DECOUVREZ TOUT CE QUE VOUS N AVEZ JAMAIS VOULU SAVOIR SUR L ENERGIE NUCLEAIRE



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Transcription:

DECOUVREZ TOUT CE QUE VOUS N AVEZ JAMAIS VOULU SAVOIR SUR L ENERGIE NUCLEAIRE DECOUVREZ TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR L ENERGIE NUCLEAIRE Pendant quatre semaines et au travers d une série de dossiers thématiques, le Forum nucléaire tentera de répondre aux questions que vous vous posez sur l énergie nucléaire. Ce premier numéro lève le voile sur les applications du nucléaire et leurs implications dans la vie de tous les jours.

EDITORIAL La campagne d information «Vous êtes pour, vous êtes contre» du Forum nucléaire nous invite à réfl échir sur les avantages et les inconvénients de l énergie nucléaire. Cette campagne semble attendre une réponse «noir ou blanc», mais son but réel est bien sûr d introduire des nuances dans notre jugement et de nous faire douter de nos préjugés, qu ils soient pour ou contre. Les réactions parfois violemment négatives montrent combien le sujet est émotionnellement chargé et combien il est diffi cile de se départir d une position tranchée. LA RADIOACTIVITE AU SERVICE DES HOMMES... LES APPLICATIONS PACIFIQUES DE LA PHYSIQUE NUCLÉAIRE DISTINCTES DE L ÉNERGIE SONT TRÈS NOMBREUSES. MÉDICALES OU AUTRES, ELLES SONT APPARUES BIEN AVANT LES UTILISATIONS MILITAIRES. ELLES ONT DONC ÉGALEMENT PRÉCÉDÉ DE LONGUE DATE L APPLICATION DE LA PHY- SIQUE NUCLÉAIRE À LA PRODUCTION D ÉLECTRICITÉ. CES APPLICATIONS CIVILES NON ÉNERGÉTIQUES CONTRIBUENT CLAIREMENT AU BIEN-ÊTRE DE L HUMANITÉ ET DES ÊTRES HUMAINS. Les attaques envers la campagne ont porté sur la production d électricité par l énergie nucléaire. Les applications médicales et industrielles autre que la production d électricité n ont pas été abordées. Elles sont moins connues. Qui sait en effet que le traitement de la douleur causée par des métastases osseuses repose la plupart du temps sur l administration de strontium radioactif, fabriqué dans un réacteur de recherche? Qui sait que les bactéries et les parasites présents dans les scampis du delta du Gange sont éliminés par irradiation avant d atterrir dans notre assiette? Et qui sait encore que les voitures hybrides contiennent du silicium qui a probablement été irradié dans le réacteur belge de recherche BR2? Laboratoire de l IRE. Au contraire de la production d électricité, les applications médicales et industrielles de l énergie nucléaire n éveillent pas, ou peu, d émotions négatives. Leur portée est beaucoup plus humaine et compréhensible. Et ceux qui savent que ce sont des applications de l énergie nucléaire ne les perçoivent pas comme menaçantes mais utiles. Cette grande différence de perception est probablement aussi une raison pour laquelle ces applications sont méconnues: il n est pas simple d être à la fois pour et contre l énergie nucléaire. Tout est pourtant une question d équilibre, et rien n est tout à fait noir ou tout à fait blanc. D où la nécessité d informer. Alors seulement chacun peut se former une opinion équilibrée. La campagne et les textes de ce dossier y contribuent sans aucun doute. FRANK DECONINCK Professeur de Physique biomédicale VRIJE UNIVERSITEIT BRUSSEL Qu est-ce que la radioactivité? C est la propriété que possèdent certains éléments instables du tableau de Mendeleïev de se transformer par désintégration en un autre atome plus stable. Cette modifi cation du noyau atomique émet des rayonnements ionisants (particules alpha, bêta, protons, ou rayons électromagnétiques gamma, X, ). Très tôt, les scientifi ques se sont intéressés à l utilisation qui pouvait être faite de ces rayonnements. Ils sont dits ionisants, car ils sont capables d ioniser la matière. Autrement dit, ils interagissent avec la couche électronique des atomes. Les rayonnements transfèrent assez d énergie aux électrons pour les arracher de leur atome et une réaction chimique en résulte. Selon le type du rayonnement, son intensité, sa localisation et sa durée, l effet est très variable et peut aller d un impact nul à la destruction, en passant par une transformation ou une altération de la matière ou de la cellule vivante. Depuis qu il a découvert la radioactivité, l homme a cherché à l utiliser et à la reproduire pour la mettre à son service dans diverses applications. 2

CHAQUE ANNEE, DANS LE MONDE, 30 MILLIONS DE PERSONNES SOIGNEES DEPUIS PLUS DE 50 ANS, LA MÉDECINE NUCLÉAIRE A BEAUCOUP PRO- GRESSÉ. TANT EN CE QUI CONCERNE LE DIAGNOSTIC QUE LA THÉRAPIE. CHAQUE ANNÉE, 30 MILLIONS DE PERSONNES EN BÉNÉFICIENT DANS LE MONDE. TOUTES NE SONT PAS GUÉRIES, MAIS BEAUCOUP SONT AU MOINS SOULAGÉES. POURTANT, AU MOMENT OÙ AUCUNE ALTERNATIVE DE MÊME QUALITÉ N EXISTE ET OÙ L EXTENSION DE LA MÉDECINE NUCLÉAIRE EST UN ENJEU MONDIAL DE SANTÉ PUBLIQUE, IL Y A DANGER DE PÉNURIE DANS LA PRODUCTION DES INDISPENSABLES RADIO-ISOTOPES... Chaque année, dans le monde, plus de 30 millions de personnes bénéfi ent des bienfaits de la médecine nucléaire. Les techniques utilisées, basées sur l administration de radioéléments aux patients, sont relativement bien connues du grand public. Pour synthétiser, les applications se regroupent en deux types d actes médicaux complémentaires : le diagnostic et la thérapie. CONNAÎTRE POUR MIEUX SOIGNER Les rayons ionisants sont utilisés à des fi ns de diagnostic médical depuis très longtemps. Dès la fi n du XIX ème siècle, Wilhelm Röntgen, découvreur des rayons X produits par un générateur électrique, réalise une radiographie de la main de sa femme. les muscles plus transparents) ; de l autre côté, un «révélateur» donne une image (radiographie) qui pourra servir à établir un diagnostic. Aujourd hui, même si les révélateurs ont en y logeant ou en y faisant circuler des sources radioactives (par ingestion ou injection). Celles-ci émettent des rayons (gamma) hautement énergétiques captés par une caméra couplée à des outils changé, même si l informatique informatiques d analyse s en est mêlée et permet de travailler en trois dimensions (scanner), EN Y LOGEANT DES SOURCES d image. C est ainsi qu on peut obtenir des images du fonctionnement des même si des techni- organes (scintigraphie), la RADIOACTIVES, ON PEUT OBTENIR ques spécialisées ont été source des rayons étant à DES IMAGES TRES élaborées (coronographie, DIFFERENTES DES TISSUS l intérieur du corps. Cette mammographie, radiodiagnostic dentaire, etc.), la radiographie méthode ET ORGANES technique et sa version en trois dimensions, la tomographie est utilisée d imagerie de loin la plus répandue repose toujours sur ce principe de base. En médecine nucléaire, l utilisation directe pour l exploration de la thyroïde, du squelette ou du cœur. Par exemple, la tomoscintigraphie myocardique, bien plus qu une photo «instantanée» du cœur, est une analyse en trois dimensions et dans le temps, du fonctionnement de l organe. Le principe de la radiographie est simple : on émet des rayons X d un côté du corps humain ; ces rayons traversent le corps et sont plus ou moins absorbés selon la nature des tissus (les os sont plus opaques, Molybdène-99. de substances radioactives est en quelque sorte une alternative à la radiographie morphologique. On s est effectivement rendu compte qu on pouvait obtenir des images tout à fait différentes des tissus et organes TRAITER LES TUMEURS CANCÉREUSES L autre volet de la médecine nucléaire est la thérapie. Les premiers tâtonnements des techniques de radiothérapie faisant usage de rayonnements ionisants pour le traitement de tumeurs cancéreuses remontent à la fi n du XIX ème siècle. Ces rayonnements détruisent les cellules malignes. Tous les progrès réalisés en matière de thérapie en médecine nucléaire visent à administrer des doses minimisées et à concentrer le rayonnement sur la tumeur, pour irradier le moins possible les cellules voisines saines. Les techniques de radiothérapie ont grandement évolué dans le 3

temps. Initialement, la source radioactive était exclusivement externe et sa précision relative impliquait d importants dégâts collatéraux (destruction de cellules non malades). Aujourd hui, quand on se sert encore de sources externes pour générer le rayon, la précision du faisceau est beaucoup plus grande, que ce soit avec les sources, les accélérateurs de particules ou autres cyclotrons. La radiothérapie interne va également dans le sens de cette précision. Il s agit d aller insérer la source radioactive au meilleur endroit pour traiter la tumeur. La source radioactive peut être une aiguille ou un petit tube dans lequel est scellé le radionucléide (noyau atomique instable) et qui est inséré au plus près de l endroit à traiter. En médecine nucléaire, un radioisotope sera directement ingéré ou injecté. Dans ce cas et c est également vrai pour ceux utilisés pour les diagnostics, les radioéléments sont associés à une molécule porteuse (on parle alors de «radiopharmaceutique»). La molécule en question a une affi nité élevée avec le tissu à détruire. L exemple le plus connu est celui de l iode qui va se concentrer dans la thyroïde. En l occurrence, la molécule porteuse va transporter le radioélément vers les cellules, tissus et organes visés... UNE PRODUCTION DANS DES RÉACTEURS NUCLÉAIRES Derrière la formidable progression de la médecine nucléaire dans le monde se profi le, bien entendu, une expertise scientifi que et technologique. Tant les équipements que les radio-isotopes et radiopharmaceutiques sont de plus en plus sophistiqués et précis. Pour les mettre à disposition des médecins, une activité économique et industrielle s est développée au long de la fi lière (voir encadré page 5). Elle doit d ailleurs continuer à se développer. Ainsi, comme le rappelle l Agence Internationale de l Energie Atomique (Prix Nobel) : «Selon les estimations, d ici 2015, 15 millions de nouveaux cas Réacteur de recherche belge BR2. L APPROVISIONNE- MENT EN RADIO- ISOTOPES À USAGE MÉDICAL REPRÉSENTE UN DÉFI MAJEUR de cancer devraient être diagnostiqués chaque année, dont plus de la moitié dans les pays en développement. Ces pays, qui représentent 85 % de la population mondiale, ne disposent toujours actuellement que de 2200 appareils de diagnostic, soit moins d un tiers du total mondial des installations de médecine nucléaire. Il faut sans plus attendre créer des capacités de diagnostic et de traitement et fournir l équipement nécessaire». On est malheureusement loin du compte! Lors d un récent séminaire, deux acteurs belges importants, IBA (Ion Beam Applications, fabricant d accélérateurs de particules et producteur de radiopharmaceutiques), et IRE (Institut National des Radioéléments, producteur de radio-isotopes de fi ssion) tiraient la sonnette d alarme, ne faisant ainsi que refl éter l inquiétude du monde de la santé : «La problématique de l approvisionnement en radio-isotopes à usage médical représente un défi majeur à moyen et à long terme». Et pour cause! Au niveau mondial, seulement cinq réacteurs de recherche, trois en Europe (en Belgique, en France et aux Pays-Bas), un au Canada et un en Afrique du Sud, permettent aujourd hui de garantir plus de 90 % de la production des principaux radio-isotopes, obtenus au départ d uranium fi ssionné par les neutrons dans les réacteurs de recherche. Il y a une très forte tension sur la fi lière et ceci d autant plus que les acteurs qui transforment la matière première radioactive en produits radiopharmaceutiques directement utilisables par les médecins ne sont pas beaucoup plus nombreux. 4

EVÉNEMENTS ALARMANTS Le monde médical souligne de plus en plus que l approvisionnement de ces radio-isotopes produits par fi ssion et utilisés dans plus de 80 % des procédures en médecine nucléaire n est pas assez sécurisé. Suite à une panne déclenchée durant l été 2008 sur le réacteur néerlandais HFR, conjuguée à des travaux de maintenance sur le réacteur français Osiris, il apparaît que la pénurie en radio-isotopes s est propagée un peu partout dans le monde durant tout le second semestre 2008, ayant pour regrettable conséquence que des millions de malades n ont pu être traités. Pour limiter l étendue de cette pénurie, le réacteur belge de Mol (le BR2 du SCK CEN) a été obligé de modifi er dans l urgence sa programmation. En mai 2009, l annonce de la fermeture pour trois mois du réacteur canadien suite à une fuite d eau lourde, a relancé l inquiétude. En accord avec les autorités, et en particulier avec celui de l Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN), l IRE a annoncé mettre tout en œuvre pour contribuer à compenser cette perte de production et limiter l impact de cette situation sur les patients qui doivent bénéfi cier des examens ou des traitements médicaux. Bien entendu, l IRE ne fait aucune concession en matière de sûreté et de sécurité, qui restent une priorité absolue et permanente. Les cinq réacteurs évoqués auparavant auront d ici quelques années atteint le terme de leur durée de vie et seront mis à l arrêt. L avertissement n en résonne qu avec plus d acuité : «A terme, cette situation risque de créer de véritables problèmes d approvisionnement et de santé publique. Il faut poursuivre les investissements dans la médecine nucléaire et les moyens de production de radio-isotopes à usage médical.» LA BELGIQUE OCCUPE UNE POSITION DE POINTE La Belgique a toujours occupé une position de pointe dans le domaine de la recherche nucléaire. Dans la foulée, notre pays occupe une place stratégique dans la fi lière des principaux radio-isotopes à usage médical (isotopes de fi ssion en réacteur). Ceux-ci sont produits en plusieurs étapes auxquelles participent nos installations. La première étape est la production de la matière première proprement dite. Elle est obtenue par irradiation d uranium hautement enrichi bombardé de neutrons durant une semaine dans les réacteurs de recherche. Seuls cinq réacteurs au monde, dont le BR2 du Centre d Etude de l Energie Nucléaire (SCK CEN) à Mol, réalisent l essentiel de cette irradiation. Quelques grammes d uranium sont, après irradiation, expédiés aux producteurs de radioéléments dans un «château» en plomb de cinq tonnes en respectant toutes les précautions d usage. L Institut des Radioéléments (I.R.E.) à Fleurus est un de ces producteurs. Il s agit au départ d extraire de cette matière première, notamment en provenance de Mol mais aussi de Saclay et de Petten, les radioéléments intéressants pour l usage médical. L IRE est le deuxième producteur mondial de ces radioéléments. L ultime étape consiste à réellement fi naliser le produit radiopharmaceutique au départ du «bulk» (matière brute). D une part, il faut le rendre directement utilisable comme médicament. D autre part, il doit parfois être associé à d autres molécules. Le tout en respectant de drastiques prescriptions pharmaceutiques. L IRE investit actuellement dans une Radio-isotopes. chaîne de production de ce type. Sur le même site de Fleurus, la société canadienne Nordion développe ses activités et a inauguré en juin 2009 une unité de préparation de fl uorodéoxyglucose (F-18 FDG), un traceur utilisé dans le diagnostic de patients atteints du cancer. Il faut noter que la plupart de ces produits ont souvent des durées de vie très réduites. Ainsi, le Mo 99 perd la moitié de son activité toutes les 66 heures et le F-18 FDG toutes les 110 minutes. Toutes les activités de la chaîne (du réacteur à la société radiopharmaceutique) sont donc souvent sous-tendues par une fabrication «just in time» du réacteur à l utilisateur médical. Quand un radio-isotope est commandé, on sait déjà quand et pour qui il servira... La diffi culté réside donc dans le fait que les radio-isotopes destinés au monde médical ont une durée de vie courte qui empêche de les stocker. Si un des éléments de la chaîne est défaillant, la mise à disposition de radio-isotopes expédiés dans le monde entier devient problématique. Il faut noter également la grande expertise d IBA dont l IRE est un des fondateurs et actionnaires de référence. L entreprise a été créée au départ des connaissances accumulées à l Université catholique de Louvain. Elle développe et commercialise des technologies de pointe (accélérateurs de particules, cyclotrons, rhodotrons), ainsi que des produits radiopharmaceutiques sur mesure pour les soins de santé, en mettant l accent sur le diagnostic et le traitement du cancer. Elle est en particulier le premier producteur mondial du F-18 FDG à travers plus de 50 centres répartis dans le monde faisant usage de cyclotrons. 5

AUTOUR DE NOUS, DES APPLICATIONS VITALES AU-DELÀ DE LA MÉDECINE, BIEN D AUTRES APPLICATIONS DE LA RADIOACTIVITÉ RESTENT TRÈS DISCRÈTES. POURTANT, ELLES PARTICIPENT À UNE MEILLEURE ALIMENTATION, UNE MEILLEURE GESTION DE NOS RESSOURCES OU ENCORE À LA GRANDE AVENTURE SCIENTIFIQUE. SURVOL, LOIN D ÊTRE EXHAUSTIF! RADIOSTERILISATION : DU POIVRE AUX INSECTES... Des aliments. Tous les jours, le consommateur moyen a dans son assiette au moins un produit ayant subi une radiostérilisation : le poivre! Effectivement, avant d être commercialisées, la plupart des épices sont soumises à une exposition à des rayonnements ionisants afi n d en éliminer les bactéries qui y pullulent naturellement. L exposition aux rayonnements n induit aucune radioactivité au sein des aliments ; elle détruit les micro-organismes, et les insectes, elle stérilise et pasteurise la matière. D autres aliments bénéfi cient du même traitement: cuisses de grenouilles, crevettes, volailles et œufs, surgelés, et aussi des végétaux dont on ralentit ainsi la germination (ail ou oignons, par exemple). Les aliments ne sont ni contaminés ni activés. Matériels médicaux. Autre domaine pour lequel le commun des mortels bénéfi cie également des bienfaits des rayons ionisants, celui de la stérilisation des produits à usage médical. Du matériel chirurgical, des prothèses ou des produits pharmaceutiques et cosmétiques sont stérilisés par les rayons gamma de sources radioactives scellées ou les rayons β voire X produits par des accélérateurs de particules. Lors de la moindre des interventions chirurgicales, il y a beaucoup de chances qu un champ opératoire, un des instruments ou une poche de sang ait été radiostérilisé. Stérilisation d insectes. Plus insolite, de véritables fl éaux ont été terrassés grâce à la stérilisation... d insectes par un rayonnement ionisant. Il s agit de rendre stériles d importantes quantités d insectes mâles et d ensuite les lâcher dans la population naturelle, ce qui réduit l importance de la descendance. Le Texas est ainsi venu à bout d un parasite du bétail, le «screwworm», une larve de mouche qui croît sous la peau des animaux à sang chaud en se nourrissant de leur chair. En Egypte, c est une larve de mouche du même type, qui se nourrit de tissus vivants, la lucilie bouchère, qui a été éradiquée. Au Zanzibar, la Technique de l insecte stérile (TIS) a permis de réduire les nuisances de la mouche tsé-tsé et de relancer l économie car cet insecte s attaque à la fois au bétail et aux humains, en provoquant la bien connue «maladie du sommeil». A noter que l exposition aux rayonnements est également utilisée pour tuer certains insectes ou champignons, par exemple ceux qui endommagent des œuvres d art en bois ou des livres anciens. La Belgique à la pointe. A Fleurus, la société Sterigenics a repris les installations de l IRE qui réalisent ce type de stérilisations avec le rayonnement gamma du Cobalt-60. De plus, à Louvain-la-Neuve, IBA conçoit et fabrique des équipements à usage de stérilisation et d ionisation industrielle. Près de 200 accélérateurs d électrons et des équipements de rayons X à haute énergie en provenance de l entreprise néo-louvaniste sont opérationnels à travers le monde. LA PLUPART DES ÉPICES SONT SOUMISES À UNE EXPOSITION À DES RAYONNEMENTS IONISANTS AFIN D EN ÉLIMINER LES BACTÉRIES TRANSFORMATION DE MATERIAUX : DU PARQUET À LA VOITURE HYBRIDE Parquet. Le promeneur qui déambule sur le parquet du château de Seneffe ou de la grande galerie de l évolution au Muséum d Histoire Naturelle de Paris ne l imagine pas, mais il marche sur des matériaux qui ont été irradiés. C est souvent le cas dans des bâtiments à haute fréquentation (aéroports, musées, etc.). A dose beaucoup plus intense que dans la stérilisation, l irradiation peut effectivement modifi er les propriétés mécaniques et chimiques de la matière. Ainsi, les parquets en bois initialement tendre ont été imbibés d un monomère synthétique et irradiés dans les règles de l art. Le plastique ainsi polymérisé rend le bois dur comme du marbre. Meubles. La même technique est utilisée pour restaurer des meubles anciens et des œuvres d art très fragiles qui, autrement, risqueraient de se réduire progressivement en poussière. En quelque sorte, on les «fossilise». Voiture hybride. Certains réacteurs de recherche (dont le BR2 du SCK CEN à Mol) sont utilisés pour le «dopage du silicium» par exposition au rayonnement. L irradiation de ce matériau lui procure de nouvelles propriétés capitales pour la production de puces électroniques. Ainsi amélioré, le silicium est employé dans des applications très pointues en microélectronique, qu on retrouve, entre autres, dans les véhicules hybrides, dans les loco motives les plus sophistiquées et dans les éoliennes. 6

APPLICATIONS INDUSTRIELLES : DE LA RADIOGRAPHIE AUX CIRCUITS Quiconque monte dans un avion peut se dire qu une ou plusieurs de ses pièces ont été vérifi ées à l aide d une technologie nucléaire. C est le cas par exemple pour la recherche de traces de corrosion dans les ailes. Plus étonnant, pour brasser la bière que chacun boit ou imprimer le livre que chacun lit, des technologies nucléaires ont peut-être également été utilisées. On peut faire un parallèle entre médecine et industrie pour la plupart des applications industrielles des rayonnements ionisants. Dans la radiographie industrielle, on soumet une pièce à des rayonnements ionisants et on analyse le chemin qu ils suivent au sein de la matière, ce qui permet de vérifi er la qualité de la matière ou des soudures tout en les conservant intactes (analyse non destructive). De la même manière, on mesure par exemple la densité ou la teneur en humidité de diverses substances, le niveau de matériaux dans des réservoirs ou des silos et l épaisseur de feuilles de plastique ou de papier. Le même principe de l étude du cheminement des rayons est également utilisé dans des détecteurs et jauges industriels divers. Par exemple, des jauges fi xes sont utilisées pour mesurer des fl uides (de la bière en fabrication, des hydrocarbures) qui circulent dans des tuyaux ou pour étudier la nature, l épaisseur et les constituants de certains matériaux (des enduits et peintures, entre autres). Comme en médecine, des traceurs radioactifs sont utilisés dans le contrôle de nombreux procédés de fabrication industriels. On injecte un traceur, par exemple dans une usine chimique, et on suit son évolution et son parcours dans le process afi n de contrôler les fl ux, éventuellement trouver des défauts (fuites, par exemple) et procéder aux améliorations... Dernier type d application très spécifi que, on évite la formation d électricité statique dans des installations industrielles (par exemple des silos où il y a risque d explosion) grâce à des rayons ionisants. SCIENCES DE LA TERRE : DE L AGRICULTURE AU PÉTROLE Les techniques nucléaires sont précieuses pour étudier les sols et sous-sols. L humidimètre ou sonde à neutrons mesure avec précision l humidité des sols et peut se révéler un atout utile pour une agriculture rationnelle et adaptée. Des techniques isotopiques permettent de déterminer comment utiliser durablement les ressources en eau et les nutriments du sol. D autres techniques isotopiques et nucléaires permettent de suivre l évolution de certains facteurs, comme les interactions plantes-sol-eau. Dans l utilisation rationnelle des ressources souterraines, les rayonnements sont également appréciables. Tout d abord, pour faire de la prospection, trouver de l eau, du pétrole ou d autres ressources, la présence de certains composants radioactifs et l étude de la propagation des rayonnements dans les sols sont des outils de recherche précieux. De plus, dans la gestion au jour le jour, l injection de traceurs et le suivi de leur progression permettent de comprendre comment se comporte une nappe souterraine et, par exemple, comment une pollution s y diffuse. LA GRANDE AVENTURE HUMAINE : DE LA TERRE À L ESPACE Plus généralement, la radioactivité et la présence d éléments radioactifs naturels dans les sols, les fossiles ou les glaces Frank De Winne (à droite) à bord de l ISS. polaires, a permis d étudier l histoire de notre planète, de son environnement, de son atmosphère. Les techniques de datation au carbone 14 sont elles aussi bien connues : elles permettent de dater des objets ou des lieux jusqu à environ 40 000 ans. Au-delà, on a recours à d autres méthodes radioactives (analyse du rapport potassium/argon, par exemple). Enfi n, les applications spatiales ne manquent pas, une des plus importantes étant l utilisation de sources radioactives pour produire de l électricité à bord des engins spatiaux. 7

DES USAGES DOMESTI- QUES EN DÉSUÉTUDE Dans la mesure du possible, on essaie de restreindre les sources radioactives «domestiques». Non pas que ces sources soient dangereuses à l usage puisqu elles sont scellées. Par contre, une fois dans la chaîne des déchets, il faut éviter toute diffusion de matières radioactives dans l environnement. La commercialisation des paratonnerres comportant de telles matières est aujourd hui interdite en Belgique. Des mesures ont été prises pour la récupération des détecteurs de fumée (incendie) qui utilisent une source radioactive. Tout laisse penser qu à terme, les détecteurs optiques, dont les performances s améliorent, remplaceront les détecteurs ioniques qui ne seront plus utilisés que dans des usages très pointus. De la même manière, ont été abandonnées les peintures contenant des produits radioactifs (radium et tritium), qui rendaient des objets luminescents (aiguilles et chiffres de montres et cadrans de contrôle, par exemple). POUR EN SAVOIR PLUS : AFCN www.fanc.fgov.be AIEA www.iaea.org Belnuc - www.belnuc.be IBA - www.iba-worldwide.com IRE www.ire.eu Nordion - www.mds.nordion.com SCK CEN www.sckcen.be Sterigenics - www.sterigenics.com LA RADIOPROTECTION EST UNE PRIORITÉ Généralement, la population l ignore, mais les doses radiologiques subies par un Belge moyen ont deux causes principales : les causes naturelles (radiations cosmiques, rayonnement terrestre, radon, etc.) et les applications médicales, qui représentent à elles seules 43 % des 4,5 msv de la dose moyenne reçue par un belge. L industrie et les applications nucléaires de production d électricité n interviennent que pour moins d un pour cent. La radioprotection, c est donc une évidence, ne doit pas concerner que les centrales nucléaires. Mais il est tout aussi évident qu en matière médicale, c est au médecin de déterminer les principes de justifi cation et d optimisation des expositions et des doses utilisées à des fi ns diagnostiques et thérapeutiques. Ceci ne veut pourtant pas dire qu il n y a pas de contrôle. Ainsi, sur le territoire national, l Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) supervise les équipements, le respect des procédures et la protection des usagers et personnel traitant. Actuellement, l Agence mène avec le monde médical une réfl exion sur les accidents survenus en France en matière d exposition de patients à des doses trop importantes. Dans la fi lière de production des radioisotopes, le SCK CEN et l IRE sont des établissements de Classe 1 et font donc à ce titre l objet d une surveillance et d un contrôle, tant de l AFCN que de l Euratom et de l Agence Internationale de l Energie Atomique. Enfi n, l AFCN porte une attention toute particulière à d autres applications. Ainsi, c est sous son égide qu a été mise en place une fi lière de récupération des paratonnerres et des détecteurs incendie comportant une source radioactive. Elle contrôle également les applications dans l industrie... COLOPHON Ce dossier informatif est édité par le Forum nucléaire belge. Les membres sont : Agoria, Areva, Belgoprocess, Electrabel GDF SUEZ, IRE, Laborelec, MPE, SCK CEN, SPE, Synatom, Tractebel Engineering, Tecnubel, Transnubel, Transrad et Westinghouse Electric Belgium. Rédaction : Marc Magain. Remerciements spéciaux à l Institut National des Radioéléments et au Centre d Etude de l Energie Nucléaire. Photographies : David Plas et SCK CEN Editeur responsable : Koen Beyaert, Gulledelle 96, 1200 Bruxelles. Dit dossier is ook beschikbaar in het Nederlands. Des exemplaires supplémentaires peuvent être commandés par e-mail : info@nuclearforum.be, ou par téléphone : 02 761 94 50. Imprimé sur papier respectueux de l environnement. Juin 2009. www.nuclearforum.be 8