Les méthodes d analyse des pièces de monnaies anciennes Maryse Blet-Lemarquand Pendentif avec monnaie kouchane I er s. ap. J.-C. Coll. privée CNRS, IRAMAT, Centre Ernest-Babelon ; 3D rue de la Férollerie ; F-45071 Orléans cedex 2 lemarquand@cnrs-orleans.fr
Présentation du laboratoire Recherches pluridisciplinaires appliquées aux matériaux archéologiques (archéomatériaux) Développement de méthodes non destructives de caractérisation des archéomatériaux Application à l'étude de problèmes historiques et archéologiques
Monnaies et minerais Verres et céramiques Pigments et colorants Outillage lithique (obsidienne)
Plan de l exposé Les principales méthodes d analyse élémentaire des pièces de monnaies développées à Orléans La diversité des alliages monnayés et présentation d une des techniques employées pour modifier leur aspect Le dosage des éléments-traces : intérêt historique L or du Brésil dans l économie française
Spécificités des méthodes d analyse Valeur artistique et historique des pièces de monnaie méthodes non destructives ou employant des microprélèvements Hétérogénéité de certains alliages (corrosion, présence de plusieurs phases) méthodes «globales» ou analysant une partie représentative de l ensemble Monnaie sassanide en argent de Shapur Ier (241-272 ap. J.-C.) Bronze de Marseille Coupe observée à la loupe binoculaire
Monnaie indienne en argent Monnaie à poinçons multiples, empire maurya (322-185 av. J.-C.) Coupe polie Observation à la loupe binoculaire
Couche corrodée (cuivre oxydé) Ag = 80% ; Cu = 20% Alliage «sain» Ag = 62% ; Cu = 38% Coupe polie Etude au microscope électronique à balayage
Spécificités des méthodes d analyse Grand nombre d éléments à «doser», présents en tant que majeurs, mineurs ou à l état de traces méthodes multi-élémentaires et sensibles Écu d'or de Louis IX (saint Louis), 1270?
Méthodes d analyse élémentaire développées au laboratoire Méthodes d activation : AP (activation protonique) ANRC (activation avec des neutrons rapides de cyclotron) Pupitre de commande du cyclotron du CERI (CNRS d Orléans) Méthode LA-ICP-MS Laser Ablation Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry
Dispositif expérimental d irradiation aux protons Barre porte-échantillons Ligne de faisceau
Dispositif expérimental d irradiation aux neutrons Cible de béryllium Passeur automatique rotatif Porte-échantillons
Méthodes d activation Analyse en deux étapes : 1. irradiation avec des neutrons ou des protons 2. mesure du rayonnement gamma émis par la monnaie Château de plomb Salle de spectrométrie gamma
Méthodes d activation Atouts Méthodes non destructive Méthodes multi-élémentaires et sensibles : une quinzaine d éléments dosés, du % à la fraction de ppm (1 ppm = 0,0001 %) Inconvénients Méthodes longues, fastidieuses (radioactivité)
Méthode LA-ICP-MS Laser Ablation Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry Monnaies en place dans la cellule d ablation pour analyse par LA-ICP-MS
Schéma de principe d un ICP-MS couplé à l ablation laser
Méthode LA-ICP-MS Micro-prélèvement réalisé par un laser (diamètre < 0,1 mm ; 0,02 mg env.) et analyse de la matière par spectrométrie de masse Atouts Méthode quasi non destructive Méthode multi-élémentaire et sensible : un grand nombre d éléments dosés, du % à la fraction de ppm Méthode rapide (10 à 20 monnaies par jour) Inconvénients Nécessité de posséder des matériaux de référence Méthode ponctuelle : variation de la composition d une analyse à l autre pour certains ors
Caractère non destructif des analyses Tranche de la monnaie juste après l analyse : impacts laser Tranche de la monnaie après nettoyage
Méthode LA-ICP-MS Micro-prélèvement réalisé par un laser (diamètre < 0,1 mm ; 0,02 mg env.) et analyse de la matière par spectrométrie de masse Atouts Méthode quasi non destructive Méthode multi-élémentaire et sensible : un grand nombre d éléments dosés, du % à la fraction de ppm Méthode rapide (10 à 20 monnaies par jour) Inconvénients Nécessité de posséder des matériaux de référence Méthode ponctuelle : variation de la composition d une analyse à l autre pour certains ors
Résultat de l analyse d une monnaie d or de Trajan (98-117 après J.-C.) Eléments dosés (teneurs en %): Au Ag Cu Pb Sn Sb Fe Ca Ru Pt 99,79 0,15 0,003 0,002 0,0006 0,0002 0,048 0,007 <0,00006 0,0029 Hg Pd Zn As Ti 0,0029 0,0006 0,0006 0,00004 0,0001 BnF FG 529
Le monnayage en or arverne : chronologie relative à partir de données typologiques et analytiques (I er siècle avant J.-C.) S. Nieto, «La place du monnayage arverne dans les monnayages gaulois du centre et du sud de la Gaule aux II e et I er siècles avant J.-C.», thèse de doctorat de Université de Paris IV-Sorbonne, sous la dir. de J.-P. Martin, 2003.
Exemples de monnaies en or frappées par les Arvernes
70 63 7 56 14 Groupe 1 : titre moyen = 91 % 49 21 Groupe 2 : titre moyen = 71 % Ag (%) 42 28 Cu (%) Groupe 3 : titre moyen = 51 % 21 28 35 A 35 42 49 Groupe 4 : titre moyen = 41 % Imitations du statère de Philippe II de Macédoine, hors groupe 1 VERCINGETORIXS 14 56 7 63 100 93 86 79 72 65 58 51 44 37 70 Au (%)
Les monnaies de bronzes de Marseille Cité fondée au VI e siècle av. J.-C. Frappe de monnaies d argent Monnaie d argent archaïque au type d Auriol (490/470 avant J.-C.) Frappe de monnaies de bronze à partir du dernier quart du III e siècle av. J.-C.
Les monnaies de bronzes de Marseille Classement des monnaies de bronzes en catégories (poids / dimensions) Grands bronzes ou bronzes lourds (215-211 av. J.-C.) Moyens bronzes (211-140 av. J.-C.) Petits bronzes (140-49 av. J.-C.) Subdivision des catégories en séries (symboles / lettres) Bronzes lourds (215-211 av. J.-C.) Séries 1, 2 et 3
Les «bronzes lourds» de Marseille % Sn % Pb Série 1 3 à 6 % inf. à 0,2 % 50 Série 2 4 à 9 % inf. à 0,2 % 45 5 Série 3 a) 4 à 12 % inf. à 0,5 % 40 10 Série 3 b) Diminution Hausse 35 15 12 à 5 % jusqu à 25 % 30 20 % Sn 25 25 % Pb 20 30 15 35 Série 1 10 40 Série 2 5 45 Série 3 a) 100 95 90 85 80 75 70 65 60 55 50 Série 3 b) % Cu
Autres exemples d alliages employés pour fabriquer des monnaies Laiton (alliage cuivre-zinc) Empire romain (sesterces et dupondii) Cupro-nickel (alliage cuivre-nickel) Rois indo-grecs et rois gréco-bactriens Sesterce d Auguste
Autres exemples d alliages employés pour fabriquer des monnaies Alliages cuivre-plomb Inde du sud et Sri Lanka Monnaie Pandyas Inde du Sud, II e s. av. J.-C.- I er s. ap. J.-C.- Plomb Chine, Sri Lanka Zinc Monnaie légendée Sri Lanka, II e s. av. J.-C. Vietnam
Recréation d un procédé d argenture des monnaies d imitation de Postume (260-269 après J.-C.) A. Deraisme, «Apport de la physique à l étude du faux-monnayage du III e siècle après J.-C.», thèse de l Université d Orléans, sous la dir. de J.-N. Barrandon, 2005.
Monnaies d argent (antoniniens) étudiées Monnaie officielle de Postume frappée dans l atelier de Trèves Imitation frappée dans «l atelier II» Imitation trouvée sur le site archéologique de Châteaubleau (Seine-et-Marne)
100% 95% Antoniniens officiels Antoniniens d'imitation 90% % Cu 85% 80% 75% 70% 0% 5% 10% 15% 20% 25% % Ag
Antoninien officiel Image MEB, mode électrons rétrodiffusés, au cœur de la monnaie.
Antoninien d imitation issu de l atelier II Argenture : 21 % d Ag 1 % de Pb 78 % de Cu Cœur : 3 % d Sn 2 % de Pb 95 % de Cu
Recréation des argentures cylindre de cuivre recouvert d une feuille d argent pur (0,05 mm) creuset en graphite charbon de bois pour limiter l oxydation de l échantillon. four électrique montant jusqu à 1200 C Etude de deux paramètres température et temps de cuisson dans le four Echantillon avant enfournement
Comparaison des microstructures Recréation à 950 C et t = 4 min Ag = 28 % et Cu = 72 % Echantillon archéologique Ag = 24 % et Cu = 76 %
Du point de vue de la composition : Ce qui correspond le mieux aux échantillons archéologiques : T = 950 C 1000 C t = 4 min et plus Argenture contenant 25 % d argent
Sur les traces de l'or brésilien dans le monnayage français au XVIII e siècle
Minerai d or d Ouro Preto Amérique du Sud au XVIII e siècle (ateliers monétaires en noir)
Au (%) Ag (%) Pd (%) Pépite près de Sabara 85,98 4,17 9,85 Pépite de Taguaril (Minas Gerais) 91,06 8,12 Pépites analysées par la Monnaie de Rio 88,9 92,00 11,1 7,3 Source : de Launay (1895). Compositions de pépites d or provenant du Brésil
Teneur moyenne : 1115 ppm Teneur moyenne : 13 ppm Evolution de la teneur en palladium dans les monnaies frappées au Brésil et au Portugal entre 1450 et 1800.
Teneur moyenne : 20 ppm Evolution de la teneur en palladium dans les monnaies françaises entre 1680 et 1785.
Calcul de la fraction d or «brésilien» dans les monnaies françaises du XVIII e s. Fraction d'or «brésilien» = (x - 20) / 1115 avec x : teneur en palladium (ppm) 20 : teneur moyenne en palladium dans l or français au XVIl e s. 1115 : teneur moyenne en palladium dans l'or brésilien. Exemple numérique : Monnaie contenant 580 ppm de palladium Part d or «brésilien» = (580-20) / 1115 = 0,5 = 50%
Pourcentage d or «brésilien» dans le monnayage français de 1700 à 1785 (moyennes décennales).
Excédent commercial de la France avec le Portugal en millions de livres Calcul des économistes (d'après les balances de paiements) 1701-1727 22,2-24 1728-1730 1730-1760 1760-1770 1770-1780 TOTAL 13,8-15 133-143 32,2-34,8 7,9-8,6 210-225 Calcul résultant de l interprétation de la teneur en palladium TOTAL 212