Quel est l état de l art des technologies de batteries et les perspectives? Vendredi 10 Décembre 2010 de 9h à 10h Board Meeting Lors de ce webinar d'une heure, nous aborderons les points suivants avec de nombreux professionnels de l'énergie solaire, du stockage de l'énergie et de la technologie des batteries : En quoi la sécurité et le vieillissement des batteries sont-ils des critères aussi importants que leurs performances? Quel type de batteries associe performances et sécurité? Les batteries et le stockage de l'énergie Intervenant : Alain MAUGER, Directeur de recherche science des matériaux pour batteries au lithium au CNRS Les slides de la présentation sont disponibles sur le site d Agrion, pour plus de détails quant aux compositions chimiques évoquées. Alain Mauger CNRS La présentation d Alain Mauger passera en revue des différents types de batteries lithium (Li), qui restent les plus performantes à l heure actuelle, mis à part certains usages spécifiques. Les batteries sont composées de trois éléments clés : une cathode, une anone et des électrolytes. Ces composants peuvent être composés avec différentes substances et avec des procédés distincts. 1
Les cathodes Les batteries au lithium ont d abord étés conçues avec des cathodes conçues avec des composés lamellaires comme élément actif. C est une composition stable, bien que les électrolytes ne résistent pas assez à la charge. Des essais ont étés faits avec du Cobalt (LiCoO 2, instable), du Nikel (LiNiO 2 ), mais les mélanges entre le Nikel et le lithium engendrent une perte d efficacité), un mélange cobalt, nickel manganèse, pour éliminer les impuretés. Le mélange de ces divers éléments a permis d arriver à des compositions stables, évitant en grande partie les impuretés ; mais la stabilité thermique reste très insuffisante, et la longévité de la batterie est trop réduite. Ce type de cathodes conçues sur des composés lamellaires est donc inadapté pour les véhicules électriques. Les composés spinel ont étés et sont encore envisagés comme une alternative notamment par des constructeurs asiatiques. Alain Mauger précise les dangers d une telle technologie, et déconseille fortement son développement. En effet, les batteries construites sur ce principe vieillissent mal, et surtout sont extrêmement inflammables en cas de court-circuit. le matériau qui apparaît le plus stable une cathode lithium-fer-phosphate dans une structure Olivine, qui offre une excellente stabilité thermique, une bonne puissance et qui ne vieillit pas (pendant environ 30 000 cycles de recharges). Les anodes La majorité des anodes disponibles sur le marché sont faites en graphite. Cette solution fonctionne, possède une bonne capacité à emmagasiner le lithium, mais on constate la formation de SEI (solidelectrolyte interface). D autres pistes sont étudiées : Des anodes en silicium, qui nécessitent une très longue charge, et développent une puissance trop faible pour une application aux transports. Le Titanate, qui a les avantages de ne pas se dilater lors de l insertion de lithium, et de ne pas vieillir sous l effet des cycles de charge/décharge. Il a par contre le désavantage de diminuer de 1.5 V le voltage de la batterie. L utilisation du lithium pour les anodes, qui présente de gros risques d inflammation, et la formation de dendrites générant un court-circuit avec la cathode et la destruction de la batterie. De plus, la quantité de lithium requise est trop importante pour une exploitation industrielle. Enfin, la recherche explore également des solutions de combinaisons comme le lithium-air ou le lithium-souffre, mais cela reste au niveau de la recherche fondamentale, sans application à un processus industriel possible à court ou moyen terme pour des usages demandant une forte puissance. 2
Les électrolytes Ce sont en majorité des liquides organiques (des carbonates), pour le marché des véhicules électriques, car ils fournissent une meilleure conductivité ionique. Le sel le plus utilisé est le LiPF 6 qui assure une bonne conductivité ionique et à l avantage de ne pas attaquer l aluminium du collecteur. La batterie de 2015 C est sans doute la LiFePO 4 (Lithium-fer-phosphate) qui dominera le marché, simplement parce qu à l heure actuelle, aucun concurrent ne se positionne. Pour les anodes, le Titanate devrait s imposer, sauf pour des applications spécifiques demandant plus d'énergie, dans quel cas le graphite sera difficilement remplaçable. En ce qui concerne les électrolytes, on attend d importants progrès, notamment par l ajout de liquides ioniques (30% dans le liquide organique) pour réduire le risque d inflammation sans affecter la conductivité ionique. Certains modèles de véhicules équipés de ces batteries LiFePO 4 ont étés présentés dès 2010, Avec une autonomie relativement faible (entre 30 et 50km), mais une charge complète réalisée en 5 min. Les agents liants (binder), qui permettent d agglomérer les nanoparticules de poudre sur la cathode, s amélioreront également par le remplacement de substances organiques (PvdF) par des composants plus écologiques solubles dans l'eau, et plus performants (élastomères). Au-delà de l échelle de 5 ans, plusieurs pistes de recherche sont déjà ouvertes (notamment l utilisation du Sodium à la place du Lithium), mais restent très incertaines. La Sécurité Les problèmes de sécurité concernant les batteries sont principalement liés à leur capacité à s enflammer ou à exploser. Dans ce cas, le danger pour la santé humaine est important. Une batterie de voiture, telle que celles qui vont être mises prochainement sur le marché, d environ 50kWh en feu dégage 6 kgs d'acide fluoridrique et surtout de PxOy, dont les vapeurs peuvent être létales à très faibles dose. Ces vapeurs peuvent être létales à très faibles doses (83mg/m3) alors un dégagement de 6kg pose évidemment de très importants problèmes. C est une raison de plus, selon Alain Mauger, de privilégier le développement des batteries LiFePO 4, qui présente moins de risques que les autres technologies. Ce problème devient un enjeu majeur pour les constructeurs automobiles. 3
Répartition des ressources pour le marché des batteries Ressources en lithium On ne dispose pas de ressources de Lithium partout dans le monde, ce qui va devenir un enjeu important dans la mesure où c est la ressource principale et nécessaire au développement du marché des batteries et donc du véhicule électrique. Les pays qui disposent d importantes ressources sont la Chine, le Chili, la Bolivie et l Australie. L Afghanistan en possède également, mais les conditions géopolitiques empêchent de prendre en compte ces ressources. Du fait que ces ressources sont limitées, une utilisation raisonnable est indispensable, et des choix de développement sont à faire. Alain Mauger privilégie donc l utilisation du lithium pour les véhicules électriques, et parmi ces véhicules, il conviendrait de favoriser ceux qui sont destinés à une majorité de courts-trajets. Les utilisations «statiques» devraient choisir d autres modèles peut-être choisir d'autres types de batterie si on veut éviter de faire du lithium un produit spéculatif. Répartition des usines L image d un marché global avec une implantation des usines demandeuses de main-d œuvre par exemple en Chine peut paraître naturelle. Cependant la question du respect des contrats et des licences peut freiner la construction d une relation commerciale saine, de plus, il existe des volontés politiques d indépendance énergétique ; par conséquent, concentrer la fabrication de batteries dans un géant industriel comme la Chine peut être un problème important pour ses partenaires commerciaux. En termes de coûts, la fabrication d une cellule est autour de 3.6$ à l unité en Chine. Une usine automatisée peut rivaliser avec des usines plus consommatrices en main d œuvre, si elles atteignent une taille suffisante, comprenant environ 10 lignes de production, produisant chacune 300 000 batteries par an (projet actuellement mis en place aux Etats-Unis). A un niveau européen, il n existe pas encore de projet de cette dimension. L Europe est pourtant presque la seule échelle valable pour obtenir un coût attractif sur ce marché, plutôt que des usines construites dans chaque pays, à une échelle forcément plus réduite. Questions : Comment gérer le recyclage des batteries? C est encore un point sur lequel des progrès restent à faire. On envisage des usages «autres» que la réutilisation pour des véhicules électriques. Cependant, les chimistes ont le temps de faire les progrès nécessaires pour le recyclage, dans la mesure où les batteries commencent à être conçues avec une durée de vie supérieure à celle du véhicule. 4
À l'heure actuelle, nous n'avons que peu de données sur l'impact carbone de la fabrication des batteries elle-même". L'impact carbone à l'usage est celui la consommation électrique pour la charger et dépend donc de la source de l'électricité (nucléaire, thermique, hydraulique). Pourquoi ne pas mettre en avant l utilisation des polymères? Ce sont des problèmes liés à la dégradation des plaques du lithium, qui conduisent à des courtscircuits (et à la possibilité de s enflammer). Ces derniers peuvent survenir si les batteries sont utilisées avec des puissances de charge telles que celles requises par les voitures électriques. On a de plus l apparition d un «effet Branly», soit une augmentation de température très élevée si le revêtement de la cathode n est pas parfaitement homogène. Si cette technologie est malgré tout adoptée par différents constructeurs, c est en partie à cause du coût des brevets pour la propriété industrielle des batteries en LiFePO 4. Il y a donc un problème de puissance et de sécurité. Cependant, cette technologie reste pertinente pour les vélos à assistance ou scooters électriques, ou encore certains véhicules hybrides. Pour le stockage d électricité (autour de 10mWh), quelles technologies utiliser, dans le domaine de l énergie photovoltaïque? Dans le cas de charges/décharges rapides? Pour ce type d utilisation, ce qui compte c est plus l énergie que la puissance. Il y a de fait une nécessité de stockage, mais le Li-on n est pas la seule possibilité. Les installations étant statiques, une solution alternative (y compris avec des batteries au plomb, au nikel ) sera aussi performante en étant meilleur marché. De plus, cela évitera d augmenter la demande en lithium au risque d en faire un marché spéculatif. A l heure actuelle, la technologie n arrive pas à concevoir des batteries Li-ion qui se charge ou décharge en quelques secondes. Le mieux que l'on sache faire aujourd'hui est une batterie Li-ion qui se charge/décharge en 5 minutes" (sur 30 000 cycles sans perte de capacité). Quel type de batterie associe de manière la plus optimale performance et sécurité? Pour Alain Mauger, ce serait une cathode en LiFePO 4, une anode (pour une sécurité maximale) en Titanate, ou en graphite. Ensuite, c est le besoin d énergie et de performance qui peut déterminer l arbitrage. Pour l électrolyte, on peut utiliser ce que nous avons déjà en liquides organiques, en rajoutant environ 30% de liquide ionique (la composition exacte n est pas encore fixée) pour supprimer la tension de vapeur de l'électrolyte et rendre ainsi la batterie ininflammable. 5