L eau pour l électricité



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Transcription:

À l instar du néologisme américain Watergy, qui met en exergue les liens intrinsèques entre la production d énergie et l eau, et par réciprocité ceux qui lient la production d eau et l énergie, l Eaunergie consiste en une nouvelle approche de la problématique d approvisionnement de ces produits dans un contexte de plus en plus contraint par le réchauffement climatique, l explosion démographique et la croissance mondiale. La production d électricité, pour sa part, n échappe pas à la règle et la consommation d un kwh électrique doit maintenant être pour tous associée à celle d une certaine quantité d eau. L énergie est liée à l eau de deux manières : d une part il faut de l énergie pour produire, traiter et distribuer l eau, et d autre part, la production d énergie ne peut se faire sans en utiliser ou en produire (voir fiche "L eau dans la production de carburants"). Cependant, les situations peuvent être très différentes selon les pays : si la part des prélèvements en eau pour la production d énergie est de 50 % en France, elle est de 3 % en Inde. Ce pays utilise par ailleurs 31 % de sa consommation d électricité pour produire de l eau, alors que ce chiffre n est que de 3,4 % en France 1. L électricité devient une forme d énergie de plus en plus essentielle dans la croissance économique mondiale et l importance de l eau est différente selon les filières de production considérées. Si l impact des prélèvements sur la ressource en eau par des procédés tels que l hydroélectricité ou la géothermie est incontestable, le fonctionnement des centrales thermiques à flamme ou nucléaires nécessite également d utiliser de l eau ; dans une moindre mesure, même le solaire ou l éolien ont des besoins en eau. Dans le cas de la production d électricité, la mesure de la quantité d eau utilisée doit se faire sur l ensemble de la filière énergétique considérée. Outre l eau utilisée par le fonctionnement d une centrale thermique qui est le poste le plus consommateur un véritable bilan eau doit prendre en compte les consommations liées à la fabrication des matériaux de construction, celles nécessaires à la construction de la centrale, à son démantèlement et à l extraction des matières premières (charbon, pétrole, gaz, uranium) qui lui servent de combustibles. (1) Goosens et Bonnet - 2001, Cai et al. - 2004 Origine de l électricité Mis à part le solaire photovoltaïque et l éolien, le principe général de production repose sur la transformation d une source d énergie primaire en électricité via un couple turbine-alternateur. Cette énergie peut provenir de différentes sources (figure 1) : l eau "naturelle" par effet de gravitation ou de courant (centrales hydroélectriques, marémotrices), la vapeur (chaudières à charbon, biomasse, fioul, incinération d ordures, usines géothermiques, centrales nucléaires, centrales solaires thermodynamiques), la combustion de gaz (gaz fossiles, biogaz ou gaz de synthèse). Fig. 1 - Production globale d électricité par source et par scénario 50 Autre* 45 Solaire 40 Éolien Biomasse et 35 déchet + CSC Biomasse 30 et déchet Hydraulique 25 Nucléaire 20 Gaz naturel + CSC 15 Gaz naturel Pétrole 10 Charbon + 5 CSC Charbon 0 2007 Base 2030 Base 2050 Blue Map 2050 *Autre correspond à la génération d'électricité à partir de la géothermie et des énergies marines Source : AIE, Energy Technology Perspectives 2010 PWh

Quel est enjeu sur l eau de toutes ces solutions technologiques? Utilisation de l eau pour produire de l électricité L hydroélectricité et la géothermie : deux utilisations spécifiques de l eau L hydroélectricité L hydroélectricité constitue un apport énergétique lié à la ressource en eau, utilisée dans le monde entier grâce à la construction de barrages. Il existe plus de 1 800 installations hydrauliques en France, depuis des centrales dites "au fil de l eau" alimentées par des chutes de moins de 30 m de dénivelé, jusqu aux centrales de "hautes chutes" alimentées par des dénivelés de plus de 200 m. Le principe est simple : la puissance d une chute d eau canalisée est utilisée pour faire tourner des turbines couplées à des alternateurs. Cette puissance dépend de l énergie potentielle de l eau et de son débit. Du point de vue des énergies renouvelables, l hydroélectricité est de loin la première source renouvelable d électricité (figure 2) dans le monde. Fig. 2 - Sources renouvelables d électricité Total renouvelables : 3 546 TWh Hydraulique 86,8 % Source : AIE 2010 Autre 13,2 % Ordure ménagère Biomasse solide Biogaz Biomasse liquide Géothermie Photovoltaïque Solaire thermique Énergie marine Éolien En 2007, la part de l hydroélectricité dans le bilan électrique mondial approchait 16 %, mais ne représente que 2,15 % de la production mondiale d énergie. Sur les quelques 20 000 TWh produits cette année là, plus de 3 000 l avaient été par l hydroélectricité. Du point de vue de la ressource en eau, ces centrales restituent au milieu l intégralité de l eau nécessaire à l alimentation des turbines. Une partie de cette eau est même parfois remontée dans le réservoir par des pompes électriques lorsque la demande en électricité est inférieure à la production du barrage. Cela permet de stocker cette énergie électrique produite, et non utilisée, sous forme d énergie potentielle avec un bon rendement, de l ordre de 90 %. Cependant, le système des barrages hydrauliques n en reste pas moins aussi consommateur d eau en amont des turbines. En effet, une partie importante de l eau stockée dans le réservoir disparait du cycle local de l eau par évaporation. Selon les endroits, cette évaporation peut atteindre 6 à 8 fois la consommation d une centrale nucléaire à cycle fermé. La géothermie La géothermie consiste à utiliser en surface la chaleur produite naturellement par le sous-sol. En effet, la température s accroît en moyenne de 3 C par centaine de mètres d enfouissement : on parle de gradient géothermique. Cette source d énergie souterraine chauffe soit l eau présente dans les roches à des profondeurs de l ordre du kilomètre, soit celle qu on y injecte à partir de la surface. L eau produite est la plupart du temps utilisée comme source de chaleur de basse (environ 70 C dans le cas de géothermie dédiée au chauffage urbain) ou très basse température (environ 10 C proche de la surface du sol) dans le cas d utilisation de pompes à chaleur domestiques, sans produire de l électricité. Dans les cas particuliers où la température de la roche est élevée, au-delà de 150 C dans les milieux volcaniques (cas d "hyperthermie" ou géothermie haute énergie dite EGS (Enhanced Geothermal System) à Bouillante en Guadeloupe où la température passe de 20 C en surface à 250 C à 500 m de profondeur) ou dans les soussols dotés d un gradient thermique particulièrement important (72 C/km dans le cas de "semi-thermie" en Alsace), on peut alors utiliser l eau en surface sous forme de vapeur pour alimenter des turbines et produire de l électricité. Cette vapeur est ensuite condensée par les systèmes de refroidissement utilisant eux-même une source d eau froide et l eau condensée est alors réinjectée dans le sous-sol. L utilisation de l eau dépend des caractéristiques de la ressource ainsi que des technologies de production d électricité et de refroidissement. Dans l exemple cidessous (figure 3), les données de consommation pour les États-Unis ne tiennent pas compte des injections éventuelles d eau dans le système, qui pour l instant ne sont pas encore bien évaluées dans le cas de l EGS. Cette consommation varie de zéro (refroidissement par air) à quelques m 3 /MWh pour un procédé de refroidissement par eau (6,5 m 3 /MWh dans le cas d une centrale d 1 MW dans le Nevada). Des systèmes de refroidissement hybrides ont des consommations intermédiaires de l ordre de 500 l/mwh (450 l/mwh centrale de Puna, Hawaï).

Fig. 3 - Utilisation de l eau dans les systèmes de refroidissement Consommation en eau dans les systèmes de refroidissement Refroidissement en circuit ouvert Refroidissement en circuit fermé Refroidissement atmosphérique Prélèvement gal/mwhe Consommation gal/mwhe Min. Max. Min. Max. 0 14 265 0 65 Source Hagedoorn 2006, Dennen et al. 2007 0 4 499 0 4 499 Dennen et al. 2007 0 0 0 0 Kagel et al. 2005 Source : DOE, Argonne National Laboratory, Corrie Clark, Ph.D Environmental Science Division, Water Use and Large-Scale Geothermal Energy Production. Présentation au Water/Energy Sustainability Symposium at the GWPC Annual Forum 2009 Utilisation de l eau pour la génération d électricité thermique Pour fabriquer la vapeur, de l eau déminéralisée et dégazée est envoyée vers la chaudière de la centrale thermique. La chaudière transfère à l eau la chaleur dégagée par la combustion, qui se transforme ainsi en vapeur surchauffée et sous pression. On peut atteindre actuellement des valeurs supercritiques de vapeur d eau de plus de 250 bar et 600 C. La vapeur traverse ensuite le rotor de la turbine qu elle met en rotation et par la suite l alternateur auquel il est couplé. La turbine peut fonctionner en évacuant la vapeur en sortie vers l atmosphère, ce qui induit alors une perte énergétique importante. C est pourquoi, à l échappement est généralement installé un dispositif de récupération de calories. Ce dispositif peut être une installation industrielle utilisant de la vapeur pour ses procédés ou bien un condenseur de vapeur. Le condenseur permet de récupérer la vapeur sous forme liquide pour la renvoyer vers le générateur de vapeur, au sein d un circuit fermé. La vapeur en sortie de turbine est refroidie dans le condenseur par la circulation d eau froide dans un circuit secondaire (eau de mer, eau de rivière, air). Ce principe de fonctionnement est le même pour toutes les centrales thermiques avec turbines à vapeur, quel que soit le combustible, fioul, gaz, incinération, biomasse, etc. Les centrales ont donc aussi besoin d une source froide pour condenser la vapeur à la sortie des turbines avant son retour vers la chaudière. L eau de refroidissement est soit simplement captée dans une rivière en amont de la centrale ou dans la mer, puis renvoyée réchauffée de quelques degrés Celsius dans le milieu naturel, ou bien stockée dans un circuit de refroidissement où elle est partiellement évaporée lors de son passage dans des tours aéro-réfrigérantes. Cette source froide peut être aussi l air extérieur, mais avec dans ce cas une baisse de rendement de 10 à 20 % de la centrale, surtout dans les pays chauds. Dans une centrale thermoélectrique, l eau va de fait être répartie dans deux circuits indépendants (trois avec l enceinte de confinement dans le cas des centrales nucléaires) : le circuit générateur de vapeur qui est fermé et ne consomme que ce qui est nécessaire à sa maintenance, à l instar d un circuit de chauffage central domestique, le circuit de refroidissement de la vapeur qui y est condensée après son passage dans la turbine avant d être renvoyée dans la chaudière. Ce second circuit sera soit ouvert sur l extérieur (refroidissement par de l eau de rivière ou de mer), soit fermé avec une dissipation de l énergie par réchauffement de l air atmosphérique (20 à 25 %) et par évaporation (75 à 80 % de l énergie restante) dans les tours de refroidissement (figures 4 et 5). Dans ces circuits (surtout le premier) sont ajoutés à l eau des produits anticorrosifs, biocides, antidépôts, etc., qui permettent d accroître la durabilité des équipements, mais qui nécessitent le traitement des eaux de purge. De plus, l eau qui entre dans la centrale électrique doit avoir un niveau de pureté qui dépend du circuit dans lequel elle est utilisée. Celle qui en sort doit aussi disposer des qualités compatibles avec le respect de la réglementation environnementale et/ou des conventions passées avec les stations d épuration locales. L enjeu consiste donc à réduire les besoins en eau dans les procédés, afin d en limiter le traitement. Les besoins en eau des centrales thermiques nucléaires comprennent le refroidissement des circuits auxiliaires nucléaires et industriels, soit 1,5 à 2 m 3 /s, ainsi que les eaux destinées aux conditionnements et à la compensation des purges, soit 100 000 à 140 000 m 3 /an. Actuellement, les industriels s attachent à améliorer, outre l efficacité énergétique, la sobriété en eau et en matières premières des procédés et à optimiser le recyclage et le traitement de ces eaux. Les besoins en eau des centrales électriques Il est important de faire la distinction entre l utilisation de l eau et sa consommation. L eau consommée n est pas restituée dans le milieu car elle disparaît principalement par évaporation lors du refroidissement de la centrale. La figure 6 montre le très faible pourcentage d eau consommée par rapport à l eau utilisée dans la filière thermoélectrique.

Fig. 4 - Centrale thermique à flamme à circuit de refroidissement ouvert Source : B. Brolis Fig. 5 - Centrale nucléaire à circuit de refroidissement fermé Source : EDF Cheminée Arrivée d air Arrivée de combustible Chaudière Brûleur Turbine Les circuits d eau d une centrale thermique Alternateur Circuit de refroidissement Bâtiment réacteur Salle des machines Réfrigérant atmosphérique Pressuriseur Grappes de commande Cœur du réacteur Cuve primaire Générateur de vapeur Circuit primaire Circuit secondaire Fumées Air Combustibles Eau Vapeur d eau Réservoir d eau froide Fig. 6 - Comparaison des prélèvements et consommation nette pour différents usages de l eau aux États-Unis Prélèvement (Ggal/j) 132 Énergie Énergie calorifique mécanique 9,6 Commercial Thermo électrique Minier 2,6 3 1 1 4 Industriel 7 3 Turbine Circuit tertiaire 26 Élevage 25,5 5,5 Énergie électrique Alternateur de circulation Vapeur d eau Fleuve Purge Appoint Prélèvement et consommation Une distinction importante Domestique 107 Agriculture 134 Consommation d eau (Ggal/j) valeur est plus basse pour les autres centrales thermiques qui ont un rendement plus élevé). Pour évacuer cette puissance thermique, il faut : disposer d eau en quantité suffisante : 40 à 57 m 3 /s ou 2 m 3 /s en fonction du type de circuit de refroidissement, ouvert ou fermé, viser la température et la pression les plus basses au condenseur pour un rendement maximum (passer d environ 500 C/170 bar en sortie de chaudière, à moins de 300 C/10 bar en sortie de turbine), limiter les impacts thermiques sur le milieu naturel. Caractéristiques des circuits primaires et secondaires circuits fermés avec eau déminéralisée à ph contrôlé, volume d eau respectif de 200 et 2 000 m 3, purges et fuites éventuelles collectées et traitées avant rejet, prélèvement d eau de l ordre de 100 000 m 3 /an. Caractéristiques des circuits tertiaires ou circuits de refroidissement de toutes les centrales thermiques volume d eau de 25 à 50 000 m 3, débit de circulation : 40 à 50 m 3 /s (par exemple le débit annuel moyen de la Seine à l entrée de Paris est de 300 à 360 m 3 /s selon les années), prélèvement d eau : 40 à 57 m 3 /s en circuit ouvert (1 000 Mm 3 /an) (figure 4), 2 m 3 /s en circuit fermé avec aéro-réfrigérant (50 Mm 3 /an) (figure 5). Les centrales thermoélectriques à circuits de refroidissement ouverts sont donc d importantes utilisatrices d eau, mais elles ne consomment qu environ 5 % de l eau prélevée dans le milieu. Leur impact sur le stress hydrique d une région sera donc faible, alors que l impact d une sécheresse pourra a contrario s avérer très important sur la centrale, au point parfois de devoir en limiter sa production (exemple de la canicule de 2003 en France). Évolutions attendues Source : USGS, Estimated Use of Water in the United States in 2000 Le circuit de refroidissement doit donc évacuer la part d énergie thermique non transformée en énergie mécanique, qui est de l ordre de 1 800 MWth pour une centrale nucléaire d une puissance de 900 MWe (cette Évolution du potentiel électrique mondial La croissance démographique mondiale et le développement économique poussent les nations à augmenter leur capacité électrique, principalement dans les pays émergents. Ces capacités sont aujourd hui focalisées sur trois

ressources (figure 7) : le charbon, l hydraulique et dans une moindre mesure le gaz. Dans tous les cas, ces projets impacteront de plus en plus la ressource en eau, a fortiori dans les zones à stress hydrique croissant. Fig. 7 - Les projets de construction de nouvelles centrales électriques dans le monde par ressource énergétiques GW 250 200 150 100 50 0 Note : Inclus les centrales électriques en construction en 2007 Source : Platt's World Electric Power Plants Database, janvier 2008 Total = 613 GW Non OCDE OCDE Charbon Gaz Pétrole Nucléaire Hydraulique Éolien Autres renouvelables La réglementation Dans un cadre mondial, il est nécessaire de disposer d outils institutionnels et législatifs et de redéfinir la place des AELE (Activités économiques liées à l eau) dans cette dynamique. Il en est ainsi au niveau européen avec les directives 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l eau, et 2006/118/CE du 12 décembre 2006, sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et leur détérioration. Ces lois européennes sont transposées et complétées en France par les lois sur l eau de 1976, du 10 février 2000, et plus récemment par la loi de programme de 2005 (loi POPE), le plan Climat 2004-2012 et les lois Grenelle I et II, qui assurent un nouveau modèle de développement durable respectant l environnement, qui se combine avec une diminution des consommations en énergie, en eau et autres ressources naturelles. Les axes de recherche et de développement De leur côté, les industriels de l électricité travaillent sur les technologies du futur et à l amélioration des technologies actuelles dans le but de minimiser l utilisation de l eau. Il s agit de minimiser en priorité la quantité d eau consommée par les procédés de refroidissement en optimisant les performances et diminuant les coûts. De nombreux thèmes de recherche sont en cours d investigation à ce sujet en Europe et aux États-Unis, parmi lesquels : développer les procédés de refroidissement secs (ventilateurs), améliorer l efficacité des tours aéro-réfrigérantes, utiliser des sources d eau non conventionnelles mines, eaux de production des exploitations des différents types d hydrocarbures (gaz, huile, gaz de charbon, gaz de schistes, etc.), eau produite par les stockages de CO 2, etc., utiliser l eau d aquifères salins, utiliser les eaux usées municipales, utiliser les eaux usées industrielles, développer de nouvelles technologies de traitement de l eau, développer de nouveaux condenseurs à membranes, optimiser les centrales électriques, développer les systèmes de récupération d eau dans les fumées de combustion, développer les logiciels de modélisation des procédés et des systèmes. Le cas de la France En France, la production d énergie électrique (essentiellement d origine nucléaire) est de loin le secteur qui prélève les plus grandes quantités d eau. En 2007, 59 % des volumes prélevés ont servi à refroidir les centrales de production d électricité, le reste étant réparti entre les besoins en eau potable (18 %), l irrigation des cultures (15 %), et l industrie (9 %). Mais, d après l Institut français de l environnement, les taux de consommation moyens (ratio entre volume non restitué et volume prélevé) sont de 0,7 % pour l électricité, 24 % pour l eau potable, 100 % pour l irrigation, et 7 % pour l industrie. La somme globale des prélèvements en eau représente en France 24 % de la ressource annuelle disponible : 40 Gm 3, sur les 170 Gm 3 disponibles. Sur ce total, les consommations nettes (volumes d eau non restitués immédiatement dans le milieu ou évaporés) s élèvent à 6 Gm 3, le reste (34 Gm 3 ) étant restitué au milieu naturel. De ces 6 Gm 3 d eau de consommations nettes, 8 % environ sont consommés par la production d électricité, soit 500 Mm 3. Depuis le début des années 90, les prélèvements d eau ont diminué avec le passage d un grand nombre de centrales d un circuit "ouvert" à un circuit "fermé", en contrepartie d un accroissement de la consommation. Sur les 19 centrales nucléaires que compte la France, 4 sont en bord de mer (Manche et mer du Nord) et 15 en bord de fleuve ou de rivière. Ces sites en activité ont des

besoins en eau liés aux procédés de refroidissement en circuit fermé avec utilisation d aéro-réfrigérants, ou en circuit ouvert (figure 8). Fig. 8 - Utilisation et consommation de l industrie électrique nucléaire en bord de rivière en France Centrale nucléaire Source : EDF, Direction des projets nouveaux - 2007 Fig. 9 - Moyenne des besoins en eau du parc français de centrales électriques Source : EDF, Direction des projets nouveaux - 2007 Eau prélevée (l/kwh) Eau évaporée (l/kwh) Circuit ouvert 160 6 Circuit fermé 6 2 Eau prélevée par les centrales nucléaires en bord de rivière Eau prélevée en rivière Eau prélevée par les aéro-réfrigérants Électricité produite Eau prélevée/électricité produite Eau évaporée/électricité produite Les besoins quantitatifs en eau Quelques données 2005 pour le parc EDF (thermique à flamme et nucléaire) Eau prélevée Électricité produite Eau prélevée/électricité produite 16,5 milliards de m3 0,5 milliards de m3 294 milliards de kwh 56 l/kwh 1,7 l/kwh 42 milliards de m 3 450 milliards de kwh 94 l/kwh En ce qui concerne les centrales thermiques à flamme, les consommations sont du même ordre de grandeur. Cependant, si la très grande majorité de l eau prélevée (figure 9) pour le fonctionnement des centrales électriques est restituée dans le milieu naturel, elle peut le perturber par sa température plus élevée. En effet, les rejets d eau des centrales thermiques dans le milieu naturel sont plus chauds que sur le lieu de leur captage. Le réchauffement d un cours d eau utilisé par une centrale électrique en circuit ouvert est limité au cas par cas en France par arrêté préfectoral, à une dizaine de degrés. C est en été où les débits des cours d eau peuvent être limités et variables et où les températures ambiantes sont élevées, que la gestion de ces contraintes thermiques impose parfois des réductions de puissance, ou nécessite des dérogations exceptionnelles de dépassement des maxima légaux, de 1 à 3 C, entre l amont et l aval de la centrale. Dans le cas de Gravelines par exemple, où la source froide est la mer, l eau prélevée à moins de 20 C à l entrée de la centrale, atteint 30 C en sortie. L arrêté de rejet fixe le maximum à 35 C. Conclusion L eau et l énergie sont donc deux ressources essentielles pour le développement de l humanité. Or, dans la plupart des pays, et dans un contexte de réchauffement climatique déjà amorcé, leur demande ne cesse de croître au point d avoir déjà engendré des tensions géopolitiques graves. Dans ce contexte, les besoins en eau de refroidissement des centrales électriques thermiques nécessitent des débits d eau qui pourraient dans certains cas devenir critiques pour leur bon fonctionnement. Les futurs sites de production d électricité seront donc implantés en tenant compte des paramètres inhérents à la garantie de la ressource en eau tout au long de leur durée de vie. Les circuits de refroidissement utilisés, circuits ouverts ou fermés avec aéro-réfrigérants, sont actuellement classés parmi les "meilleures techniques disponibles" selon la directive européenne relative à la Prévention et réduction intégrée de la pollution (IPPC, Integrated Pollution Prevention and Control). Cependant, des recherches sont menées afin de réduire encore l impact des rejets sur le milieu et, pour les circuits fermés, de diminuer le besoin en eau prélevée et d évaluer la faisabilité de systèmes de récupération de l eau évaporée. Patrick-Paul Duval - patrick.duval@ifpen.fr avec la participation de René Samie, EDF - rene.samie@edf.fr Manuscrit remis en novembre 2010 IFP Energies nouvelles 1 et 4, avenue de Bois-Préau 92852 Rueil-Malmaison Cedex France Tél. : + 33 1 47 52 60 00 Fax : + 33 1 47 52 70 00 Établissement de Lyon Rond-point de l échangeur de Solaize BP 3 69360 Solaize France Tél. : + 33 4 37 70 20 20 www.ifpenergiesnouvelles.fr