Croissance et développement de la parole



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Partie I -- Chapitre 2 27 Chapitre 2 Croissance et développement de la parole 2.1. INTRODUCTION Le développement de la parole requiert la maturation de plusieurs mécanismes qui concourent à la production et à la perception des unités phonologiques d une langue. Afin de brosser un tableau sommaire des transformations induites par la croissance, ce premier chapitre présente une revue théorique des conséquences du développement et de la croissance du jeune enfant jusqu à l âge adulte. Le remodelage anatomique, de même que le contrôle progressif des habiletés motrices et des capacités perceptuelles, seront décrits. L importance accordée à l exposé de chaque point reflète l abondance des travaux. Puisque toute théorie développementale doit constituer le prolongement de modèles d acquisition, nous accorderons une attention particulière aux premiers pas de la parole, période qui voit l émergence séquentielle du contrôle moteur. Notre objet d étude concerne néanmoins la période dite postlinguistique, c est-à-dire celle qui fait suite à l émergence des représentations phonologiques de la langue maternelle. 2.2. LA PRODUCTION DE LA PAROLE L étude des influences de la maturation des systèmes recrutés dans la production de la parole nécessite la référence à un modèle adéquat. Des théories diverses s appuient sur des prémisses variées, notamment en ce qui a trait à la partie de la tâche qui incombe au système périphérique par rapport au système central de planification, et proposent des schémas de

28 Partie I -- Chapitre 2 production qui héritent de ces considérations théoriques. Notre but n étant point de trancher en faveur de l un ou l autre de ces modèles, nous nous baserons sur un modèle exempt de considérations théoriques fortes. En conséquence, le schéma suivant, traduit et adapté d une représentation plus exhaustive de MUNHALL ET AL. (2000), nous semble approprié : Feedback auditif et somatosensoriel Planification de la trajectoire & génération des commandes motrices Modèle interne dynamique Commandes motrices Mouvement articulatoire Modèle interne cinématique Modèle interne acoustique Configuration du conduit vocal Signal acoustique Figure 2-1 Schéma partiel d'un modèle de production de la parole, adapté et traduit d un modèle plus exhaustif de MUNHALL ET AL. (2000 : 21). Le schéma précédent révèle la multiplicité des étapes impliquées dans la production de la parole. Il ressort également que le feedback auditif et sensoriel joue un rôle primordial dans le maintien du modèle interne établissant les liens sensori-moteurs exploités lors du processus de production en ligne de la parole. En nous basant sur ce modèle, nous proposons un état de l art visant à déterminer les influences développementales sur les différents stades d encodage. En premier lieu, les modifications anatomiques des structures qui composent le conduit vocal feront l objet de la prochaine section. Par la suite, un examen des manifestations, dans le signal acoustique, de ces changements, permettra de constater que ces seuls facteurs anatomiques ne peuvent rendre compte de l ensemble de la variabilité observée. Des facteurs d ordre moteur, permettant la génération des commandes et du mouvement

Partie I -- Chapitre 2 29 articulatoire, seront exposés à la section 2.5. Enfin, les capacités perceptuelles de la naissance à l âge adulte sont décrites dans une dernière section. 2.3. LES MODIFICATIONS ANATOMIQUES : LONGUEUR ET MORPHOLOGIE DU CONDUIT VOCAL Le conduit vocal de l adulte ne constitue pas une reproduction homothétique du conduit vocal du nouveau-né. Entre la naissance et la maturité, les différentes structures impliquées dans la production de la parole sont soumises à des rythmes de croissance variés, par le biais d une véritable anamorphose. Préalablement à une description de ce processus, nous situons, sur la Figure 2-2, les principales structures du conduit vocal dont il sera question au cours des prochains paragraphes. Trompe d Eustache Cavité nasale P alais dur Velum Cavité orale Langue Epiglotte M andibule Cavité pharyngale Os hyoïd e Cordes vocales Oesophage Trachée Figure 2-2 Coupe sagittale du conduit vocal d'un homme adulte (reproduction et traduction de KENT 1997 : 142).

30 Partie I -- Chapitre 2 2.3.1. LA CROISSANCE NON UNIFORME ET NON LINEAIRE DU CONDUIT VOCAL KENT ET MURRAY (1982) caractérisent les différences entre le conduit vocal du nouveau-né et celui de l adulte par 6 principaux points. Le nouveau-né, par rapport à l adulte, possède : une cavité pharyngale relativement courte ; un conduit vocal plus court ; une masse linguale relativement antérieure ; une courbure graduelle du conduit vocal, plutôt qu à angle droit ; un larynx en position élevée ; le contact du vélopharynx et de l épiglotte. la Figure 2-3. Les différentes structures sont représentées schématiquement pour le nouveau-né par 1 : Palais dur 2 : Palais mou (velum) 3 : Mandibule 4 : Langue 5 : Os hyoïde 6 : Epiglotte 7 : Larynx Figure 2-3 Coupe sagittale du conduit vocal d'un nouveau-né (reproduction et traduction de KENT 1997 : 145). Si l on attribue, à la suite de CHIBA ET KAJIYAMA (1941), le coefficient 1,0 à la longueur du conduit vocal de l homme adulte (16 cm), celui de l enfant se voit alors associé à un coefficient de 0,80 (garçon de 9 ans) et de 0,70 (fille de 8 ans), alors que celui de la femme (13 cm) correspond à un coefficient de 0,87. Au plan configurationnel, la croissance a été qualifiée de «non uniforme», en référence aux rythmes de développement différents, dans la dimension longitudinale, des deux cavités que constituent le pharynx et la cavité orale. La distance entre les incisives et la paroi pharyngale de l enfant de 8 ans est ainsi 30 % plus

Partie I -- Chapitre 2 31 petite que chez l homme, alors que la longueur du pharynx est réduite de 56 %. D après les données acoustiques, la longueur du pharynx (mesuré du velum à la glotte) et celle de la cavité buccale (mesurée des incisives à la paroi pharyngale) seraient respectivement de 8,5 cm et 8 cm pour l homme adulte, alors qu elles seraient de 6,2 cm et 6,7 cm pour la femme adulte. La Figure 2-4 représente les coupes sagittales typiques d un homme et d une femme adultes. Figure 2-4 Représentation schématique du conduit vocal d'un homme adulte (a) et d'une femme adulte (b) (reproduction de KENT 1997 : 144). En raison de la courbure particulière de son conduit vocal ainsi que des dimensions de ce dernier, le bébé, à la naissance, possède un conduit de forme plus similaire au primate qu à l homme. Si les dimensions relatives du conduit se rapprochent de l humain adulte vers l âge de 4 mois, la croissance des tissus osseux, de la langue et des cartilages du larynx se poursuit durant la première décennie de vie, à des rythmes propres pour chaque structure, selon les conclusions tirées des travaux de HIRANO ET AL. (1983), KENT (1984), POLGER ET WENG (1979) et STARK (1979) (cités dans KENT ET MIOLO 1995). Outre le caractère non uniforme de la croissance du conduit vocal, les auteurs discutent également de sa nature non linéaire. Cette caractéristique réfère à la présence de périodes de croissance très rapide (poussées de croissance), par rapport à l ensemble de la période de maturation. Ces poussées auraient lieu durant les cinq premières années de vie et à

32 Partie I -- Chapitre 2 la puberté (BECK 1996). Les différences sexuelles n apparaîtraient qu au cours de la seconde période, de la puberté jusqu à l âge adulte. 2.3.1.1. LE TRAVAIL DE GOLDSTEIN (1980) Les données anatomiques présentées ci-haut sont issues d observations de sources aussi diverses que les images cinéradiographiques, les moulages de cadavres, des mesures réelles, etc. Bien que les auteurs aient eu le souci de préciser les conséquences, pour la production de la parole, des différences anatomiques, force est de constater que les données sont encore bien parcellaires. Dans le but de rendre compte des relations entre données anatomiques, configurations articulatoires et acoustiques du conduit vocal de l enfant, de la femme et de l homme adulte, GOLDSTEIN (1980) propose un modèle articulatoire intégrant le modèle de la langue de MERMELSTEIN (1973), les structures mobiles étant contrôlées par 10 variables comportant 14 degrés de liberté. Bien que ce modèle complet permettant le passage des paramètres articulatoires aux valeurs formantiques ne soit pas basé sur une étude longitudinale de locuteurs, il représente néanmoins une impressionnante base de données sur les tendances générales de la croissance. Le recueil des données anatomiques a été effectué par le biais de l examen d images cinéradiographiques sagittales du conduit vocal, de tomographies ainsi que de dissection de cadavres. Ces images représentent la position au repos du conduit vocal, sans articulation. Une vingtaine de mesures ainsi recueillies ont été intégrées dans des courbes de croissance qui modélisent le plus fidèlement possible les poussées de croissance caractéristiques du développement squelettique et musculaire, c est-à-dire de la naissance jusqu à la première année de vie, et à l adolescence, plus précisément entre 10 et 14 ans. Nous ne retiendrons, pour notre propos, qu un certain nombre de dimensions. 2.3.1.1.1. DIMENSION LONGITUDINALE DU CONDUIT VOCAL D abord, la dimension horizontale du conduit vocal est estimée par la somme des dimensions de deux structures, représentées par la Figure 2-5. Le symbole ANSPNS réfère à la distance entre l épine nasale antérieure et l épine nasale postérieure. ATLPTM correspond à

Partie I -- Chapitre 2 33 la distance entre le tubercule antérieur de l atlas et la fissure ptérygomaxillaire (parallèle au plan horizontal de Frankfort) 1. ATLPTM ANSPNS Figure 2-5 Représentation des points de référence pour les dimensions de la cavité orale (reproduction de GOLDSTEIN 1980 : 54-58). En ce qui concerne la dimension ATLPTM, deux courbes linéaires d équation y = mx + b sont ajustées sur les données correspondant aux hommes et aux femmes. En revanche, la courbe de croissance associée à la structure ANSPNS est une double logistique, dont l évaluation des paramètres a été effectuée par la méthode des moindres carrés. L équation de cette dernière est la suivante : A y = + 1 + e B C²x D 1 + e E F²x Dans les deux cas, le paramètre x représente l âge, et les valeurs m, b, A, B, C, D, E, F varient selon le sexe 2. La Figure 2-6 illustre les fonctions ainsi obtenues, pour les dimensions ATLPTM et ANSPNS. 1 Afin de ne pas alourdir indûment l exposé, nous ne décrirons pas en détail ces termes, qui correspondent à des points de références anatomiques dans la mesure des dimensions. 2 GOLDSTEIN (1980) indique parfois qu un nombre réduit de points résulte en une courbe hypothétique.

34 Partie I -- Chapitre 2 Figure 2-6 Evolution des dimensions ATLPTM et ANSPNS, selon GOLDSTEIN (1980). Les valeurs croissantes de ALTPTM et ANSPNS permettent donc une mise à l échelle de la longueur de la cavité orale du conduit. La Figure 2-7 reproduit la position neutre du conduit vocal d une fillette de 8 ans. La hauteur de cette cavité orale, du palais aux incisives, est représentée par la hauteur du palais retranchée de 3 mm. L évolution du palais fera l objet de la section 2.3.4.2. ATLPTM ANSPNS Longueur de la cavité orale Figure 2-7 Représentation schématique de la longueur de la cavité orale du modèle de GOLDSTEIN (1980), pour une locutrice de 8 ans (reproduction et adaptation de GOLDSTEIN 1980 : 100).

Partie I -- Chapitre 2 35 La dimension verticale du conduit vocal (du palais au larynx) est représentée par la différence entre les dimensions de la Figure 2-8. SNHY réfère à la distance entre la ligne sellanasion et le centre de la hauteur de l os hyoïde, perpendiculaire au plan de Frankfort horizontal. SNPNS représente la distance entre la ligne sella-nasion et l épine postérieure nasale, perpendiculaire au plan de Frankfort horizontal. SNHY SNPNS Figure 2-8 Représentation des points de référence pour le calcul de la position du larynx (reproduction de GOLDSTEIN 1980 : 76-78). Les équations représentatives des mesures SNHY et SNPNS consistent en des doubles logistiques, et varient en fonction du sexe (Figure 2-9). Figure 2-9 Evolution des dimensions SNHY et SNPNS, selon GOLDSTEIN (1980). A l aide de ces deux valeurs, la distance verticale entre le palais dur et le larynx est représentée à la Figure 2-10.

36 Partie I -- Chapitre 2 SNHY - SNPNS Figure 2-10 Représentation schématique de la position du larynx dans le modèle de GOLDSTEIN (1980) (reproduction et adaptation de GOLDSTEIN 1980 : 109). La longueur des cavités pharyngale et buccale, au repos, est présentée par GOLDSTEIN (1980 : 186), par la méthode de mesure linéaire. Selon cette dernière, une référence est tracée au centre du conduit vocal, de la glotte aux lèvres. Les cavités orale et pharyngale sont délimitées par un point de référence situé à proximité des dernières molaires, chez l adulte. Nous reproduisons, à la Figure 2-11, les rapports de ces mesures de longueur des cavités, de la naissance à l âge adulte. Figure 2-11 Rapport entre les longueurs des cavités pharyngale et buccale en fonction de l'âge et du sexe, selon GOLDSTEIN (1980).

Partie I -- Chapitre 2 37 Alors que pour le nouveau-né, ce rapport est de 0,5, il est d environ 0,7 pour l enfant de 10 ans, 0,8 pour la femme adulte et 1,1 pour l homme de 21 ans. Il ressort en outre que le rapport se stabilise pour la femme dès l âge de 16 ans. Malgré l évolution des courbes de GOLDSTEIN (1980) jusqu à 20 ans, pour la femme, les données réelles montrent que plusieurs structures cessent de croître à un stade antérieur. 2.3.1.1.2. ANGLE DU CANAL OROPHARYNGE Dans l effort de représenter l évolution de l angle formé par la cavité pharyngale et buccale, GOLDSTEIN (1980) introduit une variable angulaire évolutive contrôlant la courbure du canal oropharyngé. La Figure 2-12 reproduit les coupes sagittales du conduit vocal modélisé à différents stades de croissance, en position neutre. L angle associé au nouveau-né nous apparaît néanmoins légèrement sousestimé par rapport au schéma proposé par KENT (1997), à la Figure 2-3. Figure 2-12 Coupes sagittales générées par le modèle de GOLDSTEIN (1980), à différents stades de croissance (position neutre).

38 Partie I -- Chapitre 2 2.3.1.1.3. LES ARTICULATEURS 3 La position neutre des articulateurs est mise à l échelle de l âge selon les mêmes facteurs k que les cavités orale et pharyngale, à l exception des dents et de l espace créé par la distance entre la partie supérieure du larynx et la paroi pharyngale (probablement responsable du couplage trachéal). Cette distance correspond à 6 mm de la naissance à l âge d un an, à 4 mm de 1 an à 2 ans, et à 2 mm au-delà de 2 ans. Quant aux dents, elles sont inexistantes jusqu à 9 mois, et leur hauteur (de la base des gencives jusqu à leur pointe inférieure), évaluée à 3 mm de 9 mois jusqu à 7 ans, et à 5 mm au-delà de 7 ans. La langue, conformément au modèle de MERMELSTEIN (1973), est représentée par un arc de cercle dont le rayon a son origine dans la mâchoire (Figure 2-13). Le développement de la dimension de la langue est modélisé par trois principales variables (Figure 2-14). D abord, le rayon de la langue est mis à l échelle selon la dimension du pharynx (cf Figure 2-10). Par exemple, en posant que le rayon de l homme adulte est de 20 mm, celui d un enfant de 3 ans sera de 10 mm, puisque la longueur du pharynx de l homme est le double de celle de l enfant. En second lieu, le segment reliant les deux extrémités de la lame de la langue est mis en relation avec la longueur de la cavité buccale (cf Figure 2-7). Enfin, dans le but de maintenir une dimension linguale antéro-postérieure suffisamment importante dans la cavité buccale de l enfant et de la femme, un segment BL (Figure 2-14) est ajouté à la longueur totale, dont la valeur est déterminée par le rapport entre les dimensions du pharynx et de la cavité buccale. 3 Nous présenterons en détail les données concernant le développement des articulateurs à la section 2.3.3.

Partie I -- Chapitre 2 39 Figure 2-13 Modèle de langue de Mermelstein, exploité dans GOLDSTEIN (1980) (reproduction de MERMELSTEIN 1973 : 1071). Arc du corps de la langue Arc de la lame de la langue Corde reliant les deux extrémités de la lame de la langue Pointe de la langue Figure 2-14 Modèle de langue de GOLDSTEIN (1980) et principales variables simulant la croissance. Le modèle ainsi constitué permet de générer les configurations articulatoires désirées, en fonction de l âge et du sexe. À partir de la coupe sagittale, le conduit vocal est divisé en sections de 5 mm ou moins, et la distance sagittale d s permet de calculer l aire de cette section. Afin de rendre compte des configurations 3D bien distinctes en différents points du conduit vocal, ce dernier est divisé en 5 sections, en fonction desquelles différentes formules de conversion de la distance sagittale à la fonction d aire sont appliquées : le larynx, le pharynx, le palais dur, la région alvéolaire et les lèvres. La fonction d aire déterminée permet d obtenir la fonction de transfert, dont les pôles correspondent aux formants.

40 Partie I -- Chapitre 2 2.3.1.2. L APPORT DE L IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE (IRM) Plus récemment, FITCH ET GIEDD (1999), par le biais de coupes sagittales obtenues par la technique de l imagerie par résonance magnétique (IRM), ont étudié les dimensions longitudinales du conduit vocal de 129 sujets (53 femmes et 76 hommes, âgés de 2 ans jusqu à l âge adulte), en position allongée sans phonation (respiration). Les sujets âgés de moins de 10,3 ans formaient le groupe de la «prépuberté», les enfants âgés de 10,3 ans à 14,5 ans, celui de la puberté, et les locuteurs plus âgés étaient considérés postpubertaires. Pour chaque sujet, les longueurs de cinq segments du conduit vocal ont été mesurées : les lèvres, la lame de la langue, le dos de la langue, le velum et le pharynx. Les résultats révèlent que la taille de tous les segments augmente, mais que le velum et le pharynx sont les plus affectés par la croissance. Entre le groupe de la puberté et de l âge adulte, par exemple, les segments de la cavité orale augmentent en moyenne leur taille de 5%, alors que le pharynx s allonge d environ 25%, et ce, de façon plus marquée chez les hommes. Concernant les différences sexuelles, ce facteur ne semble pas influencer la croissance des structures du conduit vocal durant la phase de la prépuberté. Il induit en revanche une variation significative à la puberté et à la postpuberté. Les auteurs soulignent cependant qu une petite différence significative est observée entre garçons et filles au stade de la prépuberté, en ce qui concerne la longueur du segment labial, qui serait 1 mm plus long pour les premiers par rapport aux seconds. La Figure 2-15, reproduite de FITCH ET GIEDD (1999 : 1516), schématise les forme et dimension du conduit vocal aux trois stades de croissance étudiés, en regroupant les sujets féminins et masculins. Une méthode de mesure selon le segment central, à l instar de GOLDSTEIN (1980), a été exploitée.

Partie I -- Chapitre 2 41 Figure 2-15 Longueurs relatives du conduit vocal au repos, issues d'irm de sujets de 2 à 25 ans (reproduction de FITCH ET GIEDD 1999 : 1516). Les données comparées de GOLDSTEIN (1980) et de FITCH ET GIEDD (1999) relatives à la longueur totale du conduit vocal sont présentées à la Figure 2-16. Ces résultats confirment l hypothèse de l émergence de la différenciation sexuelle de la taille du conduit vocal durant la puberté (entre 10 et 14 ans) (LEE ET AL. 1999). S il y a lieu, les différences acoustiques observées à un stade antérieur sont dues à des facteurs comportementaux, et non anatomiques. Figure 2-16 Longueur du conduit vocal en fonction de l'âge et du sexe, selon GOLDSTEIN (1980) et FITCH ET GIEDD (1999).

42 Partie I -- Chapitre 2 2.3.2. LES STRUCTURES GLOTTIQUES ET SOUS-GLOTTIQUES Pour une compréhension adéquate des incidences de la croissance du conduit vocal, nous ne saurions passer outre un exposé des principales modifications que subissent les différentes structures impliquées dans la production des sons de la parole. Nous présentons donc, dans les prochaines pages, une revue des travaux majeurs portant sur la croissance de la source laryngienne ainsi que des cavités supraglottiques. D abord, le système respiratoire subit des transformations considérables de la naissance à l âge adulte (BECK 1996). D une position haute chez le nourrisson, le thorax s abaisse progressivement durant l enfance (deux ou trois premières années). Les poumons sont également six fois plus volumineux à un an par rapport à la naissance. Alliés à une amélioration de la mobilité des côtes, ces changements affectent la capacité respiratoire et ainsi les caractéristiques aérodynamiques de la parole. 2.3.2.1. LE LARYNX De façon générale, le larynx du nouveau-né est relativement haut, l épiglotte entrant en contact avec le palais mou, ce qui permet la déglutition et la respiration simultanée. Ce contact est peu à peu perdu au cours de la croissance, du fait de la descente progressive de la structure laryngale. Cette morphologie particulière du conduit vocal, selon BUHR (1980), serait à l origine de l incapacité, pour le très jeune enfant, de produire la voyelle [u], voyelle dont la réalisation nécessite un allongement de la cavité arrière par l abaissement du larynx. A l âge de 6 mois, l épiglotte et le larynx ne sont donc en contact que lors de la déglutition, et ce contact disparaît vers l âge de 12-18 mois. Durant cette période, les cartilages cricoïde et thyroïde du larynx, de même que l os hyoïde, se modifient considérablement en taille, mais conservent leur forme d origine. La Figure 2-17 représente les principaux cartilages qui composent le larynx. L on reconnaît une période de croissance importante durant l enfance, suivie d une distinction sexuelle à la puberté, le rythme de croissance demeurant plus important chez l homme que chez la femme. Des différences relatives au type de phonation en fonction du sexe ont été relevées par plusieurs études. KLATT ET KLATT (1990) discutent ainsi de la nature «breathy» de la phonation des femmes adultes. Ce phénomène serait relié à l existence d un espace vide entre la pointe des aryténoïdes et la partie postérieure de la glotte. De façon similaire, chez le nouveau-né, le larynx n est pas en contact avec la paroi

Partie I -- Chapitre 2 43 postérieure du pharynx (GOLDSTEIN 1980), formant ainsi une petite cavité de résonance qui peut être impliquée lors des premières vocalisations. Aryténoïdes Muscle cricoaryténoïde postérieur Thyroïde Cricoïd Muscle cricothyroïde Figure 2-17 Représentation postérieure latérale du larynx (reproduction et traduction de KENT 1997 : 112). Les différences entre les dimensions des principaux cartilages laryngaux chez l homme et la femme adultes, basées sur les mesures consignées dans BECK (1996), sont présentées à la Figure 2-19. Les dimensions estimées sont indiquées à la Figure 2-18. Il ressort que ces cartilages sont d une hauteur et d une largeur supérieures chez l homme et chez la femme, d environ 5 à 7 mm. Figure 2-18 Représentation des dimensions mesurées des cartilages du larynx (reproduction de BECK 1996).

44 Partie I -- Chapitre 2 50 45 Dimension (mm) 40 35 30 25 20 15 10 5 A C D B E Thyroïde Cricoïde Arythénoïde 0 Hauteur -F Hauteur -H Largeur - F Largeur - H Figure 2-19 Dimensions des cartilages du larynx (H: hommes; F: femmes), selon BECK (1996). 2.3.2.2. LES CORDES VOCALES Les données relatives à la croissance des cordes vocales varient dans l étendue des résultats proposés. Certes, il est reconnu que deux poussées de croissance apparaissent durant les 5 premières années de vie (HAGIWARA 1995), et à la puberté, cette dernière étant plus prononcée chez les hommes. Mais la longueur des cordes vocales, selon les auteurs, ne fait pas consensus : pour le nouveau-né, elle serait de 2,5 à 9 mm, pour atteindre en moyenne, chez l adulte, 17 à 25 mm (pour l homme), et 11 à 21 mm (pour la femme). Nous reproduisons, à la Figure 2-20, les courbes ajustées par GOLDSTEIN (1980) sur les données mesurées. Pour l homme, la courbe consiste en une double logistique, alors que pour la femme, elle est représentée par une fonction exponentielle.

Partie I -- Chapitre 2 45 Figure 2-20 Evolution de la longueur des cordes vocales de la naissance à l'âge adulte, selon GOLDSTEIN (1980). La proportion ligaments/cartilage montre aussi une variation non négligeable au cours de la croissance. HIRANO ET AL. (1981) rapportent que la partie cartilagineuse constituerait la moitié de la longueur des cordes vocales du nouveau-né, et la croissance des cartilages entraînerait, à l âge adulte, une proportion cartilagineuse d environ le tiers de la longueur totale. Les données d HIRANO ET AL. (1981), qui portent sur l examen étendu de larynx de cadavres, ont été schématisées par TITZE (1989). Nous représentons ces courbes à la Figure 2-21. L m L l Lc (a) (b) Figure 2-21 Evolution des dimensions de la partie ligamentaire (L m ) et cartilagineuse (L c ) des cordes vocales, pour l homme et la femme (L l = longueur totale du larynx) (reproduction et adaptation de TITZE 1989, d après les données de HIRANO ET AL. 1981).

46 Partie I -- Chapitre 2 Puisque la partie ligamentaire est la structure vibratoire, ce patron développemental suggère que le contrôle de la fréquence fondamentale et de l intensité est facilité chez les adultes, par rapport aux enfants. La Figure 2-22 représente les différentes couches de la structure d une corde vocale. Pour le nouveau-né, la lamina-propria serait totalement indifférenciée (KENT 1997), et ne se subdiviserait pas en couches distinctes. La différentiation des tissus ligamentaires serait amorcée entre 1 et 4 ans avec l apparition du ligament vocal (couches intermédiaire et profonde). La période entre 6 et 15 ans verrait la différenciation des deux couches du ligament. Elle ne serait complétée qu aux environs de 16 ans (KENT 1997). Des changements rapides des structures laryngales seraient à l origine de la diminution de F0 caractéristique des jeunes garçons, entre 12 ½ ans et 14 ½ ans. Les muscles du larynx auraient déjà une forme semblable à l adulte, dès la naissance, et ne subiraient qu une homothétie, au cours de la croissance. Ligament vocal Lamina propria Superficielle Intermédiaire Profonde Epithelium Muscle vocalis Figure 2-22 Structure interne d'une corde vocale (reproduction et traduction de KENT 1997: 106). 2.3.3. LES STRUCTURES SUPRAGLOTTIQUES Parallèlement aux transformations des structures glottiques, les articulateurs de la parole, de la glotte aux lèvres, subissent des transformations importantes au cours de la maturation. 2.3.3.1. LE CRANE Le patron de croissance du squelette crânio-facial se révèle d une grande importance en ce que cette structure constitue le moulage des cavités de résonance. La base du crâne sert

Partie I -- Chapitre 2 47 entre autres d ancrage des points d articulation de la parole. La dimension de ce support affecte donc considérablement la forme et le volume des cavités de résonance, en plus de la longueur du conduit vocal. BECK (1996) souligne que le volume crânien du nouveau-né connaît une poussée de croissance importante à partir de 6 mois et durant les 2 premières années de vie. Notons que les dimensions sont plus petites chez la femme que chez l homme. La Figure 2-23, tirée de BECK (1996 : 268) illustre de façon comparative les dimensions du crâne et du visage du nourrisson par rapport à l adulte, normalisées en fonction de la dimension verticale crânienne (A). Figure 2-23 Dimensions relatives du crâne et du visage du nourrisson (gauche) et de l'adulte (droite), normalisées par la dimension verticale du crâne (A) (reproduction de BECK 1996 : 268). De façon générale, la croissance du squelette facial est rapide durant l adolescence et est terminée, chez la femme, avant 20 ans, et chez l homme, vers 25 ans, quoique BECK (1996) note que la croissance dans la dimension verticale se poursuive jusque dans la trentaine. L ensemble du squelette facial est composé des tissus osseux que sont le palais et les mâchoires, de même que des tissus mous constitués des parois pharyngales, de la langue et des lèvres. Compte tenu du rôle prépondérant de ces structures supraglottiques dans la modélisation de l onde laryngienne lors de la production de la parole, nous nous attarderons au rythme de croissance de ces dernières. L un des aspects particulièrement importants du

48 Partie I -- Chapitre 2 développement de cette zone réside dans la coordination complexe des rythmes de croissance, permettant ainsi un remodelage bien précis des cavités de résonance. 2.3.3.2. LE PALAIS DUR ET LES MACHOIRES Le palais dur et la mâchoire supérieure sont soumis à des patrons de croissance relativement similaires durant la première année de vie. Par la suite, l on observe des rythmes différents, selon BECK (1996). La longueur antérieure du palais voit sa croissance terminée assez tôt dans l enfance, et la largeur est fixée vers 4 ou 5 ans. A partir de données réelles, GOLDSTEIN (1980) propose une courbe de croissance de type exponentielle des hauteur et largeur du palais, en fonction de l âge. La hauteur correspond à la distance verticale entre la pointe des incisives supérieures et la ligne palatale, perpendiculaire au plan palatal 4. La largeur du palais est représentée par la distance entre les surfaces linguales des molaires. Contrairement à la largeur, la hauteur est indifférenciée selon le sexe. La Figure 2-24 illustre les dimensions mesurées et représentées par les fonctions de la Figure 2-25. Une stabilisation relative des dimensions est observable à partir d environ 15 ans, plus tardivement par rapport à BECK (1996). (a) (b) Figure 2-24 Représentation des points de référence pour les hauteur (a) et largeur (b) du palais (reproduction de GOLDSTEIN 1980). 4 Pour rendre compte de l absence de la dentition chez les nourrissons, GOLDSTEIN (1980), dans son modèle, soustrait 5 mm de cette hauteur de la naissance à 9 mois.

Partie I -- Chapitre 2 49 Figure 2-25 Evolution des dimensions palatales (hauteur et largeur) selon GOLDSTEIN (1980). Quant à la mâchoire inférieure, dans le plan de la longueur et de la largeur, une poussée de croissance plus longue et plus importante chez l homme est attestée, conformément aux tendances générales de la croissance. Ce phénomène se double de l apparition de la dentition, qui n est pas sans affecter la position de la langue et l articulation des consonnes. Notons, pour le moment, que les premières dents font généralement leur apparition à partir de 6 mois et la première dentition est généralement présente en totalité à l âge de 2 ½ ans. Les dents permanentes apparaissent entre 5 et 12 ans, à l exception des dernières molaires qui se manifestent entre 18 et 21 ans. La croissance de la mâchoire inférieure (mandibule) est coordonnée, de façon générale, à celle de la mâchoire supérieure (maxillaire). Soumis à des facteurs hormonaux, l élargissement de ses dimensions accroît l espace de la dentition et celui des alvéoles. Une poussée de croissance caractéristique des courbes générales de développement apparaît à la puberté. 2.3.3.3. LES PAROIS PHARYNGALES Le développement des tissus mous peut être résumé ainsi. Les parois pharyngales, qui délimitent la cavité du pharynx, subissent une croissance rapide, en réponse au développement des tissus environnants. Durant l enfance, la descente du larynx entraîne une augmentation du volume de la cavité pharyngale, très petite à la naissance. Il est même postulé que le pharynx ne jouerait pas le rôle de cavité de résonance dans les premières

50 Partie I -- Chapitre 2 vocalisations, en raison de ses dimensions minimes (BECK 1996). De la naissance à l âge adulte, le volume de la cavité pharyngale croît de 80 %, et ce, principalement dans la dimension verticale 5. A l adolescence, la descente très marquée du larynx chez l homme accroît le volume du pharynx et accentue, ce faisant, les différences sexuelles retrouvées à l âge adulte. 2.3.3.4. LE PALAIS MOU En ce qui concerne le palais mou (ou voile du palais), la croissance entraîne une augmentation de sa longueur, passant de 20 mm, chez le nourrisson, à 35 mm chez l adulte. Le palais mou occupe toutefois tout au long de la croissance environ le tiers du nasopharynx 6. Sa croissance est rapide durant les deux premières années de vie et plus lente par la suite, pour être complétée vers 18 ans. Rappelons que l épiglotte est en contact avec le palais mou chez le nourrisson et que ce contact disparaît totalement après 1 à 1 ½ an. 2.3.3.5. LA LANGUE L articulateur qu est la langue, d une importance cruciale dans la production de la parole, se modifie considérablement durant la croissance. Exempte de squelette osseux ou cartilagineux, elle constitue un hydrostat musculaire, incompressible et dont la variation du volume dans une dimension s accompagne d une modification compensatoire dans une autre dimension. L acquisition du contrôle des muscles intrinsèques et extrinsèques de la langue est donc fort complexe et requiert l activation simultanée de plusieurs fibres. Nous reviendrons ultérieurement sur le développement de son contrôle moteur. LAITMAN ET CRELIN (1975 : 214) (cités dans BECK 1996) mentionnent que la langue au repos occupe la totalité de la cavité orale à la naissance. Peu d espace serait donc disponible pour le mouvement. Cependant, comme l a fait remarquer BUHR (1980), la mobilité réduite de la langue n est peut-être pas un obstacle à l atteinte des cibles articulatoires nécessaires à la production des unités. Citant 5 Cette affirmation semble en contradiction avec les données de la Figure 2-9, où les dimensions verticales de la cavité pharyngale croissent de plus de 100% de la naissance à l âge adulte. Il nous semble, en fait, que ce taux de 80% représente la croissance à partir de la période consécutive à la première descente du larynx (2 ans) jusqu à l âge adulte. 6 Le pharynx est constitué de trois zones : le nasopharynx, l oropharynx et le laryngopharynx. Dans la dimension verticale, le nasopharynx correspond à la région délimitée par la paroi supérieure du palais dur et la pointe du palais mou en position abaissée.

Partie I -- Chapitre 2 51 CRELIN (1972), l auteur précise que la langue, à la naissance, mesure 4 cm, et occupe un espace d une longueur approximative de 7,5 cm (citant LIEBERMAN ET AL. 1971). Il semble donc que la masse linguale dispose d un espace suffisant à l intérieur de la cavité orale pour produire un mouvement analogue à celui de l adulte. (BUHR 1980) Avec la descente de l os hyoïde, dès quatre ans, la langue occupe une position plus basse dans la région cervicale ; au cours de l enfance, la descente s accentue, augmentant de ce fait le volume des cavités (BOSMA 1963). En dimension, bien que la mesure de la taille de la structure linguale au cours du développement appelle à la prudence, HOPKIN (1967) souligne que la masse linguale est de taille deux fois supérieure chez l adulte par rapport à l enfant. En outre, il appert que la masse linguale est soumise à des rythmes de croissance distincts selon la région considérée. 2.3.3.6. LES LEVRES Enfin, les lèvres, selon KAHANE (1988), seraient une structure faciale relativement bien développée dès la naissance, comme en témoigne la capacité de succion du bébé. Il n en demeure pas moins que jusqu à l âge adulte, les lèvres voient leur largeur, hauteur et degré de convexité augmenter particulièrement à deux périodes : entre 0 et 2 ans (les lèvres doublent en profondeur (KENT 1997)), et entre 10 et 17 ans. La distance entre la racine des incisives supérieures et la paroi externe des lèvres est considérée par GOLDSTEIN (1980). La Figure 2-26 illustre la dimension auquel il est fait référence. L évolution des données peut être représentée par une fonction exponentielle, pour l homme et la femme (Figure 2-27). D après le graphique de la Figure 2-25, une différence sexuelle apparaît dès la naissance pour cette structure, à l instar de la largeur du palais.

52 Partie I -- Chapitre 2 Figure 2-26 Représentation des points de référence pour les dimensions des lèvres (reproduction de GOLDSTEIN 1980). Figure 2-27 Evolution de la dimension des lèvres selon GOLDSTEIN (1980). 2.3.4. EN SOMME Au terme de cette revue des changements anatomiques, il ressort que la croissance des tissus peut être caractérisée par sa nature non uniforme (en référence aux patrons d évolution distincts d une structure à l autre), non linéaire pour les dimensions longitudinales des cavités mais linéaire pour certaines zones (selon la présence ou l absence de poussées de croissance), et variable selon le locuteur. Le remodelage de cet instrument vocal affecte considérablement la forme du signal acoustique émis par le locuteur, signal constitué d une source laryngée filtrée et façonnée par les configurations du conduit vocal.

Partie I -- Chapitre 2 53 2.4. LES MODIFICATIONS ACOUSTIQUES Au chapitre des études développementales, nombreux sont les travaux qui présentent les résultats d analyses acoustiques menées sur des unités produites au cours de la croissance. Or les caractéristiques acoustiques de ces unités sont la manifestation d une multitude de facteurs de nature anatomique, articulatoire ou motrice, entre autres. L état lacunaire des données articulatoires issues d imagerie médicale chez les jeunes enfants, pour des raisons éthiques évidentes, ont amené les chercheurs à inférer, à partir des signaux, les patrons développementaux reliés à ces facteurs. Au cours des prochaines sections, nous ferons abondamment référence aux analyses acoustiques. Pour certaines études toutefois, l objectif avoué consiste en une caractérisation de l évolution acoustique seule des productions. Leur description fera l objet des prochains paragraphes de cette section. 2.4.1. PREDICTIONS DES CONSEQUENCES ACOUSTIQUES DES CHANGEMENTS ANATOMIQUES En dépit de la configuration complexe du conduit vocal lors de l articulation des voyelles, la modélisation des phénomènes acoustiques peut être schématisée par le déplacement d une constriction en un point de ce conduit. Le modèle à quatre tubes de FANT (1960) est basé sur cette simplification 7 (Figure 2-28). Glotte Cavité arrière Constriction Cavité avant Lèvres Figure 2-28 Schéma du modèle à quatre tubes de FANT (1960) 7 Afin d éviter toute confusion terminologique, nous réserverons les termes «cavité avant» et «cavité arrière» ainsi que «cavité antérieure» et «cavité postérieure» aux cavités acoustiques créées par une constriction en un point du conduit vocal. Les termes «cavité pharyngale» et «cavité buccale» réfèreront aux cavités physiologiques délimitées par les lèvres et la paroi pharyngale (bouche), ou le palais dur et le larynx (pharynx).

54 Partie I -- Chapitre 2 Les deux cavités avant et arrière distinguées par la constriction, généralement couplées, permettent de façonner l onde glottique afin de générer les fréquences formantiques. Ces dernières sont tributaires des dimensions des cavités. Il devient alors possible de prédire les conséquences de l allongement de ces cavités sur le produit acoustique 8. Dans les années 60 et 70, quelques études ont été consacrées à une simulation de la croissance non uniforme du conduit vocal et de ses conséquences acoustiques. MOL (1970) établit les tendances générales de ce phénomène. En utilisant un modèle de conduit vocal à 2 ou 4 tubes, ainsi qu un modèle acoustique sans perte, il est montré qu une mise à l échelle linéaire et uniforme de la longueur du conduit vocal, en multipliant la longueur de ce dernier par un facteur k, entraîne une transformation homothétique de l espace maximal F1 vs. F2 par un facteur de 1/k (Figure 2-29). Figure 2-29 Evolution prédite des limites acoustiques au cours de la croissance selon MOL (1970), espace F1 vs. F2 (en Hertz). A partir de mesures formantiques issues de signaux réels, les chercheurs proposaient, entre autres, des facteurs d échelle permettant de représenter l évolution de ces valeurs au cours du développement. Parallèlement, se dessinait une volonté de déterminer les conséquences acoustiques d une modification de longueur du conduit vocal (parfois aussi de volume), afin de comparer la variance explicable par ce phénomène anatomique à la variance 8 Nous reviendrons, au chapitre 3, sur les affiliations formants-cavités dans le cas des petites aires de

Partie I -- Chapitre 2 55 observée dans les signaux réels. Alors que dans certains cas, une différence acoustique entre modélisation et observation était interprétée comme l indice d une différence liée à la configuration des articulateurs (taille, masse de la langue, etc), pour d autres, la réalisation de stratégies articulatoires différentes était invoquée. 2.4.2. LES DONNEES REELLES Si les tendances prédites sont en général confirmées par les données réelles, le portrait tracé par les valeurs acoustiques des différentes classes de voyelles suggère que les distinctions anatomiques ne sont pas uniques dans la caractérisation acoustique développementale. 2.4.2.1. LES PREMIERES VOCALISATIONS Les vocalisations attestées durant les premières années de vie correspondent à des valeurs formantiques variables et élevées. A titre indicatif, KUHL ET MELTZOFF (1996) analysent les vocalisations d enfants de 12 semaines et présentent des valeurs en F1 d une étendue de 675 Hz à 1044 Hz, et variant de 2156 Hz à 3121 Hz dans la dimension F2. Pour ce qui est de la fréquence fondamentale, les valeurs moyennes, à la naissance, seraient de 400 Hz à 500 Hz (KENT 1997). Dans une étude longitudinale d un enfant de 16 semaines à 64 semaines, BUHR (1980) tente de relier l inventaire des voyelles identifiées perceptuellement par des adultes et les valeurs acoustiques de celles-ci à des contraintes reliées à la forme du conduit vocal ainsi qu au contrôle moteur. En ce qui concerne la forme du conduit vocal, la période couverte pendant les enregistrements correspond à celle durant laquelle le remodelage de ce dernier a lieu chez le bébé. D abord, les 11 voyelles suivantes ont été identifiées, par les adultes : /K+G'3C nq7w/. Les productions, en termes acoustiques, ne deviennent stables que vers 36 semaines pour /a/ et /i/, et plus tardivement pour /u/. De façon générale, le tracé des valeurs formantiques dans l espace traditionnel F1 vs. F2 montre qu une organisation interne sous forme de triangle vocalique se développe graduellement. Fait intéressant, la descente progressive des valeurs formantiques ne semble pas prédominante durant cette constriction.

56 Partie I -- Chapitre 2 période, bien que des tendances générales se dessinent pour certaines voyelles dès 36-40 semaines. 2.4.2.2. L ETUDE DE PETERSON ET BARNEY (1952) Les valeurs typiques des voyelles de l anglais américain pour des locuteurs adultes, hommes et femmes, ainsi que des enfants (à l âge indéterminé), sont traditionnellement basées sur le travail pionnier de PETERSON ET BARNEY (1952). Cette étude constitue l une des premières tentatives de normalisation perceptive de voyelles produites par des locuteurs possédant différentes morphologies de conduit vocal. Dans le but de déterminer les paramètres acoustiques de l invariance perceptive de 10 voyelles de l anglais américain, les réalisations de 76 locuteurs (33 hommes, 28 femmes et 15 enfants), ont été recueillies dans le contexte [hvd], où V correspond à l une des voyelles /K+'3#n7W «²/ (2 occurrences de chaque mot). Les 1520 séquences ont par la suite été soumises à 70 auditeurs adultes lors d un test d identification. Les données acoustiques suggèrent une superposition relativement importante des valeurs associées principalement aux paires de voyelles [«²] et ['], [«²] et [7], [7] et [u] et [#] et [n], dans le plan F1 vs. F2, comme l illustre la Figure 2-30. Figure 2-30 Représentation des valeurs formantiques, dans le plan F1 vs. F2 des voyelles de l'anglais américain produites par des hommes adultes, des femmes adultes et des enfants, (reproduction de PETERSON ET BARNEY 1952 : 182).

Partie I -- Chapitre 2 57 Cependant, un certain nombre de critiques peuvent être formulées à l égard de cette étude (HILLENBRAND ET AL. 1995). D abord, les sujets n ont guère été contrôlés quant à leur origine dialectale. Aucune information à propos de l âge et du sexe des enfants n est mentionnée et les tests d identification vocalique ne représentent pas en détail les résultats des enfants et des adultes. De plus, peu d enfants ont participé aux enregistrements et la fiabilité des mesures spectrales ne semble pas avoir fait l objet d une évaluation rigoureuse. Il n en demeure pas moins que les efforts de PETERSON ET BARNEY (1952) ont été le prélude d une série de travaux visant à étudier les variations interindividuelles reliées à la croissance. 2.4.3. LES FACTEURS D ECHELLE COMME UNITES DE COMPARAISON Les facteurs d échelle (k-scaling factors) proposés par FANT (1966) permettent de comparer l évolution des rapports formantiques au cours de la croissance. FANT représente ces indices selon la formule suivante : k ijn = F ijn /F ij21 où n correspond à un âge donné et 21, à la valeur de référence de l adulte, pour une voyelle i et un formant j Les travaux ont par la suite calculé ces indices par des pourcentages, selon la formule suivante : k ijn = ((F ijn /F ij21 )-1)*100) où n correspond à un âge donné et 21, à la valeur de référence de l adulte, pour une voyelle i et un formant j Pour la suite de notre propos, les facteurs d échelle présentés ont été déterminés selon cette dernière formule. Selon plusieurs chercheurs, l existence de facteurs k i similaires pour les différentes voyelles doit être interprétée comme l indice d une croissance uniforme du conduit vocal. Comme nous en avons fait brièvement état auparavant, il n est cependant pas aisé de donner une interprétation judicieuse de l évolution de ces facteurs avec l âge, les caractéristiques acoustiques reflétant l action de divers paramètres tels les stratégies articulatoires, les changements anatomiques, les différences relatives au contrôle moteur, etc. Quoiqu il en soit, ils fournissent une méthode de comparaison largement utilisée dans les

58 Partie I -- Chapitre 2 travaux développementaux et permettent de dresser un tableau sommaire de l évolution acoustique au cours de la croissance. FANT (1966) exploite ces facteurs d échelle afin de comparer les résultats de PETERSON ET BARNEY (1952), pour l anglais, à ceux du suédois. En fonction de l évolution de la valeur des facteurs k i, trois groupes de voyelles peuvent être circonscrits : les voyelles postérieures arrondies (pour lesquelles k 1 et k 2 sont faibles) ; les voyelles fermées ou très arrondies (pour lesquelles k 1 est faible) ; les voyelles très ouvertes antérieures ou postérieures (associées à un facteur k 1 élevé). Une représentation schématique de ces facteurs d échelle est fournie par la Figure 2-31. Zone où k 1 et k 2 sont faibles F1 Zone où k 1 est élevé F2 Figure 2-31 Représentation schématique du déplacement des espaces vocaliques de l homme adulte (trait plein) et de l enfant (trait tireté), à partir des facteurs d'échelle proposés par FANT (1966). Il est toutefois à noter que l ordre de ces facteurs k n est pas observé par EGUCHI ET HIRSH (1969) qui soulignent le coefficient k 1 élevé des voyelles hautes, mais faible pour les voyelles basses. Les auteurs observent cependant un coefficient k 2 relativement grand pour les voyelles d avant, mais petit pour les voyelles fermées arrière, en accord avec les données de FANT (1966). Dans l analyse des voyelles imitées par 33 locuteurs (5 hommes, 4 femmes et 24 enfants de 4 ans à 12 ans), KENT ET FORNER (1979) proposent également des facteurs d échelle différents de ceux de FANT (1966). Selon les auteurs : k 1 est maximal pour [#], [i] et [u] ; k 2 est maximal pour [i] et [3] ; k 3 est maximal pour [u] et [3] ; k 1 est minimal pour [«²] ;

Partie I -- Chapitre 2 59 k 2 est minimal pour [u] et [«²] ; k 3 est minimal pour [i] et [«²]. L évolution des valeurs formantiques au cours de la croissance a par ailleurs été caractérisée en fonction de sa linéarité. Selon KENT ET FORNER (1979), la diminution des formants obéit à une fonction linéaire. SMITH ET KENNEY (1998), dans une étude longitudinale de 7 enfants (filles) enregistrées à 8 ½, 10 et 11 ½ ans, suggèrent que pour la voyelle [+], F2 et F3 diminuent de façon significative pendant les 3 années couvertes par les enregistrements, alors que F1 est relativement stable. L évolution est également linéaire durant cette période. 2.4.4. LES SUCCESSEURS DE PETERSON ET BARNEY (1952) Dans le but de répliquer le travail de PETERSON ET BARNEY (1952), HILLENBRAND ET AL. (1995) ont analysé les réalisations de 45 hommes, 48 femmes et 46 enfants (âgés de 10 à 12 ans) des voyelles de l anglais américain, dans les mêmes contextes que leur prédécesseurs, c est-à-dire [hvd]. Les mesures formantiques ont été extraites, de même que les durées. Les valeurs formantiques légèrement divergentes de l étude de PETERSON ET BARNEY (1952) sont sans doute le fait de différences dialectales ou d habitudes articulatoires, de même que de méthodes de mesure distinctes des fréquences (LPC dans le cas de HILLENBRAND ET AL. 1995). La superposition des données des classes vocaliques, dans le plan F1 et F2, diffère également d une analyse à l autre. Lors d une étude exhaustive de la variabilité spectrale et temporelle des voyelles de l anglais américain /K3 W ' Cn, EGUCHI ET HIRSH (1969) estiment les fréquences des 2 premiers formants, de F0 ainsi que la variation du VOT 9. Les voyelles ont été extraites des deux phrases «He has a blue pen» et «I am tall», répétées cinq fois par 84 enfants âgés de 3 à 13 ans, ainsi que par des hommes et des femmes adultes. EGUCHI ET HIRSH (1969) concluent à une diminution générale plus importante du second formant que du premier, de même qu à une rapide diminution de F2 entre 3 et 5 ans, conformément aux importants changements anatomiques observés à cette période. Notons que F1 de la voyelle [a] ne semble pas différer 9 Le VOT réfère au «voice onset time» ou délai d établissement du voisement, représenté, dans une séquence CV, par l intervalle entre le relâchement de l occlusion consonantique et le début du voisement vocalique (LISKER ET ABRAMSON 1964).