LE GROUPE DES SOCIETES ET LE DROIT DE LA CONCURRENCE



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Transcription:

LE GROUPE DES SOCIETES ET LE DROIT DE LA CONCURRENCE Wajdi KOSSENTINI Avocat Stagiaire INTRODUCTION 1- «Le groupe de sociétés ne peut avoir de finalité contraire à la loi, telle que celle d éluder l impôt ou l atteinte aux règles de la concurrence» 1. Le législateur n a pas manqué d en rappeler la règle ; tant que le groupe de société de part sa définition même devrait permettre d éluder l application de certaines règles jugées contraignantes, notamment celles de la libre concurrence. En effet, la reconnaissance juridique de ce phénomène d ordre économique, à travers la définition légale du groupe de sociétés en tant qu un ensemble de sociétés liées par des intérêts communs en vertu desquels l une d elles dite société mère tient les autres sous son pouvoir et y exerce son contrôle, assurant ainsi une unité de décision, n est pas sans effet sur la mise en œuvre des règles gouvernant la libre concurrence. 2 - L annonce explicite de cette règle par notre législateur repose une réalité certaine à savoir que tout groupe de sociétés implique en fait une convergence des objectifs et une centralisation du pouvoir de décision qui se traduisent par une «unité des décision économiques». Deux facteurs doivent ainsi, être retenus pour reconnaître un groupe de sociétés : -L unité de décision économique qui résulte de la structure, -Le contrôle exercé par la société mère sur les choix stratégiques des sociétés appartenant au groupe sur le marché. 3 - Le droit de la libre concurrence ayant comme objectif l instauration d une concurrence que n entravent pas des pratiques dites 1 Article 464 de la loi n 2001-117 du 6 décembre 2001. 328

anticoncurrentielles consistant notamment dans les ententes illicites et les abus de domination, ne serait pas indifférent face à ce phénomène de concentration économique que représente le groupe de sociétés. Outre, le contrôle «des comportements», la loi du 29 juillet 1991 tel que modifiée par la loi n 95-42 du 24 avril 1995 s est aussi intéressée «aux dimensions» des entreprises. Certes, une différence d esprit anime ces deux séries de dispositions ; un droit de la concentration qui s adresse «aux structures» des intervenants sur le marché, et un droit de la compétition qui visent les «comportements» des différents intervenants sur ledit marché. Seulement droit de la concentration et droit de la compétition contribuent collectivement à encadrer toute opération de concentration économique 2. 4 -L adoption d une structure de groupe devrait impliquer un double effet quant à la mise en œuvre des règles de la libre concurrence. En effet, si un tel choix constitue une cause d application du droit de la concentration (I) il est censé mettre en échec au moins en partie les règles qui gouvernent la compétition économique (II). PREMIERE PARTIE LE GROUPE DE SOCIETES : UNE CONCENTRATION ECONOMIQUE CONTROLABLE 5 - A la différence du contrôle des comportements, confiés au conseil de la concurrence et au juge, la responsabilité du contrôle concurrentiel des structures économiques relève principalement du ministre chargé du commerce 3. 6- Le mécanisme mis en place dans l article 7 de la loi du 29 juillet 1991 tel qu il a été modifié en 1995, n a pas pour objet d interdire les concentrations d entreprises, lesquelles sont le plus souvent utiles pour permettre une restructuration des secteurs industriels et commerciaux, ainsi que pour favoriser des accroissements de 2 3 C. CHAMPAUD, «Les méthodes de groupement des sociétés», R.T.D.com 1967, p. 1004. Les articles de la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix. 329

productivité, et une amélioration de la compétitivité internationale. Il vise seulement à éviter les effets nocifs que certains regroupements sont susceptibles d avoir sur la concurrence. Les dispositions sur la concentration économique ont donc essentiellement une finalité préventive 4 destinée à éviter l apparition de structures dont les inconvénients pour la concurrence dépassent les avantages offerts sur le plan économique 5. A- LES CONDITIONS DE CONTROLABILITE : 7- La loi du 29 juillet 1991 subordonne le contrôle de toute concentration à trois conditions cumulatives 6. La concentration doit résulter d une opération juridique prédéfinie, présentant une certaine importance, et de nature à porter atteinte à la concurrence. 1) Les opérations soumises à contrôle. 8- L article 7 de la loi relative à la concurrence et aux prix vise, qu elle qu en soit la forme, tout acte qui emporte transfert de propriété ou de jouissance de tout ou partie de bien, droit ou obligations d une entreprise (fusion, prise de participation, apport d actifs, création de filiales communes ) ayant pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d entreprises d exercer directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante 7. 9- A cet égard, on doit noter que notre législateur retient une définition plus restrictive de la notion de concentration par rapport à son homologue français qui vise outre les opérations de transfert de propriété ou de jouissance de biens ou droits d une entreprise, les hypothèses 4 5 6 7 J.B. Blaise, «droit des affaires», L.G.D.J. 1999, p.452 n 842 et s. C.Champaud, «Le contrôle des concentrations en France depuis 1977», RTD. Com 1980, p.421 ; D. Martin, les restructurations financières d entreprises face au contrôle préventif des concentrations de droit français Article 7 de la loi du 29 juillet 1991 précitée. Sur cette notion, voir, Mémento pratique Francis Lefebvre, concurrence consommation 2000, n 602 et s. 330

d établissement de liaisons financières entre deux sociétés, les contrats de sous-traitance, la distribution sélective, 2) Les seuils de contrôlabilité 10- Les opérations de concentration ne sont contrôlables qu audessus d un certain seuil. Des limites précisées en termes de seuils cumulatifs interviennent quant aux possibilités de contrôle. 2.1- Un seuil en parts de marché 11- Les entreprises concernées doivent avoir réalisé ensemble plus de 30 % des ventes, achats ou toutes autres transactions sur le marché intérieur pour des biens produits ou services substituables, ou sur une partie substantielle de ce marché. Les marchés affectés étant ceux où opèrent les entreprises parties à la concentration. Il devra s agir des parts de marché en Tunisie 8. 12- Les parties à l opération doivent aussi fournir leurs parts de marché, pour les marchés connexes, en aval ou en amont à celui ou à ceux affectés directement par l opération de concentration. 2.2- Un seuil en chiffre d affaires 13- Les entreprises concernées doivent avoir totalisé un chiffre d affaires hors taxe de plus de trois millions de dinars 9. Le chiffre d affaires à prendre en compte est celui réalisé sur le marché national par les entreprises concernées et s entend de la différence entre le chiffre d affaires hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations directes ou indirectes à l étranger. 8 9 Article 7 précité Décret n 95-1215 du 10 juillet 1995, fixant le montant de la part du chiffre d affaires global réalisé sur le marché intérieur par des entreprises qui demeurent soumises à un contrôle préalable lorsqu elles sont concernées par un projet ou une opération de concentration. 331

14- Il s agit du chiffre d affaires toutes activités confondues et non du chiffre d affaires sur les marchés affectés par l opération. La période de référence est celle du dernier exercice comptable clos. 3) Atteinte à la concurrence. 15- Pour être soumise à contrôle, l opération en cause ne doit pas seulement répondre aux conditions de définition et de seuil qui viennent d être analysées, il faut encore que la concentration soit de nature à porter atteinte à la concurrence 10. L article 7 al 2 dispose ainsi que «tout projet ou opération de concentration de nature à créer une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de ce marché, doit être soumis à l accord du ministre chargé du commerce». Cet alinéa met en lumière la différence des buts poursuivis par le contrôle des concentrations et celui de l abus de position dominante. Le premier autorise les pouvoirs publics à intervenir à l égard des structures qui, en dehors de tout abus de la part des entreprises concernées, peuvent avoir des effets préjudiciables pour l économie. Le second permet au conseil de la concurrence de sanctionner les comportements abusifs susceptibles de résulter de cette concentration. 16- On en déduit que l instauration d un contrôle des concentrations économiques, ne s appliquant qu au dessus d un certain seuil ne veut pas dire pour autant que les concentrations anticoncurrentielles inférieures à ces seuils mais affectant la libre concurrence sur un marché, sont sans contrôle. Celles-ci pourraient être sanctionnées si elles se révélaient constituer des ententes anticoncurrentielles ou des abus de position dominante. B- AUTORISATION PREALABLE. 17- Le dispositif contenu dans la loi de 1991 réserve à l administration un monopole sur la surveillance des opérations de concentration 11. Notons à cet égard que l administration jouit d un 10 11 M. Chantal Boutard Labarde, Guy Canivert, «Droit français de la concurrence», LGDJ, 1994, p.122, n 160 ; F- Jenny, Conférence sur l atteinte à la concurrence en Paris le 28 juin 1993. Article 7 al2 de la loi de 29 juillet 1991 332

pouvoir discrétionnaire de contrôle n ayant comme limites que la fixation des seuils quantitatifs, légaux en dessous desquels la concentration n est pas contrôlable. 1) L obligation de notifier l opération ou le projet de concentration au ministre chargé du commerce. 18- L article 8 de la loi relative à la concurrence et aux prix prévoit l obligation pour toute entreprise concernée par une opération de concentration, de notifier cette opération, soit au stade du projet, soit au maximum dans les 15 jours qui suivent la date à laquelle l opération a acquis un caractère définitif sur le plan juridique. 19- Le législateur a prévu cette obligation de notification pour toute entreprise partie à l acte de concentration et toutes celles qui leur sont économiquement liées. 20- Les différentes pièces qui doivent constituer le dossier de notification sont décrites à l article 8 de la loi du 29 juillet 1991 12. 21- L intérêt pour une entreprise de déclencher elle-même la procédure de contrôle réside dans la garantie des délais : en cas de notification, le silence de l administration pendant trois mois vaut décision tacite d acceptation et par la même autorisation implicite du projet ou de l opération 13. 22- Il est prévu par ailleurs que la notification peut être assortie d engagements, ces engagements pouvant faciliter l appréciation de 12 13 une copie de l acte ou du projet d acte, une note sur les conséquences attendues de cette opération, la liste des dirigeants et des principaux actionnaires ou associés des entreprises parties à l acte ou qui en sont l objet, les comptes annuels des 3 derniers exercices des entreprises concernées et les parts de marché de chaque société intéressée, la liste des entreprises filiales, avec indication du montant de la participation au capital, la liste des entreprises qui leur sont économiquement liées au regard de l opération de concentration, copie des rapports des commissions aux comptes, un rapport sur l économie du projet de concentration. Article 8 al 3 de la loi précitée. 333

l opération en termes de bilan économique et contrebalancer les inconvénients liés aux restrictions de concurrence découlant de la concentration. A noter que la décision tacite d acceptation vaut pour l opération elle-même comme pour les engagements éventuellement proposés par les entreprises en cause. 23- Le pouvoir de décision appartient à l autorité ministérielle (ministre du commerce et ministre dont relève le secteur concerné). Cela dit, aucune motivation précise de la décision prise par le ministre du commerce n est exigée par la loi de 1991. c est le tribunal administratif qui est compétent pour connaître de l annulation, pour excès de pouvoir des décisions de refus d octroi de l autorisation émanant du ministre du commerce. 2) Avis du conseil de la concurrence : 24- Le ministre chargé du commerce peut, s il le juge nécessaire, soumettre le projet de concentration à l avis du conseil de la concurrence. Dans cette hypothèse il avise les parties concernées de cette saisine et le délai de réponse prévue dans l article 8 est portée de 3 à 6 mois 14. 25- Le conseil de la concurrence est habilité pour indiquer au ministre chargé du commerce les mesures qu il y a lieu de prendre. Toutefois, l avis du conseil n est que consultatif, le pouvoir discrétionnaire de l administration ne souffrent d aucune limite. Il s agit donc d un avis consultatif et facultatif. 26- En cas du non-respect de l obligation de notification comme dans le cas où une entreprise ne se conformerait pas aux engagements fournis à l appui du dossier de notification, ou aux prescriptions formulées par le ministre du commerce, les parties concernées sont passibles d une sanction pécuniaire dont le montant ne peut dépasser 5% du chiffre d affaires hors taxes réalisé sur le marché national par les opérateurs concernés au cours de l exercice comptable écoulé 15. 14 15 Article 9 al 4 Ibid Article 42 Ibid 334

DEUXIEME PARTIE L IMMUNITE DES PRATIQUES CONCERTEES INTRAGROUPE 27- L unité de décision, élément caractéristique des rapports intra-groupe, implique en fait la conclusion des accords entre les sociétés du groupe réduisant d une manière ou d une autre le libre jeu de la concurrence au sein dudit groupe. Fallait-il qualifier ces accords d'ententes ou au contraire faire prévaloir l'unité du groupe? 28- La reconnaissance légale de l intérêt commun des différentes sociétés composant le groupe devrait constituer un facteur d immunité des accords intragroupe contre les règles prohibant les ententes illicites. En effet, le contrôle exercé par la société mère et l unité décisionnelle que mène cette dernière, seront incompatibles avec une interdiction de principe de toute action concertée entre les membres dudit groupe. La consécration de «l intérêt commun» des différentes sociétés composantes du groupe suppose de sacrifier une certaine proportion de la concurrence au sein même du groupe 16. 16 Louis Vogel, «Droit de la concurrence et concentration économique», Econo. 1988, p.62, n 44, «Caractérise par l existence de relations de contrôle entre personnes juridiques distinctes, le groupe de société constitue une manifestation du degré de concentration d un marché. Dans tous les systèmes juridiques observés, le groupe tend à être considéré comme un facteur d immunité des comportements anticoncurrentiels coordonnés entre ses membres». 335

A Les accords intragroupe : une exemption légale du droit des ententes 17. 29- Les dispositions du premier alinéa de l article 5 de la loi du 29 juillet 1991 prohibent les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. 30- Cet article sanctionne les ententes horizontales entre des entreprises opérant sur le même marché et ayant pour but de fixer de façon coordonnée les prix facturés aux consommateurs. Outre les pratiques par lesquelles des entreprises déterminent en commun leur stratégie en matière de prix méconnaissant ainsi la condition d autonomie de décisions qui doit prévaloir sur un marché concurrentiel, plusieurs pratiques concertées pourront avoir pour objet ou pour effet de limiter l accès de nouveaux compétiteurs au marché ou le maintien sur celui-ci de certains opérateurs. 31- L article 5 de la loi du 29 juillet 1991 qui prohibe les conventions ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence, est applicable non seulement aux actions concertées qui peuvent être le fait de concurrents potentiels, mais aussi aux relations qui peuvent s instaurer entre des agents économiques qui se situent à des stades différents du processus de production et de commercialisation, telles notamment les conventions liant un producteur ou un fabricant à ses distributeurs. 32- Ayant définit le groupe de sociétés comme l ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité Juridique, mais liées par des 17 L entente est un concours de volontés entre entreprises suffisamment indépendantes les unes par rapport aux autres pour pouvoir décider de manière autonome de leur comportement sur le marché V. en ce sens, Rapport de la commission de la concurrence française pour 1980, p.223 : «toutes les ententes supposent un concours de volontés quelle que soit la forme de cet accord, même s il ne se formalise pas réellement. La démonstration ou la conviction qu il y a eu un concours de volontés entre des personnes physiques ou morales juridiquement ou économiquement distinctes est une condition absolue de toute incrimination.» 336

intérêts communs, en vertu desquels l une d elles, dite société mère, tient les autres sous son pouvoir de droit ou de fait et y exerce son contrôle assurant ainsi une unité de décision, notre législateur admet la licéité de principe des pratiques concertées au sein du groupe. En effet, la reconnaissance juridique d un «intérêt du groupe» qui devrait justifier l unité décisionnelle justifie parfaitement la limitation de la concurrence interne au sein du groupe 18. Seulement, la loi n 2001-117, en interdisant au groupe de société d avoir comme finalité de porter atteinte aux règles de la concurrence exige que le groupement soit réel et effectif. Trois éléments cumulatifs permettent d apprécier la licéité du groupement et par la même l exemption des accords intragroupe au regard du droit des ententes : - des intérêts communs - un contrôle effectif exercé par la société mère sur les sociétés membres. - une unité de décision. La réunion de ces 3 éléments permet de soustraire le comportement interne au groupe de l empire des règles relatives aux ententes. 33- On en déduit l'impossibilité d'un accord ou d'une pratique concertée entre entreprises, au sens de l'article 5 sus-mentionné, lorsque celles-ci se trouvent dans un rapport de dépendance économique 19. 34- Si les entreprises forment une unité économique à l'intérieur de laquelle la filiale ne jouit pas d'une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d'action sur le marché, les accords ou pratiques intragroupe ayant pour but d'établir une répartition interne des taches entre les entreprises ne relèvent pas du droit des ententes. De ce qui précède, il résulte logiquement qu une entente ne peut être constituée 18 19 En ce sens que la qualification d entente suppose l existence d un concours de volontés émanant d entreprises qui disposent d une autonomie de décision relativement à leur comportement sur le marché. L. Vogel, «définition et preuve de l entente en droit français de la concurrence», J.C.P. 1991 éd. E.I. 96 n 16 et s ; B. Edelman, «Abas le droit du travail, vive la concurrence» ; D. 1992, Chrom1 337

qu entre entreprises suffisamment indépendantes les unes par rapport aux autres pour décider de leur comportement sur le marché de façon autonome. 35- Or, la concurrence interne existant entre membres d un groupe parties ne constitue que l'un des aspects de la concurrence. On s accorde sur la nécessité de prendre également en considération les effets anticoncurrentiels qu'un accord est susceptible de produire à l'égard des tiers: La seule constatation de l'absence d'atteinte à la concurrence interne ne pouvait donc suffire à fonder l'inapplicabilité de la réglementation des ententes, c est donc l absence d une possibilité de restriction de concurrence externe qui semble justifier la solution 2) Les limites de l exemption du droit des ententes aux accords intragroupe 36- L immunité qu on pourrait reconnaître aux accords intragroupe semble être une immunité conditionnelle et aux frontières imprécises. Si l exigence d un lien de dépendance entre la filiale et la société mère paraît être toujours requis, il apparaît cependant peu probable que la condition soit suffisante. Encore faut -il que la dépendance soit effective?. A cet égard, de simples liens financiers ou d affiliation ne suffisent pas. Il convient d examiner concrètement l existence d une autonome commerciale et financière réciproque et suffisante, assurant aux entreprises une indépendance de décision en matière économique. 2.1 La condition de dépendance effective 37- L article 5 de la loi du 29 juillet 1991 ne sera déclaré inapplicable qu à la condition que la filiale se trouve dans une situation de dépendance complète à l égard de la société mère. 38- Dans le cas où les sociétés filiales agissaient dans la dépendance exclusive et complète de leur société mère, et que cette société exerce effectivement son pouvoir de contrôle en leur adressant des instructions précises et qu il leur est impossible de se comporter d une manière indépendante les unes vis-à-vis des autres dans les 338

domaines réglés par la société mère, l absence de tout accord de volonté condition préliminaire de toute entente illicite sera établie. 39- La relation de dépendance liant la filiale à la société mère comporte deux éléments constitutifs : une condition de structure, la dépendance de la filiale ; une condition de comportement, l exercice effectif de son pouvoir de contrôle par la société mère à l égard de la filiale. 40- En soulignant l absence d «autonomie économique» ou d «autonomie réelle» de la filiale par rapport à la société mère, la pratique de contrôle en droit français semble en effet indiquer que la constatation de la dépendance de la filiale doit être effectuée «in concreto» en tenant compte de l ensemble des indices susceptibles de fonder le pouvoir de contrôle de la société mère. 41- La condition d'exercice effectif par la société mère de son pouvoir de contrôle sur sa filiale semble devoir être interprétée de façon relativement large ; Dès lors qu'il est établi que la politique générale dans laquelle s'inscrit l'accord relève effectivement de la compétence de la société mère, l'exercice du pouvoir de contrôle est présumé. L exercice effectif du pouvoir de contrôle semblent pouvoir être présumé à partir de la seule constatation de la situation de dépendance de la filiale ou de la société contrôlée. 42- Une participation minoritaire au capital social d'une entreprise peut dans certaines circonstances fonder un pouvoir de contrôle, si par son poids sur le marché et par les postes d'administrateurs dont elle dispose dans sa filiale, la société mère est en mesure de contrôler les décisions de gestion importantes de cette filiale. 2-2 L exigence d une absence d effets anticoncurrentiels à l égard des tiers : 43- Il serait admissible de considérer l applicabilité de l interdiction établie par l article 5, lorsque les accords entre les entreprises du groupe, au lieu de se borner a régir les rapports internes, 339

tendent à introduire des restrictions pour des tiers, en mettant des obstacles à leurs possibilités de commerce et de concurrence 20. 44- A cet égard, on doit noter qu il est difficile sinon impossible d'établir une censure entre des comportements tendant uniquement à établir une répartition interne des tâches entre les entreprises et ceux produisant des effets restrictifs sur les tiers, dans la mesure où les accords visant à organiser les rapports internes au groupe constituent simultanément les instruments de la stratégie du groupe à l'égard des tiers 21. La liberté contractuelle et la liberté d entreprendre étant de principe, l intervention des règles de concurrence n est légitime qu en cas de dysfonctionnement sérieux et effectif du marché. En ce sens que tout atteinte au processus concurrentiel n est pas interdite et qu il convient de déterminer un degré de concurrence juridiquement protégée. 45- Doit ainsi être exclu du bénéfice de l immunité, tout accord entre une société mère et une filiale qui a pour objet ou pour effet d entraîner à l égard des tiers une restriction de concurrence «non indispensable», c est-à-dire dépassant ce qui est nécessaire au bon fonctionnement du groupe. En effet, si l opération de concentration constitue un facteur essentiel si non déterminant de la domination, lorsque la position du groupe s identifie à une situation, de monopole ou de quasi-monopole, la domination pourrait être établie de la simple constatation de la taille du groupe. Tout monopole de droit ou de fait doit engendrer une position dominante 22. 20 21 22 Cet article prohibe ainsi différents types d ententes ou d actions concertées : celles qui ont un objet et un effet anticoncurrentiel, celles qui ont un objet anticoncurrentiel quel que soit leur objet, enfin celles qui recèlent une potentialité d effet anticoncurrentiel même si cet effet ne s est pas manifesté. J.J. Burst et R.Kovar, «Droit de la concurrence», Econ, 1981, p.222 ; R. Kovar, «le droit communautaire de la concurrence» et «la règle de raison», RTDE 1987, p237 ; L.Vogel, l influence du droit communautaire sur le «droit français de la concurrence», J.C.P. 1992, G.I. 3550. La position dominante caractérisée par le fait qu «elle permet à une entreprise ou à un groupe d entreprises non seulement de s affranchir des contraintes d une concurrence extérieure substantielle, mais aussi d imposer ses vues à ses concurrents ou ses conditions à ses fournisseurs ou à ses clients, faute que ces derniers disposent d alternatives suffisantes». cette notion juridique de domination trouve son origine dans la notion économique de monopole, qui définit la situation 340

46- Notant à cet égard que l abus de position dominante est prohibé dans les mêmes conditions que l entente. Ainsi, cette prohibition s applique lorsque les pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. 47- Pour qu il y ait abus de position dominante au sens de l alinéa 2 de l article 5, trois conditions doivent être réunies : L existence d une position dominante, une exploitation abusive de cette position et un objet ou un effet restrictif de concurrence sur un marché. 48- S agissant de l existence d une position dominante, son appréciation passe inévitablement par une définition préalable du marché pertinent, ce qui impose de mesurer le degré de substantialité des produits ou services substituabilité de constituer ledit marché. 49- L opération de concentration ne permet pas de conclure à elle seule à l existence d une position dominante caractérisée par la détention d une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d une concurrence effective sur le marché en cause en lui permettant de se soustraire dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs et de mener ainsi un comportement indépendant. A l inverse, une part de marché réduite semble à elle seule suffire à écarter toute possibilité de domination par le groupement des sociétés. Le groupement de société semble donc constituer un bon indice de la domination, dans la mesure où il exprime l asymétrie entre la taille de l entreprise dominante et celle de ses concurrents. 50- Quant aux abus sanctionnés, il importe de relever que la notion d abus de position dominante recouvre deux notions différentes : d une part, les abus illicites par eux-mêmes, il s agit des comportements qui contreviennent déjà à une définition juridique. Relèvent notamment de cette catégorie les pratiques énumérées dans le deuxième alinéa de l article 5 de la loi, d autre part, certains comportements ne sont abusifs d un marché sur lequel la concurrence n existe pas du coté de l offre car il ne s y présente qu un seul vendeur. 341

que par ce qu il émanent d une entreprise occupant une position dominante sur le marché. D une manière générale, sont considérés comme abusifs tous les comportements excédant les limites d une concurrence normale de la part d une entreprise en position dominante et qui ne trouvent d autres justifications que l élimination des concurrents ou l obtention d avantages injustifiés. 51- Enfin, l infraction d abus de position dominante, ne peut être constituée que s il y a un lien de causalité entre le pouvoir de domination et l abus qui lui est imputé engendrant un effet restrictif de la concurrence. 52- Seulement l adoption d une structure de groupe n implique pas nécessairement un état de domination. Des critères supplémentaires sont souvent requis dans la pratique de contrôle en sus de l importance de la part du marché 23. Les facteurs ou les indices supplémentaires pris en compte pour établir l existence d une position dominante sont généralement répartis en trois familles de critères : Les critères de «structure» 24, les critères de «comportement» 25 et les critères de «performance» 26. 53- Les critères de comportement apparaissent en fait beaucoup plus significatifs. Ils peuvent être appréhendés soit comme des indices, soit comme des facteurs de la domination notamment de la société mère. Certains types de comportements ne sauraient en effet être adoptés qu à la condition que l entreprise dispose de suffisamment de puissance 23 24 25 26 L. Vogel, ouv- préci. P.112, n 130 ets. Les critères de «structure» se réfèrent aux caractéristiques stables du marché qui ne dépendent pas des actions à court terme du groupe. En dehors du degré de concentration du marché les critères structurels comprennent essentiellement les «barrières à l entrée» («entry barriers») que peuvent rencontrer les concurrents de l entreprise dominante. Les critères de «comportement» tendent à établir le pouvoir de domination de l entreprise à partir de sa stratégie de marché ; ils visent les pratiques de collusion, de prédation ou d exclusion tendant à exprimer, à maintenir ou à renforcer la domination de l entreprise sur le marché concerné Les critères de «performance» permettent d établir l existence de la domination à partir du mauvais fonctionnement du marché, manifesté notamment par la hausse des prix ou l augmentation du taux de profit de l entreprise dominante. 342

économique pour les imposer aux autres participants au marché ou seraient irrationnels si leur auteur ne se trouvait pas dans une position de domination. 54- Contrairement à la détention d une part de marché prédominante que l ensemble des systèmes juridiques tendent à assimiler à une situation de domination, il semble que les autres critères ne pourraient jamais à eux seuls ni chacun de façon séparée constituer le fondement d une position dominante. Ne possédant aucune valeur propre, les indices complémentaires doivent être interprétés à la lumière de la position occupée par l entreprise sur le marché. Lorsque le degré de concentration du marché réalisé par le groupement de société est relativement important, la constatation d un indice défavorable à l hypothèse de domination ne paraît pas de nature à renverser la présomption établie à partir de l importance de la part de marché. - Dans les hypothèses d exercice vertical du pouvoir de domination, c est-à-dire de l offreur à l encontre du demandeur ou inversement, le degré de concentration du marché sur lequel se situe l entreprise dominante ne constitue en définitive qu un indicateur très imparfait du pouvoir de domination. Pour obtenir une image fidèle du pouvoir de l entreprise, il faut le comparer à celui de son partenaire 27. 56- L ensemble des systèmes juridiques tendent à reconnaître que la domination d une entreprise peut être établie à partir de la constatation de la dépendance de ses partenaires. 27 La pratique du contrôle révèle-t-elle dans ce cas un transfert progressif de l analyse juridique de la sphère de l entreprise dominante vers celle des entreprises dominées. Lorsque l inversion de la figure est parfaite, l appréciation de la dépendance se trouve substituée à celle de la domination. Il y a en quelque sorte «bilatéralisation» de la règle. La position dominante n est plus établie à partir d indices démontrant la réalité du pouvoir d action positif d une entreprise mais est inférée de l état de dépendance dans lequel se trouvent ses clients ou fournisseurs. L appréciation juridique étant déplacée du champ des structures vers celui des relations, la concentration du marché devient alors une condition indifférente à la domination. Le groupe de société en soi est une condition indifférente à la domination. 343

57- Le conseil de la concurrence avait adopté une position plus nuancée dans la mesure où il semblait alternativement définir la position dominante détenue par une entreprise par référence à l absence de concurrence subsistant sur le marché ou le défaut d «alternatives suffisantes» offertes à ses clients ou à ses fournisseurs. Le simple fait de détenir des parts important de marché ne suffit pas à lui seul à caractériser un abus de position dominante 28. 58- Cette analyse devrait permettre aux autorités de contrôle de contrôler les comportements d offres ou de demandes discriminatoires émanant d entreprises ou de groupes d entreprises qui, sans détenir une position dominante sont en raison de leur poids sur le marché, des partenaires obligés soit pour leurs fournisseurs, soit pour leurs clients. 59- Si à la suite d une opération de concentration, des faits caractérisant une exploitation abusive de la position dominante occupée par le groupe sur le marché ont été établis 29, les dispositions de l article 5 alinéa 3 devraient permettre d imposer au groupe de sociétés en cause de modifier, compléter ou résilier dans un délai déterminé tous accords et tous actes par lesquels s est réalisée la concentration économique qui a permis les abus même si ces actes ont fait l objet de l autorisation du ministre du commerce. 28 29 Décision du Conseil de la concurrence, Aff. N 95/2 du 25 mai 1995 aff-groupe Pollina, in Rapport du Conseil, 1995. Dans sa décision rendue le 20 octobre 1994 la commission de la concurrence a pi affirmé que la simple détention d une position dominante sur un marché ne suffit pas pour la mise en œuvre de l article 5 de la loi du 29 juillet 1991, encore fait il prouver l exploitation abusive d une telle domination ; V. aff. N 93/6 du 20 octobre 1994. Mme J. Meubak/ Sté des viandes. 344