Campagne de Mésopotamie.



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Transcription:

Campagne de Mésopotamie. Résumé : En 1914, les Britanniques possédaient les riches gisements pétrolifères du Koweït mais ils rêvaient de s'emparer plus au nord de la région de Bassorah, elle aussi riche en pétrole et aux mains de l'empire ottoman. L'entrée en guerre de la Turquie le 29 octobre 1914 aux côtés des Allemands va permettre aux Britanniques de s'emparer de la Mésopotamie et de ses richesses. L idée générale de manœuvre était que les russes attaquent les turcs au Nord pour immobiliser des forces,tandis que les anglais attaqueraient par le sud et plusieurs milliers de km plus loin. Mais voilà Les russes n attaqueront pas comme prévu et les anglais seront les seuls à faire face aux turcs,ce qui fait que les forces britanniques affronteront des forces ottomanes bien supérieures en nombre. +++ L affaire commence par un débarquement anglais dans le port de Fao là où le Tigre et l Euphrate se jettent dans le Golfe Persique. La mission officielle était de protéger le pétrole koweïtien. La mission «non officielle» était de s emparer des champs pétrolifères ottomans, voire de remonter jusqu à Bagdad. Dans un premier temps, les choses se présentent assez bien ; les turcs se battent à peine. De fil en aiguille, on remonte sans trop de problème. Les anglais se voient déjà entrer à Bagdad en vainqueur. Mais un échec inattendu les force à se replier, puis à se retrancher, puis à se rendre

En route vers Bagdad par le fleuve. La raffinerie de pétrole d'abadan est prise début novembre 14. Mais pour la protéger des contre-attaques turques, la prise du bouchon de Bassorah plus au nord encore est nécessaire( et il en sera ainsi tout au long de la route ). Les indiens finissent par s emparer de la ville fin novembre 14. Après Bassorah, c est Kuma,au confluent du Tigre et de l Euphrate (qui commencent leur crue). Mal commandés, les turcs s enfuient dès le 1 contact. Kurna est pris. Etape suivante : Amarah.

Entrée anglaise triomphale dans Amarah. Profitant de son succès, le général Townshend avait l intention d entrer à Amarah sur les talons des troupes turques en retraite. Par une chaleur épouvantable, il remonta le fleuve avec sa flottille, sans attendre les troupes terrestres qui progressaient à leur rythme,et à pied. Les turcs sont surpris par l intrépidité de la manœuvre de cette petite force navale,et quand brusquement les anglais abordent à Amarah, le gouverneur et le commandant des troupes l accueillirent pour se rendre : la place avait été prise avec vingt-cinq matelots et soldats britanniques. Etape suivante : Kut. D après le service de renseignement du Grand Quartier-Général, les forces ennemies disponibles à Kut et les troupes en retraite vers cette agglomération étaient peu nombreuses et désorganisées. Elles n étaient pas en mesure d inquiéter sérieusement la force d attaque appuyée par de l artillerie lourde et disposant d avions d observation et de moyens de liaison par TSF,ainsi que par une flottille d accompagnement. C était tentant. Le 23 août, le QG. du corps expéditionnaire donnait à Townshend l ordre d occuper Kut Le général anglais avait deux discours ; d une part il se voyait entrer dans Bagdad, et d autre part il se plaignait de la faiblesse de ses moyens de transport, autre que les bâtiments de rivière La ville de Kut est prise non sans pertes.

Etape suivante : Bagdad? A nouveau, le général anglais tient 2 messages contradictoires : D une part il se déclare prêt et fier de renter dans Bagdad, De l autre il semble comprendre parfaitement la situation : «Tenter un coup de main sur Bagdad avec ma seule division, à 380 milles de la mer, en pays hostile qui se soulèverait à notre premier échec serait, à mon avis, une erreur impardonnable aux points de vue tactique, stratégique et politique. Il dira en outre plus loin : un général est irrémédiablement perdu si il permet aux raisons politiques d influer sur ses motifs stratégiques. Toujours est-il que la troupe file vers Bagdad. Et on se retrouve devant Ctésiphon.. Et «là»,ça tourne «mal». Et il faut se replier «vite fait» sur Kut avec les Turcs sur les talons..

Etape suivante : sauver ce qui peut l être à Kut L affaire tourne mal, talonnés par les Turcs, les Britanniques décident de mettre en défense Kut el Amara et d y attendre une force de secours. Commence une retraite éprouvante, sous la menace de la VIe armée turque dont une reconnaissance aérienne a découvert l avant-garde estimée à 12 000 fantassins et 400 cavaliers. Les 28 et 29 novembre, la 6e division «souffle» à Azizieh où elle est recueillie par des renforts qui vont les appuyer dans leur retraite. Le 30, la retraite se poursuit sur une distance d une quinzaine de kilomètres seulement : aller plus loin serait revenu à abandonner la flottille qui, compte-tenu des méandres du fleuve et des hautsfonds, n aurait pu suivre le rythme des troupes terrestres. A Kut, le moral est encore relativement «bon» ; des renforts sont promis,et il semble encore possible de les battre une fois les forces réunies à Kut. Mais pour les troupes en retraites, l affaire se présente sensiblement différemment : ils n ont rien à manger et les turcs ne les lâchent pas. Outre 500 hommes, deux navires sont perdus.

Retranchement à Kut La décision de se retrancher à Kut s appuie sur deux raisons principales. L une à caractère défensif : la place étant située au confluent du Tigre et de la rivière Hai qui joint celui-ci à l Euphrate. tenir la ville permet de bloquer l avance de la VIe Armée turque, dépendante elle aussi des transports par voie fluviale. L autre à caractère offensif ( ou plus exactement dans l espoir d une proche offensive ) : en couvrant la basse Mésopotamie la 6e division britannique fait «parapluie» pour recevoir les renforts britanniques en provenance du sud. Au QG de la garnison encerclée, la crainte est que les turcs les fixent à Kut avec une force minimum, tandis que le gros de la trope ira plus vers le sud pour exterminer la colonne de secours plus en aval sur le fleuve.

Organisation du retranchement à Kut. Les défenses de la ville se limitent à quelques blockhaus situés à un peu moins de deux kilomètres de l agglomération, la couvrant face au nord, seule direction nonprotégée naturellement par le fleuve. Townshend commence par les faire raser, estimant qu ils n étaient bons qu à servir de repères à l artillerie ennemie. Ils seront remplacés par une triple ligne de tranchées. Il existait aussi un «fort» en pisé situé au bord du Tigre, à l extrémité nord-est du périmètre défensif et que les défenseurs allaient s efforcer d améliorer un pont de bateaux permettait de joindre la rive droite du cours d eau. Son débouché sur celle-ci était bien sûr tenu par les Britanniques, qui de ce fait contrôlaient le triangle entre le Tigre et la rivière Hai.

Bilan des ressources de Kut. Les assiégés se séparent de la brigade de cavalerie jugée inutile et dont la nourriture des chevaux aurait soulevé des difficultés insurmontables. Les moyens disponibles étaient les suivants au 6 décembre : 7 411 fantassins, dotés de 800 cartouches par homme, plus une brigade d artillerie, bien dotée en munitions. Approvisionnements : soixante jours de vivres pour les troupes, 30 jours de grain et 57 de farine, mais seulement 17 jours de fourrage pour les animaux. Moyens nautiques : la canonnière Shaitan et une barge. Ces forces se trouveront opposées au début du siège à 2 000 Turcs appuyés par 33 canons. Le commandant de la place pris des mesures préventives vis-à-vis de la population : il avait renvoyé les Arabes non-domiciliés en ville, organisé une police militaire et pris vingt notables en otage, annonçant qu ils seraient fusillés «au premier indice de trahison». Cette menace était crédible ; dès les premiers jours du siège on fit passer en conseil de guerre et exécuter une douzaine d indigènes pris en flagrant délit de pillage. Progressivement, l ennemi investissait les deux rives du fleuve, en contournant la place, enveloppant Kut par le sud et coupant l éventuelle ligne de retraite britannique. Le 9 décembre, après une préparation d artillerie, les Turcs refoulaient dans la ville,cad de l autre coté du Tigre le détachement qui tenait la tête de pont et ne s était pas retranché. Il ne restait plus qu à faire sauter celui-ci, mission accomplie dans la nuit parle pont, ce qui fut fait dans un coup de main d une audace folle. La journée avait coûté 199 tués et blessés aux Britanniques qui, sur la rive opposée à Kut, ne tenaient plus désormais que la distillerie et le village. L étau se resserrait.

A partir du 10 décembre, les Turcs se contentent de bombarder violemment les positions britanniques, ce qui saigne lentement mais surement les forces retranchées De petites sorties nocturnes sont néanmoins effectuées, permettant de faire quelques prisonniers. De l interrogatoire de ceux-ci, il ressort que Kut est assiégé par quatre divisions et que deux autres sont attendues ce qui devrait porter l effectif des assaillants à 40 000 hommes. Le 24 décembre, les Turcs dirigent leur attaque sur le fort. Après avoir pénétré dans un bastion, les Turcs sont contraints de se retirer. Ils ont perdu environ deux mille hommes pour 315 tués et blessés chez les défenseurs. Les forces ottomanes ont beaucoup souffert, mais la position des Britanniques n était pas plus enviable pour autant. A Kut, on prépare toujours l arrivée de l armée de secours, en vue d «avancer sur Bagdad, toutes forces réunies». Pourtant tout indiquait que l affaire se présentait très mal ; les turcs non seulement encerclaient fermement la ville mais aussi se dirigeaient à l encontre d une éventuelle force de secours en descendant le fleuve. La guerre psychologique est déclenchée : de la «littérature de propagande» rédigée en hindoustani est retrouvée dans les barbelés protégeant les retranchements britanniques. On y engage les troupes indiennes à se mutiner, assassiner les officiers anglais et rejoindre leurs «frères Turcs»... L option de l abandon de Kut de nuit. L évacuation de Kut est une éventualité envisageable. Elle sera très difficile car il faudra franchir le fleuve en crue. Ca prendra du temps, et il ne sera possible en une nuit que d évacuer la moitié des troupes en abandonnant le matériel lourd et les blessés. Mais malgré ces calculs inquiétants, au GQG, on envisage toujours l option opposée : débloquer la garnison encerclée et avec elle repartir à l assaut de Bagdad.

Kut sera-t-il dégagé? Le 21 janvier 1916, le Corps d armée lance une nouvelle attaque afin de percer en direction de Kutel-Amara. Nouvel échec sanglant. Seule les écossais ont réussi à pénétrer dans le dispositif ennemi, sans pouvoir s y maintenir. Les éléments s en mêlent ; le Tigre sort se son lit pour envahir les premières lignes de défense de Townshend. Les forces de secours anglaises sont figées sur place par la boue. A Kut, on envisage 3 solutions : a) Tenter une sortie vers l aval. b) Se retrancher et attendre l armée de secours. c) Se rendre. La sortie est impossible ; la traversée du fleuve sera trop longue et trop aléatoire sur le Tigre en crue. Il ne sera pas possible de faire sortir tout le monde,et en particulier le matériel lourd devra être abandonné sur place. Et «après la sortie» il y aura les verrous successifs turcs sur la route du sud. La reddition n est même pas envisagée. Reste le retranchement qui a l avantage de bloquer les turcs dans leur descente du fleuve,or si ils continuent à descendre, ils vont arriver sur les bases de départ des troupes anglaises,et dans la zone pétrolière anglaise.

Le camp retranché est bien coupé de ses arrières. Il y a le Tigre en crue Il y a les marais Il y a les tranchées turques successives

Le camp retranché tient mais a faim Sur le plan des effectifs les anglais disposent encore au 27 janvier de 8 356 combattants, sur un total de 10 513 hommes, blessés inclus. A cela il faut ajouter 2 908 porteurs indigènes, soit un effectif rationnaire total de 13 421 bouches. Ces chiffres ne tiennent pas compte, bien sûr, de la population civile de Kut. En ce qui concerne les munitions, il restait 750 cartouches par fusil, soit presque autant qu au début du siège ( Il est vrai que le nombre des tireurs avait diminué ). Ne négligeant pas le facteur moral, le commandant de la place assiégée demandait au GQG de faire envoyer à ses troupes indoues un message d encouragement de leurs chefs coutumiers. Dès le 3 février, il en recevait un du vice-roi des Indes, qui se concluait ainsi : «l Inde pense à vous et à vos troupes». C était bien nécessaire, d autant plus que le scorbut avait fait son apparition dans les rangs des Indiens, ceux-ci refusant de manger de la viande de cheval. Le plan d évacuation était le suivant : Dès l arrivée des renforts, repousser et clouer les turcs de l autre côté de la rivière Hai Evacuer toute la garnison par la rive droite en se démerdant comme on peut pour traverser le Tigre par ailleurs en crue... Y a qu à faire Et après,qu est ce qu on fait? On verra.

Les mauvaises nouvelles s accumulent : Les grandes crues, imminentes, ne vont pas favoriser les opérations de remontée du fleuve. Les barrages successifs seront extrêmement difficiles à franchir tant pour descendre que pour envoyer des forces. On assistait de nouveau à un dialogue de sourds dehors on voulait attendre des renforts pour attaquer, dedans on voulait une attaque immédiate... Deux divisions turques renforcées d artillerie sont annoncées. Un monoplan bombarde la ville retranchée, et même si ce bombardement est peu redoutable sur le plan des dégâts matériels qu il pouvait causer, l impact psychologique était énorme. les Turcs disposent d environ 30 000 hommes, dont 10 000 tiennent une position avancée barrant la route à une force de secours. Lueur d espoir : Le 21 février, les forces encerclées reçoivent un message :» demain» on allait déclencher une offensive majeure pour venir les débloquer... Mais «demain» ce sera dans plusieurs jours Et l offensive sera insuffisante pour faire la jonction avec les forces retranchées Les turcs proposent la rédition. Le jour même, les turcs proposent une rédition «honorable». Les anglais refusent. Dans la place assiégée, la situation empirait du fait des ravages de la maladie et de la famine ; on en était à faire cuire de l herbe pour la manger, ce qui provoquait des diarrhées parfois mortelles. Un général de brigade succomba ainsi. La population d environ 6 000 individus était désormais persuadée de la victoire turque,et devenait très difficilement gérable ; il fallait en fusiller un, de temps en temps, pour espionnage ou vol

L attaque de la dernière chance Le 31 mars 1916, les forces assiégées sont avertis d un nouvel assaut dans les jours suivants. Les responsables de la garnison encerclée leurs font savoir qu il ne faut plus trop compter sur les forces de la garnision pour se dégager ; ils sont «à bout». Le 5 avril au matin, l attaque décisive est lancée. Les premières lignes turques sont enlevées. Les assiégés soutenaient l opération du tir de leurs canons qui prenaient pour cible les ponts et bacs permettant aux Ottomans de franchir les deux cours d eau. Soutien sans grand effet. Pendant tout ce temps,la crue s attaquait aux diguettes, envahissant les tranchées amies et ennemies. Le 9 à l aube, l attaque décisive est lancée. Elle est bloquée Le dernier espoir s en va. Toutes dernières possibilité de s en tirer Les possibilités d évacuer toute la garnison sont maintenant «nulles». Il reste cependant encore quelques possibilités a) tenter une sortie désespérée avec quelques centaines d hommes «les plus utiles», soit l état-major et les spécialistes. b) Ravitailler par voie aérienne la garnison mais les besoins de la garnison étaient disproportionnés par rapport aux moyens disponibles : il fallait 2.5 tonnes d approvisionnements par jour, la garnison, en recevra moins de la moitié La garnison demande alors qu on lui envoie 50 tonnes d approvisionnement par un vapeur qui devrait forcer le passage. La reddition de Kut-el-Amara Le dernier espoir de la garnison était donc d être ravitaillée par le fleuve. A minuit, entre le 24 et le 25 avril, le vapeur «Julnar» appareillait. Il portait 270 tonnes de vivres. Rapidement décelé, il était canonné sur tout son parcours. Les Turcs avaient tendu une chaîne en travers du Tigre : elle se prit dans l hélice du bateau qui s échoua C était «terminé»,et les anglais permettent à la garnison encerclée d entrer en pourparlers avec l ennemi. Celui-ci connaissait les ravages du scorbut dans les rangs des défenseurs et savait qu ils étaient pratiquement en train de mourir de faim : il n admit donc aucune condition. La garnison après avoir fait détruire ses canons, munitions, matériels et postes de TSF, rend la place le 29 avril 1916.