LE DESSIN DE Créer un manga : toutes les étapes Texte : Junichi Sugamoto Illustrations : Mikio Kawanishi
3 L incident déclencheur lors de la scène d ouverture Donnez au héros l occasion de faire forte impression et offrez au lecteur un démarrage sur les chapeaux de roues Comme nous l avons vu précédemment à propos de l intrigue décomposée en introduction, développement, twist et conclusion, la scène d ouverture est plus facile à écrire si l histoire démarre en plein incident déclencheur. Je vous recommande de commencer par une scène choc. Par exemple, imaginez une personne qui s adresse au héros pour demander son chemin et qui est brutalement abattue par un coup de feu! Ou bien imaginez encore le héros venant de dire au revoir à un ami, lorsqu il est témoin d un accident de la route impliquant ce dernier. Autre possibilité : votre personnage principal sort d un immeuble qui explose alors qu il n a fait que quelques pas dehors! De telles scènes auront un immense impact sur le lecteur et renforceront l intérêt du développement de l intrigue. Cela fonctionne aussi pour des événements plus ordinaires. Par exemple, supposons que notre héros prend le train pour aller au lycée. Là, non seulement la fille de ses rêves se trouve dans le même wagon que lui mais il se retrouve assis juste à côté d elle! C est un incident stimulant et enthousiasmant. Elle se tortille sur son siège et on comprend qu un homme est en train d essayer de la toucher. Le héros s en rend compte et intervient. Ou encore, le personnage principal se retrouve seul dans un ascenseur avec l objet de ses désirs quand soudain, c est la panne! Des incidents comiques fonctionnent également très bien. Le protagoniste peut se rendre au lycée à vélo lorsqu il interpelle avec passion son love interest mais sa chaîne déraille et il passe par-dessus le guidon! Quel que soit votre choix, veillez à ce que le héros laisse son empreinte sur le lecteur dès la scène d ouverture. Donnez au lecteur une idée de la direction que va prendre le manga à partir de là. Créez un début d histoire fascinant. Scène d ouverture Une scène d ouverture intense donne du punch à votre histoire et renforce l intérêt du développement de l intrigue. 46
À Nafta, vivaient des sorciers démoniaques pratiquant la magie noire. Le royaume frontalier de Fengald était en guerre contre Nafta depuis cinquante ans. Mais les sorciers démoniaques étaient puissants et les magiciens blancs tombaient les uns après les autres. Fengald avait fait appel à des enchanteurs fidèles à la magie blanche pour combattre ces nécromanciens. Je n en peux plus!! Aaargh!!! Crac 47
En commençant par une description de l arrière-plan, vous perdrez l intérêt de vos lecteurs Par pitié, quoi que vous fassiez, ne débutez pas votre manga par une description de l univers de votre histoire : commencez par l incident déclencheur. Prenons l exemple suivant : «Le royaume frontalier de Fengald était en guerre contre Nafta depuis cinquante ans. À Nafta, vivaient des sorciers démoniaques pratiquant la magie noire. Fengald avait fait appel à des enchanteurs fidèles à la magie blanche pour combattre ces nécromanciens. Mais les sorciers démoniaques étaient puissants et les magiciens blancs tombaient les uns après les autres. Tsururun, notre protagoniste, est le dernier mage blanc à défendre Fengald.» Si votre première page assomme les lecteurs à coups d encadrés narratifs, ils vont vite se lasser et se contenteront de survoler cette entrée en matière rébarbative. Ils iront droit à la première scène où le héros entre en action. Dès lors, vous feriez mieux de supprimer toute case et toute page que le lecteur n a pas l intention de lire. Un manga court a un nombre de page défini et les cases superflues ou les textes qui ne seront pas lus n y ont pas leur place. Pour cette raison, utiliser l incident déclencheur comme scène d ouverture peut être une bonne idée. Par ailleurs, ça aide à réduire la pagination de l histoire. Tsururun de Fengald! Qui ose défier Nafta, notre nation bien aimée? Essayez d insérer brièvement vos informations par le biais des dialogues plutôt que dans des encadrés qui ne seront pas lus. 48
Un bon texte doit faire vibrer le lecteur Les textes narratifs ou les dialogues ne doivent pas sembler monotones au lecteur. Les répliques doivent pétiller. Pour s assurer du meilleur résultat, il faut éviter les longs passages de textes en cartouches. Le lecteur doit pouvoir saisir chaque tirade d un seul coup d œil. À présent, examinons une scène dans laquelle un professeur a surpris notre protagoniste en train d arriver en retard. «Arrêtez-vous! Quelle heure est-il, d après vous?» «Euh Il est 13 h?» «On peut tolérer un retard dans certaines limites, vous savez. Vous avez une bonne raison, au moins?» «Je n ai rien pu faire pour l éviter. Je me suis réveillé après 9 h, alors je me suis dit "à quoi bon me dépêcher?". Je me suis brossé les dents, j ai coulé un bronze et puis après, je suis venu à mon rythme, quoi. Et le temps de réaliser, voilà, c était déjà 13 h. Vous voyez le topo, m sieu?» «Espèce de malotru! Non, je ne vois pas le topo. L heure de la pause déjeuner est déjà dépassée!» «Comme vous voulez, je rentre chez moi alors. Salut!» Pas bon Ce genre d échange est acceptable pour le script d une série TV mais il est trop long pour du manga. Si un tel dialogue n est pas condensé, votre histoire ne rentrera jamais dans les seize ou vingt-quatre pages qui lui sont attribuées. Il y a beaucoup trop de mots superflus. Dans cette scène, le lycéen se contente de donner une excuse pour son retard. La question n est pas de savoir pourquoi le lycéen est en retard, mais de savoir pourquoi il faut réduire la quantité de dialogue. La version ci-dessous est plus concise, c est beaucoup mieux. «Arrêtez! Vous êtes en retard. Pourquoi?» Bon «Panne d oreiller.» «Panne d oreiller? La pause de midi est déjà finie!» «Très bien, je rentre chez moi.» C est largement suffisant. Ainsi, le lecteur peut lire les dialogues de façon bien plus fluide que s il devait ingurgiter des quantités de texte trop indigestes. 49