Jeu pathologique, dépendance et travail social + Présentation 2 Sophie Rodari MA en Sociologie BA en Travail Social Professeure HES Sophie.Rodari@hesge.ch CAS HES- SO Spécialisa0on en ges0on de de6es 2013/2014 Plaque6e, bulle0n d inscrip0on, planning www.hesge.ch/hets/cas-dettes 1
+ Présentation 3 n Thèse de doctorat, Université de Neuchâtel, Institut d ethnologie Un mouvement contre le jeu d argent. La production d un loisir controversé en p r o b l è m e p u b l i c ( Va n c o u v e r 1994-2004) Claudia Dubuis Dre en Sciences Humaines et Sociales (anthropologie) Claudia.Dubuis@unine.ch n Conception et rédaction des rubriques «Le jeu excessif sous l angle des sciences humaines et sociales», projet et mandat du PILDJ et du Groupement romand d étude des addictions (GREA), Lausanne + Projet de recherche déposé au FNS 4 La construction de la dépendance au jeu d argent comme problème de santé publique. Genèse et usages d une nouvelle catégorie médicale. - Collaboration entre la Haute Ecole de Travail Social de Genève (Hets HES-SO) et l Institut d ethnologie de l Université de Neuchâtel (prof. Ellen Hertz, co-requérante). - Collaboration internationale envisagée avec des sociologues et des anthropologues français, britanniques et états-uniens. 2
+ Terrain de Vancouver 5 n Une mobilisation locale contre le jeu d argent parmi de nombreuses autres en Amérique du Nord n Approche ethnographique avec long séjour de terrain et analyse documentaire. n Analyse de plusieurs controverses qui ont eu lieu entre 1994 et 2004. n Large coalition non partisane, qui voit l émergence d un groupe spécifiquement anti-jeu, Citizens Against Gambling Expansion, CAGE, qui se maintient sur un peu plus d une dizaine d années. n Construire la question du jeu d argent en problème public en interpellant les pouvoirs publics; échec relatif du mouvement. n Constat : la notion de dépendance est peu mobilisée dans la rhétorique anti-jeu à l époque du terrain, qui est une rhétorique plutôt «anticapitaliste», au sens large n Critique de l économie des casinos et des loteries présentée comme fondamentalement illégitime (à un moment de fort désengagement de l Etat). n Critique sociale de l industrie des loisirs et de la consommation. + La construction de la dépendance au jeu d argent comme problème public 6 n Question de départ du projet n Pourquoi est-ce que la catégorie de «dépendance» au jeu d argent a «pris» si vite, environ depuis le début des années 2000, alors qu elle était quasiment inexistante avant? n La «dépendance» au jeu est devenue une «signification incontestée» au sens de Joseph Gusfield n S impose au détriment d autres définitions, modèles ou solutions, au point de s en trouver «naturalisée». n Problème public (brève définition pour le projet) n Tout processus selon lequel un problème social acquiert une dimension et une reconnaissance publique par l action d acteurs sociaux aux intérêts parfois divergents. n Implique une interpellation des pouvoirs publics. n Objectif du projet n Observer sur le terrain (Suisse romande) et sur une dizaine d années comment la définition de la «dépendance» se construit. n Approche à la fois synchronique et diachronique. 3
+ La dépendance au jeu d argent comme production historique particulière 7 La conception du caractère pathologique du jeu d argent repose sur une production historique n Le projet se réfère à la catégorie plus générale de «dépendance» au jeu en tant que catégorie pratique qui permettra de nommer un phénomène mouvant. n Les sociologues mettent en évidence le caractère concurrent des différentes définitions. Quelques repères historiques : n Fin XIX e siècle: début de la métaphore pathologique n 1928 : Psychanalyse (Freud) n 1947 : Sociologie fonctionnaliste (Devereux) n 1957 : Psychology of Gambling (Bergler); interprétation : dimension inconsciente, «masochiste», «autodestructrice» de l addiction au jeu d argent n 1957 : création des GA en Californie n 1980 : DSM-III + Apports originaux du projet (1) 8 n De plus en plus de recherches sont consacrées à la question de la dépendance au jeu et à sa prise en charge, mais peu de recherches empiriques portent sur les conditions sociales de son émergence n La Suisse romande : un terrain particulièrement intéressant n Spécificités légales et institutionnelles : loi sur la libéralisation des casinos de 1993, son application dès l ouverture des casinos en 2002 impliquant des programmes de prise en charge des joueurs et joueuses à problèmes ; forte coordination des cantons romands. n Terrain envisagé n entretiens avec des acteurs et des actrices clefs dans le champ de la prise en charge des joueurs (médecins, psychologues, travailleurs sociaux et travailleuses sociales, joueurs ou joueuses identifié-e-s comme «militant-e-s» ou engagé-e-s dans des activités au sein d institutions de prise en charge, éventuellement des politiciens et politiciennes). n remarque en l état actuel : pas de GA en Suisse romande ni d associations de joueurs et de joueuses. n observations participantes dans trois institutions de prise en charge. n Poursuit une piste ouverte par Brian Castellani (2000) n Discours médical qui s impose aux USA : mélange d effets discursifs, d interactions entre institutions variées et une prise en charge du problème parmi d autres. n Double approche constructiviste ET réaliste (Bernard Lahire, 2012) 4
+ Apports originaux du projet (2) : la place du travail social 9 n Montrer la place des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales en tant qu acteurs et actrices à part entière dans un dispositif toujours présenté et perçu comme particulièrement médicalisé. n catégorie professionnelle pas prise en compte dans la littérature. n Comprendre leur rôle spécifique, leur place dans le dispositif, leurs attentes et leurs moyens d action. n Portent-ils/elles une vision différente du monde médical et des professionnel-le-s de la santé? n Comment s approprient-ils/elles ce savoir? Quelle est leur «clientèle» par rapport aux hôpitaux? + La conception de la prévention selon l enquêté-e 2 10 «La prévention dans le travail social comprend : une information large au grand public et une sensibilisation et responsabilisation des personnes concernées (ici les joueurs, leur entourage, le réseau social et de santé publique, les enseignants, etc.). Cette prévention s appuie sur les ressources du milieu. La prévention médicale (pour l enquêté-e 2) tend à concevoir des actions de prévention permettant la détection des joueurs problématiques (repérage des indicateurs cliniques). Elle peut être complémentaire de la prévention sociale» 5
+ La place du travail social selon l enquêté-e 1 11 «Un exemple intéressant celui de X avec une organisation psychosociale ou les sociaux sont en première ligne et une intervention médicale en seconde ligne. L'exemple est intéressant aussi par son aspect interdisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologues et médecins). Il y a des outils transversaux comme le TCC (entretien motivationnel) qui sont valorisés. Il y a un équilibre entre réponse sociale et médicale et un refus de médicaliser d'entrée une problématique d'abord sociale. Il ne faut pas oublier que les traitements médicaux coûtent chers pour la collectivité (même si le 90% des traitements sont remboursés par la LAMal) et leurs résultats ne sont pas forcément probants dans tous les cas. Il faut donc disposer de prises en charges diversifiées dans le dispositif pour répondre aux besoins des personnes d'une part et d'autre part pour juguler les coûts.» + Améliorations souhaitées par les enquêté-e-s 12 Entretien 2. «Le jeu est un problème minoritaire (pour les travailleurs sociaux). Ils rencontrent peu de joueurs. Ils ne savent pas les détecter. Leur sens de l observation est peu aiguisé. Les connaissances en matière d addiction font défaut et le repérage des étapes n est pas acquis : honte, déni, y croire et tromper son entourage, cacher et mentir, etc. On doit relier ces problématiques aux conséquences sociales possibles que sont le surendettement. On doit parler du rapport à l argent dans le cadre du jeu et de ses effets. En parler c est rendre moins effrayant les questions d argent.» Entretien 1. «Ceux qui travaillent dans le champ des toxicomanies ont pris la responsabilité des prises en charge de joueurs. C est l optimalisation des ressources qui a primé dans ce cas, ce qui est une bonne chose. Mais on doit encore sensibiliser au sens large les travailleurs sociaux comme démultiplicateurs de la prévention» Jeu excessif, 16 janvier 2014 6
+ L accompagnement des joueurs et des joueuses surendetté-e-s 13 n Partie «appliquée» du projet n Amélioration de la formation des professionnel-le-s en travail social. n Développer la collaboration interdisciplinaire effective dans la prévention et le traitement. n En cas de surendettement des joueurs et des joueuses, l assainissement des dettes est mise en œuvre sur la base des critères suivants : n La capacité économique; n La capacité sociale; n La capacité psychologique. +Schéma du dispositif d intervention des assistantes sociales et des assistants sociaux 14 Etape 1 : évaluation Repérage des problèmes, informations, conseils et orientation Etape 2: bilan des dettes Analyse budgétaire et inventaire des dettes, rétablissement du quotidien Etape 3: assainissement Contrat de prise en charge, éducation financière et administrative, négociation avec les créanciers, décisions judiciaires - La collaboration avec les professionnel-le-s de la santé s effectue tout au long du processus. - Des arbitrages doivent être effectués à chaque étape. 7
+ Rappel des objectifs du projet 15 Trois objectifs : n Comprendre comment la catégorie de «dépendance au jeu d argent» au sens large s est imposée dans un laps de temps relativement court dans le milieu socio-sanitaire suisse romand. n Montrer sa construction, peut-être pas toujours consensuelle, et son influence sur les pratiques des professionnel-le-s de la santé et du social. n S interroger sur la manière dont cette catégorie peut évoluer, en regard des nouvelles connaissances médicales et sociales dans le domaine des addictions. + Références des oratrices 16 n Dubuis, Claudia n 2000 «Les jeux d argent, un simulacre? La construction savante d une représentation ordinaire et ses effets». Tsantsa. Revue de la société suisse d'ethnologie 5: 51-59. n 2002 «L'appropriation d'un discours savant par des militants anti-jeu d'argent: un cas nord-américain exemplaire». In P. Hamman, J.-M. Méon et B. Verrier, eds. Discours savants, discours militants : mélange des genres. Paris: L'Harmattan, pp. 201-224. n 2010a Un mouvement contre le jeu d'argent. La production d'un loisir controversé en problème public (Vancouver 1994-2004). Université de Neuchâtel, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Ethnologie; thèse de doctorat. n 2010b «Une mobilisation nord-américaine contre le jeu d'argent: construction et usage de la notion de dépendance». In C. Dunand, M. Rihs-Middel et O. Simon, eds. Prévenir le jeu excessif dans une société addictive? D'une approche bio-psycho-sociale à la définition d'une politique de santé publique. Genève: Editions Médecine et Hygiène, pp. 248-253. n Rodari, Sophie n 2010 «Argent et Travail social. Forme et fonction de l'argent dans la relation d'aide». In Artias, ed. Actes du colloque de la journée d'automne de l'artias. n 2011 «L'ampleur inquiétante du surendettement». Revue Reiso www.reiso.org. n 2012 «Asseoir la légitimité des interventions en service social». Actes du colloque du 17 novembre 2010 de la Hets sur la formation continue. n 2014 «La double grille d analyse du travail social», Revue Pensée plurielle. no2. Les nouvelles formes de gouvernance. A paraître, en collaboration avec L. Bachmann. 8