Délibération n du 21 décembre 2009

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BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Transcription:

Délibération n 2009-407 du 21 décembre 2009 Réglementation des services publics/rachat des années d études supérieures pour le calcul d une pension de retraite/fonctionnaires, militaires, magistrats judiciaires/âge/recommandations. La haute autorité a été saisie d un rejet d une demande de rachat de trimestres d études supérieures pour le calcul d une pension de retraite d un fonctionnaire, au motif que l intéressé était âgé de plus de 60 ans à la date de sa demande. La haute autorité estime que la limite d âge de 60 ans encore applicable aux fonctionnaires, militaires et magistrats judiciaires, constitue une discrimination fondée sur l âge prohibée par les stipulations de la CEDH. En conséquence, le collège de la haute autorité recommande au Ministre du budget, des comptes publics, et de la fonction publique d abroger cette condition d âge pour l ouverture du droit de racheter les années d études supérieures jusqu à la liquidation de la pension, et donc d aligner le régime applicable aux fonctionnaires, militaires et magistrats, à celui prévu pour les assurés du régime général régis par le code de la sécurité sociale. Il recommande également au Ministère de la justice et des libertés de faire droit à la demande de l intéressé de rachat de ses années d études. Le Collège : Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, notamment son article 14 et son premier protocole additionnel ; Vu la loi n 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, notamment son article 11 ; Vu le décret n 2003-1308 du 26 décembre 2003 relatif à la prise en compte des périodes d études pour le calcul de la pension, notamment son article 3 ; Vu le décret n 2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, notamment son article 9 ; Vu les délibérations du 27 mars 2006 (n 2006-40) et du 31 mars 2008 (n 2008-51). Sur proposition du Président, Décide : La haute autorité de Lutte contre les discriminations et pour l égalité a été saisie par courrier reçu le 15 juin 2009, par Monsieur X, fonctionnaire du Ministère de la justice et des libertés, dont la demande du 10 avril 2009 de rachat d années d études a été rejetée par une décision du 4 mai 2009 du chef de la section pensions de ce Ministère, Monsieur Y, au motif que l article 3 du décret n 2003-1308 du 26 décembre 2003 relatif à la prise en compte des périodes d études pour le calcul de la pension réserve cette possibilité aux fonctionnaires en activité âgés de moins de 60 ans, à la date de leur demande. 1

Monsieur X ayant plus de soixante ans à la date de sa demande (né le 1 er mai 1948), il estime que cette décision est discriminatoire car fondée sur son âge. L intéressé occupe actuellement le poste de Directeur d insertion et de probation du service pénitentiaire d insertion et de probation (SPIP) de A, rattaché à la Direction de l administration pénitentiaire du Ministère de la justice. Monsieur X a fait un recours gracieux, qui a été rejeté le 12 juin 2009. Il a été indiqué au réclamant, que si un récent décret n 2008-1383 du 19 décembre 2008, avait étendu le bénéfice du dispositif relatif à la possibilité de rachat des années d études aux assurés de moins de 65 ans, cette extension a été réservée aux seuls assurés sociaux du régime général régis par le code de la sécurité sociale. Le décret n 2003-1310 du 26 décembre 2003 instituant les barèmes de calcul du rachat, applicables aux fonctionnaires, magistrats et militaires n ayant pas été modifié, il n existerait pas de modalités de calcul au-delà du 59 ème anniversaire, ce qui rendrait le dispositif inapplicable aux fonctionnaires. Néanmoins, il a ajouté que la Direction générale de l administration et de la fonction publique (DGAFP) serait saisie de la demande de Monsieur X, afin de solliciter son avis sur une éventuelle généralisation du dispositif dans la fonction publique. Par requête enregistrée le 11 août 2009, Monsieur X a saisi le tribunal administratif de Paris, d une requête tendant à l annulation des refus qui lui ont été opposées par le service des pensions du Ministère de la justice. Le 9 juillet 2009, la haute autorité a interrogé M. Eric WOERTH, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l Etat, ainsi que Monsieur Y, chef de la section des pensions du Ministère de la justice. Par courrier du 27 juillet 2009, Monsieur Y a indiqué à la haute autorité, qu au regard de la réglementation en vigueur il a été contraint de rejeter la demande de Monsieur X, faute de base légale. Dans ce même courrier, Monsieur Y précise qu il a saisi la Direction générale de l administration et de la fonction publique (DGAFP) de ce dossier. Le 23 juillet 2009, le chef de cabinet de M. WOERTH, a précisé que le Ministre avait prescrit un examen attentif du dossier de Monsieur X, et que la haute autorité serait tenue informée dans les meilleurs délais de la suite qui lui sera réservée. Par courrier du 28 septembre 2009, une relance a été adressée à M. WOERTH. A la date du 8 décembre 2009, aucune réponse n est parvenue aux services de la haute autorité. S agissant du cadre juridique, il convient de rappeler que, d après un guide de la DGAFP, du 22 janvier 2004, relatif au rachat des années d études dans les régimes de retraites des fonctionnaires, le rachat des années d études peut permettre «d acquérir des trimestres supplémentaire qui viendront compléter le nombre de trimestres acquis au titre de son activité professionnelle et ainsi améliorer le montant de la retraite». La loi n 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a introduit, dans son article 45 (intégré à l article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires), la possibilité de 2

verser des cotisations afin que des périodes d études soient décomptées dans le calcul de la pension. Ce texte a été complété par deux décrets : - le décret n 2003-1308 du 26 décembre 2003 relatif à la prise en compte des périodes d études pour le calcul de la pension et pris pour l application de l article 45 de la loi n 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites; - et le décret n 2003-1310 du 26 décembre 2003 relatif au barème et aux modalités de paiement pour la prise en compte des périodes d études pour le calcul de la pension et pris pour l application de l article 45 de la loi n 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Un tel dispositif concerne les fonctionnaires civils de l Etat, les militaires de carrière ou sous contrat, relevant du code des pensions civiles et militaires de l Etat, les magistrats de l ordre judiciaire, ainsi que les fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Ce dispositif ne s applique pas aux agents non titulaires qui relèvent du régime général de retraite de la sécurité sociale. D après ce dispositif, l agent peut demander à bénéficier du rachat de certaines de ses années études accomplies après le baccalauréat, jusqu à la mise à la retraite ou la radiation des cadres si elle intervient avant. Toutefois, la règlementation actuelle ne permet pas de calculer le prix d une demande de rachat qui serait présentée à compter de l âge de 60 ans. Ainsi, toute demande de prise en charge effectuée à partir de 60 ans est rejetée (le dernier âge figurant sur le barème étant de 59 ans). Par la délibération susvisée n 2006-40 du 27 mars 2006, le Collège de la haute autorité s est déjà prononcé sur l impossibilité de racheter des années d études supérieures à compter de 60 ans. Il a considéré que cette situation constitue une différence de traitement fondée sur l âge en matière d accès à une pension de retraite, contraire aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales (CEDH) (article 14 combiné à l article 1 er de son premier protocole). Par délibération susmentionnée n 2008-561 du 31 mars 2008 un rapport spécial a été adopté, et publié au Journal officiel du 1 er août 2008, réitérant le caractère discriminatoire de l impossibilité de la demande de rachat des années d études supérieures à compter de 60 ans et recommandant l abrogation de cette limite d âge. Le dispositif sur lequel s est prononcé le Collège prévoyait pour les fonctionnaires, les actifs relevant du régime général de la sécurité sociale, les professions non salariées artisanales, industrielles et commerciales et les agriculteurs non-salariés, la possibilité de rachat des années d études supérieures jusqu à l âge de 60 ans. Seules, les professions libérales ainsi que les ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses, avaient cette possibilité jusqu à 65 ans. Consécutivement à l adoption des délibérations précitées, le décret n 2008-1383 du 19 décembre 2008 relatif au versement pour la retraite au titre de certaines périodes d'études supérieures et d'activité est intervenu et a relevé de 60 à 65 ans la possibilité de rachat des années d études supérieures. Toutefois, comme l a confirmé le service des pensions du Ministère de la justice cette extension n a pas été transposée au profit des fonctionnaires, militaires, et magistrats judiciaires. 3

Cette différence de traitement fondée sur l âge au détriment des fonctionnaires, militaires, et magistrats, peut être appréhendée sous l angle du droit européen des discriminations. L article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales (CEDH), combiné à l article 1 er de son premier protocole additionnel qui garantit le droit de toute personne physique au respect de ses biens. La liste des critères de discrimination prohibés par l article 14 n étant pas limitative, elle doit être regardée comme incluant également celui de l âge, et les pensions constituent un bien au sens du 1 er Protocole additionnel. De même le Conseil d Etat a considéré que les pensions de retraite constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1 er du premier protocole additionnel à la CEDH. Il a ainsi estimé «qu'une distinction ( ) est discriminatoire, au sens des stipulations ( ) de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi» (CE, 30 novembre 2001, n 212179). Il convient d examiner si l impossibilité pour les fonctionnaires, militaires, magistrats, de 60 ans et plus, de procéder au rachat d années d études repose sur une justification objective et raisonnable. Dans sa délibération précitée, du 27 mars 2006, le Collège avait retenu qu «en vertu du principe de «neutralité actuarielle», le coût du rachat de ces années est fixé de manière exponentielle selon l âge auquel est présentée la demande. En conséquence, le coût de rachat des périodes concernées pour un actif proche de la retraite est équivalent au coût réel pour l organisme chargé du versement de la pension de retraite. / Si la justification tirée du coût prohibitif, au-delà de 60 ans, du rachat des années d études apparaît pertinente pour la grande majorité des actifs, le Collège de la Haute autorité relève que le désavantage financier du rachat tardif des années d études supérieures ne semble peser que sur celui qui souhaite en bénéficier, et non sur les organismes chargés de la liquidation et du versement de la pension de retraite. / De plus, le fait que la possibilité de rachat soit ouverte jusqu à l âge de 65 ans pour les membres des professions libérales et les ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses tend également à suggérer que la fixation à 60 ans de l âge limite pour les autres catégories d actifs ne reposerait pas sur une justification objective et raisonnable.». Dans le même sens, le fait que la possibilité de rachat soit désormais ouverte jusqu à l âge de 65 ans pour les assurés du régime général constitue un indice supplémentaire de ce que la fixation à 60 ans de l âge limite pour les fonctionnaires, militaires et magistrats, ne repose pas sur une justification objective et raisonnable. L administration n avance aucun argument qui serait lié à des difficultés d extension du dispositif prévu pour les assurés du régime général, aux fonctionnaires, militaires ou magistrats de l ordre judiciaire. 4

Ainsi, la seule absence de base légale ne suffit pas à justifier objectivement et raisonnablement la différence de traitement à l égard des fonctionnaires, militaires et magistrats. Dès lors, l impossibilité du rachat des années d études au-delà de 60 ans caractérise une différence de traitement fondée sur l âge en matière d accès à une pension de retraite. En conséquence, la condition d âge de 60 ans fixée par les dispositions de l article 3 du décret n 2003-1308 du 26 décembre 2003 relatif à la prise en compte des périodes d études pour le calcul de la pension, constitue une discrimination directe fondée sur l âge, contraire aux stipulations susmentionnées. Partant, les décisions contestées fondées sur ces dispositions sont également illégales. Le Collège de la haute autorité recommande en vertu de l article 11 de la loi n 2004-1486 précitée, au Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l Etat d abroger cette condition d âge pour l ouverture du droit de racheter les années d études supérieures jusqu à la liquidation de la pension, et donc d aligner le régime applicable aux fonctionnaires, militaires et magistrats, sur celui prévu pour les assurés du régime général régis par le code de la sécurité sociale. Concernant le cas particulier du réclamant, il est recommandé au Ministre d Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et des libertés de faire droit à sa demande de rachat de ses années d études. Enfin, la haute autorité devra être informée des mesures prises conformément à l ensemble de ses recommandations, dans un délai de quatre mois, à compter de la notification de la présente délibération. Le Président Louis SCHWEITZER 5