Les enjeux de l'harmonisation de la protection des consommateurs dans l'union européenne (droit du pays d'accueil/droit du pays d'origine)



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Atelier 11 Les enjeux de l'harmonisation de la protection des consommateurs dans l'union européenne (droit du pays d'accueil/droit du pays d'origine) Président : Jean-François PRÉVOST, professeur de droit Intervenants : Odile BOITTE, directeur juridique de Cardiff vie, Eugène JULIEN, sousdirecteur à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Thierry VISSOL, chef de l'unité A 5 à la Direction santé et protection des consommateurs de la Commission européenne. Introduction de Jean-François PRÉVOST Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous sommes heureux de vous accueillir dans cet atelier qui est consacré aux enjeux de l'harmonisation de la protection des consommateurs dans l'union européenne. Nous sommes tous sensibilisés par l'actualité du sujet. Le débat est aujourd'hui ouvert, par exemple, entre la France et la Grande- Bretagne via les instances communautaires. Ces questions relatives à la protection des consommateurs sont aiguës et révélatrices d'une approche particulière de la vie en société où la sphère du marché empiète sur celle de l'etat. Le consommateur se trouve souvent en conflit indécis avec le citoyen. Des règles nouvelles commencent à s'élaborer sans que des lignes de fond aient vraiment été trouvées. Dans toute institution à vocation économique, le consommateur est au centre de la réflexion, cela entendu de manière générale. Cependant, c'est une conception qui n'a pas toujours été partagée. Au XVIII e siècle, par exemple, on plaçait le consommateur au centre de toute réflexion économique, comme Adam Smith dans La Richesse des nations. Puis le XIX e siècle est venu : la révolution industrielle a poussé les producteurs de biens et de services à s'organiser puissamment. Le consommateur est, dès lors, devenu un souci mineur pour les économistes. On lui préféra le citoyen, entendu au sens marxiste du terme. 1-1 -1

Le XX e siècle marque un retour à une réflexion sur les droits et la protection des consommateurs. En Europe, nous sommes au cœur de cette réflexion. En 1957, nous avons créé un marché, c'est-à-dire un dispositif d'intégration économique. Il a été créé un fédéralisme à l'envers en partant des intérêts économiques de six pays pour réaliser la construction que nous voyons se déployer aujourd'hui. Au début, le consommateur est apparu comme important. Les années 70 ont accentué cette tendance. Ensuite, le traité de Maastricht crée l'union européenne. L'article 129 met l'accent sur la protection du consommateur au niveau de sa santé, de son environnement et de ses droits. Cela fera l'objet des interventions qui vont suivre. La protection du consommateur au niveau européen s'inscrit exactement dans le cadre du marché unique. L'Europe est encore en position d'harmonisation progressive. A partir de là, ce n'est pas la protection, au sens général, du consommateur qui sera mise en avant, mais un ensemble de devoirs et de droits, une charte, en somme. Le marché a des règles. Il s'agira donc de se soucier des problèmes d'harmonisation judiciaire. Intervention de Thierry VISSOL J'aimerais me limiter à un discours d approche générale concernant la thématique : droit du fournisseur ou droit du pays d'accueil. Le débat est vif aujourd'hui sur ce sujet au sein des institutions communautaires et des professionnels. Il existe une école de pensée prônant qu'après l'instauration du marché intérieur, en 1992, il est logique que son mécanisme de fonctionnement repose sur le principe du passeport européen. Cette approche a été mise en application particulièrement dans le domaine des législations prudentielles (directives bancaires et d assurance). Ainsi, lorsqu un fournisseur répond aux règles prudentielles définies à l'intérieur, d'un pays, il est en mesure d'agir dans l'ensemble des autres pays de l Union, même si les législations y sont différentes. Des discussions autour d une transposition de ce principe du passeport européen ont aussi cours en matière de droit de la consommation. Cela, évidemment, pose un certain nombre de problèmes. Essayons de nous mettre dans la situation du législateur européen. Celui-ci doit être en mesure de prendre en compte une série de faits concrets que je voudrais présenter succinctement. La première question qu il doit se poser est de savoir pour qui il légifère. Autrement dit, il doit pouvoir répondre à la question : qu'est-ce qu'un consommateur? La réponse en termes juridiques est simple : il s'agit d'une personne effectuant un acte de consommation en sa capacité d'individu et non en sa capacité commerciale ou professionnelle. Mais une telle approche est insuffisante lorsqu il s agit de réfléchir au contenu de la législation. En effet, il est possible de se demander s il existe un consommateur «standard». Qui sont ces individus pour lesquels on essaie de travailler? La population à laquelle nous nous adressons se caractérise par un certain nombre de «faiblesses». Un consommateur n'est pas nécessairement un professeur d'université disposant de connaissances pointues ou spécifiques portant sur l'ensemble des produits ou services qu'il consomme et des aspects juridiques, de sécurité et de santé y afférents. Il ne peut, seulement pour consommer, devenir avocat ou ingénieur. 2-2 -1

Les dernières enquêtes sur les ménages menées par l Office statistique de l'union européenne montrent que le salaire médian s'élève à 850 euros par mois. 18 % de la population a un revenu inférieur à 60 % de cette somme. Les conditions économiques sont difficiles : 49 % de la population n'arrive pas à «joindre les deux bouts» tous les mois. 59 % n'est pas en mesure d'épargner régulièrement. 21 % ne peut s'acheter tous les mois les trois premiers biens de première nécessité. Des enquêtes concernant l illettrisme, c est-à-dire l incapacité d un individu à lire et à comprendre un texte simple relatif à des thèmes de la vie courante, ont été menées par l Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Dans l ensemble des pays européens et il n y a guère de raisons que la situation soit différente en France, entre 30 et 55 % de la population se trouve en grande difficulté de lecture. Ces personnes ne sont pas en mesure de lire ni de comprendre des textes simples. Que se passe-t-il lorsqu elles sont confrontées à des contrats financiers complexes? Il appartient donc au législateur de tenir compte de cette situation sociale, culturelle, linguistique, etc., et de rechercher à compenser le déséquilibre existant entre les capacités et les moyens des consommateurs, particulièrement des plus démunis financièrement ou culturellement, et ceux du fournisseur de biens ou services. La deuxième série de faits à prendre en compte par le législateur européen est la diversité institutionnelle, juridique et culturelle des Etats membres, entre autres l existence de différents ordres juridiques et de procédures judiciaires, de 11 langues nationales. Le troisième fait objectif qui aurait dû être le premier de mon exposé est le contenu du traité de l Union européenne. Les objectifs définis par le traité ne sont pas de réaliser un marché intérieur, mais de «promouvoir un développement harmonieux et équilibré des activités économiques, et [en particulier ] le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et la solidarité entre les Etats membres» (article 2). La réalisation d un marché intérieur n est que l un des 21 moyens énoncés pour ce faire (article 3). Le traité d Amsterdam a par ailleurs confirmé une approche existante : l action communautaire en matière de politique de consommation est subsidiaire (article 3.1.A : L action de la communauté intègre «une contribution au renforcement de la protection des consommateurs» et article 153 du traité). La prise en compte de la technologie constitue la quatrième source de réflexion pour le législateur. Une réflexion humaniste peut conduire à penser que la technologie doit être au service de l homme et non l inverse. De fait, les grands principes qui se dégagent de toutes les législations stipulent que la technique doit être neutre. On ne doit pas plier la loi à la technique ou, autrement dit, l usage d une technologie plutôt que d une autre ne doit pas conduire à des différences dans les niveaux de protection accordés par la loi. Dans plusieurs discours, les autorités américaines, le vice-président Al Gore et le président Clinton ont précisé, à propos du commerce électronique, la conception américaine sur ce sujet, dont voici des extraits : selon Al Gore : «Administration accomplishment includes ensuring effective consumer protection online through industry self-regulation, and the prosecution of fraudulent practices under existing consumer protection laws» ; et, pour le président Clinton : «In adapting laws and regulations to the electronic environment, it is critical that consumers and the public at large be assured of a level 3-3 -1

of protection in electronic commerce equivalent to that which they now enjoy in more traditional forms of commerce». (Memorandum for the Heads of Executive Departments and Agencies, Facilitating the Growth of Electronic Commerce, The White House, Office of the Press Secretary, November 29, 1999) 1 Cette conception de la neutralité de la technologie est aussi celle qui guide la réflexion et l action des autorités communautaires et qui est incluse au sein des guide lines de l OCDE pour le commerce électronique. La conséquence en est que les législations en matière de société de l information ne devraient en aucun cas conduire à réduire le niveau de protection des consommateurs par rapport à d autres techniques utilisées dans les rapports commerciaux. Le cinquième élément à prendre en compte, ce sont les principes gouvernant le droit des individus. Le premier droit d un individu est de pouvoir être jugé dans sa langue et selon sa loi. Ce sont, bien évidemment, les principes inclus dans les conventions de Rome et de Bruxelles en cours d intégration dans le droit communautaire. Ces principes sont indispensables, surtout lorsqu est envisagée la mise en place d une régulation des comportements à travers des codes de conduite. Il est difficile d accepter qu un individu ne puisse pas avoir le choix, pour la résolution d un conflit, entre un moyen extrajudiciaire et un moyen judiciaire, et ce selon sa propre loi. Enfin, en matière de commerce, il est nécessaire qu un consommateur ait confiance. Cette confiance est, entre autres, fonction de la capacité d un rapport contractuel ou du cadre juridique ou non qui y préside, à réduire les incertitudes. Législation ou code de conduite pour générer la confiance doivent être en mesure de réduire au minimum quatre incertitudes. La première a trait au contenu de la législation ou du code lui-même (c est-à-dire à la prise en compte des vrais problèmes et à l équilibre assuré entre les différentes parties), la deuxième à sa mise en œuvre (degré et nature de l obligation et des sanctions auxquelles sont soumis les destinataires de la loi ou du code), la troisième au contrôle de son application et, enfin, la quatrième aux mécanismes de compensation des préjudices et à leur exécution. En matière européenne, nous sommes dans une situation difficile, puisque l'espace judiciaire européen est en construction. Les incertitudes sont nombreuses, notamment celles qui sont liées au contrôle, à la sanction, à l'exequatur, mais aussi à l'accès à la justice. Dans le domaine des relations commerciales entre un fournisseur et un consommateur, si nous ne sommes pas dans une situation d'accès transfrontière à la 1. La tâche du gouvernement consiste également à assurer une protection efficace des consommateurs lors d opérations électroniques grâce à une auto-réglementation du secteur et aux poursuites judiciaires des pratiques frauduleuses, en application des lois existantes de protection des consommateurs. Lors de l adaptation des lois et réglementations au commerce électronique, il est essentiel de garantir aux consommateurs et au grand public un niveau de protection, dans la pratique du commerce électronique, équivalant à celui dont ils bénéficient à l heure actuelle dans le cadre de formes de commerce plus classiques. Note à l attention des responsables des ministères et organismes gouvernementaux, Faciliter le développement du commerce électronique, La Maison Blanche, Bureau du secrétariat à la presse, 29 novembre 1999. 4-4 -1

justice et si les coûts d accès financiers ou procéduriers ou les complexités ne sont pas réduits au minimum, le risque est que l on crée un seuil financier au-dessous duquel personne ne cherchera à faire respecter son droit. Le législateur tenté par des législations qui ne prendraient pas en compte les éléments évoqués ci-dessus risquerait de créer (ou de maintenir) des zones de «non-droit» où le consommateur pourrait être trompé, grugé impunément. En conclusion, deux options s'offrent au législateur européen : légiférer pour assurer une harmonisation progressive ou brutale. Cette dernière consiste à appliquer le droit du fournisseur dans l'espoir que les conditions d accès à la justice et de résolution des conflits s'ajustent par la suite. Dans l'intervalle, le consommateur doit se débrouiller comme il peut. La première option permet de procéder par effet crémaillère : l'application de la cause minimale assure une harmonisation minimale. C'est une démarche progressive. La cohérence du droit apparaît peu à peu. Il existe une révision périodique des directives que nous mettons en œuvre. In fine, nous arrivons à une harmonisation européenne globale. Jean-François PRÉVOST : Je vous remercie pour cet exposé clair et synthétique qui nous a permis de discerner les difficultés contemporaines de la question. Elles proviennent essentiellement du commerce électronique, qui va représenter une voie nouvelle et grandissante de la consommation. Je vais maintenant céder la parole à M. Eugène Julien, sous-directeur à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Intervention d'eugène JULIEN Dans un premier temps, il me semble nécessaire de rappeler certaines données de base sur le commerce électronique. Comme M. Jean-François Prévost vient de le signaler, je suis de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : chaque terme a sa valeur. Tout le monde sait que le gouvernement a conscience de la nouvelle et grandissante importance du commerce électronique dans tous les domaines, y compris les services. L'objectif avoué est d'accélérer son développement. Le deuxième point est le suivant. La conviction existe qu'il s'agit d'un marché qui ouvrira des possibilités considérables pour les consommateurs. Il faut dépasser certaines visions réfractaires. La Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est favorable à cette nouvelle concurrence et ne peut que souhaiter son développement. Le troisième volet concerne la préservation des acquis. Nous sommes convaincus de cela, mais sans pour autant que la situation actuelle soit maintenue de manière intégrale. Il faut trouver des équivalents aux mentions manuscrites actuelles «lu et approuvé». Là se trouve la difficulté de l'exercice. Les choses ne resteront pas en l'état : par exemple, l'apparition de la vente aux enchères sur Internet et le maintien du monopole des 5-5 -1

commissaires-priseurs nous font croire à une coexistence difficile. Cela n'est qu'un cas, il en existe bien d'autres. A la Commission européenne, les débats n'ont jamais été aussi vifs. Il a été décidé de mettre sur Internet les termes du débat afin que chacun puisse donner son avis sur le droit applicable. Il fallait faire un rappel de tous ces points. La volonté du gouvernement est donc claire : avancer dans ce nouveau millénaire tout en conservant certains acquis. Il n'est pas possible d'effacer ce qui a fait la conviction des consommateurs, l'existence de règles garanties par les services. Maintenant, il convient de développer les trois volets de mon intervention. Tout d'abord, je souhaiterais aborder les termes du débat. On pourrait imaginer une directive. Il existe déjà des règles depuis la convention de Rome. Je vais vous les rappeler. Le droit applicable, c'est lorsque «la conclusion du contrat a été précédée, dans un pays précis, d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité et que le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat». Le deuxième cas possible, c'est lorsque le cocontractant du consommateur a reçu commande du consommateur dans ce pays. Le problème d'application d'une telle règle suppose qu'il faille localiser le lieu de la conclusion du contrat. Vous pouvez imaginer ce que cela représente avec l'apparition du commerce électronique. De même, la partie prenant l'initiative du contrat est une notion subtile. Il existe diverses manières de transférer l'initiative du contrat. Vous savez donc que la convention de Rome est actuellement en cours de révision : il faut espérer que les termes du débat soient clarifiés. La situation n'est pas figée. Une première directive Commerce électronique a vu le jour en ce mois de décembre 1999. M. Thierry Vissol a fort bien souligné les difficultés et ce qui amène le choix du pays de résidence du consommateur. Il existe un déséquilibre dans le contrat entre le professionnel et le consommateur. Je tiens à souligner, à ce sujet, que nous n'avons aucun problème de définition du consommateur : il s'agit de «toute personne passant un acte non professionnel». Un autre problème se fait jour : l'accès à la justice. Dans son propre pays, c'est une entreprise compliquée, mais elle l est encore plus lorsqu'il s'agit de se confronter à une langue qui n'est pas la sienne dans un autre pays. De même, il est clair que la concurrence représente un autre aspect important : il est nécessaire de créer des règles équitables de concurrence entre les prestataires établis afin d'éviter toute dérive. Le souci du gouvernement est de préserver non seulement le développement du commerce électronique, mais aussi l'application du droit du pays de résidence du consommateur, selon des termes à déterminer. Il existe des contrats avec des consommateurs et des contrats entre professionnels. Ces derniers sont censés être capables de se positionner. Le dernier volet que je vais développer concerne les débats et les problèmes restant à résoudre de façon concrète dans chacun des Etats membres et au sein de l'union européenne. J'ai participé à de nombreuses conférences sur le commerce électronique au cours des deux dernières années : j'ai été frappé de constater qu'aucun Etat n'avait eu une démarche cohérente dans la durée. Chaque Etat est conscient qu'il ne peut maintenir ses règles indéfiniment tout en se montrant favorable au marché intérieur. Nous serons tous obligés de changer nos règles. 6-6 -1

Le premier problème qui se dégage est celui de l'équivalence. Le deuxième concerne l'articulation entre nouvelles et anciennes directives : personne ne sait ce qu'il adviendra des directives. Le troisième point est celui de l'identification des personnes. Le quatrième concerne les exécutions de justice : il sera difficile de réaliser des autorégulations. A ce sujet, nous avons une conception différente du terme entre Européens et Américains. Un autre volet est la surveillance des réseaux : là aussi, l'orientation existant dans les services se place à un second degré. Nous pouvons donc dire, en résumé, que cette immense ouverture suscitée par le commerce électronique nous oblige à repenser nos règles de droit, nos modes de fonctionnement et de réglementation des litiges, ainsi que nos propres structurations de règles. Le commerce électronique est donc une formidable machine d'harmonisation du droit pour des raisons pratiques. Nous devons nous entendre. Cela implique-t-il l'existence d'une clause minimale? Je ne sais pas. On n'ira certainement pas au-delà. Il s'agit d'être optimiste. Jean-François PRÉVOST : Je vous remercie beaucoup pour cet exposé. Votre point de vue a été extrêmement précieux. J'aimerais signaler qu'il existe d'autres notes d'optimisme. Le corps social s'organise et le consumérisme commence lui aussi à s'instaurer. Il existe des changements de culture des consommateurs. Peut-être verronsnous abordées, dans la discussion qui va suivre, les deux grandes catégories de questions. Il peut y avoir une protection juridique et l'apparition de problèmes de santé. Je pense à la consommation de viande bovine ou bien de médicaments avariés dans certains pays du tiers monde. Une discrimination devra peut-être être faite entre ce qui relève de la consommation courante et le cœur de la santé publique. Nous avons sacrifié aux règles de la courtoisie, car c'est à Mme Odile Boitte que la parole aurait dû être donnée d'entrée. Cependant, nous avons préféré commencer par une intervention concernant l'europe, puis évoquer le fonctionnement national avant d'aborder un point plus précis que Mme Odile Boitte va s'attacher à développer. Intervention d'odile BOITTE Je vous propose d'examiner la problématique posée par l'harmonisation de la protection des consommateurs dans deux domaines : le droit des contrats et certaines activités de services. Les contrats d'assurance vie et non-vie ne sont pas régis par la convention de Rome : ils bénéficient d'un système de conflit de lois. C'est-à-dire que la loi du lieu de résidence du preneur d'assurances est appliquée systématiquement. La convention de Bruxelles fixe les règles de compétences juridictionnelles. Elle désigne toujours pour loi du for la loi de domicile du défendeur, ce qui peut dissuader un consommateur de défendre ses droits. Les travaux communautaires dans ce domaine sont les suivants. Le 19 janvier 1999, le Conseil a adopté une résolution afin de modifier la convention de Bruxelles : le tribunal compétent sera désormais toujours celui du lieu de résidence du consommateur. Il est 7-7 -1

aussi envisagé de modifier la convention de Rome pour que la loi applicable soit celle du lieu de résidence du consommateur. Cela devrait généraliser le système de conflit de lois existant en assurance vie et non-vie depuis 1992. Or, celui-ci n'est pas un frein au développement de l'assurance en libre prestation de services au sein du marché unique. Cela doit être signalé à l'adresse des producteurs qui sont mécontents de cette évolution et hostiles aux propositions de la Commission en date des 4 et 5 novembre 1999. Leurs critiques sont les suivantes : «La connaissance du droit de quinze Etats membres a entraîné des coûts qui seront répercutés sur les biens et les services.» Certes, mais cela concerne un grand nombre de consommateurs ; «Il ne serait pas possible de déterminer le lieu de résidence d'un consommateur dans le cadre d'un contrat électronique, ce dernier pourrait donc faire du law shopping en choisissant la loi du pays le plus offrant.» Ce consommateur existe-t-il vraiment? En croisant son adresse Internet, son adresse de paiement et de livraison, le producteur devrait être à même de localiser correctement le consommateur. Producteurs et consommateurs se rejoignent sur deux nécessités : la résolution des litiges par la voie extrajudiciaire et la nécessité d'élaborer des codes de conduite. Sur ce point, les producteurs y voient une alternative à la modification de la convention de Rome, alors que la Commission penche pour un outil de prévention des contentieux. Faut-il aller plus loin dans la protection des consommateurs? Convient-il d'imposer une harmonisation du régime juridique du contrat? Il faut probablement tendre vers une telle harmonisation avec une patiente ténacité. Les droits nationaux diffèrent très sensiblement, et les efforts réalisés pour atténuer ces distorsions sont importants. Je vais vous citer quelques exemples de distorsions tirés du domaine de l'assurance. Premier exemple : les sanctions liées aux fausses déclarations. En droit français, elles rendent nul le contrat si elles sont intentionnelles et le réduisent si elles ne le sont pas. En droit hollandais, le contrat est nul dans tous les cas, en droit britannique aussi. Deuxième exemple : la durée de prescription est de un an en Italie, de deux ans en Espagne et en Allemagne pour les assurances de dommages et de cinq ans pour les assurances de personnes, en Belgique elle est en principe de trois ans. Le point de départ de la prescription est daté du jour de la connaissance du sinistre. Il existe des périphériques au contrat. Les distorsions fiscales en matière de TVA ou de retenue à la source sur les produits financiers seraient, elles aussi, à harmoniser. Les efforts d'harmonisation sont continus. Aujourd'hui, il existe, par exemple, des chantiers importants comme les travaux de la commission Lando menés durant plus de onze ans et qui ont débouché sur un recueil des principes du droit européen du contrat, «une infrastructure pour les règles communautaires gouvernant les contrats». Dans le domaine de l'assurance, on peut noter la création récente d'une commission pour l'harmonisation du droit des contrats d'assurance, qui travaille sur le délai de paiement de la prestation, la résiliation du contrat. Il existe un début de règle commune au sein de la directive Commerce électronique. En matière fiscale, la Commission s'est fixé, à l'horizon de décembre 2000, de proposer des mesures afin de lutter contre les dispositions fiscales restreignant le plein accès des contribuables au marché intérieur. 8-8 -1

Quelle est la contribution des prestataires à l'harmonisation de la protection des consommateurs? Jusqu'à présent, l'accès des producteurs au marché unique est fondé sur une harmonisation minimale des conditions d'exercice de l'activité. Elle s'accompagne du principe de reconnaissance mutuelle. Même dans les matières coordonnées, chaque Etat membre peut invoquer l'intérêt général afin d'éviter la règle commune. La protection des consommateurs faisant partie de cet intérêt général, il en découle une grande diversité dans les juridictions nationales. Les instances communautaires, s'appuyant sur l'article 11 du traité, paraissent vouloir élargir le champ d'application du principe d'harmonisation à des matières qui y échappaient jusqu'à présent. Je vais vous citer quelques exemples dans trois domaines : les signatures électroniques, les émetteurs de paiements électroniques et les intermédiaires d'assurances. On constate que les directives fixent aussi le régime juridique des services associés à l'activité. Il est prévu que les effets juridiques des signatures électroniques agréées devront être équivalents à ceux qui sont attachés à une signature manuscrite dans l'ensemble des pays de l'union européenne. Les prestataires de services de signatures électroniques devront être responsables des préjudices causés par un certificat agréé. Enfin, derniers exemples, les émetteurs de paiements électroniques devront soutenir les risques du paiement électronique, et, en matière d'assurance, les intermédiaires dont la responsabilité pour faute aura été reconnue par un tribunal seront sanctionnés selon un régime commun à l'ensemble des pays de l'union. Les instances communautaires participent donc, indirectement, à l'harmonisation du droit du contrat. Elles œuvrent sur un terrain vierge d'antécédents. En conclusion, je ferai deux remarques. Le caractère universel du commerce électronique s'accommode assez mal de réglementations s'arrêtant aux frontières de l'union. L'immixtion du pouvoir étatique dans les relations précontractuelles ou contractuelles paraît nécessaire lorsque les règles de droit seront impuissantes à régir des situations répréhensibles. Jean-François PRÉVOST : Je vous remercie pour cette intervention qui se trouve au cœur de notre débat. Il y a une recherche permanente en matière de nouveaux droits et de nouvelles institutions venant réguler ces droits. Débat De la salle : Vous avez parlé d'illettrisme, mais il me semble que même le consommateur évolué se sent frappé d'analphabétisme devant la complexité des textes. Existe-t-il vraiment au sein de la Commission une tendance à la simplicité et à la lisibilité des textes? 9-9 -1

Thierry VISSOL : J'ai la chance d'appartenir à la Commission et non au Parlement ou au Conseil. Nous essayons de rendre le droit plus lisible, mais il ne s'agit que de projets, qui sont ensuite retravaillés par le Parlement. Ce qui entre dans le processus diffère de ce qui en sort. Jean-François PRÉVOST : Je crois qu'il s'agit d'une question pertinente : plus un droit est complexe, plus il est décadent. Thierry VISSOL : Lorsque vous êtes dans un processus de négociations avec quinze Etats membres, il n'est pas aisé d'avoir un droit simple ou autre chose qu'un compromis. Nous essayons de consolider le droit existant. Dans le domaine financier, il existe trois directives en matière de crédit à la consommation : nous sommes en train de les consolider. Jean-François PRÉVOST : On commence à apercevoir dans l'ordre juridique communautaire un certain nombre de principes fondamentaux éclairants, me semble-t-il. De la salle : Je suis professeur à l'université Paris I. Notre débat n'est-il pas un peu surréaliste? M. Thierry Vissol a parfaitement souligné qu'il n'était pas possible de traiter de la même façon un consommateur, un pot de yaourt ou bien un produit financier. Ne faudrait-il pas d'abord réguler la production? Ensuite seulement interviendrait la protection du droit du consommateur. Est-il aussi dans l'intention de la Commission de simplifier les directives européennes en matière de droit applicable? Il y a peu, je participais à un jury de thèse sous la présidence d'un des deux rapporteurs de la Convention de Rome. Le travail a été jugé excellent, mais la conclusion a été la suivante : ces dispositions de la directive sont d'une telle complexité qu'elles sont totalement inapplicables. Il est urgent de les revoir. Thierry VISSOL : Concernant la première partie de votre question et le travail en amont nécessaire, je crois que c'est effectivement celui qui a été réalisé jusqu ici. Cela ne suffit pas à assurer la protection du consommateur. Nous avons fait notre travail en matière de régulation. La directive sur le commerce électronique concerne avant tout le fournisseur. Au niveau de la simplification des règles de droit applicable que vous avez évoquée, je vous répondrai en disant qu'avant le traité d'amsterdam il était difficile pour la Commission de travailler ou de proposer des législations dans ce domaine. Nous avons entrepris un travail de révision des Conventions de Bruxelles et de Rome. Les récentes guide lines adoptées par l'ocde portent sur cette problématique du droit applicable. Lorsque l'on dit que le commerce électronique rend difficile l'application des règles de droit du consommateur, je ne suis pas tout à fait d'accord. Nous n'avons pas encore travaillé en amont. Le commerce électronique n'est aujourd'hui possible que lorsque vous 10-10 -1

disposez d'une adresse électronique. Celle-ci est gérée par des gestionnaires de domaine. Personne n'a travaillé sur ces règles d'attribution d'une adresse électronique. Nous sommes en train de réfléchir sur des modalités prudentielles d'accès d'un fournisseur au commerce électronique. Alors, il sera possible d'envisager la mise en place de mécanismes d autorégulation. Eugène JULIEN : On parle beaucoup de traçabilité, actuellement. Vous avez une exigence des consommateurs, des producteurs et des gouvernements. L'exigence est énorme et simultanée. C'est un phénomène nouveau. Quelquefois, les consommateurs exigent des choses dont ils ne mesurent pas ce que cela peut signifier en termes pratiques. Par exemple, il nous est demandé d'étiqueter les organismes génétiquement modifiés. Que doit-on faire? Il en existe des centaines Jean-François PRÉVOST : Je vais revenir sur un aspect de la question, si vous me le permettez. Il s'agit des directives. Je ne vois plus de directives, mais des règlements différés. Il n'y a plus de textes à transposer, mais seulement d'énormes textes à transcrire. Il faudrait revenir à de vraies directives, afin d'articuler des singularités nationales avec des singularités communautaires. C'est un débat institutionnel. De la salle : Je fais partie de la Direction du Trésor au ministère des Finances et j'aimerais poser une question à Mme Odile Boitte. Qu'entendez-vous exactement par Commission pour l'harmonisation du droit du contrat d'assurance? Quel est son statut, ainsi que celui de la commission Lando? Odile BOITTE : Vous disposez d'un recueil qu'a publié La Documentation française concernant les travaux de la commission Lando. Quant à l'autre commission, elle se compose de juristes universitaires. De la salle : Cette Commission pour l'harmonisation du droit du contrat d'assurance a été créée voilà un an sous l'impulsion des Autrichiens et des Allemands. Elle se réunit tous les trois mois. Dans ces réunions apparaissent des blocs communautaires. C'est quelque chose d'assez curieux. J'ai aussi une question à poser. Vous avez parlé d'illettrés ou d'analphabètes. Bruxelles stipule que consommateur égale vie privée uniquement. Le petit plombier illettré est donc le sacrifié de ce droit-là. On a aussi parlé, à propos de la Direction de la concurrence, d'illettrés dans le domaine du contrat. Comment un assureur considère-til ses clients? Fait-il une distinction entre la vie privée d'un illettré et la vie professionnelle d'un peu lettré? Les points de vue sont différents. Vous en tenez-vous à la vie privée, à la compétence, ou à quelle exacte distinction? 11-11 -1

Eugène JULIEN : Je ne perçois pas les choses sous cet angle. Nous avons envisagé d'intégrer les petits artisans en matière d'action contractuelle dans le domaine des services financiers. Cela pose des problèmes d'application dans les différents droits communautaires nationaux. Le problème n'est pas lié à la vie privée ou à la noncompétence, mais il existe un corpus juridique du consommateur spécifiant qu'il agit en son caractère propre et non comme professionnel. Jean-François PRÉVOST : Cette distinction est la résultante d'une époque où l'on pensait qu'avoir un métier c'était le posséder. Quand on est un professionnel, on connaît les us et coutumes. Il s'agirait de faire une distinction évidemment entre vie professionnelle et vie privée. Thierry VISSOL : Celui qui a du mal à comprendre un texte simple connaîtra, en règle générale, les mêmes difficultés dans sa vie privée et sa vie professionnelle. De la salle : Je suis étudiant en droit public. Vous avez parlé d'illettrisme. Je discutais, il y a peu, avec un cadre de la société IBM au sujet de la protection du consommateur en matière de commerce électronique. Il me disait que cela devait passer par l'éducation du consommateur. Je voudrais vous poser la question suivante alors que vous venez tous d'horizons différent : comment éduquer le consommateur? Odile BOITTE : Il est difficile d'éduquer un consommateur. Comme professionnels, nous devons avoir des communications claires et pédagogiques. Nous utilisons dès que possible un vocabulaire simple et accessible pioché dans un lexique approprié. Thierry VISSOL : Vous posez une question éminemment difficile. Faut-il éduquer le consommateur? On peut le renseigner avant tout, me semble-t-il. C'est un concept différent. Eugène JULIEN : Je vais sûrement surprendre, mais je crois qu'il faut savoir, à un moment donné, que l'on ne fait pas le bonheur des peuples malgré eux. Il n'y a qu'une chose qui fonctionne : le principe de simplicité dans l'élaboration des règles. Aujourd'hui, en France, les prix sont affichés dans les restaurants charges incluses, et les plaintes des consommateurs n'ont plus cours. Qui va contester cela? Si vous avez des problèmes de loyer, il vous faut un bail écrit. Tout est alors simple. Le reste est compliqué. Ce que vous abordez, l'éducation, par exemple. Il est vrai que nous perdons beaucoup de temps avec les règlements de la Commission. Il faudra trancher clairement certains points et avoir des règles communes en Europe. 12-12 -1