REVUE FORESTIERE FRANÇAISE 943 LE PIN INSIGNIS EN CORSE FAR G. DEGOS Ingénieur des Eaux et Forêts à Ajaccio Le climat de la Corse présentant à tous égards des conditions éminemment favorables à l'introduction du Pin de Monterey (Pinus insignis D.C. = Pinus radiata D. Don.), il nous avait paru anormal qu'on n'eut jamais songé à y acclimater cette espèce résineuse dont la rapidité de croissance est absolument remarquable. Quelques plantations isolées effectuées depuis 1955, notamment dans la région d'ajaccio, ayant démontré les étonnantes possibilités de cette essence, alors que ces plantations avaient été effectuées selon la méthode classique du potet, il nous parut intéressant de tenter de créer un peuplement de quelques hectares dans la plaine orientale en adoptant les techniques de préparation mécanique du sol mises au point pour l'eucalyptus. Le présent article n'a d'autre but que d'exposer sommairement les premiers résultats de ces essais. Technique de plantation La photographie n 1 prise le 17 octobre 1961 montre l'état d'une plantation réalisée en décembre 1960 sur 8 hectares. Le terrain constitué par une terrasse d'alluvions quaternaires anciennes siliceuses était initialement recouvert d'un maquis dense. Le travail du sol a été réalisé selon la technique déjà décrite au sujet des plantations d'eucalyptus (R.F.F., mars 1962, p. 228). Les plants utilisés étaient issus de semis effectués en mars 1960 dans des sachets de polyethylene. La densité adoptée est de 2 500 plants à l'hectare en lignes jalonnées à raison d'un espacement de 2,50 m entre les lignes, largeur minimum pouvant assurer le passage d'un tracteur pour effectuer les entretiens ultérieurs.
944 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE PHOTO n 1 Plantation de Pinus insignis de décembre 1960. Photo prise le 17 octobre 1961. r*»» mim^m PHOTO n 2 Même plantation que sur la photo n 1. Photo prise le 21 mai 1963.
LE PIN INSIGNIS EN CORSE 945 L'écartement des plants sur les lignes est ainsi de 1,60 m La reprise a été pratiquement totale et il n'y a eu aucun regarni. Les entretiens sont effectués successivement au tool-bar et au cover-crop attelés à un tracteur de 60 CV. Au cours de la première année, le passage de tool-bar est effectué au printemps à une profondeur de 25-30 cm, il est suivi d'un pas-, sage de cover-crop en été. Pendant la deuxième année suivant la plantation, il suffit que le tool-bar travaille à une profondeur de 15 cm, cette façon étant encore complétée par un passage de cover-crop en été. Un seul passage de cover-crop est suffisant en principe au cours de la troisième année. Résultats La photographie n 2 montre l'aspect de la même plantation le 21 mai 1963, c'est-à-dire au cours de la troisième saison de végétation. Le 17 octobre 1961, dix mois après la plantation (soit 18 mois après le semis en pépinière), la hauteur moyenne des plants était de 0,60 m. Le 21 mai 1963, elle était de l'ordre de 2 m et actuellement (août 1963) dépasse 2,50 m. Certains sujets d'élite avaient déjà au Printemps de cette année, au début de la 3 e saison de végétation, atteint une taille de 3 mètres (photographies n 3 et 4). Les photographies n 5 et 6, prises respectivement le 24 octobre 1962 et le 21 mai 1963 dans une plantation de 6 hectares effectuée en janvier 1962, montrent dans une autre station des résultats comparables. Une troisième plantation d'essai a été exécutée au cours de l'hiver dernier. Sa surface est de 8 hectares, ce qui porte à 22 hectares l'étendue totale actuelle plantée en pins insignis dans la plaine orientale. Le démarrage de cette dernière plantation est analogue à celui des deux précédentes et il est envisagé, dans le but de tester la rapidité de croissance de l'espèce, de mettre en place simultanément, l'hiver prochain, dans une nouvelle parcelle d'essai et dans les mêmes conditions de travail du sol, des plants de pins insignis et de pins maritimes de race locale, issus de semis effectués en même temps dans des sachets de polyethylene. Effets des rigueurs de l'hiver 1962-63 Les rigueurs de l'hiver 1962-63 se sont manifestées principalement dans la plaine orientale de la Corse par la durée exceptionnellement longue d'une température moyenne anormalement basse.
PHOTO n* 3 Sujet remarquable de Pin insignis dans une plantation de décembre 1960. PHOTO n 4 Même plantation que sur les photos 1 et 2, effectuée en décembre 1960, Photos prises le 21 mai 1963,
LE PIN INSIGNIS EN CORSE PHOTO n 5 Plantation de Pins insignis effectuée en janvier 1962. Photo prise le 24 octobre 1962. PHOTO n 6 Même plantation que sur la photo n 5. Photo prise le 21 mai 1963,
948 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE Le minimum absolu a été enregistré en janvier avec 3, mais on a noté encore 2 6 en mars. Il y a eu en outre 14 jours de gelée (sous abri) pour l'ensemble des mois de janvier à mars inclus et 3 jours de neige, ce qui est exceptionnel pour la région. Les plantations de pins insignis n'ont pourtant nullement souffert de ces phénomènes météorologiques. Seuls quelques plants ont eu leurs aiguilles rougies vraisemblablement sous l'effet des vents qui ont été particulièrement violents et n'ont subi qu'un léger retard de croissance. Conclusions Le développement spectaculaire des plantations de Pins insignis réalisées depuis trois ans sur une échelle volontairement modeste et illustrée par les photos ci-jointes est un résultat qui apporte au technicien une satisfaction profonde. Il n'est pas commun, dans un département métropolitain, d'obtenir dans un tel laps de temps des plantations forestières présentant une te)]e exubérance de végétation. Toutefois, cette exubérance a quelque chose de monstrueux: des «asperges» de plus d'un mètre de long en quelques semaines, la formation de plusieurs verticilles au cours de la même saison, une végétation qui ne fait que ralentir en hiver mais ne s'arrête pratiquement jamais, autant de caractères qui donnent aux jeunes arbres un aspect qui ne nous satisfait pas complètement. Certes, on comprend le succès qu'a pu avoir cette espèce dans des pays qui recherchent une production élevée de bois (Cf. Le Pin de Monterey, par C.W SCOTT. Collection de la F.A.O.). Mais on est défavorablement impressionné par le manque total d'élagage naturel auquel il faudra suppléer par des opérations manuelles. Tenant compte des connaissances acquises en d'autres régions sur Vécolorie de cet exotique et sur ses possibilités "d'utilisation, une extension des surfaces ainsi plantées est-elle souhaitable? L'indéniable réussite technique de cette expérience, qui a par surcroît supporté sans le moindre dommage un hiver particulièrement rigoureux, n'autorise pas encore, semble-t-il, une réponse affirmative à cette question. Toutefois, lorsque dans les programmes de reboisement du F.F.N. le pin de Monterey aura acquis droit de cité au même titre que le douglas ou l'abîes grandis, il est vraisemblable qu'en Corse il aura \m titre de priorité au moins égal à l'eucalyptus globulus,