Janvier 2015 - Semestre 3 Session 1 - Licence 2 - Art de l époque contemporaine R.G. Sujet : Peinture d histoire A partir des documents ci-dessous et d exemples précis issus de vos connaissances et du cours, produisez un commentaire composé. Celui-ci aura pour but d expliquer de quelles manières, durant la seconde moitié du XIXème siècle, le genre de la peinture d histoire a pu faire l objet d un affrontement idéologique et plastique entre les tenants de l académie et les premiers modernes. Document 1 : Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, 491 716 cm huile, toile sur bois, Musée du Louvre, Paris, France Document 2 : Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans, (Titre originel : Tableau de figures humaines, historique d'un enterrement à Ornans) 1849-1850, Huile sur toile, 315 X 668 cm, Musée d'orsay, Paris, France.
Art de l e poque contemporaine corrigé type Introduction La peinture d histoire est un genre pictural de très grand format qui puise ses thèmes de prédilection dans des sujets religieux, mythologiques, historiques, ou allégoriques. En 1667, André Félibien érige la peinture d histoire au sommet de la hiérarchie des genres. Elle y est considérée comme le genre le plus difficile parce qu'elle demande aux peintres le plus de compétences (composition, paysage, nature morte, anatomie, portrait ). En somme, la peinture d'histoire semble contenir tous les autres genres qui lui sont subordonnés. Cette hiérarchie, déterminée par l'académie royale, sera reprise notamment par les tenants du néoclassicisme au XIXème siècle. Nous allons voir que cette définition canonique de la peinture d histoire va être profondément remise en question par les premiers artistes modernes. L affrontement dépasse la réflexion stylistique et poétique pour ouvrir sur des questionnements d ordre politique, moral ou philosophique en lien avec le contexte social effervescent de l après révolution de 1789. Dans un premier temps nous verrons que les modernes remettent en question l idéalisation sur un plan à la fois plastique et moral. Dans une deuxième partie, nous étudierons comment le genre de la peinture d histoire va se libérer progressivement du joug du pouvoir pour exalter l engagement républicain. 2 Plan détaillé non-rédigé : I. La fin de l idéalisation A) Constat de départ : Chez les néoclassiques, la peinture d histoire traite par défintion de hauts faits. Elle puise ses thèmes dans la grandeur et les idées héroïques. C est une peinture à fort contenu moral et philosophique. Les sources sont d origine antique. En effet, les grecs et les romains sont considérés comme les premiers civilisés, donc proches des Européens. -Le Serment des Horaces, 1784-1785, Jacques-Louis David -La Mort de Socrate, 1787, Jacques-Louis David -Le Premier Consul franchissant le col du Grand-Saint-Bernard, 1800, J-L. David -Etc. Problématisation : Chaque fois est narré un évènement issu des origines antiques de la culture occidentale et ayant une résonnance intellectuelle. Sur un plan idéologique, il ressort que la raison doit l emporter contre les passions, que le bien de la cité prime sur celui de l individu
B) La remise en question du modèle antique Les Romantiques commencent à renverser certaines des habitudes liées à la peinture d histoire académique et néoclassique, ils puisent tout d abord leurs sujets dans des mythes ou récits d histoire méconnus et volontairement moins héroïques. L Orient et le Moyen-âge retiennent leur intérêt ce qui est une manière de s affranchir de l Occident classique. -Scènes des massacres de Scio, 1824, Eugène Delacroix (rappel : ce tableau représente les massacres perpétrés à Chios en avril 1822 par les Ottomans lors de la guerre d'indépendance grecque. Le peuple. Inversion des rôles habituels vainqueurs/vaincus, les grecs suscitent ici la pitié). -La Mort de Sardanapale, 1827-1828, Eugène Delacroix accompagne son tableau d une explication : «Les révoltés l assiégèrent dans son palais Couché sur un lit superbe, au sommet d un immense bûcher, Sardanapale donne l ordre à ses esclaves et aux officiers du palais d égorger ses femmes, ses pages, jusqu à ses chevaux et ses chiens favoris ; aucun des objets qui avaient servi à ses plaisirs ne devait lui survivre.» -Officiers de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant, 1812, Th. Géricault Problématisation : Cette fois ce sont les passions qui prennent le pas sur la Raison, l individualité sur le collectif. La peinture d histoire ne cherche plus à relater de faits nobles ou exemplaires, ni à revêtir un rôle d enseignement moral. L image du «héros antique» est rejetée et l intérêt est désormais porté sur la complexité et les tourments de l âme humaine. La peinture d histoire est délivrée de son contenu néoclassique perçu par les romantiques comme trop moralisateur et manichéen. 3 C) La réalité des faits et la réalité crue -Bonaparte franchissant les Alpes, 1848, Paul Delaroche. -Napoléon sur le champ de la bataille d Eylau, 1808, Antoine-Jean Gros : «Pour la première fois un peintre n idéalise pas en beauté scénique, le carnage de la guerre» André Massu. -La réalité crue (cadavres au premier plan chez Géricault et Gros) ; les physionomies des personnages de l enterrement à Ornans. -Le Radeau de la méduse, 1817-1818, Théodore Géricault -Etudes, têtes de suppliciés, 1818-1819, Théodore Géricault Problématisation : Des guerres non-idéalisées : les réactions de la police des arts. Le «mauvais exemple» donné aux modernes par un néoclassique. Le beau est lié au vrai (authenticité des faits, véracité scientifique) et non plus au bien (morale antique).
II. L émancipation du pouvoir et l engagement républicain A) Constat de départ : L art académique, un art soutenu, un art de propagande, un art de commande. Un art produit par des peintres officiels, des peintres de cour. Un art financé et donc partisan. - Le Sacre de Napoléon, 1805-1807, Jacques-Louis David - Le Premier Consul franchissant le col du Grand-Saint-Bernard, 1800, J-L. David - Etc. B) Le Radeau de la Méduse, 1817-1818, Théodore Géricault -Le drame de la frégate de la méduse comme symbole du retour de la Monarchie. Evoquer les circonstances de l évènement (l'incompétence manifeste du commandant de Chaumareys révèle que sa nomination est due à ses relations avec le pouvoir monarchique) Problématisation : Un fait divers actuel. Un fait divers spectaculaire érigé au rang de tableau d histoire. Une injustice et un méfait érigés au rang de tableau d histoire (ironie de Géricault). Un acte politique de dénonciation. La critique du pouvoir et de son hypocrisie. Un engagement auprès du peuple. 4 C) La liberté guidant le peuple, 1830, Eugène Delacroix Le peintre a fait connaître sa toile comme une allégorie inspirée par l'actualité la plus brûlante. Elle a pour cadre les trois journées du soulèvement populaire parisien contre Charles X, les 27, 28 et 29 juillet 1830, connues sous le nom des Trois Glorieuses. À la faveur de trois jours d'émeutes, Charles X abdique. Louis-Philippe prête fidélité à la Charte révisée le 9 août, inaugurant la «Monarchie de juillet». Problématisation : Par son aspect allégorique et sa portée politique, elle a été fréquemment choisie comme symbole de la République française ou de la démocratie. Delacroix explique «J'ai entrepris un sujet moderne, une barricade, et si je n ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrai-je pour elle». Volonté d être auprès du peuple et engagé pour la république. D) Tableau de figures humaines, historiques d un enterrement à Ornans, 1849-50, G. Courbet - Insister sur le titre originel, titre à rallonge, véritable pied de nez à la peinture d histoire néoclassique et manière de souligner la volonté délibérée de renvoyer au genre. Gens de
province représentés sans idéalisation, fait divers quotidien et banal (encore plus que le radeau de la méduse) érigé au rang de tableau d histoire. «enseigner au peuple l histoire vraie en lui montrant la vraie peinture J entends par l histoire vraie l histoire débarrassée des interventions surhumaines qui, de tout temps, ont perverti le sens moral et terrassé l individu. J entends par vraie histoire celle qui échappe au joug de n importe quelle fiction. Pour peindre vrai, il faut que l artiste ait l œil ouvert sur le présent, il faut qu il voie par les yeux et non par la nuque.» Courbet, catalogue de son exposition particulière, 1855. Problématisation : un peintre engagé pour la République, une peinture qui s affirme comme démocratique. Selon Courbet : «Le réalisme est par essence l art démocratique» et le but de la peinture vise à introduire «la démocratie dans l art». Démocratisation du genre du tableau d histoire. Ne pas «voir avec la nuque» autrement dit ne pas être agenouillé et la tête baissée devant les puissants. L exposition Courbet comme symbole du contre-pouvoir. Le fait d avoir réalisé le tableau dans son grenier dans des conditions insupportables : se hisser seul à la hauteur des néoclassiques, peindre à leur échelle. Autofinancement. Conclusion Les premiers modernes vont s opposer sur de nombreux terrains à l art académique. Le genre de la peinture d histoire va particulièrement cristalliser les tensions parce qu il est le genre de prédilection des néo-classiques. En somme les premiers modernes entendent défendre leurs convictions plastiques et idéologiques sur le terrain même de leurs adversaires. Peindre «aussi grand» est une manière pour l artiste moderne de s affirmer d égal à égal face à l artiste néoclassique notamment. C est aussi le moyen d inscrire la modernité de son propos dans une tradition afin que cette dernière vole d autant plus ostensiblement en éclat. Nous avons vu comment cet engagement (artistique mais également politique et social) était guidé par la volonté de maintenir et de faire vivre les acquis de la révolution française. Avec la place grandissante acquise par les modernes (pensons au salon de 1863), la nécessité de se confronter à l académie sur son propre terrain s affaiblit progressivement. Le Radeau de la méduse et l Enterrement à Ornans, à leur manière, incarnent en ce sens davantage la mise à bas d un genre et de tout ce qu il représentait qu un réel renouveau. L impressionnisme délaissera la peinture d histoire, signe d un contexte apaisé où la nécessité d un engagement frontal avec l académie n est plus nécessaire. 5 Cf. sur la méthodologie de l écrit : http://arts-culture.formation.univ-lille3.fr/artsplastiques/gom/licence%202- %20conseils%20méthodologiques.pdf