Cour de cassation de Belgique



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Transcription:

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.08.0362.N O.W. R., Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, contre AXA BELGIUM, société anonyme. I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 19 février 2008 par le tribunal de première instance d Anvers statuant en degré d appel. Le conseiller Eric Dirix a fait rapport. L avocat général délégué André Van Ingelgem a conclu.

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/2 II. Les moyens de cassation Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants : Premier moyen Dispositions légales violées - article 19, dans sa version applicable avant sa modification par une loi du 8 juin 2007, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d assurances ; - article 1 er de l arrêté royal du 14 décembre 1992 relatif au contrat-type d'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs ; - articles 1 er, spécialement alinéa 1 er, 3, 1, 24 et 25, spécialement 3, b) du contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs annexé à l arrêté royal du 14 décembre 1992 relatif au contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs et articles 1 er et 2 de cet arrêté royal ; - articles 2, 1 er, 3, 11, 88 et, pour autant que de besoin, 77, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre. Décisions et motifs critiqués Par la décision attaquée, le tribunal de première instance déclare admissible et partiellement fondé, l appel de la défenderesse et sa demande originaire dirigée contre le demandeur fondée sur un droit de recours. Le tribunal de première instance condamne le demandeur à payer à la défenderesse une provision de 3.677,90 euros et une provision de 16.807,18 euros, les deux montants à majorer des intérêts. Le tribunal décide, après avoir constaté qu au moment des faits le demandeur possédait des permis de conduire nigérians et après avoir considéré qu il ne peut en être tenu compte, sur la base des motifs fondant la décision, qui sont considérés comme étant repris intégralement en l espèce, et notamment sur les considérations suivants lesquelles : «e. Aucun lien de causalité n est requis entre la conduite sans permis de conduire et l accident.

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/3 Le droit de recours est, en effet, prévu par le contrat d assurance ( ) et l article 25, 3, b) précité du contrat d assurance tel qu il est repris du contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs ne prévoit pas cette condition. f. L article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre ne s applique pas davantage. Cette disposition concerne notamment la déchéance du droit, et pas le droit de recours. Ceci est au contraire réglé par l article 88 de la loi». Griefs 1.1.La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre est, aux termes de son article 2, 1 er, applicable à toutes les assurances terrestres dans la mesure où il n'y est pas dérogé par des lois particulières. Aux termes de son article 3, sauf lorsque la possibilité d'y déroger par des conventions particulières résulte de leur rédaction même, les dispositions de cette même loi sont impératives. En vertu de l article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre, le contrat d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et à la condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre. L article 77 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre déclare que le chapitre III du Titre II, soit les articles 77 à 89, de cette loi est applicable aux contrats d'assurance qui ont pour objet de garantir l'assuré contre toute demande en réparation fondée sur (la survenance du dommage) prévu au contrat, et de tenir, dans les limites de la garantie, son patrimoine indemne de toute dette résultant d'une responsabilité établie. En application de l article 88, alinéa 1 er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre, l'assureur peut se réserver un droit de recours contre le preneur d'assurance et, s'il y a lieu, contre l'assuré autre que le preneur, dans la mesure où il aurait pu refuser ou réduire ses prestations d'après la loi ou le contrat d'assurance.

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/4 L éventuel droit de recours de l assureur contre le preneur d assurance ou l assuré doit être considéré comme une forme de déchéance du droit aux prestations d assurance. Le droit de recours ne peut en effet exister que dans la mesure où l assureur aurait pu refuser ou réduire les prestations. Il ressort, dès lors, des dispositions précitées que le droit de recours de l assureur ne peut être valablement stipulé que du chef de non-respect d une obligation déterminée imposée par le contrat et qu à la condition qu il existe un lien de causalité entre le manquement et le sinistre. 1.2. Aux termes de l article 19, dans sa version applicable en l espèce, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d assurances, pour l'établissement et l'application de leurs tarifs et conditions ainsi que de tous documents relatifs à la conclusion et à l'exécution des contrats d'assurances, les entreprises sont tenues de se conformer aux règles fixées par le Roi en vertu de la présente loi. En ce qui concerne l assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, le Roi a établi un contrat-type dans l arrêté royal du 14 décembre 1992. Aux termes de l article 1 er de l arrêté royal du 14 décembre 1992 relatif au contrat-type d'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, les contrats d'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs doivent répondre aux dispositions du contrat-type joint à cet arrêt. Sans toutefois porter atteinte aux dispositions impératives de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, il est toutefois permis d'accorder des dérogations en faveur du preneur d'assurance, de l'assuré ou de tout tiers concerné par l'application de ce contrat. En vertu de l article 2 de l arrêté royal du 14 décembre 1992, les entreprises d'assurances appliquent les dispositions du présent arrêté aux contrats souscrits. Par le contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs annexé à l arrêté royal du 14 décembre 1992, dénommé ci-dessous contrat-type, l entreprise d assurance couvre, conformément à la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs et aux conditions prévues par le contrat-type, la responsabilité civile des assurés résultant d un

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/5 sinistre causé en Belgique par le véhicule désigné, conformément à l article 1 er du contrat-type. Aux termes de l article 3, 1, du contrat-type la responsabilité civile de tout conducteur du véhicule désigné est aussi couverte. En vertu de l article 24 du contrat-type, la compagnie d assurance, qui est tenue envers les personnes lésées a, indépendamment de toute autre action qui peut lui appartenir, un droit de recours dans les cas et contre les personnes visées à l article 25. Ainsi, en vertu de l article 25, 3, b) du contrat-type, la compagnie a un droit de recours contre le preneur d assurance et, s il y a lieu, contre l assuré autre que le preneur d assurance lorsque, au moment du sinistre, le véhicule est conduit par une personne ne satisfaisant pas aux conditions prescrites par la loi et les règlements belges pour pouvoir conduire ce véhicule, par exemple par une personne n étant pas titulaire d un permis de conduire. 1.3. Les dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre et du contrat-type doivent être lues et appliquées conjointement. Il s ensuit que l assureur qui, en application de l article 25, 3, b), du contrat-type, souhaite exercer un droit de recours contre l assuré parce que ce dernier, au moment du sinistre, conduisait le véhicule sans satisfaire aux conditions prescrites par la loi et les règlements belges pour pouvoir conduire ce véhicule, doit établir qu il existe un lien de causalité entre le manquement et le sinistre comme prévu par l article 11 de la loi du 25 juin 1992. 2. Il ressort des constatations du jugement rendu le 3 février 2006 par le tribunal de police d Anvers que le 23 juillet 1996, le demandeur, en tant que conducteur d un véhicule automoteur dont la défenderesse était l assureur de la responsabilité civile, a porté des coups et blessures involontaires à P.V. Par le jugement interlocutoire du 24 octobre 2007, le tribunal de première instance constate que le litige entre les parties concerne le remboursement à la défenderesse des sommes qu elle a déboursées ensuite d un accident à l occasion duquel le demandeur a été déclaré responsable, c est-à-dire l accident du 23 juillet 1996.

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/6 Il ressort en outre de ce jugement interlocutoire que la défenderesse fonde son droit de recours sur les articles 24 et 25, 3, b, du contrat d assurance, ces dispositions étant reprises au contrat-type. Après avoir constaté dans le jugement définitif attaqué qu il ne peut être tenu compte des permis de conduire nigérians du demandeur, le tribunal de première instance considère : - qu aucun lien de causalité n est requis entre la conduite sans permis et l accident ; - que le droit de recours est, en effet, déterminé par le contrat d assurance et que l article 25,3,b), de contrat d assurance, tel qu il est repris au contrat-type ne prévoit pas cette condition ; - que l article 11 de la loi du 25 juin 1992 ne s applique pas davantage, dès lors que cette disposition concerne la déchéance du droit et pas le droit de recours réglé par l article 88 de cette loi ( ). Dès lors qu il ressort des dispositions légales mentionnées sous les numéros 1.1 et 1.2 que l assureur qui exerce un droit de recours en application de l article 25, 3, b) du contrat-type conformément à l article 11 de la loi du 25 juin 1992 doit établir l existence d un lien de causalité entre le manquement et le sinistre, le tribunal ne décide pas légalement qu aucun lien de causalité n est requis entre la conduite sans permis et l accident (violation de toutes les dispositions légales citées au début du moyen). Le tribunal ne décide pas davantage que l article 11 de la loi du 25 juin 1992, qui est d ordre impératif, ne s applique pas au droit de recours de la compagnie d assurance : l exercice d un droit de recours donne lieu, en effet, à une déchéance du droit (violation des articles 2, 1 er, 3, 11 et 88 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre). Même si la Cour estimait que le tribunal de première instance se fonde uniquement sur le contrat d assurance liant les parties (et pas sur les dispositions du contrattype), la décision n est pas légalement justifiée. L article 11 de la loi du 25 juin 1992 est, en effet, d ordre impératif et il ne ressort d aucune constatation ou considération du tribunal de première instance que le demandeur y a renoncé. Conclusion Le tribunal de première instance ne décide pas légalement que le droit de recours de la défenderesse ne requiert aucun lien de causalité entre la

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/7 conduite sans permis de conduire et l accident (violation des articles 19, dans sa version applicable avant sa modification par une loi du 8 juin 2007, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d assurances, 1 er de l arrête royal du 14 décembre 1992 concernant le contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, 1 er, 3, 1, 24 et 25, spécialement 3, b, du contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs annexé à l arrêté royal du 14 décembre 1992 ainsi que 1 er et 2 de cet arrêté royal et 2, 1 er, 3, 11, 88 et 77 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre). Le tribunal ne décide pas davantage légalement que l article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre ne s applique pas (violation des articles 2, 1 er, 3, 11 et 88 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre). Le tribunal de première instance ne déclare dès lors pas légalement que l action de la défenderesse fondée sur un droit de recours est fondée. Second moyen Dispositions légales violées - articles 10, 11 et 159, de la Constitution ; - article 25 du contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs annexé à l arrêté royal du 14 décembre 1992 concernant le contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs et articles 1 er et 2 de cet arrêté royal. Décisions et motifs critiqués Par la décision attaquée, le tribunal de première instance déclare admissible et partiellement fondé l appel de la défenderesse et sa demande originaire dirigée contre le demandeur. Le tribunal de première instance condamne le demandeur à payer à la défenderesse une provision de 3.677,90 euros et une provision de 16.807,18 euros, les deux montants à majorer des intérêts. Après avoir constaté qu au moment des faits le demandeur possédait des permis de conduire nigérians et après avoir considéré qu il ne peut en être tenu compte, le tribunal fonde cette décision sur l ensemble de ses motifs qui sont considérés comme étant intégralement reproduits, et notamment sur les considérations suivantes :

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/8 «g. Ledit article 25, 3, b) du contrat-type n est pas davantage contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Le législateur a, certes, prévu un éventuel droit de recours en cas d ivresse, un lien de causalité devant alors exister entre l ivresse et l accident, et il a aussi prévu un droit de recours éventuel en cas de conduite sans permis de conduire valable et l accident, mais cela vaut de manière identique pour tout le monde». Griefs 1. Sur la base de l article 25 du contrat-type de l assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs annexé à l arrêté royal du 14 décembre 1992 concernant le contrat-type de l assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, dénommé ci-dessous contrat-type, qui doit être appliqué par les compagnies d assurance aux contrats en vertu des articles 1 er et 2, de l arrêté royal précité, l assureur a un droit de recours : - contre l assuré, auteur de l accident, qui a causé le sinistre en conduisant en état d ivresse (article 25, 2, b) ; - contre le preneur d assurance et, s il y a lieu, contre l assuré qui n est pas le preneur d assurance, lorsque, au moment du sinistre, le véhicule est conduit par une personne ne satisfaisant pas aux conditions prescrites par la loi et les règlements belges pour pouvoir conduire ce véhicule, par exemple par une personne qui n est pas titulaire d un permis de conduire (article 25, 3, b). 1.2. En vertu de l article 159 de la Constitution, les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois. En vertu de cette disposition, chaque organe chargé d une jurisprudence contentieuse a le pouvoir et l obligation de contrôler la légalité des arrêtés qu il applique. L article 10 de la Constitution dispose que les Belges sont égaux devant la loi et l article 11 de la Constitution dispose que la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. Ces articles impliquent que ceux qui se trouvent dans une situation identique, doivent être

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/9 traités de manière identique. Ils n excluent certes pas qu une différence de traitement entre certaines catégories de personnes soit instaurée mais uniquement dans la mesure où le critère de distinction est objectivement et raisonnablement justifiée. L existence d une telle justification doit être appréciée par rapport à l objectif et aux conséquences de la mesure. Lorsqu il est établi qu il n existe pas de lien raisonnable de proportionnalité entre les moyens utilisés et l objectif poursuivi, le principe constitutionnel d égalité est violé. 2. Le demandeur a invoqué dans des conclusions régulièrement déposées devant le tribunal de première instance que, si aucun lien de causalité ne doit être établi entre le manquement et le sinistre pour que le droit de recours puisse être exercé par l assureur en vertu de l article 25, 3, b, du contrat-type, cette disposition est contraire au principe d égalité et à l interdiction de discrimination «comme l a soutenu, à juste titre, le premier juge». Par le jugement du 3 février 2006 rendu en l espèce, auquel la Cour peut avoir égard, le tribunal de police d Anvers a considéré : «L article 25, 3, b, est, en outre, contraire au principe d égalité et de non-discrimination ancré dans la Constitution lorsque l action récursoire de l assureur requiert que la question du lien de causalité entre le sinistre et la faute reprochée à l assuré en cas d ivresse ou de faute grave doive être examinée alors qu en cas de défaut de permis de conduire, il n est pas requis qu un tel lien de causalité (ou la possibilité offerte à l assuré d établir l existence d un tel lien de causalité) soit établi, le recours de l assureur devenant inconditionnel». Par le jugement attaqué, le tribunal de première instance décide que l article 25, 3,b, du contrat d assurance tel qu il est repris du contrat-type, n est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors que le droit de recours en cas d ivresse pour lequel il y a lieu d établir l existence d un lien de causalité entre l ivresse et l accident et le droit de recours en cas de conduite sans être titulaire d un permis de conduire valable pour lequel aucun lien de causalité ne doit être établi, vaut de manière identique pour chacun. Sur la base des considérations précitées, le tribunal ne justifie pas légalement sa décision suivant laquelle l article 25, 3, b, du contrat-type n est

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/10 pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. En effet, le tribunal n examine pas et ne constate pas que les conducteurs qui causent un sinistre en conduisant en état d ivresse et les conducteurs qui, au moment du sinistre, conduisent un véhicule sans être titulaires d un permis de conduire prescrit par la loi belge sont ou non des catégories comparables, ni si la distinction faite par le tribunal de première instance sur le plan du lien de causalité entre lesdites fautes et le sinistre établi est justifiée de manière objective et raisonnable. En d autres termes, le tribunal de première instance n examine pas si la différence de traitement invoquée de manière régulière par le demandeur est compatible avec les conditions des articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée. Le contrôle de légalité n est, en effet, pas limité à l application identique pour chacun de la différence de traitement. Conclusion Le tribunal de première instance ne considère pas légalement que l article 25, 3, b, du contrat-type n est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution (violation de toutes les dispositions légales citées par le moyen). III. La décision de la Cour Sur le premier moyen : 1. L article 88, alinéa 1 er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre dispose que l'assureur peut se réserver un droit de recours contre le preneur d'assurance et, s'il y a lieu, contre l'assuré autre que le preneur, dans la mesure où il aurait pu refuser ou réduire ses prestations d'après la loi ou le contrat d'assurance. 2. Aux termes de l article 25, 3, b, du contrat-type d assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, annexé à l arrêté royal du 14 décembre 1992, l assureur a un droit de recours contre le preneur d assurance et, s il y a lieu, contre l assuré autre que le preneur d assurances, lorsque, au moment du sinistre, le véhicule est conduit par une personne ne satisfaisant pas aux conditions prescrites par la loi et les règlements belges pour pouvoir conduire ce véhicule. 3. Lorsque l assureur reprend une telle clause dans la police, il dispose, sur une base contractuelle, d un droit de recours lorsque les conditions y

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/11 afférentes sont remplies, sans qu il soit requis de prouver l existence d un lien de causalité entre l accident et le défaut de satisfaire aux conditions prescrites par la loi et les règlements belges pour pouvoir conduire un véhicule. Il n y est pas dérogé par l article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre précité en vertu duquel le contrat d assurance ne peut prévoir la déchéance totale ou partielle du droit à la prestation d assurance en raison de l inexécution d une obligation imposée par le contrat, dès lors que le recours de l article 25.3.b) du contrat-type n est pas fondé sur une obligation imposée par le contrat d assurance mais sur la violation d une obligation légale. 4. Les juges d appel ont constaté que : - une clause, telle que celle visée à l article 25, 3, b, a été reprise dans le contrat d assurance conclu entre les parties ; - l accident impliquant le demandeur est survenu en Belgique ; - le demandeur ne satisfaisait pas à la loi et aux règlements belges pour pouvoir conduire un véhicule. 5. En décidant que la défenderesse peut exercer son droit de recours sans «qu un lien de causalité soit requis entre la conduite sans permis de conduire et l accident», les juges d appel ont légalement justifié leur décision. Le moyen ne peut être accueilli. Sur le second moyen : 6. Dans ses conclusions prises devant les juges d appel, le demandeur n a pas énoncé pour quelles raisons la différence de traitement concernant le lien de causalité entre l action récursoire, d une part, en cas de conduite en état d ivresse et, d autre part, en cas de conduite sans permis de conduire valable, méconnaît le principe d égalité. 7. En constatant que «le législateur a prévu un éventuel droit de recours en cas d état d ivresse, un lien de causalité devant alors exister entre l ivresse et l accident, et a aussi prévu un droit de recours éventuel en cas de conduite sans permis de conduire valable, l existence d un lien de causalité ne devant par contre pas être établie entre la conduite sans permis de conduire valable et l accident» et en constatant ensuite «que cela vaut de la même manière pour tout le monde», les juges d appel ont indiqué que le législateur règle de

19 JUIN 2009 C.08.0362.N/12 manière différente des situations inégales pour des motifs objectifs et raisonnables. Les juges d appel ont ainsi répondu aux conclusions du demandeur et ont légalement justifié leur décision. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi; Condamne le demandeur aux dépens. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président, les conseillers Eric Dirix, Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Geert Jocqué, et prononcé en audience publique du dixneuf juin deux mille neuf par le premier président, en présence de l avocat général délégué André Van Ingelgem, avec l assistance du greffier Johan Pafenols. Traduction établie sous le contrôle du conseiller Christine Matray et transcrite avec l assistance du greffier Marie-Jeanne Massart. Le greffier, Le conseiller,