de contrer ce qu il prédit 9 Peter O. Steiner a montré, à l'aide d'un modèle théorique construit à partir de l'observation des 1
pratiques des stations de radio commerciales, que dans un marché non réglementé, les stations ont tendance à privilégier la desserte des auditoires les plus grand 10 Posant l'hypothèse d'un marché où il y a trois stations et dans lequel 60 % de la population préfère la musique rock légère, 25 % préfère la chansonnette française et 15 %, la musique classique, 11 on conclura que s'il n'y avait qu'une seule station: elle choisirait de se spécialiser dans le rock léger. 12 S'il y a deux stations, la seconde cherchera aussi à desservir les amateurs de rock léger puisque, même divisé en deux, le groupe de ceux qui préfèrent ce genre de musique est plus grand que n'importe lequel des deux autres. 13 S'il y a trois stations, il est plausible de croire que la troisième cherchera à desservir le groupe de ceux qui prisent les chansonnettes françaises car la division en trois du premier groupe donne un résultat inférieur au pourcentage de ceux qui aiment la chansonnette française 14 Le modèle de Steiner tend à démontrer que: la tendance naturelle d'une station n'est pas nécessairement de se spécialiser dans un genre musical plaisant à un segment restreint de la population, mais, au contraire, à maximiser la valeur de son auditoire en cherchant à rejoindre le groupe le plus vaste possible. 15 L'enjeu de la concurrence pour les auditoires entre les stations est d'accaparer la plus grande part possible des auditeurs qui syntonisent la radio à un moment donné. Steiner conclut que la concurrence entre les stations engendre la duplication des formules de programmation afin de plaire à la tranche la plus vaste possible de l'auditoire. Ce n'est que lorsqu'il y a plusieurs stations qui se font compétition dans un marché donné que naît la possibilité pour certains groupes minoritaires d'être desservis. 16 Le modèle de Steiner repose sur plusieurs postulats. il ne considère qu'un seul marché et le voit comme étanche; les auditeurs ont des goûts exclusifs; les stations qui diffusent des programmations de même type vont partager également les auditeurs prisant ces types d'émissions; chaque station vise à maximiser le nombre des auditeurs écoutant ses émissions; les types de programmes sont étanches et définissables. 2
17 Le modèle de Steiner éclaire la façon dont se pose le défi de la diversité. il n'est pas évident que le marché libre puisse à lui seul produire un niveau satisfaisant de diversité, surtout dans les localités trop petites pour faire vivre de façon rentable un nombre suffisant de stations commerciales de radio et de télévision pour qu'on puisse espérer que les goûts d'un grand nombre de groupes d'auditeurs puissent être satisfaits. 18 Dans un contexte caractérisé par la multiplication des services de programmation disponibles, s'accentue la tendance à privilégier une vision de l'équilibre dans le système de radiodiffusion dans son ensemble. On admettra plus aisément qu'une station ou un service de programmation en particulier n'offre qu'un type d'émissions, laissant à d'autres le soin de répondre aux autres besoins variés qui peuvent exister au sein de l'auditoire. 19 Dans un contexte caractérisé par un grand nombre de services de programmation, le défi est de garantir que des services de programmation existent pour satisfaire l'ensemble des goûts assurer un certain degré d'exclusivité aux stations qui choisissent de desservir des auditoires minoritaires puisque celles-ci ne peuvent compter que sur une part restreinte de l'ensemble de la population syntonisant la radio ou la télévision. 20 L a réglementation des formules musicales à la radio MF En 1975, lors de l'élaboration de la politique MF, le C RTC écrit : «Le Conseil, tout en voulant assurer aux Canadiens le service d'une radio MF qui se différencie de celui de la radio MA, est également préoccupé par le rendement de chaque station MF. Les titulaires de licence MF sont donc tenus de déterminer le caractère particulier qui les distinguera les uns des autres.» 21 Les stations MF doivent préciser: dans leur promesse de réalisation, le temps d'antenne consacré à la diffusion de la programmation musicale et verbale à l'intérieur de onze catégories de contenu de la matière radiodiffusée afin de pouvoir évaluer leur rendement. 22 La musique occupe plus de 50 à 80 % du temps d'antenne d'une station MF, ne faisait l'objet que de deux catégories, soit Musique générale et Musique traditionnelle et pour auditoire spécialisé. ces deux catégories de musique ont alors été raffinées en sous-catégories, reflétant les divisions utilisées par l'industrie 3
23 En 1976 qu'apparaît l'utilité de catégoriser les stations MF en fonction de la programmation diffusée. le Conseil adopte alors certaines règles pour protéger la viabilité économique des stations MF locales contre la menace créée par l'importation des signaux MF éloignés causée par l'introduction de la télévision par câble. 24 La télévision par câble se devait d'offrir à une localité des signaux de qualité en provenance de stations MF éloignées l'importation de ces signaux ne devait en principe avoir lieu qu'à l'égard des stations ayant des genres d'émissions différents de ceux existant dans la localité. CRTC, Avis public, 19 juillet 1976, Politique relative à la diffusion de signaux radio MF sur les canaux de la télévision par câble. 25 Se pose alors la question de qualifier Les genres de stations afin de déterminer si on est en présence d une station différente ou non On dresse une liste des divers genres de programmation attribués aux stations MF et les caractéristiques de chacun afin de déterminer les stations MF facultatives qui pourront être distribuées par les systèmes de câble. 26 Les stations MF sont classifiées à partir de ces genres qui découlent en grande partie des sous-catégories d'émissions mises en place par le Conseil en 1975. 27 Pour les stations diffusant principalement de la musique : leur classement est le suivant : MOR contemporaine, MOR traditionnelle, MOR, Musique de détente, Contemporaine, Progressive, Western, et Autres. Un élément important de cette politique est l étiquetage des stations de radio par catégories de programmation musicale en formats ou en formules musicales utilisé afin de distinguer les stations MF entre elles. 28 Le Conseil reconnaît l'existence de différents genres de musique et définit chacun d'eux. Cet énoncé de 1976 sera par la suite fréquemment utilisé comme indicateur afin d'identifier les différents formats ou formules musicales. 29 1984, définition des formules de stations et des souscatégories de musique. Les stations MF diffusant de la musique populaire sont classées en quatre groupes de formules musicales : Les groupes de formules: I- Musique populaire et rock-légère, II- Musique populaire et rock-accentuée, III- Country et 4
IV- Autres. 30 stations MF dont au moins 50 % de la programmation se classe dans la catégorie Musique populaire : Groupe I-consacrent au moins 70 % à la sous-catégorie 51 (Musique populaire et rock-légère). Groupe II-consacrent au moins 70 % à la sous-catégorie 52 (Musique populaire et rockaccentuée). Groupe III-consacrent au moins 70 % à la sous-catégorie 53 (Musique country). Groupe IV-établissent des plans de programmation précis correspondant directement aux sous-catégories de la catégorie 5. 31 Les genres de musique qui composent les groupes de formules musicales Comment se décrivent les catégories de musique afin d établir les obligations des stations? 32 Les stations du groupe I:Musique populaire et rock-légère. Cette sous-catégorie va de la musique de détente et de la belle musique, au pop adulte et au soft rock. Elle comprend les pièces musicales qualifiées de MOR. En plus de cette énumération, le Conseil fait référence au palmarès adulte contemporain comme source de renseignement afin d'identifier le genre de musique de cette sous-catégorie. 33 Le groupe II :Musique populaire et rock-accentué va du rock and roll et du rythmn and blues au rock et au rock accentué ainsi qu'aux pièces figurant sous la rubrique AOR ( album-oriented-rock ou album genre rock) des palmarès. Il s'agit donc des genres de musique populaire et rock dit accentué. 34 Le problème de l évolution des genres L apparition du Dance Music L apparition du New Age La politique MF de 1991 simplifie la politique des formules de stations. 35 Musique populaire et rock-légère et Musique populaire et rockaccentuée forment désormais un seul groupe 1- Musique populaire, rock et de dance Au moins 70 % de la musique diffusée appartient à la sous-catégorie 21 Musique populaire, rock et de dance 2- Country Au moins 70 % de la musique diffusée appartient à la sous-catégorie 22 Country 3- Musique spécialisée Une station qui n'appartient ni au Groupe 1 ni au groupe 2 5
36 L histoire de la réglementation des formules musicales indique: La difficulté de la réglementation fondée sur les catégories esthétiques Qui évoluent Qui sont supplantées... Exemple: le non-renouvellement de CJMF 37 Les moyens de régulation Recours aux listes, compilations des magazines spécialisées Ex: la réglementation de la diffusion des «grands succès» 38 Le recours aux grands succès dès 1975, le Conseil constate que la musique enregistrée constitue en moyenne 75 % de la programmation de la radio, et pourtant seule une fraction des enregistrements disponibles est radiodiffusée L utilisation des grands succès, entraîne le délaissement des autres oeuvres 39 La définition d'un grand succès Toute pièce musicale qui a figuré aux quarante premières places d'un palmarès publié dans une revue spécialisée de calibre national ou international est un grand succès. CRTC, Avis public 1986-248, 19 septembre 1986, Règlement concernant la radiodiffusion, p. 19. 40 Les stations MF doivent limiter le recours aux grands succès musicaux à un taux inférieur à 50 % de toutes les pièces de musique populaire diffusées au cours de la semaine de radiodiffusion. C est un moyen de favoriser une plus grande variété de talents canadiens et les infractions répétées de la part des titulaires ont un effet sur la variété des pièces musicales et la visibilité des artistes canadiens 41 L'évaluation d'un grand succès le Conseil compare la liste des pièces diffusées avec une liste qu'il a constitué des pièces musicales qui ont figuré dans les quarante premières places de certains palmarès de revues spécialisées. cette liste du Conseil est constamment mise à jour. lorsqu'une pièce diffusée par une station de radio correspond, tant par son titre que par son artiste interprète, à une pièce contenue dans la liste du Conseil, elle est considérée comme un grand succès. 42 L application des limites à l usage des grands succès CRTC, Avis public 1988-73, 28 avril 1988, Non-conformité relative à certains engagements de la Promesse de réalisation pris par CHUM Limited, titulaire de CHUM-FM Toronto; la Rogers 6
Broadcasting Limited, titulaire de CHFI-FM Toronto; et la Westcom Radio Group Limited, titulaire de CILQ-FM Toronto. Sanction: privation de revenus publicitaires 43 Références Daniel L. BRENNER, Government Regulation of Radio Program Format Changes, (1978) 127 U. Pen. L. Rev. 56. STEINER, Peter O., "Program Patterns and Preferences, and the Workability of Competition in Radio Broadcasting", (1952) 66 Quarterly Journal of Economics 194. 7