Lecture VI. L analyse filmique : Atelier



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School of Modern Languages and Cultures, The University of Hong Kong FREN3022 - French and Francophone Cinema Lecture VI L analyse filmique : Atelier «Le cinéma, capable de dialoguer depuis toujours avec son époque, sait fournir des donnés comme nul autre «art» ne sait le faire.» Francesco Casetti, Teorie del Cinema (1945-1990) Milan, 1993 "Le cinéma, c'est la manipulation du réel par le son et l'image." Alain Resnais, réalisateur I. L analyse filmique L analyse filmique permet d analyser les différents éléments qui composent un film tels que l image, le scénario, le montage ou le son et d étudier les liens entre ses éléments. Comme tout art, l'analyse filmique a une Histoire, demande de la pratique et possède des règles. La discipline fut créée par les critiques et théoriciens du cinéma qui la développèrent sur le modèle de l'analyse littéraire à l'université. Pour plus de détail, voir le document en annexe. II. L analyse culturelle 1. Quel sens peut-on donner au terme culture? Une conception anthropologique consiste à regarder la culture comme formée de quatre éléments qui sont transmis au sein d'un groupe, de génération en génération, en apprenant : Les valeurs Les normes Les institutions Les artefacts (objets fabriqués par l'homme : Arts, cuisine, etc.) L'ensemble de ses éléments partagés par les individus d'un même groupe constitue l'identité culturelle de ce groupe. Pour Stuart Hall: "Culture, it is argued, is not so much a set of things novels and paintings or TV programmes or comics as a process, a set of practices. Primarily, culture is concerned with the production and exchanges of meanings the 'giving and taking of meaning' between the members of a society or a group Thus the group depends on its participants interpreting meaningfully what is around them, and 'making sense' of the world, in broadly similar ways." Hall, S. Representation: Cultural Representation and Signifying Practices. 1997, London: Sage 2. Qu est-ce qu une représentation culturelle? Qu est-ce qu un stéréotype? "To put it briefly, representation is the production of meaning through language." Hall, S. Representation: Cultural Representation and Signifying Practices. 1997, London: Sage Représentation culturelle : élément de représentation qui peut-être rapporté à une culture spécifique. Façon dont une culture est représentée. Stéréotype : Le terme stéréotype est utilisé par l'écrivain Walter Lippmann en 1922 pour décrire des images élaborées rapidement et des opinions toutes faites. Il appelle ces images "pictures in our head". Les stéréotypes sont, selon le sociologue américain Erving Goffman "des images prêtes a l'emploi" ('ready to use' images).

Les stéréotypes sont des raccourcis cognitifs, des jugements implicites, élaborés par un groupe à propos d'un autre groupe. Les stéréotypes peuvent être positifs, négatifs ou neutres. Le cinéma emploie beaucoup les stéréotypes. Cela peut s'expliquer par la nécessité d'identifier rapidement dans les films un personnage ou un groupe en utilisant des représentations déjà présentes dans l'imaginaire collectif des spectateurs. 3. Quelles disciplines étudient les représentations au cinéma? L analyse des représentations au cinéma est un domaine interdisciplinaire qui peut faire appel à - la sociologie - la psychologie - la littérature comparée - la sémiologie - la linguistique Elle a trouvé sa forme la plus aboutie dans l orientation interdisciplinaire des Cultural Studies qui s est diffusée dans le monde anglophone au cours des années 80. 4. De quels outils méthodologiques disposons-nous pour l analyse des représentations culturelles? It is worth emphasising that there is no single or 'correct' answer to the question, 'What does this image means?' Since there is no law which can guarantee that things will have 'one true meaning', or that meanings won't change over time, work in this area is bound to be interpretative. Hall, S. Representation: Cultural Representation and Signifying Practices. 1997, London: Sage Thomas M. Carr 1 de l'université du Nebraska propose une organisation des contenus culturels en trois niveaux distincts : Au premier niveau, on peut distinguer tout ce qui compose les habitudes quotidiennes et tout ce qui forme le cadre général ou l'arrière-plan comment les gens sont habillés, dans quels genres de logements ils habitent, comment ils se saluent lorsqu'ils se rencontrent, etc. Au deuxième niveau, il y a toutes les informations que l'on peut obtenir sur l'organisation sociale et sur les institutions - comment fonctionne la famille, l'école, quels rôles ont les parents, les enfants, etc.) Au troisième niveau, on trouve ce qui forme le système des valeurs culturelles Quels comportements choisissent d'adopter les personnages, quels sont leurs sentiments et leurs réactions dans des circonstances variées, qu'est-ce qu'ils jugent approprié. Dans son ouvrage, Visual Methodologies (2001, London: Sage), Gillian Rose propose une interprétation critique des images en trois «sites» auxquels correspondent des modalités : le site de production : la façon dont les images sont produites, le genre, l intention du réalisateur le site de l image : ce que l on voit (le signifié) et le sens de ce que l on voit (le signifiant), la relation entre signifié et signifiant (linguistique et sémiologie) le site de l audience : la façon dont les images sont reçues par le public A chaque site correspondent des modalités d ordre - technologiques - formelles / compositionnelles - sociales 1 Carr, Exploring the cultural contents of French Features Films, in The French Review, No. 3, February 1980

L outil méthodologique proposé par Gillian Rose peut être schématisé de la façon suivante (figure 1.4) : 5. Quels sont les éléments à prendre en compte dans l analyse des représentations culturelles? La notion de site production renvoie à l idée d intention et de subjectivité : les images ne sont pas neutres / les images ne sont pas la réalité. La notion de site de l audience renvoie elle aussi à une idée de subjectivité : le spectateur n est pas neutre. Le spectateur interprète selon sa culture, ses références, ses intentions. La notion de contexte joue un rôle essentiel dans les trois sites discutés. Dans quel contexte une image ou un film est-il réalisé et reçu? L étude des relations entre signifiés et signifiants permet de donner du sens aux images. La perspective interculturelle : nous interprétons et nous donnons du sens à ce que nous voyons en relations avec notre propre culture.

School of Modern Languages and Cultures, The University of Hong Kong FREN3022 - French and Francophone Cinema Lecture VI ANNEXE : QUELQUES GRANDS ELEMENTS D ANALYSE FILMIQUE (Source : Précis théorique pour l analyse des différentes composantes d un film, Académie de Caen) I. L HISTOIRE RACONTEE PAR LE FILM Il s agit de prendre en compte ce qui se déroule dans le film, ce qui constitue le monde représenté par le film. A. Les personnages caractérisation : aspect physique, vêtements, voix, interprétation, choix de l acteur relations entre les personnages : qui sont-ils? que veulent-ils? B. Les événements époque à laquelle se déroule l action structure dramatique et ses effets : scènes de dialogue (séduction? dispute? ), suspense, effets de surprise, happy end séquences clefs : générique, exposition, conclusion, première apparition des personnages degré d importance qui est accordé aux événements selon la longueur de la scène et la manière de la filmer (cf. une scène de viol : allusive ou explicite? longue ou rapide?) C. Le décor (la représentation de l espace) lieu(x) où se déroule l action décor(s) naturel(s) ou réalisé(s) en studio? espace(s) intérieur(s) ou extérieur(s)? jour ou nuit? champ (ce qui apparaît dans le cadre) ou hors-champ (ce qui se passe hors du cadre, par exemple ce que voit un personnage sans que le spectateur puisse le voir cf. plus bas : III. A.)? II. LA NARRATION Il s agit d analyser la manière qu a le film de raconter l histoire. A. Chronologie l ordre des événements est-il respecté ou y a-t-il des retours en arrière (flash-back)? des anticipations (le contraire du flash-back)? comment s organise la vitesse du récit par rapport à celle des événements? (cf. présence d ellipses : passages d un point à un autre de l histoire sans les événements, généralement attendus, qui se sont déroulés durant la période omise, en laissant le spectateur les imaginer ou s interroger sur eux) B. Le(s) point(s) de vue l action se donne-t-elle simplement à voir (récit impersonnel) ou y a-t-il la présence marquée d un narrateur? ce narrateur fait-il ou non partie de l histoire? est-il un personnage (principal? secondaire?)? quelles conséquences le point de vue adopté a-t-il sur le choix et la nature des informations données, ou les modes d expression utilisés (cf. scène de rêve, de pensée intérieure du personnage )?

C. Le montage Au sens technique, le montage est l opération matérielle qui consiste à mettre les plans (cf. plus bas : III. A.) bout à bout. C est donc le montage qui détermine en majeure partie la construction du récit. La question à se poser est : comment passe-t-on d une image à une autre? quelles relations de sens s instaurent entre les images? montage cut : passage direct d un plan à un autre sans effet de liaison (procédé le plus simple et le plus courant) montage chronologique : l action est présentée dans l ordre de son déroulement montage alterné : juxtaposition d actions simultanées montage parallèle : juxtaposition d actions éloignées dans le temps ou dans l espace montage court : succession de plans très brefs (effet d accélération) La juxtaposition de deux plans est le raccord. Le plus souvent le réalisateur vise à atténuer l effet de rupture en utilisant la bande son (raccord sonore), les dialogues, le jeu de l acteur, la mise en scène raccord regard : montre successivement un personnage regardant un objet puis cet objet luimême raccord dans le mouvement : un mouvement commence dans un plan et se poursuit dans le plan suivant raccord dans l axe : passage d un plan large à un plan rapproché sur un même personnage, ou inversement. La caméra semble effectuer un saut dans l espace en conservant le même point de vue, le même axe. Seule varie l échelle de plan (cf. plus bas : III. A.) faux raccord : discontinuité apparente, volontaire ou non, entre deux éléments hétérogènes du film Pour différentes raisons, le cinéaste peut chercher à accentuer l effet de rupture entre deux plans et établir ainsi une ponctuation forte dans le film. La plus fréquente est le fondu, qui consiste à obscurcir progressivement l image (fermeture) ou à la faire progressivement apparaître (ouverture). fondu au noir : conclut généralement un plan par une disparition progressive de l image qui s évanouit dans le noir complet. On parle aussi d ouverture au noir quand une image apparaît peu à peu à partir d un écran noir fondu enchaîné : établit une transition entre deux images, la première disparaissant progressivement tandis que la seconde apparaît en surimpression Un film étant constitué de centaines de plans, il est intéressant de noter si le découpage cherche à établir des liens et/ou des effets de rupture (toujours porteurs de sens) : le cinéma classique utilise majoritairement des raccords pour lier les plans et assurer une fluidité au film mais certains films modernes peuvent se passer de raccord pour faire ressentir au spectateur les oppositions qui traversent l univers représenté sur l écran. Ce sont deux visions du monde qui sont alors proposées : l une cohérente, unie ; l autre, au contraire, désarticulée. III. LA MISE EN SCENE (DE L IMAGE ET DU SON) Il s agit de dégager ce qui caractérise le style (proprement cinématographique : la spécificité de la représentation au cinéma), l esthétique du réalisateur. A. Le travail de l image Le cadrage est l organisation de l image délimitée par les quatre côtés de l écran (champ), jouant sur l échelle des plans, les angles de prise de vue, la profondeur de champ, les mouvements de caméra et la lumière. C est un élément important car il impose au spectateur un point de vue sur ce qui est représenté. Le travail de l image, au cinéma comme en photographie, emprunte un certain nombre de règles et de techniques à la peinture. Une des règles les plus courantes est la règle des tiers, sur laquelle repose la construction de bien des toiles de maître. Il s agit de projeter sur le cadre une grille imaginaire qui le

découperait en trois parties égales, horizontalement et verticalement. Sauf volonté marquée de contrarier la règle, par exemple pour jouer d une symétrie, le sujet est placé sur l un de ces axes forts, idéalement à l un de leurs points d intersection. Traditionnellement, il convient de ne pas placer deux détails importants sur deux points d intersection (ils s affaibliraient) ni, à l inverse, de placer un détail qui n a pas d importance sur un point fort car ce dernier parasiterait le sens de l image. Le centre d intérêt de la scène est souvent déporté sur le côté côté gauche car c est là que notre cerveau, façonné par la lecture de gauche à droite, viendra le chercher. Cela rejoint la règle de l aire, qui consiste à placer un personnage à gauche de l écran, de manière à laisser un espace libre à droite, espace dramatisé, ouvert sur l action et le hors-champ. Le champ est l espace visible à l écran. Il est délimité par le cadre. le contrechamp est la portion d espace opposée à la précédente. Un dialogue entre deux personnages peut par exemple montrer tour à tour chacun des deux interlocuteurs dans un montage champ-contrechamp le hors-champ comprend ce qui est suggéré sans être montré, c est l espace contigu au champ, non visible à l écran, comprenant ce qui se passe hors du cadre, par exemple ce que voit un personnage sans que le spectateur puisse lui aussi le voir. Le son est dit off lorsqu il provient d une source située hors-champ, donc non visible à l écran la profondeur de champ montre en perspective un premier plan et un arrière-plan également nets. Cela permet par exemple de présenter simultanément des personnages, des objets ou des actions proches et éloignés. Une grande profondeur de champ permet de raconter plusieurs choses en même temps, alors qu une petite profondeur de champ permet d isoler des détails. On peut distinguer deux grandes familles de cinéastes : ceux qui centrent tout sur le sujet filmé, et ceux qui composent le cadre, l image (à la manière d un peintre) : ces derniers peuvent avoir recours au surcadrage (un cadre est placé dans l image : cf. une fenêtre : élément de stabilisation du cadre), ils peuvent faire intervenir des effets de symétrie ou de perspective dans le cadre. Il est intéressant de noter si le cadre est fixe (cf. cadre fermé, qui n implique pas de hors-champ et enferme le personnage) ou mobile (cf. personnages entrent et sortent du cadre, échappent à la caméra). Le mot plan est polysémique : il désigne à la fois les images enregistrées au cours d un fonctionnement ininterrompu de la caméra (entre le «moteur» et le «coupez») on parle alors aussi de prise et la manière de cadrer un personnage, selon différentes «échelles», qui vont en quelque sorte de l objectif au subjectif et dont la règle peut être résumée ainsi : plus la caméra s éloigne de l objet filmé, plus on donne de l information au spectateur ; plus la caméra se rapproche, plus on dramatise le plan, plus on donne de l émotion au spectateur (au cinéma, contrairement au théâtre par exemple, en très gros plan, un battement de cil constitue un événement!). le plan général couvre un vaste ensemble qui situe le décor construit et dans lequel les personnages sont peu identifiables le plan d ensemble cadre l ensemble du décor et permet d identifier les personnages le plan de demi-ensemble met en place les personnages dans leur milieu et cadre une bonne partie du décor le plan moyen présente le personnage en pied

le plan américain cadre le personnage à mi-cuisse le plan rapproché cadre le personnage à la ceinture ou à la poitrine le gros plan cadre le personnage au visage le très gros plan isole un détail. On parle d insert quand un objet est filmé en très gros plan, rapidement, et constitue une rupture de montage dans un but expressif Les angles de prise de vues sont définis par l emplacement de la caméra. la plongée est une prise de vues faite d un point d observation plus haut que le sujet filmé : elle le domine, l écrase la contre-plongée est une prise de vues faite d un point d observation plus bas que le sujet : c est alors le personnage (ou l objet : cf. une tour) qui domine l écran l angle plat est une prise de vues faite d un point d observation situé au même niveau que le sujet : c est l angle de prise de vues le plus courant (les deux autres n étant donc utilisés que dans des buts expressifs, porteurs de sens) A l intérieur d une scène, la caméra peut opérer un certain nombre de mouvements. le panoramique est le mouvement de la caméra qui pivote sur son axe (donc ne se déplace pas) de droite à gauche (ou inversement) ou de haut en bas (ou inversement) le travelling est le mouvement par lequel la caméra se déplace dans l espace (sur des rails par exemple). Il peut être travelling avant (la caméra s approche du sujet filmé), arrière (la caméra s éloigne du sujet filmé), latéral (la caméra accompagne une action ou parcourt un décor, généralement de gauche à droite), ascendant (la caméra s élève au-dessus du sujet filmé) ou descendant (la caméra descend par rapport au sujet filmé). le zoom est un travelling avant ou arrière réalisé avec un objectif-zoom sans déplacement de la caméra Un dernier élément à prendre en compte dans l analyse du travail de l image est la lumière. Le plus souvent, la lumière naturelle est insuffisante : il faut donc la retravailler, selon les choix du cinéaste (c est pourquoi la lumière fait partie de la mise en scène d un film). Le réalisateur peut soit choisir une lumière sans effet particulier, qui reproduit le plus possible la lumière naturelle, soit au contraire opter pour une lumière beaucoup plus sophistiquée, de manière à créer des effets dramatiques particuliers (faire ressortir la méchanceté d un personnage, par exemple) ou des ambiances particulières (scène d angoisse, par exemple). Les couleurs peuvent également avoir une fonction symbolique (couleurs chaudes ou froides), dramatique ou narrative (associer telle couleur à tel personnage, ou à tel lieu). B. Le travail du son La bande sonore est intéressante à étudier dans ses rapports avec l image. Le mixage est l opération au cours de laquelle on conjugue les bandes sonores (en gros une demi-douzaine correspondant aux paroles, à la musique, aux bruits ) et la bande image. Il y a a-synchronisme (ou contrepoint) quand l image ne correspond pas au son. La voix off en est en exemple. Off se dit d un son, d une réplique, d un commentaire, d un bruit, d une musique dont la source n est visible ni dans le plan ni hors-champ. Ce terme ne s applique pas exclusivement au son et peut désigner tout ce qui est situé hors-champ. on parle de son d ambiance pour faire référence aux bruits produits par les éléments naturels (vent ) ou par la présence des comédiens (mouvements, bruits de pas ). La plupart de ces indications sonores sont reconstituées en studio. la musique est dite de scène ou diégétique(quand sa source est visible à l écran ou hors-champ : cf. le personnage allume la radio, met un disque ) ou de fosse ou extra-diégétique (quand elle accompagne l histoire, l image : elle peut alors avoir une fonction dramatique importante, comme dans les scènes de suspense)

les dialogues : ils appartiennent à l histoire, sauf si un personnage s adresse directement au spectateur (rupture de l effet d illusion). Ils sont soit enregistrés en direct soit post-synchronisés. le silence : élément délicat à réaliser techniquement, assez rare, donc toujours signifiant. «Le cinéma sonore a inventé le silence», Bresson.