Piste pédagogique 6. Georges Feydeau, Un fil à la patte. Exemple d analyse ciblée : Acte I, scènes IV et V



Documents pareils
Compréhension de lecture

Conseils déco express Comment éclairer une pièce, décorer vos murs, habiller vos fenêtres?

««MODE ANNEES 40 40»

PARLEZ-MOI DE VOUS de Pierre Pinaud

FICHES DE REVISIONS LITTERATURE

Conseils au masculin, l harmonie des couleurs et des proportions selon Byraub

Unité 4 : En forme? Comment est ton visage?

LIVRET DE VISITE. Autoportraits du musée d. musée des beaux-arts. place Stanislas

Je veux apprendre! Chansons pour les Droits de l enfant. Texte de la comédie musicale. Fabien Bouvier & les petits Serruriers Magiques

Le carnaval des oiseaux

La danse contemporaine à la maternelle

Sortie de Résidence Compagnie Satellite Vendredi 23 mai 2014

Théâtre - Production théâtrale Description de cours

SOMMAIRE. Des dallages de caractère pour des piscines très exclusives RUSTIQUE BULLÉE 04 ABBAYE 12 PIERRE DU LOT 10 COLLÉGIALE 16

Des espaces prestigieux pour des instants magiques

CE1 et CE2. Le journal des. Une nouvelle maîtresse. Actualité. Loisirs. Culture

huile sur bois 67 x 49 cm Origine : Renaissance

L Illusion comique. De Corneille. L œuvre à l examen oral. Par Alain Migé. Petits Classiques Larousse -1- L Illusion comique de Corneille

La Joconde. ( , 0,77x 0,53 m) de Léonard de Vinci TEMPS MODERNES

Comment sont vos cheveux?

La Princesse et le Plombier

CATALOGUE DE COSTUMES CPA Terrebonne

$?;./$/-$.08-/$N$G"O"/2$P;"-0;:11:

VISITE DE L EXPOSITION AU THÉÂTRE DE PRIVAS :

Le prince Olivier ne veut pas se laver

Galerie de photos échantillons SB-910

Pop-Art façon Roy Liechtenstein

Correction sujet type bac p224

Un écrivain dans la classe : pour quoi faire?

Une fantaisie comique pour femme seule en scène de et avec Maria Lerate Miss Bazooka Cherche l Amour cherche Processus Artistique

La vie de cour au château de Versailles avant la Révolution Française (1789)

Que chaque instant de cette journée contribue à faire régner la joie dans ton coeur

Chapitre 2 : La structure en escalier ARISE

Semaine 15 CM1/CM2. Dictée verte / orange : Dictée rouge : Dictées orange roux profiter un client un caillou un prince lourd un cheveu

Objectifs (socio-) culturels : découvrir l univers d un dramaturge ; sensibiliser les apprenants à l univers du spectacle vivant.

BIEN SE VÊTIR POUR RÉUSSIR

Activités autour du roman

Le Pavé Mosaïque. Temple?» C est la question que je me posais la première fois que je vis le Pavé Mosaïque à

Vous propose ses visites guidées animées par des artistes. adaptées en team-building

LE PETIT CHAPERON ROUGE SANG. Recherches Croquis Style vestimentaire Type de Couleurs Style de Tracés

CAP TERTIAIRE/INDUSTRIEL

Baccalauréat Professionnel Accueil Relation Clients et Usagers

Si c était une machine, ce serait un ordinateur génial pour voyager dans le temps et vers les autres continents.

Fiche de synthèse sur la PNL (Programmation Neurolinguistique)

L'ENTREPRISE À L'ŒUVRE

RENAN LUCE, On n'est pas à une bêtise près (3 36)

Ariane Moffatt : Je veux tout

sur rendez-vous du lundi au vendredi 9 h 18 h s h i r l e y

Maisons de Victor Hugo. Paris / Guernesey

DOSSIER Pédagogique. Semaine 21. Compagnie tartine reverdy. C est très bien!

Autoportraits photographiques. Il s agit de se photographier soi-même (ce n est pas un portrait pris par un autre)

La notion de besoin peut décrire : La notion de besoin peut décrire :

Sommaire DITES-MOI UN PEU

Questionnaire pour connaître ton profil de perception sensorielle Visuelle / Auditive / Kinesthésique

un chapeau claque en soie noire de Maison G. Benoist à Nantes présenté dans sa boîte d origine A 2 un sac à main en croco marron 40/50

01 - BRIGITTE, Battez-vous

PAS VU PAS PRIS Hervé Suhubiette

Prénom : J explore l orientation et l organisation spatiale. Date de retour :

GROUPE DE PAROLE SUR L HYGIENE ET LA PRESENTATION

AGNÈS BIHL, Elle et lui (2 14)

LIVRET DU CANDIDAT LES DEUX OPTIONS FACULTATIVES DANSE AU BACCALAURÉAT

Fiche de préparation. Intitulé de séquence : le portrait

Nous avons besoin de passeurs

ASSOCIATION TROUBADOURS Edwige Nomdedeu ~ // contact@troubadours-aquitaine.fr

S organiser autrement

VIVRE LA COULEUR DOSSIER PÉDAGOGIQUE. Musée des beaux-arts de Brest

C est du 36, mais ça chausse grand

V3 - LE PASSE COMPOSE

LA MAISON DE POUPEE DE PETRONELLA DUNOIS

SUR UN AIR DEUX DUO DE DANSE EN TROIS ALBUMS SUR DES AIRS DE CHANSON FRANÇAISE. production cie de l alambic christian bourigault

Le Crédit-bail mobilier dans les procédures collectives

Voici Léa : elle est blonde et elle a les yeux bleus. Elle a douze ans. Elle porte un t-shirt blanc. a. b. c.

La liberté guidant le peuple sur les barricades

Mon boss ne délègue pas

Epithète. Person a. i!(mouton de vapeur) i! Epithète. et Person a

Les jours de la semaine

Ces conseils vous sont offerts par Retrouvez tous nos produits et nos astuces sur notre site.

SOYETTE, LE PETIT VER A SOIE

Mademoiselle J affabule et les chasseurs de rêves Ou l aventure intergalactique d un train de banlieue à l heure de pointe

Magenta 56 / Jaune 100 Cyan 33 / Magenta 26 / Jaune 21.

Programme automne 2012

BACCALAURÉAT GÉNÉRAL THÉÂTRE MERCREDI 24 JUIN 2015 SESSION Le candidat doit traiter l un des deux sujets suivants. 15THLIME1

NON MAIS T AS VU MA TÊTE!

Rencontres au Castelnau ou.. quand les auteurs s en vont au champ. Sandrine Trochet. Enseignante Castelnau Barbarens.

Serrurier-Bovy Masterworks, d une collection

Vous propose une large gamme de

La hernie discale Votre dos au jour le jour...

Le Dossier de Prezze Janvier 2011

ANNEXE - INNOVATIONS. processus, nom masculin

Collection de photos échantillons

Là où vont nos pères1

Pour travailler avec le film en classe Niveau b Avant la séance...4 L affiche...4 La bande-annonce...4 Après la séance... 5

Le relooking de Sabrina

LA princesse aux petits prouts

DEBAT PHILO : L HOMOSEXUALITE

Zazie : Être et avoir

Thomas Dutronc : Demain

Unité 6. Qu est ce que tu prends au petit au petit déjeuner?

Journée sans maquillage : une entrevue entre ÉquiLibre et ELLE Québec

Guide d accompagnement à l intention des intervenants

Transcription:

Piste pédagogique 6 Georges Exemple d analyse ciblée : Acte I, scènes IV et V 1. Avant de visionner ces extraits Le début de la pièce À partir d une situation à la fois égrillarde et comique, Feydeau a l art de rendre l exposition divertissante. Une galerie de portraits piquants et vite tracés prend vie. Quelque peu influencé par son contemporain Antoine, le vaudevilliste fait naître sous nos yeux un milieu et une tranche de vie : le lever de Lucette, à midi passé, tandis qu attendent les habitués de la maison dans le salon jouxtant la chambre. L objectif est atteint : commencer ce qui sera une comédie d intrigue et de mœurs en même temps qu un vaudeville pimenté de quiproquos et de préparations. Les scènes d ouverture une à trois amorcent l exposition en plongeant le spectateur dans l intérieur et les habitudes de vie d une demi-mondaine. Tentation naturaliste de Feydeau dans cette façon de procéder, mais la couleur vaudevillesque reste présente : la grivoiserie et la trivialité ne sont jamais loin, de façon allusive. Elles offrent au spectateur le plaisir de s encanailler. La porte de la chambre à coucher de Lucette est l objet des regards de Marceline : elle vit par l imagination les aventures de sa sœur, et ses allusions à la sexualité sont nombreuses. Chenneviette est annoncé comiquement «d une traite» par Firmin comme «monsieur le père de l enfant de madame» ce qui renvoie trivialement au corps, au lieu de renvoyer à un patronyme. Lucette entretient manifestement Marceline comme Chenneviette, et peut-être Bois-d Enghien : l argent de la demi-mondaine arrose son entourage. Tout au long de l acte I, les entrées des personnages pittoresques s inspirent pour une part des parades de la foire. En effet, Firmin, le majordome, annonce les arrivants comme des artistes en même temps qu il prépare le déjeuner, ce qui rend la présentation dynamique : tous attendent le déjeuner, c est-à-dire la fin des ébats de leur hôtesse. a. Sensibiliser l œil et l oreille La scène IV s avère particulièrement intéressante puisqu elle poursuit l exposition et commence l action. Trois mouvements la constituent : le premier mouvement voit l arrivée de Nini Galant puis de Bois-d Enghien, et se termine au premier aparté de la pièce, où l on apprend que l amant est venu pour rompre. Henry Gidel parle «d aparté d exposition» : ce Canope CNDP 2013-2014. Page 1

dernier permet de donner le point de vue de celui qui passera sans cesse de l angoisse à la détente tout au long des deux premiers actes. Le deuxième mouvement comprend l annonce du mariage de Nini, et les commentaires qu il suscite. Enfin, le dernier mouvement commence lorsque Bois-d Enghien surprend l annonce de son propre mariage dans le Figaro, et va se mettre à dérober tous les exemplaires qui pourraient apprendre la nouvelle à sa maîtresse. L action est lancée puisque, jusqu à la fin du deuxième acte, il s agira paradoxalement pour Bois-d Enghien, alors qu il veut décrocher son fil à la patte, d éviter que Lucette apprenne son mariage prochain. Le personnage de Nini Galant, dont c est l unique apparition, est une trouvaille de Feydeau qui satisfait deux fonctions : son nom explicite de cocotte en fait un double caricatural de Lucette, à la parlure pleine de gouaille. Elle salue tout le monde à la cantonade, assume ses amants, interpelle sous ce titre Fernand, se confie sans retenue à tous. Mais son destin, se marier «comme une héritière du Marais», contraste avec le triste abandon qui attend Lucette : La meilleure fin de la cocotte est un mariage douteux avec un duc de la Courtille dont le nom sent quelque peu son faubourg. C est ce mariage qui permet à Bois-d Enghien de faire part au spectateur du sien. Le mariage est surtout affaire sociale et financière à cette époque, pour les cocottes comme pour les hommes de la noblesse d Empire désargentée. Les entrées des premières scènes ont préparé l attente de celle de Bois-d Enghien : mais alors que les personnages viennent tous de l extérieur, par la porte qui donne sur l antichambre, Bois-d Enghien vient de la pièce la plus intime de la maison, la chambre de la maîtresse de maison. Feydeau, avare de didascalies concernant les costumes, prend soin de décrire le sien : «Enveloppé dans un grand peignoir rayé, serré par une cordelière à la taille. Il tient à la main une brosse et achève de se coiffer.» Le dramaturge soigne le contraste entre la haie de personnages haute en couleurs qui l accueille et l amant encore dans «les rinçures de sa vie de garçon». Henry Gidel fait remarquer que la porte de la chambre se transforme en «arc de triomphe». Il qualifie «d entrée-spectacle» ce moment empreint d un cérémonial comique auquel l amant ne répond que par des bribes peu compréhensibles. C est une parodie d un lever royal, dont la chute est constituée par son dessein dévoilé au public : rompre. Ce premier aparté, suivi de deux autres, établit une convention entre le public et la scène : c est le protagoniste qui a quelque chose à cacher, son mariage prochain, donc l hypocrite, qui annoncera le ressort de l action au public tout en lui faisant connaître ses pensées. L aparté marque un contraste entre la pensée et le dit. De ce contraste naîtront les quiproquos, imbroglios qui feront le sel des situations à venir. Le spectateur, en position de surplomb, attend la chute de Bois-d Enghien sans savoir à quel moment elle surviendra. Enfin, une autre convention est donnée avec le sort dévolu aux exemplaires du Figaro : cet accessoire qui joue le rôle d opposant à Bois-d Enghien, rend présentes par métonymie la fiancée et sa famille. Il oblige l amant de Lucette à observer un comportement absurde paradoxalement accepté avec facilité par tous. Le ton est donné : les situations et les comportements les plus loufoques seront acceptés s ils permettent de reculer le moment de vérité. L angoisse pousse Bois-d Enghien à tenir des conduites absurdes et mensongères pour le plus grand plaisir du public : il s agit bien de «mécanique plaquée sur du vivant». Canope CNDP 2013-2014. Page 2

b. Le contexte des spectacles Un fil à la patte (1894) de Georges Feydeau entre au répertoire de la Comédie-Française en 1961 dans une mise en scène de Jacques Charon. Cette mise en scène sera ensuite reprise et captée au théâtre Marigny en 1970. Jacques Charon, entré au Français à 21 ans, a effectué sa carrière parallèlement dans la Maison et sur les boulevards. Sa mise en scène se ressent de cette double filiation : elle garde les codes (décors, costumes, jeu) du vaudeville à sa création : apartés adressés au public mais sans clin d œil appuyé, silhouettes des personnages secondaires vite tracées mais vivantes, et surtout un sens du rythme et du comique mémorable porté par des comédiens très complices parvenus au sommet de leur art : Jean Piat en Boisd Enghien se présente comme aussi bel homme que faible ; Micheline Boudet campe une Lucette gracieuse et élégante qui joue de toutes les armes de la divette, du chant, de la danse, du jeu ; Robert Hirsch en Bouzin construit une figure inoubliable, burlesque et ridicule, allant souvent jusqu à la pantomime. Micheline Boudet et Robert Hirsch ont d ailleurs une formation de danseurs. L objectif de cette mise en scène est de divertir le public du Français sans appuyer sur le caractère grivois ni sur la satire de la bourgeoisie. André Levasseur recherche un parfum de la Belle Époque. Les décors parodient le style «nouille» en même temps qu ils rappellent les décors d origine : salon au premier acte, chambre aménagée en loge au deuxième acte, avec portes et armoires, comme il se devait pour la plupart des vaudevilles. Rappelons qu à l époque de la création les décors appartenant au théâtre servaient pour de nombreuses pièces. L escalier de l acte III, par contre, renvoie à la mode des décors spectaculaires de la fin du XIX e siècle. Les costumes du même André Levasseur qui s était illustré en créant les décors des grandes fêtes organisées en l honneur du mariage de prince Régnier et de Grace Kelly à Monaco en 1956, et avait travaillé avec Christian Dior avant d arriver au théâtre mettent en valeur chaque personnage : Lucette devient une très belle femme élégante, plus fantaisiste que facile ; Bois-d Enghien un bel homme fat et Bouzin un ridicule petit-bourgeois à cause, entre autres, des gants dont il n arrive pas à se débarrasser. Tout en étant historisante, la mise en scène se veut légère : la critique des mœurs n est pas l enjeu, on se situe davantage du côté vaudeville divertissant que de la grande comédie. La mise en scène d Alain Sachs est un exemple de vaudeville tel que le théâtre privé a encore, particulièrement en province, coutume d en monter. Le décor respecte les didascalies et se met en place à vue. Il est donc assez léger et peut tourner facilement dans de petites salles ; les costumes tendent à caricaturer les personnages, ainsi de Marceline déguisée en petite marinière ou de Nini Galant affublée d un boa rouge qui sent la rue davantage que le salon. Le jeu est très chargé, les clins d œil au public sont constants : tout dans cette mise en scène est dirigé non par les enjeux du texte, mais par l effet à produire, le rire. Nous sommes là en présence d un vaudeville qui se souvient de ce qu il doit au théâtre de foire et à la tradition du théâtre dit de boulevard. Canope CNDP 2013-2014. Page 3

Jérôme Deschamps montre les travers de la société avec légèreté et cruauté, car la drôlerie n exclut pas le cynisme. Le metteur en scène fait confiance à sa troupe qu il connaît bien, sachant que chacun y ajoute ses inventions intérieures, pour entrer au mieux dans la mécanique de Feydeau. Il évite le jeu psychologique et mise sur la connivence avec les spectateurs en position de «surplomb» : ils peuvent anticiper péripéties et quiproquos et se laisser aller à un rire cathartique jubilatoire. Le registre burlesque est parfaitement maîtrisé déjà par Jérôme Deschamps. Il sait aussi trouver le rythme juste avec les accélérations et les enchaînements des différentes vitesses exigées par le texte. 2. Regarder ces extraits dans les trois mises en scène 3. Analyse comparée de chacune des mises en scène selon les deux thèmes suivants : a. L univers scénique Toute dramaturgie est le fruit de choix singuliers des metteurs en scène. Cependant, certaines mises en scène se ressemblent plus que d autres. Cela est particulièrement vrai pour Un fil à la patte. En effet, soit le metteur en scène respecte les didascalies, ce qui le conduit à reproduire avec plus ou moins d exactitude le décor des premières représentations dont nous gardons trace grâce à quelques photographies de Nadar, soit le metteur en scène choisit de se détacher de ces mêmes didascalies et de créer un univers scénique tout différent. Ainsi, Jacques Charon en 1961, Alain Sachs en 1999 et Jérôme Deschamps en 2012 proposent des univers scéniques proches. Le salon de Lucette est fabriqué dans les trois cas de pans découpés et assemblés pour représenter les murs du salon de Lucette. Nous sommes dans la convention d un décor qui tout en se voulant reproduction d une réalité avoue le théâtre : les murs s arrêtent net à une certaine hauteur qui n est pas forcément cachée par des pendrillons, et tremblent parfois lorsque les portes claquent. Les portes respectent la configuration voulue par Feydeau. Les meubles jouent sur un certain naturalisme propre à l époque de la création, comme encore à toutes les pièces dites de boulevard. Seuls varient les couleurs et les imprimés utilisés. Si la direction d acteurs présente des partis pris parfois similaires, elle permet toutefois de départager les metteurs en scène selon le point de vue choisi sur la scène, les répliques, et selon que l effet comique est recherché avec plus ou moins de finesse. Chez Jérôme Deschamps, un respect des didascalies marque la volonté de représenter un salon de la Belle Époque. Le plateau devient un espace mimétique. La multiplication des détails donne chaleur et vie au salon de Lucette. Pour autant, la circulation des personnages n est pas gênée par un plateau encombré. La scénographie conçue par Laurent Peduzzi constitue «une boîte à jouer» qui correspond avec précision à l intérieur cossu de l époque. Canope CNDP 2013-2014. Page 4

Le metteur en scène déclare : «J ai attaché beaucoup d importance aux décors et aux costumes.» Une impression de légèreté est donnée par la couleur à dominante blanche du papier mural aux délicats motifs orange et jaune. Au-dessus de la cheminée de marbre noir, est accroché un tableau monumental représentant une déesse nue, symbole des débordements sexuels : le ton est donné! L ensemble chaleureux et raffiné correspond à l esprit voulu par l auteur : le noir et le rouge dominent l ameublement de style Napoléon III, le canapé de velours confortable avec ses larges accoudoirs, les chaises à l assise aussi en velours rouge, ainsi qu une table patinée noire avec incrustation de motifs dorés, le piano droit et noir et son tabouret, les guéridons, les bibelots et les tableaux aux murs. D autre part, on peut apercevoir, par une porte laissée ouverte, encadrée de lourdes tentures de velours rouge retenues par des embrases, la salle à manger et la table dressée pour le déjeuner. Enfin, le parquet ciré désigne que nous sommes dans un salon «élégant» dans lequel vit un monde aisé. Les costumes hauts en couleurs et chargés de détails raffinés dénotent la richesse et parfois même une note de folie. Ainsi Marceline, beaucoup plus âgée que Lucette, campe une vieille fille, sacrifiée pour l éternité, à l allure incongrue avec sa coiffe bretonne, sorte de double inversé de Lucette qui peut faire songer au personnage de Bécassine. Sa tenue apprêtée composée d un ensemble jaune à passementeries noires ne passe pas inaperçue! Son large col blanc galonné de noir ne laisse rien dévoiler de son physique : elle apparaît corsetée et enrubannée, prisonnière de ses principes à l égard de la gente masculine. On note aussi l extravagance dans le costume de M. de Chenneviette : la multiplicité des couleurs vives, jaquette verte et fleur blanche à la boutonnière, cravate à motifs, gilet gris à double boutonnage et pantalon rouge, en font une sorte d oiseau rare avec sa moustache étroite fine et courte qui montre la volonté de présenter une apparence soignée. Lui le désargenté met en avant des accessoires qui se veulent aristocratiques : une canne et un cigare. Bois-d Enghien, à la moustache fournie sans aucun raffinement, porte par-dessus une chemise blanche et un pantalon gris, un peignoir parme en tissu précieux. Ses accessoires sont d abord une brosse à cheveux qu il laissera pour s emparer du journal compromettant : le Figaro! Firmin le domestique, à l allure compassée due à son emploi, soigne son apparence physique avec ses moustaches terminées en pointes montantes. Il est vêtu avec l élégance qui convient à une telle maison : chemise blanche avec boutons de manchettes, cravate noire, gilet gris assorti à son pantalon et gants blancs. Trois personnages masculins aux moustaches taillées différemment renseignent sur les codes de l époque. La tenue de Lucette toute vaporeuse et féminine affiche sa sensualité de femme amoureuse. Sa coiffure, un chignon aux reflets roux, est savamment négligée. Elle porte une tenue d intérieur raffinée et soyeuse vert d eau : peignoir cintré dans le dos par deux boutons verts, Canope CNDP 2013-2014. Page 5

de larges manches doublées de soie orange, ceinturé par une rose et des rubans qui marquent la finesse de sa taille. Une large encolure blanche brodée descend jusqu à la ceinture. Sa joliesse naturelle ajoute à sa séduction. Cela tranche avec le costume ostentatoire et surchargé de l imposante femme blonde qu est Nini Galant. D abord sa coiffure faite d un chapeau extravagant de plumes noires manque de discrétion et la grandit encore. Un boa de plumes blanches lui permet de faire des effets qui rappellent la cocotte. Elle arbore une tenue très voyante qui évoque un costume de scène : un corsage aux manches épaulées et bouffantes, couleur vert en harmonie avec celle du peignoir de Lucette, bordé de passementerie noire met en valeur son décolleté. Une première jupe plissée rouge et orange à volants et une sur jupe bleue soulignent ses hanches. De longs gants de soirée en satin brillant grenat complètent sa tenue. Son apparence générale signifie qu elle prendra plaisir à se donner en représentation. En somme, chez Jérôme Deschamps, les costumes conçus par la talentueuse Vanessa Sannino, inspirés de la mode du début du XX e siècle «plus élégante et inventive» pour la mise en scène que celle de la fin du XIX e siècle, disent la volonté de représenter un milieu bourgeois cossu et frivole enfermé dans son microcosme. Une douce folie pourra s emparer de cette petite société menée par le paraître et l argent! b. Dramaturgie et direction d acteurs Alain Sachs s inscrit dans les pas de Charon, mais glisse vers un jeu outré. Les trois comédiennes interprétant Lucette, Nini et Marceline chargent toutes les répliques : elles parlent très fort, appuient certains mots, transforment leur voix, exagèrent leurs gestes selon l emploi qui leur est dévolu. Nini accentue par un rire quelque peu forcé toutes les allusions grivoises ; elle fait de grands gestes pour maintenir son boa rouge en place, tape vulgairement sur les fesses de Lucette lorsque celle-ci lui annonce le retour de son amant. Lucette joue davantage la bêtise qu un aveuglement dû à l amour : elle écarquille les yeux, sourit à tout propos, démontre son amour pour Bois-d Enghien par des gestes convenus comme le fait de prendre sa température en lui touchant le front lorsqu il cache le Figaro dans son peignoir. La comédienne qui interprète Marceline prend une voix haut perché de petite fille et en copie les manières outrées, jusqu à chanter «les œufs», ce qui peut être un rappel aux origines du vaudeville Les comédiennes interprètent leurs personnages comme des femmes stupides et superficielles, afin de déclencher le rire du public. Les hommes sont un peu moins caricaturés, ils ne forcent pas leur voix. Si Chenneviette appuie lui aussi les allusions au bas terrestre, Bois-d Enghien joue un jeune bourgeois qui ne manque pas d élégance. Les physiques des personnages délimitent leur emploi : Boisd Enghien et Lucette en particulier ont des physiques de jeunes premiers, tandis que Chenneviette est moins avantagé, un peu plus âgé. Nini a le charme tapageur. Le tempo des apartés de Bois-d Enghien est légèrement plus lent que celui du personnage tant chez Charon Canope CNDP 2013-2014. Page 6

que chez Deschamps, de ce fait il est moins efficace. Chaque intention de jeu est soulignée, afin que le public sache où il doit rire : cette forme de jeu est le propre du jeu boulevardier. Jérôme Deschamps se souvient lui aussi avec émotion de la mise en scène de Jacques Charon en 1961 : «Elle était géniale. On aurait dit que Charon battait la mesure ; il semblait avoir une conscience particulière de la musicalité dans laquelle il entraînait toute la troupe.» Sa mise en scène, parsemée de clins d œil à son prédécesseur talentueux, lui rend un hommage discret. En outre, le metteur en scène affirme qu il était important pour lui que soient réunies certaines conditions : «En premier lieu la complicité Ensuite, la juste distribution, la juste palette, les justes couleurs et les justes contrastes. Il se trouve que là, je suis convaincu d avoir pu les réunir.» Dans cette scène, les femmes occupent le premier plan : Marceline est inénarrable. Elle est la caricature de la vieille fille restée avec ses émerveillements de petite fille, notamment quand elle s écrie : «Oh! oui!... Oh! oui Les œufs!...» Le décalage entre son état d émotion et la cause de cette émotion déclenche le rire du public. En elle se trouve une touche de folie et de burlesque. Mais ce sont Lucette et Nini Galant les protagonistes. En effet, Lucette met en scène l annonce du retour inattendu de son amant et Nini Galant se met, elle, en scène, pour faire l annonce de son mariage avec le duc de la Courtille. La première est amoureuse et la seconde fait un mariage «d affaire». Dans les deux cas, le metteur en scène donne les rôles principaux aux femmes : ces deux annonces constituent des coups de théâtre. On peut remarquer l enthousiasme de Lucette pour préparer le retour de Fernand. Tout en l appelant, elle prévient les «comédiens» afin qu ils soient à l unisson et particulièrement dans les répliques chorales, à la fois dans les intonations et la gestuelle : notamment pour «Ah! Hip! hip! hip! Hurrah!» Tous formant une haie d honneur en levant le bras dans un bel ensemble. Peut-être en font-ils trop, manifestant par là qu ils ne sont pas dupes de la malhonnêteté de «Fernand». Lui-même semble d ailleurs étonné d un tel accueil, d une si imposante mise en scène, se contentant de serrer ostensiblement la main de Lucette pour montrer sa connivence avec elle et la remercier surtout d avoir suscité un tel élan, car il devait se trouver gêné de revenir après quinze jours d absence en invoquant un fallacieux prétexte. Quant à Nini Galant, qui arbore une tenue d actrice de vaudeville, elle se met en scène. Extravagante, elle fait son numéro. Sa tenue, sa gestuelle et ses déplacements en témoignent. Son arrivée est comparable à une entrée en scène : elle est au théâtre! Image arrêtée lorsqu elle s écrie les bras levés, triomphante, enveloppée de son boa : «Bonjour!» Réplique qui, d ailleurs, n existe pas dans le texte de Feydeau. Elle signifie qu elle est la «vedette» et que les autres vont être les spectateurs. Avec assurance, elle s assied de façon familière sur l accoudoir du canapé. Elle prend des poses pompeuses et démonstratives. Puis, dans un second temps, elle peut faire l annonce de son mariage, à la façon d un coup de théâtre : cette fois, elle est assise au centre du canapé, jouant le rôle du personnage principal. Debout, les bras en croix, comme elle doit le faire sur scène, elle effectue mécaniquement des moulinets avec son boa et s exclame d un air coquin en fermant les yeux : «Je deviens duchesse de la Courtille!» Elle se lève de bonheur, se trémousse et se rassied. Lucette, sur une chaise près Canope CNDP 2013-2014. Page 7

d elle, est sa principale spectatrice, admirative : connivence de femmes. À coup sûr, Nini Galant connaît à ce moment précis son heure de gloire en annonçant qu elle est en passe de devenir duchesse par son mariage, ce qui la mettra à l abri des soucis financiers Les hommes n ont pas les plus beaux rôles chez Jérôme Deschamps. Chenneviette est présenté comme un personnage jaloux et méprisant ; d abord, il ne montre aucune joie à l annonce du retour de Bois-d Enghien. Il lui tend la main parce qu il le faut bien, et le félicite avec ironie en disant : «Je suis bien content de vous revoir!» Il ment effrontément comme l indique son attitude générale. Il est jaloux de ce Bois-d Enghien dont Lucette est toujours amoureuse et trouve sans doute la mère de son fils bien faible d autant que ce «joli cœur» est désargenté. De plus, il ne fait pas grand cas de l arrivée triomphale de Nini Galant, en ne bougeant pas du canapé, sans un regard pour elle ; elle choisit donc de s asseoir sur l accoudoir. Il affiche son mépris pour la demi-mondaine et il révèle son manque d éducation. Sa valeur à lui est l argent. D ailleurs, il la questionne sur l identité de son futur mari et l annonce du mariage de celle-ci avec le duc de la Courtille le rend insolent, sa toux indélicate le montre, sousentendant qu elle ne méritait pas cette chance! Homme peu sympathique dont l humour dénote la duplicité et la méchanceté : il est dans le paraître et masque le fait qu il a besoin d argent. Enfin, le Bois-d Enghien de Jérôme Deschamps se montre léger et ordinaire. Sa gouaille ressort quand il n arrive pas à annoncer qu il est venu pour rompre. Il est surtout gêné de l accueil qui lui est réservé. Il est mal à l aise au point d être pathétique dans son incapacité à annoncer son mariage avec une autre femme plus argentée. Il ne cherche pas à s éloigner de Lucette, sans doute y tient-il. Il s assied non loin d elle, cherchant plutôt à ne pas se faire remarquer. Il représente un coureur de dot bien ordinaire, en décalage avec la pétillante et amoureuse Lucette dont on se demande pour quelles raisons elle est si amoureuse d un homme aussi fade. La veulerie de Bois-d Enghien s oppose à la finesse et à la sincérité de Lucette. D ailleurs, Jérôme Deschamps a surtout voulu insister sur le cynisme de la situation par le rythme imposé dans le jeu : «Il n y a aucun intérêt, surtout avec Feydeau, à se plonger dans les méandres de la psychologie. [ ] Le rire n enlève rien à la causticité!» c. Synthèse Chez Jérôme Deschamps, la légèreté et le grain de folie des uns et des autres sont exacerbés par un jeu burlesque, poussant parfois jusqu à la caricature. Les personnages loufoques, sont entraînés dans une mécanique faite avant tout pour divertir, tout en dénonçant une société fondée sur le paraître. Monde où les sentiments se monnayent comme l argent. Chez Alain Sachs, le rire est recherché avec un jeu extérieur, les personnages deviennent bêtes. Canope CNDP 2013-2014. Page 8

Jérôme Deschamps dénonce le matérialisme de la bourgeoisie triomphante. L institution du mariage se trouve désacralisée. Feydeau écrivait, en écho à sa propre histoire : «Tous les mariages sont des parjures ou des infidèles, c est inhérent à la fonction.» Pistes d utilisation des documents annexes Les six documents iconographiques proposés inviteront les élèves à s interroger sur les représentations de la Belle Époque ainsi que sur la scénographie créée pour la mise en scène du Fil à la patte par Georges Lavaudant en 2001. 1. Une représentation de la Belle Époque Documents : Un fil à la patte de Georges Feydeau, couverture de Le Théâtre illustré, dessins d A. Houbras, 1894, Paris, BNF, 4-ICO-THE-3280. Photo : BNF. Ambassadeurs, Yvette Guilbert tous les soirs, affiche de Théophile Alexandre Steinlen, 1894, Paris, BNF, ENT DN-1(STEINLEN, ALEXANDRE/1)-ROUL. Photo : BNF. Yvette Guilbert, photographie d A. Block prise vers 1891, Paris, BNF, N-2 (GUILBERT, YVETTE). Photo : BNF. Un fil à la patte, créé en 1894 au Palais-Royal, connut d emblée un grand succès. La couverture du programme, Le Théâtre illustré, présente ainsi les caractéristiques d un spectacle de la Belle Époque, réputée frivole : deux femmes et un homme, en tenue de soirée, sont placés dans une loge pour assister à une représentation. On observe ainsi que le spectacle est autant sur la scène que dans la salle. Les tenues des femmes, corsetées, parées de plumes, éventail à la main, signalent l élégance de mise dans ce contexte et le goût du beau et de la représentation. La seule fantaisie concernant l homme est celle de la moustache et des favoris. Le décor de cette couverture est également soigné, à l image des détails confiés par Feydeau dans la didascalie initiale rédigée pour chaque acte. Canope CNDP 2013-2014. Page 9

On trouve dans le personnage de Lucette un écho à la chanteuse de café-concert, Yvette Guilbert (1865-1944). Elle avait obtenu un petit rôle dans La lycéenne, une pièce de Feydeau représentée au théâtre des Nouveautés en 1887. Après s être reconvertie dans la chanson et après avoir été engagée au Moulin-Rouge, Yvette Guilbert, aux mains gantées et à la silhouette longiligne, devient une effigie du Paris nocturne de cette époque. Elle tient l affiche des Ambassadeurs et sera immortalisée par Toulouse-Lautrec une première fois en 1893, lors de la réouverture du café-concert, le Divan japonais. Yvette Guilbert est considérée comme la meilleure «diseuse» de cette fin du XIX e siècle : son interprétation et sa diction des textes sont soignées, elle impose ainsi sa finesse d esprit et son humour. C est pour cette raison que Bouzin souhaite lui porter sa chanson (acte I, scène IX) afin qu elle l interprète. 2. Une scénographie épurée : mise en scène de Georges Lavaudant (2001) Documents : Acteurs d Un fil à la patte de Georges Feydeau, photographie prise au Palais-Royal à Paris par l atelier Nadar en 1894, Charenton-le-Pont, Médiathèque de l Architecture et du Patrimoine. Ministère de la Culture-Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais/Atelier de Nadar. Un fil à la patte de Georges Feydeau, mise en scène de Georges Lavaudant, avec Philippe Morier-Genoud et Annie Perret, au théâtre de l Odéon le 28 février 2001. Ramon Senera/CDDS Enguérand. Un fil à la patte de Georges Feydeau, mise en scène de Georges Lavaudant, avec Philippe Morier-Genoud et Annie Perret, au théâtre de l Odéon le 28 février 2001. Ramon Senera/ CDDS Enguérand. Grâce à la photographie prise au Palais-Royal, à Paris, lors des premières représentations de la pièce dans la mise en scène de son auteur, Feydeau, on observe un décor et des costumes Canope CNDP 2013-2014. Page 10

reflétant l atmosphère de la Belle Époque : conformément à la didascalie initiale dédiée à l acte II, «une grande chambre carrée, riche et élégante» a été reconstituée. «Tout le monde est en tenue de soirée», comme le suggère la didascalie, cependant, la liste de meubles et d objets n a pas été suivie par Georges Lavaudant et Jean-Pierre Vergnier, son scénographe, dans leur mise en scène de la pièce en 2001 au théâtre national de l Odéon. Le décor de l acte I, le salon de Lucette Gautier, est ainsi épuré et laisse le champ libre au jeu des comédiens. Au centre, trône un canapé sur pieds en métal, au ton grenat, qui n est pas sans rappeler avec son dossier en forme de lèvres le célèbre canapé Boca, créé en 1936 par Salvador Dali. Deux lèvres géantes en mousse étaient recouvertes d un tissu rouge vif, à l image des lèvres rouges et pulpeuses de l actrice américaine Mae West, sex-symbol des années 1930. Cette représentation correspondait à l époque du surréalisme, un mouvement de révolte contre les conventions sociales, morales et logiques. Dans cette scénographie, le canapé devient un élément de décor aux fonctions symboliques puisqu il sera surtout le siège des femmes : la Baronne (Annie Perret), à l allure très stricte, y est assise tandis que Bouzin (Philippe Morier-Genoud) se tient à l écart. La teinte grenat, utilisée pour ce meuble et les murs, un rouge éteint, renvoie aux fauxsemblants de l amour. Le décor est sobre et soigné, loin de toute reconstitution et des décors traditionnels des comédies de la Belle Époque. La raréfaction des objets illustre le choix de ne pas trop en dire sur le plateau : la forme ne l emporte ni sur le fond ni sur le sens. Pour mettre en scène l acte III, un escalier monumental occupe à lui seul tout l espace et constitue le seul élément de décor qui rappelle la didascalie de Feydeau. Cependant, celui-ci est central alors qu il était placé «au fond» dans la mise en scène de la création, en colimaçon, sans garde-corps : sans doute une métonymie d un espace supérieur étrange. Cet espace épuré est emprunté par une noce agitée puis par deux agents lors d une coursepoursuite mémorable à la fin de l acte III. Canope CNDP 2013-2014. Page 11

L escalier se fond dans une peinture marbrée, reflétant des lignes qui semblent mouvantes, formant ainsi une sorte de trompe-l œil propice au trouble et à l étonnement pour le spectateur. De fait, Georges Lavaudant fait sortir la pièce de la tradition scénique suggérée par les didascalies de Feydeau : la transposition du vaudeville de la Belle Époque s accomplit par le biais du décor sans pour autant perdre les codes du jeu comique. Canope CNDP 2013-2014. Page 12