Faire émerger des moyens lutte efficaces

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Transcription:

Unité de recherche sur les Maladies émergentes Dengue, leptospirose et chikungunya : ces trois maladies infectieuses préoccupent de plus en plus les autorités sanitaires en Guadeloupe. Conscient de l enjeu, l Institut Pasteur a créé en 2007 une unité de recherche qui leur est consacrée. Dotée d un laboratoire flambant neuf et disposant de techniques d analyse moléculaire sophistiquées, elle est actuellement dirigée par le docteur Laurence Marrama. Faire émerger des moyens de lutte efficaces 78

Unité de Recherche sur les Maladies émergentes Un nombre de cas en nette augmentation, des épidémies plus fréquentes et des symptômes de plus en plus graves : la dengue gagne du terrain en Guadeloupe. Pour limiter son extension, l unité du docteur Marrama concentre ses recherches sur les risques de transmission du virus. Dengue : moustiques en ligne de mire Si la surveillance des cas cliniques de dengue est aujourd hui efficace, il demeure très difficile de déterminer le taux de transmission de la dengue par les moustiques. Car collecter des indicateurs fiables sur les insectes adultes, porteurs du virus, représente un travail titanesque. La solution? Mettre en place des indicateurs indirects tels l âge moyen des populations de moustiques et leur période d activité quotidienne, en prenant en compte la saison, la pluviométrie et la structure urbaine. Le docteur Laurence Marrama, chef de l unité de recherche sur les Maladies émergentes, a pu tirer des conclusions pour le moins surprenantes en associant les résultats obtenus à partir d enquêtes entomologiques et de données épidémiologiques*. Une étonnante capacité d adaptation L un des résultats les plus frappants de ces recherches concerne les circonstances de transmission de la dengue par le moustique Aedes aegypti, le seul vecteur de la maladie en Guadeloupe. On sait que la période de transmission maximale se situe entre août et décembre, ce qui correspond à la saison des pluies. Mais contrairement aux idées reçues, Aedes aegypti peut piquer à toute heure du jour et non exclusivement en début et fin de journée. Ainsi, la Photo : Ignace Rakotoarivony La dengue en bref La dengue est une arbovirose, une maladie virale transmise par un insecte, ici le moustique Aedes aegypti. C est l arbovirose la plus répandue à l échelle mondiale. Le virus a la particularité de se présenter sous la forme de quatre sérotypes. Ces formes diffèrent par le type d anticorps qu elles font produire par notre système immunitaire en réponse à l infection. Si une personne contracte la dengue avec un sérotype donné, son organisme produit des anticorps contre ce sérotype. Elle sera protégée contre l infection par le même sérotype, mais ne sera pas protégée contre les trois autres. Au contraire même, on considère qu elle devient plus sensible aux autres sérotypes et qu elle peut développer des infections plus graves. Classiquement la maladie ressemble à une grippe, avec de la fièvre, des céphalées, parfois des éruptions cutanées. Les formes les plus graves sont les dengues sévères dont fait partie la dengue hémorragique. 79

Unité de recherche sur les Maladies émergentes transmission pourrait se faire loin du lieu d habitation, lors des activités journalières (travail, scolarité ) ou des déplacements. D autre part, ce n est pas le nombre de vecteurs qui est important, mais leur durée de vie. En effet, les moustiques jeunes sont peu infectés par rapport aux plus âgés. Ceci est lié au fait que l infection, une fois acquise, persiste durant toute la vie du moustique. Ainsi, plus le moustique vit longtemps, plus il peut infecter de personnes. Enfin, la survie du moustique étant liée aux conditions environnementales, la question cruciale est donc d identifier les zones à risque. Quand l urbanisme favorise les moustiques Les moustiques ont besoin d eau pour pondre leurs œufs. Les centres-villes et les ensembles d immeubles sans jardins ne constituent pas forcément, comme on le pensait, les milieux les plus favorables à leur développement. Mais la couverture urbaine a beaucoup évolué en Guadeloupe au cours des vingt dernières années. La concentration de l habitat qui prévalait dans les années cinquante a laissé place à une extension des faubourgs urbains et des zones pavillonnaires dans les secteurs semi-ruraux. «C est Laurence Marrama fait ses études à l école vétérinaire de Toulouse de 1984 à 1988. Après sa thèse vétérinaire portant sur le comportement des animaux en situation de stress, elle complète sa formation par une maîtrise en informatique statistique et épidémiologique, des certificats de physiologie et d immunologie et un DEA de santé publique. «Toutes ces compétences acquises me servent dans mes activités de recherche.» En 1994, elle entre à l Institut Pasteur de Madagascar dans le cadre de son stage de DEA et y poursuit sa thèse de doctorat en épidémiologie, consacrée au paludisme. Sa préoccupation d alors : mieux comprendre comment les modifications de l homme sur son environnement proche influent sur le développement et la transmission du paludisme. À Madagascar, elle réalise combien la prévention et l analyse des maladies sont utiles dans leur traitement à l échelle de populations entières. En 1999, elle intègre l Institut Pasteur de Dakar où, pendant sept ans, elle poursuit son travail sur le paludisme et développe les programmes de recherche sur les arboviroses (fièvre jaune, fièvre de la vallée du Rift, Dengue). «L Afrique de l Ouest est un pôle important pour les virus qui circulent via les insectes.» Le docteur Marrama collabore avec des spécialistes aux compétences complémentaires : parasitologues, virologues, immunologistes de l Institut Pasteur et de l Organisation mondiale de la santé (OMS) qui font des investigations sur les épidémies et mettent en place des moyens de prévention et de lutte. En janvier 2007, elle prend ses fonctions à l Institut Pasteur de la Guadeloupe dans le cadre de la mise en place de l unité de recherche sur les Maladies émergentes. «Les maladies transmises par les insectes posent un réel problème de santé publique en région Caraïbe. Il était opportun de créer ici une unité de recherche qui travaille précisément sur Laurence Marrama, docteur vétérinaire et docteur ès sciences Percer à jour les émergences cette thématique.» Consciente de l ampleur et de l importance de sa tâche, Laurence Marrama s est fixé un défi majeur : comprendre pourquoi des maladies émergent et comment elles se répandent aux niveaux local et international. «C est un problème capital auquel nous devrons faire face dans les années à venir. Déjà, des signaux d alarme sont perceptibles et l évolution actuelle fait craindre une aggravation rapide de la situation sanitaire. Ces maladies posent encore beaucoup de questions et il faut pouvoir apporter des réponses rapides.» 80

Unité de recherche sur les Maladies émergentes Stock de moustiques à disséquer. une tendance mondiale particulièrement marquée dans la région Amérique», souligne le docteur Laurence Marrama. L apparition de nouvelles zones pavillonnaires associant présence d eau et forte densité humaine offrent des conditions idéales pour la survie du moustique et pour la transmission de la maladie. «Depuis juillet 2007, nous menons un programme d études multidisciplinaire qui allie la Cellule de veille sanitaire (CVS), le Service de lutte anti-vectorielle (SLAV), la Cellule interrégionale d épidémiologie (CIRE) Antilles-Guyane, la Direction départementale de l équipement (DDE) et l université des Antilles et de la Guyane (UAG). Nous réalisons un travail de classification des types de zones habitées à partir de données rétrospectives depuis 1996.» L objectif de ces études : déterminer en quoi la structure de l habitat pourrait influer sur la transmission de la dengue. «À terme, il sera possible d adapter des modes de construction et d encourager des pratiques d hygiène qui limitent le développement des moustiques.» Un travail de longue haleine en perspective, qui sera mené en partenariat avec les professionnels du bâtiment. * : Enquêtes entomologiques menées avec le Service de lutte anti-vectorielle (SLAV) de la Direction de la santé et du développement social (DSDS), et données épidémiologiques de la Cellule de veille sanitaire (CVS), de la DSDS et de la Cellule interrégionale d épidémiologie (CIRE) Antilles-Guyane.

Unité de recherche sur les Maladies émergentes Échanges de moustiques sous haute surveillance 84 Guyane, Martinique et Guadeloupe : les trois Départements français d Amérique (DFA) travaillent aujourd hui en réseau afin d assurer une surveillance de la propagation des maladies transmises par les moustiques. Au programme, dengue mais aussi chikungunya. De nombreux virus, portés par des moustiques ou des malades, circulent entre la Guyane et les îles de la Guadeloupe et de la Martinique. Ce n est pas nouveau. Mais comment se propagent-ils d un département à un autre? C est ce que veulent savoir les chercheurs de l unité de recherche sur les Maladies émergentes. Car s il est difficile de vérifier quotidiennement combien de voyageurs sont porteurs du virus et combien de moustiques sont transportés, les chercheurs ont mis en évidence de très fortes ressemblances génétiques et biologiques entre les vecteurs et entre les virus des trois DFA. «Cela prouve qu il y a des échanges de virus et de vecteurs entre les départements», confirme le docteur Marrama. Les autorités sanitaires locales ont décidé d enclencher un système de surveillance

Unité de recherche sur les Maladies émergentes commun pour pister les intrus. Chapeauté par la Cellule interrégionale d épidémiologie (CIRE) Antilles-Guyane et la Direction de la santé et du développement social (DSDS), ce système de surveillance repose sur des protocoles opérationnels établis permettant de tirer la sonnette d alarme avant que des vagues épidémiques ne se déclarent parmi les populations humaines. Le chikungunya aux portes de la Caraïbe La dengue n est pas la seule menace. Le chikungunya en est une autre depuis l épidémie de 2005 à la Réunion. Ce virus est véhiculé par l espèce de moustique Aedes albopictus. Originaire d Asie, l insecte a déjà réussi à s introduire en Europe en 2007, en Italie et en France notamment. Dans la Caraïbe, le chikungunya est devenu un grand sujet de préoccupation pour les autorités sanitaires locales. Des cas cliniques ont été décelés à Saint-Martin et en Guyane. Dans ce contexte, l expertise de l unité de recherche sur les Maladies émergentes s avère plus qu utile. L équipe de recherche travaille actuellement sur l adaptabilité des techniques de dépistage de la dengue au virus du chikungunya. «Cela devenait urgent d ajuster les protocoles sur le terrain et en laboratoire pour rechercher précisément ce virus, explique Laurence Marrama. Sans faire dans l alarmisme, le chikungunya est littéralement à nos portes!» De réelles menaces De leur côté, les services de lutte antivectorielle de Guadeloupe et de Martinique sont de plus en plus vigilants au niveau des aéroports et des ports. Cependant, ce qui inquiète le plus les chercheurs est ailleurs. Le moustique vecteur de la dengue, Aedes aegypti, est lui aussi un excellent vecteur du virus du chikungunya. «Il est plus que probable qu un cycle de développement du chikungunya s initie aux Antilles. Toutes les conditions sont réunies : le virus peut être introduit par des voyageurs malades, il y a des risques d entrée du moustique Aedes albopictus et de transmission du chikungunya par Aedes aegypti.» La menace est donc sérieuse et l équipe du docteur Marrama ne la prend pas à la légère. «Notre laboratoire est doté de techniques validées pour la dissection des insectes et la recherche du virus par biologie moléculaire. Il sert également de référence pour la Guyane et la Martinique. Ce travail en commun devenait indispensable.» Ignace Rakotoarivony, technicien supérieur de recherche en entomologie Piqué par le virus des moustiques D origine malgache, Ignace Rakotoarivony a fait ses études de biologie à la faculté des sciences d Antananarivo. En 1986, il entre comme technicien supérieur à l Institut Pasteur de Madagascar pour travailler sur les maladies véhiculées par les moustiques, dont le paludisme. «La conjoncture économique de l époque n était pas favorable. Ce travail s est offert à moi, je n ai pas refusé. Je suis donc devenu technicien entomologiste un peu par hasard. Je ne regrette absolument rien aujourd hui Partir à la recherche de moustiques sur le terrain est devenu un grand plaisir!» Très vite, il se familiarise avec les techniques de prélèvement et de dissection en laboratoire. En 1999, il part pour le Sénégal et devient technicien à l Institut de recherche et de développement (IRD) de Dakar. En 2007, une nouvelle opportunité se présente à lui. Il se joint au docteur Marrama lorsque L Institut Pasteur ouvre l unité de recherche sur les Maladies émergentes à l Institut Pasteur de la Guadeloupe. Ses tâches sont multiples : entretien des élevages de moustiques, captures de moustiques, d œufs et de larves, dissection et recherche de virus chez les insectes et dans le sang humain «La diversité de mon travail est telle qu elle ne laisse aucune place à l ennui.» Actuellement, il observe de près la circulation du virus de la dengue chez les hommes, dans le cadre des projets de recherche et du système de surveillance mis en place dans la Caraïbe. 85

Unité de recherche sur les Maladies émergentes Moins connue que la dengue, la leptospirose frappe discrètement mais sûrement, causant la mort de plusieurs personnes chaque année en Guadeloupe. L objectif du laboratoire est de créer sur place une antenne détachée du Centre national de référence sur la leptospirose. Leptospirose : une maladie discrète mais présente En Guadeloupe, la leptospirose est considérée par les autorités sanitaires comme l une des maladies infectieuses les plus préoccupantes. Si la première sur la liste est la dengue, la leptospirose, inscrite au deuxième rang, tue beaucoup plus. Sur les quatre-vingts à cent cas de leptospirose détectés chaque année, deux à quatre s avèrent mortels. C est vingt à quarante fois plus qu en France métropolitaine. D origine bactérienne, cette maladie s exprime sous des formes multiples. Elle peut être asymptomatique (c est-à-dire sans symptôme) présenter des formes modérées (des symptômes grippaux que l on confond souvent avec la dengue) ou encore montrer des formes beaucoup plus graves telles que la maladie de Weil. Au paroxysme de l infection, celle-ci est caractérisée par une défaillance hépatorénale très brutale qui aboutit à la mort. «Les patients atteints de la maladie de Weil arrivent à l hôpital dans un état critique et meurent souvent dans les 48 heures», décrit le docteur Alain Berlioz-Arthaud, responsable du laboratoire d Analyses de biologie médicale (LABM). Malgré l importance de cette maladie infectieuse en Guadeloupe, le LABM n a actuellement pas la capacité pour effectuer des tests de diagnostic précoces, qui consistent à rechercher la présence de la bactérie responsable de la maladie, le leptospire. «Nous sommes obligés d envoyer les prélèvements à l Institut Pasteur de Paris qui est le centre national de référence sur la leptospirose. Les malades sont forcément tributaires des délais d attente.» Véhiculée par les urines Endémique dans la zone intertropicale, la leptospirose survient toute l année sous des climats chauds et humides. Dans les pays tempérés, on ne la retrouve généralement qu à la fin de l été, car la bactérie ne survit pas dans un environnement soumis aux basses températures de l hiver. Comment se transmet la leptospirose? Des animaux à l homme. Tous les mammifères peuvent être porteurs de leptospires, Les rongeurs peuvent être porteurs de leptospires. 88

Unité de recherche sur les Maladies émergentes mais ce sont les petits rongeurs rats et souris en particulier qui sont les principaux réservoirs du système de transmission. Durant toute leur vie, ils portent la bactérie sans être malades mais ils la répandent par le biais de leurs urines. L homme peut être ainsi contaminé directement par voie transcutanée. Une simple griffure suffit. Le leptospire se transmet par ailleurs aux animaux d élevage. Bovins, porcins et caprins développent des infections chroniques. Au contact des rongeurs ou des animaux domestiques, les égoutiers et les éboueurs, les producteurs de canne à sucre, de banane, les éleveurs et les vétérinaires courent donc le risque d exposition le plus élevé. Propagée dans la nature Loin de se limiter au réservoir animal, les leptospires contaminent également l environnement, en particulier en milieu tropical. Les animaux d élevage atteints par la maladie participent à son ensemencement en urinant dans les milieux naturels. Prés humides, bords de rivières à faible courant, bords de mare, eaux Les leptospires peuvent contaminer l'environnement. stagnantes, terrains boueux constituent des secteurs à risque où marcher pieds nus ou se baigner peuvent s avérer extrêmement dangereux. Face à cette situation d urgence, l Institut Pasteur de la Guadeloupe souhaite mobiliser des moyens sur la leptospirose. Le but à terme? Créer une antenne détachée du Centre national de référence sur la leptospirose. L unité du docteur Marrama devrait bientôt valider des outils de diagnostic avec le LABM et le Centre hospitalier universitaire (CHU) afin de lancer un système de surveillance adapté. LABM, un laboratoire polyvalent Avec deux pharmaciens biologistes à sa tête, l équipe du laboratoire d Analyses de biologie médicale (LABM) est composée de cinq techniciens supérieurs, de trois secrétaires médicales, d une infirmière et de deux agents administratifs. Chaque jour, le LABM assure des prélèvements sur 40 à 60 patients et réalise des analyses dans divers domaines : bactériologie, parasitologie, mycologie, biochimie, hématologie et immuno-sérologie. Le laboratoire traite également des demandes extérieures en santé publique, en particulier celles qui émanent des centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH et des MST ainsi que des services de protection maternelle et infantile. Les équipements récemment acquis au sein du LABM ont permis une automatisation avancée de ses activités. Parallèlement, un système informatique centralisé coordonne la totalité des opérations effectuées, de la saisie des prescriptions à la sauvegarde légale des résultats. Le laboratoire poursuit aujourd hui ses efforts dans le sens d une démarche d assurance qualité à travers le programme national «bioqualité» et la mise en conformité aux référentiels actuels, en particulier le guide de bonne exécution des analyses. Objectif en perspective : obtenir l accréditation Cofrac. 89