L'APPROCHE GLOBALE INTÉGRÉE L'Association d'entraide Ville-Marie, organisme privé sans but lucratif qui oeuvre depuis 1973 dans le domaine des soins palliatifs à domicile pour personnes atteintes de cancer, demeure plus que jamais un modèle d'intervention valable. Elle a su évoluer et s'adapter au contexte d'aujourd'hui qui privilégie le "système réseau". Son personnel, en relation constante avec les milieux; médical, pharmacologique, de soins infirmiers et de services sociaux. Ainsi il a su se garder à la fine pointe des développements en soins palliatifs. L'AEVM est l'organisme qui annuellement, suit le plus grand nombre de personnes atteintes de cancer qui ont besoin de soins palliatifs à domicile. Avec des moyens financiers et matériels modestes, mais avec beaucoup de détermination et de créativité, l'association d'entraide Ville-Marie a su développer une compétence en soins palliatifs auprès des personnes atteintes de cancer qui fait dire à plusieurs «que faire équipe avec elle c'est s'assurer d'une approche humaniste et d'une expertise qui permettent aux malades et aux membres de la famille de recevoir des soins ainsi q'un accompagnement de fin de vie de haute qualité». La manière dont L'AEVM a intégré tous les éléments d'une approche globale est ce qui est le plus apprécié à la fois par les professionnels qui collaborent à sa mission, et par ceux qui profitent de ses services. PIONNIÈRE DANS LES SOINS PALLIATIFS À DOMICILE S'inspirant des travaux de Madame Elizabeth Kubler-Ross et de Madame Cecily Saunders et se nourrissant des expériences quotidiennes de son personnel et des personnes ressources bénévoles qui vont chaque jour à domicile dispenser des soins palliatifs, l'association d'entraide Ville-Marie a progressivement développé une philosophie d'intervention, basée sur des fondements théoriques et pratiques desquels découle l'approche globale intégrée et un modèle exclusif de distribution de soins palliatifs à domicile, pour les personnes atteintes de cancer. Si l'objectif premier de l'association vise à maintienir la qualité de vie de ces malades à domicile, il est également nécessaire que les membres de la famille qui vivent et partagent leur quotidien puissent, eux aussi, avoir accès à une qualité de vie adéquate. Ces deux objectifs, sont maintenant des priorités partagées aussi par le Gouvernement et les Régies Régionales de la Santé Montréal-Centre et de Laval. APPROCHE GLOBALE INTÉGRÉE L'importance de développer une philosophie d'intervention très humaniste est de créer un processus d'accès rapide à des services de soins et d'aide personnalisés. Elle est dictée par la réaction et le comportement même du malade lors de l'annonce du terrible pronostic indiquant que toutes les tentatives pour enrayer son cancer se soient avérées vaines. Déjà sous le coup d'un choc brutal, la personne réalise qu'il ne lui reste que très peu de temps à vivre et qu'elle doit, seule ou entourée des siens, se préparer du mieux qu'elle peut à affronter cette fatalité. C'est à ce moment que l'association d'entraide Ville-Marie intervient avec son approche spécifique. Celle-ci, tient compte de la personne malade et de ses proches en intégrant l'ensemble des aspects de leur vie. Les aspects intellectuel, physique, psychologique, familial, social et spirituel, permettent d'avoir toujours en mémoire que la personne est un tout aussi complexe que la somme de tous ces aspects. Cette approche exige de bien maîtriser chacun des aspects ci-haut mentionnés et d'intervenir en mettant l'accent sur l'un ou sur l'autre, selon la situation du moment, mais sans jamais oublier que toute intervention, si minime soit-elle, aura des répercussions en cascade sur le malade et les membres de la famille.
L'ASPECT INTELLECTUEL Tenir compte de l'aspect intellectuel du malade et des membres de son entourage signifie que les professionnels ne doivent pas prendre en charge ni le malade ni les membres de son entourage. Ces personnes conservent leur autonomie de raisonnement, de jugement et de prise de décision, sauf dans certaines situations spécifiques. Le soignant doit donc laisser le pouvoir de décision au malade et aux membres de la famille. Il doit écouter et comprendre ce que le malade veut vivre, et comment il veut le vivre. Il doit faire ainsi avec les membres de la famille. II doit informer et faciliter la discussion afin que chacun fasse des choix éclairés, conformes à leur volonté et à leur réalité. Il doit faire de l'enseignement et donner l'information nécessaire au malade et aux proches afin qu'ils puissent contribuer à la qualité des soins donnés à domicile. Pour respecter l'aspect intellectuel du malade et des membres de son entourage, il faut que les soignants soient habilités à initier des échanges sur tous les aspects de la situation que le malade et la famille vivent et vont vivre. Il faut qu'ils favorisent un franc dialogue entre eux et le malade et les membres de la famille. Tenir compte de l'aspect intellectuel des personnes veut dire parfois, faire cheminer ces personnes qui préféreraient fuir la difficile réalité. L'ASPECT PHYSIQUE Il est primordial de comprendre que l'aspect physique dans les soins palliatifs signifie beaucoup plus que de prodiguer des soins à une ou des parties du corps. A cette étape de l'évolution de la maladie, c'est tout le «corps qui est malade». D'où le risque élevé de provoquer des douleurs ailleurs que dans la zone traitée. Cet aspect touche également les personnes qui prennent soin du malade. Dans ce contexte, la prévention au niveau de l'épuisement qui peut survenir insidieusement mais progressivement doit être pris en considération. Car l'épuisement d'un ou des membres de la famille risque de compromettre le maintien à domicile du malade ou sa qualité. Tout soignant doit s'assurer du bien être physique général du malade. Il ne s'agit pas de soigner simplement une plaie, un signe ou un symptôme, mais de s'assurer d'un contrôle des douleurs et du confort. Il doit prévenir les douleurs, par un suivi de la médication et un ajustement constant de la posologie, en intervenant préventivement afin d'atténuer les effets secondaires de la médication et aussi en appliquant des techniques de soins avec beaucoup de précision et de dextérité. Il doit suivre l'état général de santé des personnes de l'entourage afin qu'elles ne s'épuisent pas et les aider à reconnaître leur limite tout en s'assurant d'une bonne utilisation maximale de leur potentiel. L'ASPECT PSYCHOLOGIQUE L'annonce du diagnostic de cancer évolutif et incurable déclenche tout un processus émotionnel chez le malade et ses proches. Chacun chemine à son rythme, à travers différentes étapes psychologiques : le choc initial, l'incrédulité, la colère, la culpabilité, l'inquiétude pour soi-même et les siens, l'anxiété, la dépression, la peur de souffrir, la peur de l'abandon, la peur de l'esseulement, la peur de la mort et la détresse. Ce bouleversement émotionnel provoque des réactions qui interagissent sur tous les autres aspects de la personne tels l'insomnie sur l'aspect physique, les difficultés de concentration sur l'aspect intellectuel etc. Il devient donc primordial de permettre au malade et aux proches d'exprimer les charges émotives afin de rétablir l'équilibre intérieur perdu momentanément et de favoriser un cheminement vers une adaptation à cette nouvelle réalité.
Tout soignant doit comprendre ce que le malade et ses proches vivent comme émotion et être capable d'interagir en conséquence, dans les dialogues. Il doit établir une relation de confiance avec le malade et ses proches, une communication franche empreinte de simplicité afin de permettre à chacun d'exprimer le plus spontanément possible ses émotions. Il doit faciliter le processus du mourir en manifestant du respect, de la compréhension voire de la compassion. L'ASPECT FAMILIAL Lorsqu'un pronostic sombre frappe un membre d'une famille, ce sont tous les membres qui sont touchés et la dynamique s'en trouve ainsi bouleversée. Le rôle de la personne malade au sein du noyau familial se transforme, ainsi que celui de ceux et celles qui l'entourent. La personne malade a de nouveaux besoins et nécessite plus d'attention et de soins au fur et à mesure que la maladie évolue. Ses capacités d'assurer ses responsabilités se transforment et diminuent graduellement. Ces changements se répercutent à tous les niveaux de l'organisation familiale. Un nouveau rythme de vie prend place à l'intérieur de la famille. Une nouvelle distribution des rôles voit le jour. Elle s'ajuste constamment pour faire face aux multiples inconnus. Tout soignant doit comprendre ce qu'implique pour chaque membre de la famille la nouvelle dynamique qui s'installe. Il doit travailler à faciliter le changement des rôles, le transfert de responsabilités. Il doit aider le malade à redéfinir sa place et son rôle au sein de la nouvelle configuration familiale, l'aider à se situer dans ses relations et ses attentes envers les membres de sa famille. Il doit sensibiliser les proches à l'importance pour le malade de se sentir lié au noyau familial autrement que simplement comme «un poids». Tenir compte de l'aspect familial veut dire aussi qu'il faut travailler avec des gens qui peuvent avoir de vues différentes sur le bien être du malade et sur les changements qui doivent s'opérer dans le cadre familial. On doit être capable de confronter ces points de vues différents dans un climat chargé d'émotions douloureuses en permettant à chacun de revoir constamment ses positions afin de permettre ce rapprochement souhaité entre les membres de la famille. L'ASPECT SOCIAL À la dernière étape de la vie d'un membre d'une famille, les activités quotidiennes ne doivent pas être orientées uniquement sur les besoins médico-nursing du malade. Il faut trouver des moments de détente, de relaxation physique et psychologique pour le malade et ses proches. Tout soignant doit stimuler le malade à s'ouvrir vers l'extérieur afin que sa maladie ne soit pas son unique centre d'intérêt, toujours en tenant compte de ses forces résiduelles. Il doit aider les membres de l'entourage à se trouver un nouveau rythme de vie sociale adapté aux exigences de la situation. Enfin, il doit inviter le malade et ses proches à discuter ouvertement entre eux de la situation qu'ils vivent maintenant et de l'après. Il doit les aider à considérer ces échanges comme des moments privilégiés qui apportent le réconfort et l'apaisement qui minimiseront ainsi le sentiment de culpabilité qui peut habiter les proches après le décès d'un être cher.
L'ASPECT SPIRITUEL Le processus de la mort étant la dernière étape de la vie, la question de l'après-vie se pose inévitablement. La manière de bien s'y préparer repose sur ses croyances. Peu importe que la personne ait ou non une culture religieuse, il existe au fond de chaque individu une réalité spirituelle. Le malade ne pourra trouver la paix intérieure qu'au moment où ses croyances seront suffisamment fortes pour lui donner un grand espoir de bienêtre. Comme les croyances ne sont jamais des certitudes, le malade apprécie l'approbation de son entourage avant de «lâcher prise», le moment venu. Tout soignant doit être à l'écoute de ce que le malade et les membres de l'entourage veulent partager de leur vie intérieure: leurs croyances, leurs valeurs, leurs espoirs; identifier des personnes significatives et favoriser des échanges qui permettent un meilleur partage des joies, des peines, des difficultés susceptible de favoriser l'installation d'une paix intérieure. Tenir compte de l'aspect spirituel veut dire respecter les croyances du malade et des membres de son entourage; être capable de sécuriser le malade dans ses croyances même si elles ne sont pas les nôtres. APPROCHE GLOBALE INTÉGRÉE: PHILOSOPHIE D'INTERVENTION L'approche globale intégrée est donc une philosophie d'intervention qui exige que tout soignant ait développé et intégré un état d'esprit devant la mort, la souffrance, l'anxiété et une capacité à travailler avec des familles dont la dynamique est en changement profond. Ce changement ira aussi loin que le décès du malade. Cette philosophie d'intervention exige des connaissances au-delà de sa profession. La meilleure médication contre la douleur ne pourra pas être satisfaisante pour la personne en fin de vie, si elle sent que son médecin ne comprend pas sa «douleur totale». Il en est ainsi pour toute intervention. Le malade en fin de vie et les membres de son entourage doivent savoir et sentir que tout soignant comprend l'ensemble de la situation qu'ils vivent. C'est cette approche globale intégrée qui a fait la force de l'association d'entraide Ville-Marie auprès de plus de 26 000 malades en phase terminale de cancer et des membres de leur famille à qui elle a dispensé des soins palliatifs à domicile depuis sa mise sur pied en 1973. Cette conviction demeure encore aujourd'hui des plus significatives pour toute personnes qui oeuvre au sein de L'AEVM. ÉQUIPE D'INTERVENTION À l'association d'entraide Ville-Marie, l'équipe de base qui dispense les soins est composée du malade luimême, des membres de sa famille, d'infirmier(e)s, de médecins, de préposé(e)s aux bénéficiaires et de personnes ressources bénévoles. Le malade et les membres de son entourage ont déjà acquis certaines connaissances et ont développé une certaine attitude devant l'évolution du cancer. Ils ne seront jamais des spécialistes au sens professionnel du terme, mais obtiendront par leur vécu, toute une expérience. L'approche globale intégrée, ils la vivent. La douleur, ils la ressentent dans tout leur être. Les membres de l'équipe externe à la famille que sont les soignants et les bénévoles doivent donc apporter leur expertise pour informer, former, conseiller, guider, soigner, pour démontrer une compréhension et un engagement très développés dans leur relation d'aide.
Cette interaction qui se développe, au domicile même, entre les membres internes et externes à la famille, cette reconnaissance mutuelle de compétence et de compréhension est une des clés de réussite dans la dispensation des soins palliatifs de l'association d'entraide Ville-Marie. Le malade vit sa phase terminale dans la dignité et il se sent respecté dans la globalité de son être jusqu'à la toute fin. Les membres de la famille vivent une expérience unique d'amour et de partage. Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Ils ont fait des choix déchirants pour être disponibles. Ils ont vaincu leurs peurs, leurs angoisses. Mais ils auront réussi. Un des leurs est décédé entouré d'une équipe compétente, compatissante dont ils ont pleinement fait partie. L'approche globale intégrée n'est certes pas la seule façon de distribuer des soins palliatifs à domicile, mais elle en est une excellente qui a fait ses preuves auprès des personnes en fin de vie et des membres de leur famille depuis plus d'un quart de siècle. Elle peut sûrement être un modèle très profitable à l intérieur d un système plus général de dispensation de soins à domicile.