APT POSITION PAPER A. INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L'HOMME (INDH)



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APT POSITION PAPER Le rôle des Institutions nationales des droits de l'homme dans la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Au cours de la décennie écoulée, de nombreux Etats ont créé ou envisagé de créer des institutions nationales des droits de l'homme (INDH) pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Les INDH ont un rôle central à jouer pour la prévention de la torture et d'autres formes de mauvais traitements. Par le présent document, l'apt propose six démarches concrètes que les INDH peuvent entreprendre pour réduire de manière significative les violations de ce genre. Ces suggestions ne prétendent pas être exhaustives et exigent d'être adaptées aux particularités de chacune des INDH et des divers contextes nationaux dans lesquels elles évoluent. A. INSTITUTIONS NATIONALES DES DROITS DE L'HOMME (INDH) Les INDH sont des organes publics habilités spécifiquement à promouvoir et protéger les droits de l'homme au niveau national. En pratique, étant donné l'ampleur de leur mandat, chacune de ces institutions agit très différemment des autres. Cependant, elles ont en commun un certain nombre de caractéristiques et d'exigences fondamentales qui leur permettent d'atteindre leur objectif de la manière la plus efficace et la plus indépendante possible. Certaines de ces caractéristiques trouvent leur expression dans les "Principes de Paris" 1, qui définissent leurs compétences et attributions, leur composition et les garanties de leur indépendance, de leur pluralisme et de leurs modalités de fonctionnement. Ces principes sont devenus le fondement et la référence pour l'établissement et le fonctionnement d'indh dans le monde. Ces institutions exercent une surveillance sur l'administration publique, préviennent les abus commis par les organismes publics et, d'une manière générale, promeuvent le respect des droits de l'homme. Dans certains cas, les INDH ont des compétences quasi juridictionnelles qui leur permettent de recevoir et d'examiner des plaintes et des requêtes concernant des situations individuelles. Leur rôle devrait être considéré comme complémentaire de celui d'autres institutions établies qui oeuvrent pour la protection et la promotion des droits fondamentaux, comme celles des pouvoir judiciaires et législatifs, les commissions parlementaires, les agences gouvernementales et les organisations non gouvernementales (ONG). Les INDH peuvent revêtir la forme d'organes des droits de l'homme reconnus officiellement et investis d'un mandat national, tels que commissions nationales des droits de l'homme ou ombudsmen 2. Certaines institutions sont spécialisées au niveau géographique ou thématique, comme les ombudsmen régionaux ou les institutions nationales dont le mandat consiste à promouvoir ou protéger les droits de groupes particuliers. Bien que ces institutions plus spécialisées ne soient pas considérées par les Principes de Paris comme des INDH en soi, l'apt est d'avis que les Principes peuvent aussi être appliqués aux institutions dont le mandat est limité à des domaines géographiques ou thématiques particuliers. 1 Le texte des Principes de Paris peut être téléchargé à l'adresse www1.umn.edu/humanrts/instree/fparisprinciples.pdf 2 Dans certains, l ombudsman est appelé «protecteur du citoyen», «défenseur du peuple», par exemple. 1

B. SIX DÉMARCHES CONCRÈTES PERMETTANT AUX INDH DE PRÉVENIR LA TORTURE Les démarches concrètes suivantes peuvent être adoptées par les INDH pour lutter plus efficacement contre la torture et les mauvais traitements. 1. Plaider en faveur de l'application de normes internationales et régionales d'interdiction de la torture. (a) En coordination avec les médias et la société civile, les INDH devraient jouer un rôle proactif en promouvant l'adoption et la ratification des instruments internationaux et régionaux pertinents en matière de droits de l'homme. Cela peut se faire par un plaidoyer soutenu de groupes de pression et de défense auprès des organes compétents, notamment au sein des secteurs judiciaire et législatif du gouvernement. Les INDH sont idéalement placées pour promouvoir la ratification, ainsi que l'application des normes internationales et régionales concernant la protection générale des doits de l'homme, des instruments plus spécifiques de lutte contre la torture et les mauvais traitements et des instruments concernant la protection de groupes spécifiques comme, par exemple, les femmes, les mineurs, les migrants et les personnes détenues. (b) Les INDH peuvent faire en sorte que les normes internationales et régionales qui ont été ratifiées soient entièrement intégrées dans la législation nationale. 3 Selon les Principes de Paris 4 les INDH devraient être habilitées à soumettre au gouvernement, au Parlement et à tout autre organe compétent des avis, recommandations et propositions qu'ils peuvent décider de publier. Ces compétences peuvent être mises à prifit par les INDH pour recommander fermement que le droit national soit mis en conformité avec les normes internationales des droits de l'homme. Les INDH peuvent examiner la législation en vigueur ainsi que les projets de lois et les propositions en discussion et recommander, le cas échéant, des amendements. Elles peuvent aussi promouvoir l'adoption de nouvelles mesures législatives. La criminalisation de la torture est un aspect de la législation nationale tout aussi important. Les INDH doivent s assurer que la torture et les mauvais traitements soient clairement identifiés, en droit interne, en tant que délits pénaux distincts. Si ce n'est pas le cas, les INDH prendront toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que la torture et les mauvais traitements soient immédiatement criminalisés par la loi en vigueur. (c) Application effective de la législation existante: les INDH doivent aussi passer en revue la législation en vigueur et en surveiller l application. Afin d'assurer que les instances judiciaires aient une connaissance adéquate des normes internationales et régionales relatives aux droits de l'homme et les appliquent, les INDH suivront attentivement les procédures judiciaires et observeront les procès portant sur des cas de violations des droits de l'homme, en particulier ceux où il est question de torture et mauvais traitements. Si des problèmes sont constatés, les INDH proposeront des mesures appropriées, par exemple une réforme judiciaire, afin de remédier à ceux-ci. 3 Y compris la législation locale dans les systèmes fédéraux 4 Principe 3, voir sous Compétences et attributions 2

2. Coopérer avec les organes internationaux et régionaux des droits de l'homme (a) Les INDH contribueront au processus général de soumission de rapports, de cas et d information aux organes internationaux et régionaux. Les organes de surveillance des traités et les procédures spéciales avec lesquels les INDH peuvent être amenées à coopérer en vue de la prévention de la torture et des mauvais traitements sont notamment les suivants: i) le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture ii) le Comité des Nations Unies contre la torture iii) le Comité des droits de l'homme des Nations Unies iv) le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire v) pour les Amériques, la Commission interaméricaine des droits de l'homme vi) pour l'europe, le Comité européen pour la prévention de la torture vii) pour l'afrique, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Il importe de garder en mémoire que d'autres organes de surveillance des traités et procédures spéciales, thématiques ou régionales, peuvent aussi être saisis de questions relatives à des cas de torture et de mauvais traitements. Au sein du système des Nations Unies, ce sont entre autres, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, le Comité des droits de l'enfant, le Comité sur les travailleurs migrants, le Représentant spécial du Secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, et le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires 5. (b) Chaque INDH devrait être particulièrement attentive aux rapports que son gouvernement doit soumettre périodiquement à ces organes internationaux et régionaux, et devrait y participer en fournissant à l'organe international ou régional concerné des informations et des observations pertinentes. Elles peuvent le faire soit en participant à des consultations organisées par l'etat en vue de la rédaction de son rapport officiel d'etat partie, soit par le biais de rapports parallèles indépendants préparés habituellement par des ONG. (c) Les INDH peuvent aussi assister les mécanismes internationaux et régionaux des droits de l'homme qui visitent les pays pour examiner sur le terrain la situation des droits de l'homme qui y prévaut en leur fournissant des informations mises à jour, en facilitant les contacts et soumettre des propositions sur l'ordre du jour prévu. (d) Lorsque les organes internationaux et régionaux produisent des rapports, en particulier ceux qui concernent spécifiquement les pays en question, l'indh peut assumer le rôle irremplaçable de diffuseur des constats, conclusions et propositions par le biais des médias. Ces données devraient présenter un intérêt pour le grand public, de même que pour les acteurs de la société civile et des organes gouvernementaux concernés tels que les parlementaires, les institutions sociales et les bureaux spécifiques des secteurs exécutifs ou judiciaires. En outre, une INDH peur jouer un rôle décisif en ce qui concerne le suivi des recommandations particulières émanant de ces organes internationaux et en faisant en sorte qu'elles soient mises en oeuvre par ceux qui en ont la responsabilité. 5 Pour de plus amples informations et des détails sur le secrétariat des Procédures spéciales à l'onu, on consultera: http://www.ohchr.org/french/bodies/chr/special/themes.htm 3

3. Surveillance des lieux de détention (a) Les INDH devraient avoir mis en place des programmes destinés à la surveillance des lieux de détention. Ces programmes sont parmi les outils les plus efficaces pour la prévention de la torture et des mauvais traitements. Grâce à des visites préventives régulières des lieux de détention, chaque INDH devrait être en mesure d exiger de l'etat qu il s'acquitte de ses obligations relatives à la prohibition absolue de la torture en toutes circonstances, ainsi qu aux conditions de détention adéquates. (b) Pour effectuer un travail de surveillance efficace, les INDH doivent avoir accès sans restrictions à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté, y compris les commissariats de police, les prisons, les établissements de détention administrative, les centres de détention militaires, les centres de détention pour mineurs et les institutions sociales telles que les hôpitaux psychiatriques. Elles doivent être pleinement habilités à assurer une surveillance professionnelle, ce qui suppose avoir accès à toutes les personnes, avoir le droit de mener des entretiens en privé avec les personnes de leur choix, ainsi qu avoir accès à toutes les informations appropriées. 6 (c) En outre, l'expérience a montré que de telles visites sont plus efficaces lorsqu'elles sont effectuées par des équipes pluralistes et interdisciplinaires composées, si possible, de médecins et d'avocats. Les visites des lieux de détention devraient avoir lieu le plus régulièrement possible et l'équipe de surveillance devrait recevoir une formation adéquate. (d) Ces visites devraient contribuer à établir un dialogue constructif propice à la coopération avec toutes les autorités concernées, afin de rechercher ensemble des solutions aux problèmes observés. Les INDH devraient par conséquent transmettre leurs conclusions et leurs recommandations aux autorités de l'établissement visité et aux ministères ou bureaux du gouvernement responsables des personnes privées de liberté. Les INDH ne devraient pas manquer de surveiller les lieux de détention qui ont déjà été visités par des organes régionaux ou internationaux, afin d'assurer un suivi adéquat aux recommandations de ces organes concernant des cas de torture et de mauvais traitements. (e) Les INDH peuvent être, le cas échéant, désignées pour faire partie du mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture. Cette désignation peut accroître de manière significative leur rôle de surveillance, mais cette fonction ne leur est pas exclusivement réservée. Pour assurer la désignation du mécanisme le plus efficace, la structure adoptée dans chaque Etat devrait résulter d'un débat public à une large échelle. 6 En d'autres termes, les INDH devraient être dotés des mêmes compétences que celles qui sont prévues par le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (article 20) pour les visites préventives à l'échelon national. 4

4. Enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements pour lutter contre l'impunité (a) Les INDH doivent être habilitées à recevoir des plaintes concernant la torture et les mauvais traitements, à enquêter sur leur validité et leurs détails et, si cela est approprié, faire en sorte que le cas soit porté devant la justice et poursuivi selon les procédures en vigueur. (b) Les INDH doivent promouvoir le droit des survivants de la torture et de leurs familles à la réparation, à la réhabilitation et à la compensation. Elles soutiendront les victimes, leur donneront des conseils juridiques concernant les procédures en vigueur et/ou leur fourniront une assistance juridique pour qu'ils puissent présenter leur cas devant la justice. Les INDH inciteront les gouvernements à offrir un soutient adéquat aux victimes de la torture. (c) Ce faisant, les INDH lanceront également à la société un signal clair concernant la solidarité qu'elle doit aux survivants, et non de déférence à l'égard de ceux qui violent le droit et qui doivent être poursuivis par la justice. 5. Eduquer, sensibiliser et former le public (a) Les INDH sont particulièrement bien placées pour lancer des programmes d'éducation et de sensibilisation du public portant sur l'interdiction et de la prévention de la torture en vue de promouvoir une culture respectueuse des droits de l'homme. Les programmes d'éducation seront mis en œuvre en coopération avec d'autres instances intéressées, telles que des ONG locales et internationales actives dans le domaine des droits de l'homme, ainsi que les médias. Dans des situations post-conflictuelles ou au cours de processus de transition vers la démocratie, les INDH peuvent apporter une aide en vue de recouvrer et préserver la mémoire collective de la société sur les violations flagrantes des droits de l'homme, en récoltant des informations et des témoignages et en faisant en sorte qu'ils soient accessibles aux générations actuelles et futures. De cette manière, les INDH peuvent promouvoir un débat national sur la réconciliation et la nécessité de garantir que de telles violations ne se reproduisent jamais. (b) Les INDH feront en sorte que les normes relatives aux droits de l'homme fassent partie intégrante des programmes de formation professionnelle de certains fonctionnaires appartenant à des services tels que: - la police - le personnel des prisons - le personnel des hôpitaux psychiatriques et des institutions d'assistance sociale - le personnel des centres de détention pour mineurs - les forces armées - les juges, procureurs et avocats d'office - les médecins légistes - les parlementaires En outre, les INDH peuvent orienter ces derniers et contribuer à l'organisation de formations spécifiques sur les modalités pratiques de l'application des normes des droits de l'homme afin de renforcer le rôle que peuvent jouer ces professionnels dans la prévention de la torture et des mauvais traitements. 5

(c) En cas de besoin, les INDH peuvent également aider certains de ces groups à rédiger des codes de conduite conformes aux normes internationales applicables et faire en sorte que ces codes orientent leurs travaux. Lorsqu'un tel cadre de travail existe déjà, les INDH peuvent aider les organes professionnels à appliquer ces normes de manière adéquate. 6. Participer à l'élaboration des politiques publiques Les INDH devraient aussi s'engager activement dans le processus d'élaboration des politiques publiques relatives au traitement des personnes privées de liberté. Avec d'autres acteurs concernés, les INDH peuvent participer à l'élaboration de stratégies et de plans d'action destinés à répondre aux problèmes concrets dans la perspective des droits de l'homme. Elles devraient aussi plaider en faveur d'un financement adéquat en vue de mettre en œuvre ces politiques: en appelant par exemple à doter des organes tels que la police, le système pénitentiaire et l'appareil judiciaire de ressources suffisantes. APT Février 2005 Association pour la prévention de la Torture (APT) 10, Route de Ferney, CP 2267 - CH-1211 Genève 2 Suisse Tel: +41 22 919 2170 - Fax: +41 22 919 2180 - apt@apt.ch www.apt.ch 6