BREVET BLANC. AVRIL 2012. COLLEGE DE LA MONTAGNE. Julien Sorel, fils d un bûcheron, se distingue très tôt par son intelligence. M. de Rênal, maire de la ville de Verrières, décide de le choisir pour devenir précepteur 1 de ses enfants. Très vite, Julien et l épouse du maire deviennent amants. Après de nombreuses péripéties et trahisons, Julien tire deux coups de pistolet sur Mme de Rênal qui n est que blessée. Voici le discours que Julien adresse aux jurés lors de son procès. 5 10 15 20 «Messieurs les jurés, L horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n ai point l honneur d appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s est révolté contre la bassesse de sa fortune 2. Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point d illusion, la mort m attend : elle sera juste. J ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Mme de Rênal était pour moi comme une mère. Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J ai donc mérité la mort, Messieurs les jurés. Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté 3, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l audace de se mêler à ce que l orgueil des gens riches appelle la société. Voilà mon crime, Messieurs, et il sera puni avec d autant plus de sévérité que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs 4. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi mais uniquement des bourgeois indignés» Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton ; il dit tout ce qu il avait sur le cœur ; l avocat général, qui aspirait aux faveurs 5 de l aristocratie, bondissait sur son siège ; mais malgré le tour un peu abstrait que Julien avait donné à la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes. Mme Derville elle-même avait son mouchoir sur ses yeux. Avant de finir, Julien revint à la préméditation, à son repentir 6, au respect, à l adoration filiale 7 et sans borne que, dans les temps plus heureux, il avait pour Mme de Rênal Mme Derville jeta un cri et s évanouit.» Le Rouge et le Noir, Stendhal (1783 1842) 1 Un précepteur : personne chargée de l éducation d un enfant. 2 La fortune : dans le texte, ce mot a le sens de destin, de destinée. 3 Opprimés par la pauvreté : qui subit la pauvreté, est accablé par celle-ci. 4 Mes pairs : mes semblables, mes égaux. 5 Aspirait aux faveurs de : désirait être considéré et reconnu par 6 Le repentir : vif regret d une faute commise. 7 Filial : qui caractérise l attitude d un fils ou d une fille à l égard de ses parents.
CORRECTION PREMIERE PARTIE : QUESTIONS / REECRITURE (1H15) Vous veillerez à rédiger toutes vos réponses et à les justifier en relevant des expressions du texte. I. Un accusé qui avoue (5,5 points) QUESTIONS (16 POINTS) 1. «Mon crime est atroce», ligne 8. Quelles sont les trois raisons pour lesquelles Julien Sorel considère son crime comme «atroce»? Trois raisons attendues. D une part, Mme de Rênal est une femme des plus respectables («j ai pu attendait aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages»), d autre part, la relation qui unissait Julien Sorel et Mme de Rênal est particulièrement profonde («comme une mère»), enfin, l acte qu il a commis est un acte réfléchi et volontaire («il fut prémédité»). (1,5 pt 0.5*3) 2. A quelle classe grammaticale appartient le mot «donc», ligne 9? Quel rapport logique ce mot exprime-t-il? Il s agit d un conjonction de coordination qui exprime la conséquence. (1 pt) 3. a) Quel est l antonyme de l adjectif «coupable»? (1 pt) L antonyme de cet adjectif est innocent (0.5 si mal orthographié sinon 1 pt). b) «quand je serais moins coupable», ligne 10. Quel nom commun correspond à l'adjectif souligné? Le nom correspondant à l adjectif «coupable» est culpabilité. (0,5 pt) 4. Quel adjectif employé dans le deuxième paragraphe caractérise la sentence attendue et montre que l accusé l accepte et la comprend? Expliquez le sens de cet adjectif. L adjectif employé dans le deuxième paragraphe qui caractérise la sentence attendue est «juste». Par ce terme, l accusé montre qu il considère la condamnation comme logique, équitable et normale au regard du crime commis. (1 pt 0.5*2) 5. Quelle est la valeur du présent dans la phrase, ligne 5 «Je ne vous demande aucune grâce.» Il s agit d un présent d énonciation. (0,5 pt) II. Deux classes sociales qui s opposent (4,5 points) 6. «Un paysan qui s est révolté», ligne 4. Quelles sont la nature et la fonction du groupe de mots souligné? L expression soulignée est une proposition subordonnée relative dont la fonction est complément de l antécédent «paysan». (1 pt 0.5*2) 7. Lignes 8 à 13 : Quelles sont les deux raisons pour lesquelles, selon Julien, on veut le punir? Selon Julien, il est puni pour deux raisons. Tout d abord pour le fait de vouloir s élever et s épanouir en menant des études alors qu il était un jeune homme qui appartenait à la classe paysanne («le bonheur de se procurer une bonne éducation»), ensuite parce qu il a osé se lier à des personnes qui s estiment en tous points supérieurs en raison de leur appartenance à la bourgeoisie ou à l aristocratie : «l audace de se mêler à ce que l orgueil des gens riches appelle la société». Il a commis l erreur de vouloir s immiscer dans une société à laquelle, par naissance, il n appartenait pas. (1 pt 0.5*2) 8. Transposez au discours indirect la phrase suivante (ligne 5). «Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix.» Julien continua en affermissant sa voix disant qu (0.25) il (0.25) ne leur (0.25) demandait (0.25) aucune grâce. (1 pt 0.25*4)
9. Observez «il sera puni», ligne 17. a) Que désigne le pronom «il»? Dans la proposition «il sera puni», le pronom «il» fait référence au crime. (0,5 pt) b) Transposez cette proposition à la voix active. Cette phrase transposée à la voix active devient : «Vous le punirez» ou «vous punirez ce/mon crime» ou «on le punira» ou «on punira ce/mon crime». (1 pt) Il faut que le temps verbal, le futur simple de l indicatif, soit respecté. III. Les réactions de l auditoire (6 points) 10. Quelle est la figure de style employée dans les lignes 21 et 22? Quelle idée met-elle en valeur concernant Julien? La figure de style employée est l énumération. Elle permet de montrer que Julien exprime tout ce qu il ressent et pense, qu il prononce le discours qui lui semble le plus complet et le plus convaincant faisant preuve de sincérité. (1 pt 0.5*2) 11. «Julien parla sur ce ton», ligne 17. Qualifiez ce ton et justifiez votre réponse. Le ton que Julien adopte est celui de la révolte et de la détermination. Il reconnaît son crime mais a surtout la volonté de dire haut et fort ce qu il pense des conditions de son procès et en profite pour dénoncer les différences entre les classes sociales fondées sur l injustice. (1 pt 0.5*2) 12. Quelles sont les réactions de Mme Derville à l écoute du discours de Julien? Pourquoi réagitelle de la sorte? Mme Derville réagit de trois façons différentes : tout d abord, elle pleure, puis elle pousse un cri et enfin elle s évanouit. Elle semble éprouver une profonde émotion à l écoute de ce discours d un jeune homme qui sera sans aucun doute condamné. Elle ressent de la peine ou de la compassion ou de la tristesse. (1,5 pt au moins deux réactions attendues 0.5, explication 1) 13. Quelle est la réaction de l avocat général? Pour quelle raison réagit-il ainsi? L avocat général «bondissait sur son siège». Lui, le bourgeois, qui d après le narrateur, voulait plaire aux aristocrates, est indigné par ce discours accusateur de Julien. Les rôles semblent s inverser : le jeune homme à la barre qui est censé être l accusé se permet d incriminer les jurés eux-mêmes et de sous-entendre que la Justice n est pas véritablement juste ou, du moins, qu il n existe pas de justice sociale. (1,5 pt réaction 0.5, explication 1) 14. Résumez en une phrase ce que Julien a voulu dénoncer à travers son discours. Julien, à travers son discours, dénonce le fait qu on le condamne moins pour l attentat qu il a commis sur la personne de Mme de Rênal que pour son désir audacieux et inacceptable, selon les bourgeois et les aristocrates, d ascension sociale. Lui, le petit paysan a osé se révolter «contre la bassesse de sa fortune» et n a pas su rester à sa place, dans son milieu d origine. (1 pt) REECRITURE (4 POINTS) «Nous (0.5) ne vous demandons (0.5) aucune grâce, continuèrent (0.5) les deux accusés (0.5) en affermissant leur(s) (0.5) voix. Nous ne nous faisons (0.5) point d illusion, la mort nous (0.5) attend : elle sera juste. Nous avons (0.5) pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages.» (lignes 5 à 7) Réécrivez ce passage en remplaçant «Julien» par «les deux accusés» et en effectuant les modifications nécessaires.
PREMIERE PARTIE : DICTEE (15 MIN) DICTEE (5 POINTS) Dès qu un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne jamais le trouver, et il n y a point de mystère là-dedans. Le bonheur n est pas comme un objet de vitrine, que vous pouvez choisir, payer, emporter ; si vous l avez bien regardé, il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la vitrine. Tandis que le bonheur n est bonheur que quand vous le tenez ; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n aura l aspect du bonheur. En somme on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il vous faut l avoir maintenant. Quand il paraît être dans l avenir, songez-y bien, c est que vous l avez déjà. Espérer, c est être heureux. Alain, Propos, 18 mars 1911. Consignes pour la lecture de la dictée. Le texte sera lu une première fois dans son intégralité. Le texte sera ensuite dicté de façon à ce que les élèves comprennent les chaînes d accord. La ponctuation doit être dictée avec rigueur. Le texte sera relu une dernière fois avec le rappel de la ponctuation. Le titre de l œuvre, ainsi que son auteur seront écrits au tableau.
DEUXIEME PARTIE : REDACTION (1H30) Vous vous engagez pour une cause que vous devez défendre dans un article du journal de votre collège. Vous signerez sous le pseudonyme «Jean- Pierre Dupont». Consignes d écriture : Votre texte sera rédigé à la première personne. La cause à défendre et les raisons de votre engagement doivent apparaître de façon explicite dans votre texte. Vous veillerez à justifier chacune de vos idées de façon claire et développée en les illustrant par des exemples précis. Respect de l énonciation : première personne du singulier, emploi du présent. /1 Présence d une cause à défendre clairement exprimée. /1 Richesse et pertinence des arguments. /3 Richesse et pertinence des exemples. /3 Rigueur de la construction du texte argumentatif (emploi de connecteurs, présence de paragraphes ) /1.5 Respect des caractéristiques d un article de journal (titre, soustitre, signature ) /1.5 Orthographe/conjugaison. /2 Syntaxe. /1 Qualités littéraires. /1 /15