CRIMES DE LA WEHRMACHT DIMENSIONS DE LA GUERRE D EXTERMINATION 1941-1944



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Transcription:

Institut de recherches sociales de Hambourg (éd.) CRIMES DE LA WEHRMACHT DIMENSIONS DE LA GUERRE D EXTERMINATION 1941-1944 Guide de l exposition Hamburger Institut für Sozialforschung Edition.

Hamburger Edition HIS Verlagsges. mbh Mittelweg 36 D-20148 Hamburg 2004 by Hamburger Edition Tous droits réservés Éditeures du guide de l exposition: Dr. Michael Wildt, Dr. Ulrike Jureit, Birgit Otte Traduit de l allemand per Bertrand Schütz

INTRODUCTION La guerre contre l Union soviétique fut foncièrement différente de toutes les guerres modernes européennes et elle se distingua des autres guerres que la Wehrmacht allemande mena durant la Seconde Guerre mondiale ailleurs en Europe. Ce fut une guerre qui était non seulement faite à une autre armée, mais aussi à une partie de la population civile. Il était prévu d assassiner la population juive, de décimer les civils non-juifs par la famine et la terreur et de les astreindre aux travaux forcés. Ces procédés criminels ne peuvent nullement être considérés comme les conséquences d une escalade des hostilités, car ils furent d emblée partie intégrante des plans de campagne. Toutefois, les options stratégiques ne constituèrent qu un des facteurs qui déterminèrent ce qui fut accompli concrètement au cours de l occupation de l Est par les Allemands. Chaque cas particulier porte l empreinte des conditions spécifiques dans lesquelles s est déroulé tel ou tel acte, soumis en outre aux influences du moment et caractérisé par les types de comportement des acteurs respectifs. Les lois et coutumes de la guerre et le droit international de l époque comportaient un certain nombre de principes reconnus par la communauté internationale qui étaient censés être respectés lors de tout conflit armé. Ainsi la population civile et les prisonniers de guerre devaient jouir d une protection particulière. Bien que les lois et coutumes de la guerre autorisent à prendre des mesures profondément inhumaines et bien qu elles n aient pas prévu de réglementation pour toutes les éventualités, la ligne de démarcation entre acte licite et acte illicite était clairement tracée. L exposition Crimes de la Wehrmacht. Dimensions de la guerre d extermination 1941-1944, en se référant aux lois et coutumes de la guerre et au droit international alors en vigueur, entend montrer dans quelle mesure la Wehrmacht participa aux crimes perpétrés lors de la Seconde Guerre mondiale sur les théâtres de guerre en Europe de l Est et du Sud-est. Elle distingue six dimensions de la guerre d extermination: le génocide des juifs soviétiques; la décimation des prisonniers de guerre soviétiques; la guerre par la faim; la déportation aux travaux forcés; la guerre contre les partisans; les représailles et les exécutions d otages. L exposition montre dans quelle mesure la Wehrmacht contribua activement ou passivement aux forfaits. La recherche historique ne permet jusqu alors pas d évaluer le nombre des soldats et officiers allemands impliqués. Par contre, l exposition fournit des documents sur le comportement d individus dans des situations concrètes. La section marges de décision démontre que la guerre d extermination ne participe pas d une dynamique abstraite, mais de l interaction de décisions échelonnées et de responsabilités individuelles.

LA GUERRE ET LE DROIT Il est rare que les guerres aient lieu hors de tout cadre de référence juridique. Les sociétés les plus diverses ont toujours tenté de soumettre à certaines règles l exercice de la violence même extrême. En définissant ce qui en cas de guerre est requis, licite et illicite, une société se définit elle-même. Après le désastre de la guerre de Trente Ans, on tenta en Europe de créer un droit de la guerre international. Au début du 20e siècle, un certain nombre d États, dont l Empire allemand, signèrent plusieurs accords fixant les limites de ce qui était considéré comme licite lors d actions belliqueuses. Le droit de la guerre en vigueur pendant la Seconde Guerre mondiale consistait en un ensemble de traités et de règles coutumières. Les traités provenaient d accords entre États. Les traités les plus importants étaient la Convention de La Haye de 1907 ( avec en annexe le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre) ainsi que les Conventions de Genève de 1929. Le droit international de la guerre engageait les Etats à s y conformer. Il engageait tout soldat à l observer dès qu il avait été adopté par son pays et intégré au droit national. LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE Lors des conférences internationales de 1899 et 1907 à La Haye, plus de 40 États contractants ratifièrent et confirmèrent la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, à laquelle était annexé le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Celui-ci définissait essentiellement la qualité de belligérant, les droits et obligations des prisonniers de guerre, interdisait des moyens illicites de nuire à l ennemi et réglementait l autorité militaire sur le territoire de l État ennemi. Le Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ne représentait pas la création d un droit nouveau, mais regroupait par écrit différents éléments du droit coutumier. L Allemagne reconnut la convention et l intégra au droit national. De ce fait, les membres de la Wehrmacht étaient légalement tenus d observer le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. 4 LA GUERRE ET LE DROIT / LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE

Page de garde des instructions pour l armée de 1940, contenant le texte de la Convention et du Règlement Bundesarchiv/Militärarchiv,pp. 107-151 Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre du 18.10.1907 [ ]Considérant que, tout en recherchant les moyens de sauvegarder la paix et de prévenir les conflits armés entre les nations, il importe de se préoccuper également du cas où l'appel aux armes serait amené par des événements que leur sollicitude n'aurait pu détourner; Animés du désir de servir encore, dans cette hypothèse extrême, les intérêts de l'humanité et les exigences toujours progressives de la civilisation; Estimant qu'il importe, à cette fin, de réviser les lois et coutumes générales de la guerre, soit dans le but de les définir avec plus de précision, soit afin d'y tracer certaines limites destinées à en restreindre autant que possible les rigueurs; Ont jugé nécessaire de compléter et de préciser sur certains points l'oeuvre de la Première Conférence de la Paix qui, s'inspirant, à la suite de la Conférence de Bruxelles de 1874, de ces idées recommandées par une sage et généreuse prévoyance, a adopté des dispositions ayant pour objet de définir et de régler les usages de la guerre sur terre. Selon les vues des Hautes Parties contractantes, ces dispositions, dont la rédaction a été inspirée par le désir de diminuer les maux de la guerre, autant que les nécessités militaires le permettent, sont destinées à servir de règle générale de conduite aux belligérants, dans leurs rapports entre eux et avec les populations. Il n'a pas été possible toutefois de concerter dès maintenant des stipulations s'étendant à toutes les circonstances qui se présentent dans la pratique; D'autre part, il ne pouvait entrer dans les intentions des Hautes Parties contractantes que les cas non prévus fussent, faute de stipulation écrite, laissées à l'appréciation arbitraire de ceux qui dirigent les armées. LA GUERRE ET LE DROIT / LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE 5

En attendant qu'un Code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les Hautes Parties contractantes jugent opportun de constater que, dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par Elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique. [ ] (dénomination des plénipotentiaires ) Lesquels, après avoir déposé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus de ce qui suit:[ ] Annexe à la Convention. Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. [ ] Des prisonniers de guerre Article 4 Les prisonniers de guerre sont au pouvoir du Gouvernement ennemi, mais non des individus ou des corps qui les ont capturés. Ils doivent être traités avec humanité. Tout ce qui leur appartient personnellement, excepté les armes, les chevaux et les papiers militaires, reste leur propriété. [ ] Article 7 Le Gouvernement au pouvoir duquel se trouvent les prisonniers de guerre est chargé de leur entretien. A défaut d'une entente spéciale entre les belligérants, les prisonniers de guerre seront traités, pour la nourriture, le couchage et l'habillement, sur le même pied que les troupes du Gouvernement qui les aura capturés. [ ] D es hostilités.[ ] Article 25 Il est interdit d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus. [ ] Article 28. Il est interdit de livrer au pillage même une ville ou localité prise d'assaut. [ ] DE L'AUTORITE MILITAIRE SUR LE TERRITOIRE DE L'ÉTAT ENNEMI [ ] Article 46 L'honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée, ainsi que les convictions religieuses et l'exercice des cultes, doivent être respectés. La propriété privée ne peut pas être confisquée. [ ] 6 LA GUERRE ET LE DROIT / LE RÈGLEMENT DE LA HAYE CONCERNANT LES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE SUR TERRE

UNE GUERRE SANS PRÉCÉDENT Les premiers préparatifs pour la guerre contre l Union soviétique furent entrepris dès l automne 1940. Trois mois avant le début des hostilités, Hitler dévoila au haut commandement de la Wehrmacht que cette campagne revêtirait un caractère particulier. L Union soviétique, considérée comme l ennemi par excellence, devait non seulement être militairement conquise et vaincue, il fallait en outre que le système du bolchevisme juif soit entièrement éliminé. Les buts idéologiques de la guerre exigeaient, selon Hitler, une stratégie différente, qui ne pouvait plus être soumise au droit international des conflits armés. Cette guerre, notait le Général de corps d armée Franz Halder dans son journal à propos de la conception de Hitler, n était pas l affaire des tribunaux militaires. [...] Le combat sera très différent du combat à l Ouest. À l Est, la rigueur nous garantira un avenier paisible. Le haut commandement de la Wehrmacht donna alors en mai et juin 1941 des ordres devant garantir la rigueur inouïe exigée par Hitler pour l Est. Avec le Kriegsgerichtsbarkeitserlass (décret sur la juridiction militaire) et le Kommissarbefehl (ordre concernant les commissaires), il invalidait pour la Wehrmacht des éléments essentiels du droit de la guerre alors en vigueur et mettait ainsi en place les conditions pour une guerre raciste et d extermination sans précédent. Conscients des conséquences criminelles de leurs ordres, Hitler et le haut commandement de la Wehrmacht levèrent les garanties de protection des personnes civiles en temps de guerre et donnèrent ordre d exécuter des commissaires politiques. En outre, le 28 avril 1941, le haut commandement donnait son accord pour que les Einsatzgruppen (unités spéciales) de la Sicherheitspolizei (Police de sécurité) et du Sicherheitsdienst (Service de sécurité), commandés par Heinrich Himmler, prennent, sur les territoires des opérations, [...],dans le cadre de leur mission, de leur propre initiative, des mesures coercitives envers la population civile. Décret concernant l exercice de la juridiction militaire sur le territoire Barbarossa et sur les mesures spéciales concernant la troupe, daté du 13.5.1941 Bundesarchiv/Militärarchiv, RW 4/v. 557, pp. 72-74, fac-similé, p. 73 Réglementation du 28.4.1941 concernant l action de la Sicherheitspolizei (Police de sécurité) et du SD (Sicherheitsdienst, Service de sécurité) au sein de l armée Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 22/155 UNE GUERRE SANS PRÉCÉDENT 7

LE GÉNOCIDE Les dirigeants de la Wehrmacht adhéraient sur le fond aux buts idéologiques que poursuivait Hitler avec cette guerre, ils souhaitèrent toutefois, suite aux expériences faites avec les Einsatzgruppen de la Sicherheitspolizei et du SD pendant la guerre contre la Pologne, que la mission et les compétences des unités engagées fussent définies. En mars 1941, le haut commandement de la Wehrmacht se déclarait d accord pour que soient attribuées au Reichsführer-SS Heinrich Himmler, sur le territoire des opérations de la Wehrmacht, des missions spéciales sur ordre du Führer, qui compte tenu du combat entre deux systèmes politiques opposés, devait être mené jusqu à son terme. Dans le cadre de cette mission, le Reichsführer-SS agit de manière autonome en assumant la responsabilité des mesures prises. Les Einsatzgruppen de la Police de sécurité et du Service de sécurité, de même que les unités des commandants SS et de Police supérieurs (Höhere SS- und Polizeiführer) n auraient toutefois pas pu accomplir le massacre de la population juive sans le concours de la Wehrmacht. La Wehrmacht répartit sur tout le territoire des Feldkommandanturen et des Ortskommandanturen qui détenaient le pouvoir exécutif dans une région tant que celle-ci se trouvait sous administration militaire. Toutes les Wehrmachtskommandanturen furent avisées d enregistrer la population juive, de veiller à ce qu elle porte la marque distinctive obligatoire et soit regroupée dans des ghettos. En plus de ces mesures anti-juives, des unités de la Wehrmacht participèrent aussi à des pelotons d exécution. De nombreux commandants en chef justifièrent expressément dans leurs ordres du jour le massacre des juifs soviétiques. En même temps, les administrations militaires s appropriaient les biens des victimes en les réquisitionnant comme étant fortune de juifs, avec l accord du Wirtschaftsstab Ost (office chargé des mesures économiques à l Est). À plusieurs reprises, les unités de la Sicherheitspolizei et du SD soulignèrent dans leurs rapports combien les unités de la Wehrmacht coopéraient avec zèle et efficacité. 8 LE GÉNOCIDE

KRIVOÏ ROG Fin août 1941, des unités de la Wehrmacht envahirent la ville de Krivoï Rog, un centre ukrainien d extraction de minerai de fer, qui comptait environ 200 000 habitants. L administration locale fut d abord assurée par la Feldkommandantur (V) 538, qui fut relayée le 20 Septembre 1941 par la Feldkommandantur (V) 246. L administration militaire décréta dès la prise de la ville les premières mesures anti-juives. Les juifs durent porter un brassard, ils furent recrutés pour les travaux forcés, ils reçurent l interdiction d acheter librement de la marchandise et d égorger le bétail selon les règles kascher. En outre, les Kommandanturen locales réquisitionnèrent les fortunes juives et permirent aux administrations des villes ukrainiennes d imposer des contributions aux juifs. Il n y eut toutefois pas de ghetto à Krivoï Rog. Non loin de Krivoï Rog, dans le raïon (district) de Chirokoë, la 2ème compagnie du bataillon de police 318, sous la responsabilité de la même Kommandantur, assassinait à ce moment-là déjà la population juive. On prévoyait un massacre semblable à Krivoï Rog. L Ortskommandantur compétente annonça le 15 octobre que l on prenait les mesures nécessaires pour que Krivoï Rog soit judenfrei ( libre de juifs ). Une unité de police subordonnée aux commandants SS et de Police supérieurs Russie Sud (Höhere SS- und Polizeiführer Rußland Süd), qui n a toutefois jusqu alors pas pu être identifiée plus précisément, assassinait dans les mines d Iljitsch, avec l aide de la police auxiliaire ukrainienne, environ 2 500 civils et 800 prisonniers de guerre qui avaient été sélectionnés dans un camp de prisonniers de guerre de la Wehrmacht. Victimes menées à l exécution, censées être du 15.10.1941. Landesarchiv Schleswig-Holstein, Abt. 352 Nr. 2477, Lichtbildmappe LE GÉNOCIDE / KRIVOÏ ROG 9

KAMENETS-PODOLSK En juin 1941 des troupes hongroises, qui combattaient aux côtés de la Wehrmacht, déplacèrent plusieurs milliers de juifs vers la ville ukrainienne de Kamenets-Podolsk. Le commandant de place allemand informa ses supérieurs qu il ne pouvait ni ne voulait les nourrir. Les consultations quant à leur sort étaient encore en cours au mois d août. Kamenets-Podolsk devant être transférée à l administration civile le 1er septembre, les autorités compétentes firent pression pour qu une solution rapide fut trouvée. Lors de la concertation décisive du 25 août 1941 avec le colonel Hans Georg Schmidt von Altenstadt, chef de la Abteilung Kriegsverwaltung beim Generalquartiermeister des Heeres (section administration de guerre auprès de l intendant en chef de l armée de terre), des militaires et des fonctionnaires de l administration haut placés notèrent que le commandant SS et de Police supérieur Russie Sud (Höherer SS- und Polizeiführer Rußland Süd), Friedrich Jeckeln (absent en l occurrence) espérait avoir achevé la liquidation de ces juifs d ici au 1.9.1941. Le 29 août, ponctuel, Jeckeln communiquait à Berlin que ses unités avaient fusillé non seulement les juifs de Hongrie, mais aussi ceux de l endroit, à Kamenets-Podolsk, au total 23600 personnes. Du point de vue de la Wehrmacht, rien ne s opposait plus à ce que la ville soit transférée à l administration civile allemande. Transport des victimes à l exécution, 27. 8. 1941 10 LE GÉNOCIDE / KAMENETS-PODOLSK

Juifs sur le chemin de l exécution à Kamenets-Podolsk, 27.8.1941 Photographe: Gyula Spitz United States Holocaust Memorial Museum, 28214-28271 LE GÉNOCIDE / KAMENETS-PODOLSK 11

LES SOLDATS SOVIÉTIQUES PRISONNIERS DE GUERRE DES ALLEMANDS Entre l été 1941 et le printemps 1942, plus de 2 millions de prisonniers de guerre soviétiques moururent en détention allemande. La Wehrmacht était seule responsable du transport, de l approvisionnement et de l hébergement des prisonniers de guerre. À la différence des prisonniers de guerre de l Ouest, les prisonniers de guerre soviétiques ne furent pas traités conformément aux exigences minima des normes du droit international humanitaire. Le ravitaillement et les installations furent par conséquent si catastrophiques que des millions de personnes en moururent. Avant le début de la guerre déjà, la direction de la Wehrmacht décréta le Kommissarbefehl (ordre concernant les commissaires) édictant l assassinat des commissaires politiques de l Armée rouge. En outre, des unités de la Wehrmacht collaborèrent avec les Einsatzgruppen (unités speciales) de la Police de sécurité et du Service de sécurité SD lors de sélections dans les camps pour prisonniers de guerre soviétiques. Les personnes politiquement suspectes, dont les prisonniers juifs faisaient partie, étaient sélectionnées et livrées aux Einsatzgruppen, qui les fusillaient en dehors des camps. On sélectionnait aussi parmi les prisonniers de guerre déjà transportés vers le Reich. Ces prisonniers étaient ensuite transférés dans des camps de concentration. Le nombre des victimes n a pu être vérifié jusqu à ce jour, les estimations vont de 40 000 à 120 000 morts. Ce n est qu avec l échec du Blitzkrieg et la pénurie de main-d oeuvre qui s ensuivit qu en 1942 un changement de politique apparut opportun. De plus en plus, les prisonniers de guerre soviétiques furent utilisés pour les besoins de l économie de guerre dans le Reich allemand. Le haut commandement de la Wehrmacht eut beau ordonner l amélioration de l approvisionnement de ces prisonniers de guerre, cet ordre arriva trop tard pour des centaines de milliers d entre eux. 12 LES SOLDATS SOVIÉTIQUES PRISONNIERS DE GUERRE DES ALLEMANDS

LES CAMPS DE LA LANDE Dans les Landes de Lüneburg (Lüneburger Heide), en Allemagne du Nord, il y eut trois camps dénommés camps de Russes : ceux de Wietzendorf, Oerbke, Bergen-Belsen. Au début, les prisonniers de guerre durent s y abriter en se creusant des trous dans la terre ou en bâtissant des huttes en terre. Ce n est que peu à peu que l on construisit des baraques pour améliorer leur hébergement. Dans les trois camps des Landes de Lüneburg, les conditions de vie furent désastreuses. Le ravitaillement était tellement catastrophique que notamment les prisonniers affaiblis ou malades mouraient au bout de quelques semaines. Entre novembre 1941 et février 1942, une épidémie de typhus et d autres maladies, mais principalement la sous-alimentation décimèrent les prisonniers: 40 000 au moins y laissèrent la vie. En avril 1942, le nombre des internés était réduit à 6 500 au total. Les Heidelager (camps des landes) devinrent des buts d excursion populaires pour les habitants de la région. En fin de semaine, on allait se promener du côté des clôtures des camps, pour aller voir les prisonniers de guerre russes. Les curieux ne se laissèrent pas décourager par des mesures de barrage supplémentaires. Stalag Wietzendorf Stalag XI D/321: Oerbke Huttes rudimentaires en terre, non daté Staatsanwaltschaft Hamburg, 147 Js 29/65, Lichtbildmappe Stalag XIC: Bergen-Belsen Oerbke 1941: candidat à la mort Zentralnachweis zur Geschichte von Widerstand und Verfolgung 1933-1945 auf dem Gebiet des Landes Niedersachsen (Niedersächsische Landeszentrale für politische Bildung), 4016A Cimetière, 1941/42 Zentralnachweis zur Geschichte von Widerstand und Verfolgung 1933 1945 auf dem Gebiet des Landes Niedersachsen (Niedersächsische Landeszentrale für politische Bildung), 4000 20 LES SOLDATS SOVIÉTIQUES PRISONNIERS DE GUERRE DES ALLEMANDS / LES CAMPS DE LA LANDE 13

LA GUERRRE PAR LA FAIM Afin d assurer le ravitaillement de la Wehrmacht en Union soviétique et de la Volksgemeinschaft ( communauté raciale du peuple ) en Allemagne, les territoires occupés devaient être systématiquement pillés. Procurer autant de vivres et de pétrole que possible à l Allemagne telles étaient les directives pour les responsables de la gestion économique des forces d occupation. Ils étaient conscients du fait que cela signifiait que des millions d êtres humains risquaient de mourir de faim. Le Wirtschaftsstab Ost (office chargé des mesures économiques à l Est) devait appliquer les mesures. Il réunissait alors les compétences des ministères du Reich et des sections économiques de la Wehrmacht. Indépendamment de ces projets généraux d exploitation économique, les unités de la Wehrmacht en campagne souffrirent, après quelques mois de guerre, déjà, de problèmes de ravitaillement parfois aigus. Les réquisitions de vivres par les troupes prirent une telle ampleur en 1941 qu il en résulta ce qui fut dénommé Kahlfraßzonen (zones ravagées par les saisies de ravitaillement). Jusqu à 300 kilomètres derrière le front, des régions entières furent dévastées. On n y trouvait même plus d animaux reproducteurs ni de semences. Ce faisant, la Wehrmacht compromettait à long terme son propre ravitaillement tout autant que le maintien de la main-d oeuvre soviétique. Ainsi, dès l automne 1941, des rations exiguës devaient assurer un minimum d alimentation pour la population à condition qu elle soit en état de travailler. Tous les parasites et mangeurs inutiles, ce qui voulait dire en premier lieu les adversaires politiques et les juifs, de même que les habitants des grandes villes ainsi que les personnes âgées, malades, faibles et les enfants ne devaient obtenir qu une alimentation insuffisante. Il n est plus possible aujourd hui d évaluer le nombre de victimes que provoqua la politique allemande qui avait pour but d affamer la population civile. LENINGRAD L encerclement de la ville de Leningrad, qui dura presque 500 jours, du 8 septembre 1941 au 18 janvier 1943, ne fut pas uniquement un siège militaire. Il était aussi conçu afin d affamer délibérément et systématiquement la population d une ville entière. En automne 1941, elle comptait environ 3 millions d habitants. À plusieurs reprises, Hitler avait exprimé son intention de détruire Leningrad. Les ordres décisifs de renoncer à prendre la ville et d en décréter le blocus furent donnés en accord avec les hauts commandements de la Wehrmacht et de l armée de terre. Ils culminèrent dans la décision de refuser une éventuelle offre de capitulation. Malgré certains scrupules, les dirigeants militaires devant Leningrad se montrèrent intransigeants et sans merci. Selon les indications de source soviétique, 623 000 habitants moururent durant le blocus, à l Ouest on évalue le nombre des victimes à plus d un million de personnes. 14 LA GUERRRE PAR LA FAIM / LENINGRAD

Photos de S.N. Petrova, de Leningrad, d avant-guerre, mai 1942 et octobre 1942 (de gauche à droite). Musée historique d État, Saint-Pétersbourg, sans cote nombre de morts enregistrés officiellement 1941 juillet 4,162 septembre 6,808 octobre 7,353 novembre 11,085 décembre 52,881 1942 janvier 96,751 février 96,015 mars 81,507 Statistiques de la mortalité à Leningrad de juillet 1941 à mars 1942 indications se basant sur: Leningrad pendant le blocus. Recueil de documents. édités par A.R. Dzeniskevich et. al. Saint-Pétersbourg 1995, p. 298 et 314 (en langue russe) KHARKOV Le haut commandement de l armée et le Heeresgruppe Süd (Groupe d armées de terre sud) avaient laissé libre choix au commandant de la 6ème armée de répéter à Kharkov la stratégie d encerclement de Leningrad. Le Generalfeldmarschall Walter von Reichenau fit excessivement usage de sa marge de manoeuvre. Bien qu il ne procéda pas à un blocus alimentaire, mais occupa la ville, ce fut l administration militaire qui pilla de fond en comble la ville et ses environs en ordonnant le prélèvement direct de vivres, de bétail et de céréales. Le haut commandement de la 6ème armée divisa la région de Kharkov en Erfassungsräume (zones d enregistrement), qui en devint un territoire Kahlfraßzonen (zones ravagées par les saisies de ravitaillement). Durant la première année d occupation 1941/42, cette politique eut pour conséquence la mort de 11918 habitants, si l on se tient aux recensements que fit l administration de la ville instaurée par l occupant. Kharkov, non daté Photographe de la Compagnie de propagande: Hermann Hoeffke Bildarchiv Preußischer Kulturbesitz Ordre du commandant en chef de la 6ème armée, Generalfeldmarschall von Reichenau, du 28.9.1941 Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 20-6/133, p 76 LA GUERRRE PAR LA FAIM / KHARKOV 15

LES DÉPORTATIONS Des millions de civils soviétiques furent déportés pendant la guerre comme travailleurs. Immédiatement après l invasion de l Union soviétique le 22 juin 1941, la Wehrmacht se mit à enrôler de la main-d oeuvre pour la construction de routes, de voies de chemin de fer et pour des travaux de campagne sur le territoire des opérations. Après l échec du Blitzkrieg pendant l hiver 1941/42, et comme la production industrielle de guerre devait être réadaptée, une grave pénurie de main-d oeuvre se manifesta dans le Reich également. En mars 1942, Hitler nomma le Gauleiter de Thuringe, Fritz Sauckel, au poste de Mandataire général pour le service de travail (Generalbevollmächtigter für den Arbeitseinsatz). C est alors que les offices de l emploi allemands se mirent à recruter dans les territoires occupés des travailleurs civils pour des travaux en Allemagne. Le nombre des volontaires d abord assez considérable recula au bout de quelques semaines à peine, au point d être quasiment nul, lorsque les informations sur les conditions de travail effectives se répandirent. Alors les offices du travail, avec le soutien de la police et de la Wehrmacht, recoururent de plus en plus à la force. Entre novembre 1941 et juin 1944 environ 2,8 millions de personnes, uniquement en provenance des territoires de l Union soviétique, furent transportées vers le Reich pour des travaux forcés. Bien que la Wehrmacht fût d abord sceptique par rapport au recrutement de main-d oeuvre, parce qu elle lui était par là-même soustraite, elle faisait partie intégrante de l organisation des mesures coercitives. Sans la collaboration des administrations militaires, l enrôlement et la déportation de millions de travailleurs forcés eussent été impossibles. En outre, l administration civile, la Wehrmacht, les SS et la police tirèrent parti dès 1942/43 des opérations en grand (Großaktionen) pour recenser la population locale et la contraindre aux travaux forcés. Le haut commandement de la Wehrmacht approuva expressément que des complices de bandes et des suspects de participation à des bandes, ainsi que ceux supposés tels, fussent déportés dans des camps de concentration SS et astreints aux travaux forcés. Lorsqu en 1943/44 commença la retraite de l Union soviétique, la Wehrmacht, sur ordre de Hitler, draina de force des centaines de milliers de civils. D une part pour en priver l Armée rouge, d autre part afin de pouvoir les utiliser pour leur compte comme main-d oeuvre. 16 LES DÉPORTATIONS

Le Groupe d armées de terre sud (Heeresgruppe Süd) à propos de la collaboration des Feldkommandanturen lors de recrutement de main-d oeuvre, le 3.5.1942 Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 23/99, p. 83 LES DÉPORTATIONS 17

LA 3ÈME PANZERARMEE Au cours des mesures de recrutement de main-d oeuvre pour le Reich, la 3ème Panzerarmee (armée de blindés) déporta des civils de Vitebsk vers le camp de regroupement de Borisov, situé sur le territoire d opération de la 4ème armée. À Borisov, les civils étaient examinés et ensuite acheminés vers le Reich. En outre, dans le cadre du combat contre les partisans, et avec l aide de la 3ème Panzerarmee, les SS, la police, la Wehrmacht et l administration civile effectuaient des opérations en grand (Großaktionen), comme par exemple l opération averse de pluie (Unternehmen Regenschauer) ou fête de printemps (Frühlingsfest). Pendant ces opérations, des unités encerclaient des territoires d opération de partisans, les ratissaient et incendiaient ensuite les villages. Les civils étaient soit fusillés en tant que présumés partisans ou menés aux travaux forcés. Camp Borisov, Mars 1944 Départ de main-d oeuvre civile du camp de regroupement de Borisov le 27.3.1944 Bundesarchiv/Militärarchiv, RW 31/860 Il n est pas possible d affirmer que ces photos montrent des habitants de Vitebsk, étant donné que des personnes recrutées de force dans d autres territoires étaient également transférées à Borisov. 18 LES DÉPORTATIONS / LA 3ÈME PANZERARMEE

Liste de la main-d oeuvre recensée au cours de l opération Frühlingsfest, non daté. Bundesarchiv/Militärarchiv, RH 21-3/671, p. 320 Opération Frühlingsfest fin avril/début mai 1944 Photographe de la compagnie de propagande: Johannes Bergmann Bundesarchiv, Bild 146/90/86/2 LES DÉPORTATIONS / LA 3ÈME PANZERARMEE 19

LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS La guerre contre l Union soviétique ne se déroula pas seulement sur le front de plusieurs milliers de kilomètres de long. Il y avait aussi la guerre contre les partisans dans les territoires occupés. Pendant les premiers mois de la guerre, la Wehrmacht rencontra surtout des groupes de partisans mal organisés, qui malgré l appel de Staline furent militairement sans importance. Néanmoins, le haut commandement de la Wehrmacht et le haut commandement de l armée de terre élargirent leur définition des personnes à traiter comme francs-tireurs. Outre des partisans simplement présumés et des soldats isolés de l Armée rouge, des unités de la Wehrmacht tuèrent également des civils, en particulier des juifs, qui étaient d emblée soupçonnés d être des partisans ou de les soutenir. Les personnes arrêtées devaient systématiquement être battues et torturées lors des interrogatoires, puis tuées au cours des interrogatoires dits rigoureux. La contre-offensive de l Armée rouge durant l hiver 1941/42 eut pour conséquence un retrait important de forces d occupation, notamment dans la zone Heeresgebiet Mitte (territoire des armées de terre centre). De ce fait, les partisans, dont la formation et l équipement avaient entre-temps été améliorés, réussirent à prendre le contrôle de régions entières derrière les lignes allemandes et commençaient à harceler sérieusement les armées allemandes. C est pourquoi quelques commandants de la Wehrmacht tentèrent d infléchir la politique de terreur généralisée et de limiter les mesures coercitives collectives dirigées contre la population civile, pour éviter que celle-ci ne se rallie aux partisans. Hitler par contre insistait pour que le combat contre les partisans continue à être mené avec les moyens les plus brutaux. À partir de 1942, une victoire militaire contre les partisans n était plus concevable. Afin de détruire l infrastructure des unités de partisans, les SS, la police et la Wehrmacht se mirent à transformer en zones désertiques (Wüstenzonen) des régions entières au cours d opérations en grand (Großaktionen). Des villages furent incendiés, des milliers d êtres humains assassinés ou déportés aux travaux forcés. 20 LA GUERRE CONTRE LES PARTISANS