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Kantonsgericht KG Rue des Augustins 3, case postale 1654, 1701 Fribourg T +41 26 304 15 00, F +41 26 304 15 01 www.fr.ch/tc 605 2012 343 Arrêt du 21 octobre 2013 I e Cour des assurances sociales Composition Présidente: Anne-Sophie Peyraud Juges: Josef Hayoz, Marianne Jungo Greffier-rapporteur: Marc Boivin Parties A., Me Jean-Michel Duc, avocat, contre CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, représenté par Me Olivier Derivaz, avocat, Objet Assurance-accidents Recours du 14 septembre 2012 contre la décision sur opposition du 20 juillet 2012 Pouvoir Judiciaire PJ Gerichtsbehörden GB

Page 2 de 13 considérant en fait A. A., né en 1963, mécanicien-électricien, a été victime d un grave accident de la route le dimanche 1 er avril 2001. Alors qu il circulait à moto, une voiture arrivant trop vite en sens inverse s est soudainement déportée à la sortie d un long virage et l a violemment percuté au niveau du flanc gauche. Polytraumatisé par ce choc, il a dû être amputé de la jambe gauche, à mi-cuisse. Il a également perdu l usage de son bras gauche. Son cas a été pris en charge par la Caisse nationale suisse d assurance en cas d accidents (SUVA), à Lucerne, auprès de laquelle il était assuré par le biais son employeur contre le risque d accidents professionnels et non professionnels. Elle lui a ainsi alloué une rente entière fondée sur un degré d invalidité de 100% et une indemnité pour atteinte à l intégrité fondée sur un degré de 90%, ainsi qu une allocation pour impotence de degré faible. Il a aussi touché une rente entière de l assurance-invalidité. Envisagée dans un premier temps, une réinsertion professionnelle n avait finalement pas abouti. B. La SUVA a en outre pris à sa charge, entre autres moyens auxiliaires, la pose d une prothèse mécanique de la jambe gauche. A. a demandé en août 2011 que cette dernière prothèse soit remplacée par un modèle électronique de type CAT-CAM accompagné d un genou C-Leg. Par décision du 24 mai 2012, confirmée sur opposition le 20 juillet 2012, la SUVA a refusé cette prise en charge pour le motif que le nouveau modèle, plus cher et devisé à 41'049 fr. 55, ne pouvait être considéré comme simple et adéquat, n étant par ailleurs de nature à influencer le taux d invalidité, faute de toute perspective ou réel espoir de reconversion professionnelle. La SUVA a en revanche accepté de lui remplacer l ancien modèle par un autre modèle mécanique, selon devis devant toutefois lui être soumis. C. Alors représenté par Me René Scheuwly, avocat, A. interjette recours contre cette dernière décision sur opposition le 14 septembre 2012, concluant avec suite de dépens à son annulation et, partant, à la prise en charge du nouveau modèle de prothèse. Il soutient que le modèle de prothèse mécanique installé à l époque n est plus adapté et qu il doit être remplacé par une prothèse électronique rendant possible une démarche anatomiquement plus harmonieuse et moins saccadée, et donc plus sécuritaire, ce qui pourrait du reste même soulager ses lombalgies. Il lui était en effet souvent arrivé de tomber avec l ancien modèle. La pose de ce nouveau modèle lui permettrait par exemple de monter les escaliers ce qui pourrait économiser l installation d un lift à domicile. Elle favoriserait en outre une réinsertion professionnelle à temps partiel dans le domaine de l informatique. Il reproche au fond à la SUVA de s être fixée sur le seul prix du nouveau modèle pour le déclarer inadéquat. Il y voit là, enfin, une violation de l égalité de chances données à une personne gravement atteinte à sa santé par le refus implicite de croire en ses chances de se réadapter. Il requiert enfin une séance de débats publics au cours de laquelle devraient être entendus certains des médecins dont l avis figure au dossier. Dans ses observations du 22 octobre 2012, la SUVA, représentée par Me Olivier Dérivaz, à Monthey, propose le rejet du recours. Selon elle, une prothèse équipée de microprocesseurs, bien que susceptible d améliorer la mobilité et le confort, doit être considérée comme un moyen

Page 3 de 13 auxiliaire sophistiqué au coût élevé ne sachant substantiellement modifier la capacité de travail du recourant qui n exerce plus aucune activité professionnelle depuis 2001. Les conditions de simplicité et d adéquation ne sont ainsi pas remplies. Un tel surcoût devrait être assumé par le recourant lui-même. A l issue d un second échange des écritures, les parties ont campé sur leurs positions. Désormais représenté par Me Jean-Louis Duc, avocat à Lausanne, le recourant a en effet maintenu ses conclusions et sa requête de débats publics: il demande qu y soit également entendue son épouse et qu y soit projetée une vidéo réalisée à la Clinique romande de réadaptation (CRR), à Sion. Il soutient que la pose de la prothèse litigieuse, qui remplit tous les critères de simplicité et d adéquation au sens où l entend la jurisprudence, contribuerait également au maintien de ses contacts sociaux. Il ajoute qu un surcoût serait en fin de compte mis à la charge de l assurance RC du conducteur responsable de son accident et que la SUVA pourrait ainsi se faire rembourser. La SUVA fait remarquer en dernier lieu qu il ne lui incombe pas d intervenir et suggère au recourant de s adresser plutôt au tiers responsable, voire à l assurance-invalidité. Pour autant que cela soit utile à la solution du litige, il sera fait état du détail de leurs arguments dans les considérants de droit du présent arrêt, dans le cadre desquels seront notamment examinés leurs moyens de preuve. en droit 1. Le recours, interjeté en temps utile - compte tenu des féries judiciaires estivales - et dans les formes légales auprès de l'autorité judiciaire compétente à raison du lieu ainsi que de la matière, est recevable, le recourant, dûment représenté, étant en outre directement atteint par la décision querellée et ayant dès lors un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit, cas échéant, annulée ou modifiée. 2. a) Aux termes de l art. 6 al. 1 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l assurance-accidents (LAA; RS 832.20), les prestations d assurance sont allouées en cas d accident professionnel, d accident non professionnel et de maladie professionnelle. b) Selon l'art. 11 LAA, l'assuré a droit aux moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d'une fonction. L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que les moyens auxiliaires sont d'un modèle simple et adéquat. L'assureur les remet en toute propriété ou en prêt. Le Conseil fédéral établit la liste de ces moyens auxiliaires (art. 11 al. 1, 2ème phrase LAA). Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil fédéral, en arrêtant l'art. 19 OLAA, a lui-même sous-délégué ses pouvoirs au Département fédéral de l'intérieur qui, dans l'ordonnance sur la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-accidents (OMAA), a dressé une liste des moyens auxiliaires, laquelle comprend notamment les prothèses fonctionnelles pour les pieds et les jambes et les appareils pour les jambes. Cette liste en annexe de l'omaa ainsi que celle en annexe à l'ordonnance sur la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI), qui est plus complète que celle de l'assureur-

Page 4 de 13 accidents, sont exhaustives dans la mesure où elle énumère les catégories de moyens auxiliaires entrant en ligne de compte; en revanche, l'énumération des divers moyens auxiliaires cités dans chacune des catégories n'a qu'une valeur indicative (ATF 108 V 5, cons, lb; ATF 114 V 306, cons. 4). Aux termes de l'art. 1 OMAA, l'assuré a droit aux moyens auxiliaires figurant sur la liste en annexe, dans la mesure où ceux-ci compensent un dommage corporel ou la perte d'une fonction qui résulte d'un accident ou d'une maladie professionnelle (al. 1). Le droit s'étend aux moyens auxiliaires nécessaires et adaptés à l'atteinte à la santé, d'un modèle simple et adéquat, ainsi qu'aux accessoires indispensables et aux adaptations qu'exige l'atteinte à la santé. Le nombre et les caractéristiques des moyens auxiliaires doivent répondre tant aux exigences de la vie privée qu'à celles de la vie professionnelle (al. 2). Lorsque l'assurance-accidents est tenue de fournir un moyen auxiliaire, tout droit analogue envers l'assurance-invalidité est exclu (al. 3). c) Selon l art. 21 de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI; RS 831.20), l'assuré a droit, d'après une liste que dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour maintenir ou améliorer sa capacité de gain, pour étudier, apprendre un métier ou se perfectionner, ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle. Les frais de prothèses dentaires, de lunettes et de supports plantaires ne sont pris en charge par l'assurance que si ces moyens auxiliaires sont le complément important de mesures médicales de réadaptation (al. 1). L assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin d'appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu'établira le Conseil fédéral (al. 2). L'assurance prend à sa charge les moyens auxiliaires d'un modèle simple et adéquat et les remet en propriété ou en prêt (al. 3). Dans un arrêt rendu en matière d assurance-invalidité, la Haute Cour a admis qu'en principe, une prothèse de la cuisse équipée d'un genou articulé contrôlé par micro-processeur (prothèse C-Leg) pouvait entrer en considération au titre de moyen auxiliaire; sa remise à la charge de l assurance est néanmoins limitée aux cas dans lesquels il existe un besoin de réadaptation particulièrement élevé, in casu: des exigences professionnelles spéciales en ce qui concerne l'aptitude à marcher et une réduction du risque de chutes (ATF 132 V 215, cons. 4.3.3 et 4.3.4). d) D'après la jurisprudence, les prix limites fixés par l'ofas dans ses directives concrétisent l'exigence légale du caractère simple du moyen auxiliaire et aussi, dans une certaine mesure, de son caractère adéquat. Une application correcte de la loi suppose que l'on s'en tienne, en principe tout au moins, à ces limites de coûts (ATF 130 V 172 consid. 4.3.1 in fine et les références). Pourtant, il peut arriver que le prix d'un moyen auxiliaire dépasse cette limite et que celui-ci soit néanmoins d'un modèle simple et adéquat, parce que conçu pour un handicap particulier (voir par exemple ATF 123 V 18). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral des assurances avait à juger du droit d'un assuré à un fauteuil roulant électrique d'un montant de 16'835 francs alors que le prix maximum prévu par la directive administrative en ce domaine s'élevait à 13'800 francs. Toutefois, lorsqu'il existe une disproportion manifeste entre le coût et l'utilité du moyen auxiliaire, l'assurance n'a pas à en assumer les frais (cf. ATF 107 V 88 consid. 2). 3. Est en l espèce litigieuse la prise en charge, au titre de moyen auxiliaire, d une prothèse de la jambe avec un genou articulé électronique (C-Leg). La SUVA considère qu un moyen auxiliaire aussi sophistiqué ne peut être considéré comme simple et adéquat et n est en outre pas de nature à améliorer la capacité de travail du recourant.

Page 5 de 13 Ce dernier est d un avis tout à fait contraire. Il s agit en l espèce de se référer au dossier constitué par la SUVA. a) accident et ses suites Le recourant a été victime d un accident de la circulation l après-midi du dimanche 1 er avril 2001. Il circulait normalement à moto sur la route cantonale lorsqu il fut percuté par une voiture qui arrivait trop vite en sens inverse et qui s est déportée sur la voie du recourant à la sortie d une longue courbe à droite (cf. rapport de police, dossier SUVA, annexe pièce 10). Touché au niveau du flanc gauche, il a subi de très graves blessures. Sa jambe gauche fut notamment sectionnée dans l accident, selon un témoin qui lui a porté secours (cf. rapport de police précité), ce qui lui a valu d être plus tard amputé à mi-cuisse. Il a également perdu toute sensibilité au niveau du bras gauche, qui reste encore aujourd hui paralysé. Les lésions subies au cours de cet accident ont été énumérées par le Prof. B., directeur médical de la Clinique romande de réadaptation (CRR), à Sion, dans un rapport du 6 décembre 2001 qui attestait de la gravité du cas et laissait d emblée présager de la persistance, à l avenir, d importantes séquelles: «Traumatisme crânio-cérébral avec contusion basi-frontale gauche hémorragique. Fracture ouverte du bassin type Open-book traitée par fixateur externe le 01.04.01. Fracture ouverte stade III C multi-fragmentaire du fémur gauche avec amputation traumatique du pied G. Fracture diaphysaire fermée de l'humérus gauche traitée par ostéosynthèse le 01.04.01. Fractures ouvertes stade III C des deux os de l'avant-bras gauche traitées par fixateur externe le 01.04.01 et par plaques-vis le 13.07.01. Avulsion traumatique du plexus brachial gauche avec, le 01.04, exploration du plexus brachial et le 29.01, neurolyse étendue du plexus brachial, neurotisation des branches du nerf musculo-cutané par le nerf cubital. Rupture bi-focale de l'artère sous-calvière gauche traitée par pontage axilo-huméral gauche, le 01.04. Fractures multifragmentaires de l'omoplate gauche, traitées conservativement. Atteinte du nerf sciatique poplité externe droit en peropératoire traitée par neurolyse du SPE, le 13.07.01» (dossier SUVA, pièce 48). Dans les années qui ont suivi, une reconversion professionnelle du recourant, mécanicienélectricien né en 1963, a été tentée avec le concours de l assurance-invalidité (AI), mais celle-ci n a toutefois pas abouti et c est ainsi que, au printemps 2007, l AI et l assurance-accidents ont toutes deux reconnu son droit à une rente entière: «En début d'entretien, je refais l'historique du cas et notamment pourquoi l'ai et la Suva sont arrivés à la conclusion que l'assuré avait droit à une rente entière. En effet, malgré de très bonnes dispositions dans le domaine informatique, tel que cela avait été révélé à la suite d'un séjour aux ateliers de la CRR à Sion, l'assuré n'a pu suivre les cours de l'école d'ingénieur de Fribourg parce qu'il ne travaillait que les sujets qui l'intéressaient. Or, pour parvenir au diplôme, il fallait ne pas laisser tomber, comme il l'a fait, des branches comme les langues étrangères. Depuis son accident, l'assuré ne fait que ce qui l'intéresse. Il en était déjà de même lorsqu'il était placé à l'orif à Morges dans l'optique d'une formation type CFC. Mme, de l'oai Fribourg, avait ensuite essayé de lui trouver une place de travail dans une entreprise de la région fribourgeoise, sans succès. A noter que l'assuré n'était pas toujours très collaborant. A certaines périodes, il n'était même plus joignable» (rapport SUVA du 12 octobre 2010, dossier SUVA, pièce 280). Si ce dernier rapport, au demeurant rédigé en 2010, semble rendre le recourant en partie responsable de l échec, en 2007, de cette tentative de réadaptation, on peut toutefois partir du

Page 6 de 13 principe que celle-ci a également pu être entravée par la gravité et la spécificité de ses atteintes et qu un droit aux prestations des assurances sociales se justifiait tout particulièrement dans son cas. L AI a au reste encore confirmé son droit à la rente entière après une révision d office introduite en 2011. La SUVA lui a pour sa part octroyé le 2 avril 2007 une rente entière fondé sur un degré d invalidité de 100%, ainsi qu une allocation pour impotent de degré faible et, enfin, une indemnité pour atteinte à l intégrité de 90%, ce qui allait précisément dans le sens de la reconnaissance des sérieux dommages corporels subis (cf. dossier SUVA, pièce 218). b) moyens auxiliaires pris en charge La SUVA lui a également octroyé des moyens auxiliaires pour l aider à se déplacer. Pour les longs déplacements, le recourant devait en effet désormais utiliser un fauteuil roulant. Pour les trajets plus courts, on lui installa une prothèse dotée d un genou mécanique pour remplacer sa jambe gauche. Il a d emblée rencontré des problèmes avec cette prothèse, laquelle a dû être adaptée à plusieurs reprises : «Sur le plan orthopédique, nous avons adapté la prothèse du MIG en l équipant d un bas en silicone permettant un meilleur contact avec le fût prothétique. Nous avons été frappés par la position en abduction au niveau de la hanche avec une prothèse partant en varus. Pour compenser cette dernière déviation, la prothèse a été adaptée d une manière progressive pour diminuer la position vicieuse» (rapport du 6 décembre 2001 du Prof. B., dossier SUVA, pièce 48). Au début de l été 2003, il s en plaignait encore: «A eu une première prothèse provisioire à l Hôpital cantonal de Lausanne, dont l adaptation a été difficile (7 e mois post-opératoire). On a confectionné une nouvelle prothèse à Sion, qui semble mal adaptée et qui lui fait mal à la hanche. ( ) Il y a lieu pour l instant de tenter au maximum d adapter la prothèse. Le moignon n est en soi pas mauvais, il est certes court» (rapport du 16 juin 2003 du Dr C., spécialiste en chirurgie orthopédique, dossier SUVA, pièce 116). Des pièces figurant au dossier donnent une idée des difficultés éprouvées à l automne 2003 par le recourant dans ses déplacements : «Pour le reste, la prothèse semble actuellement assez bien adaptée mais il va falloir en changer prochainement. Le deuxième fauteuil roulant est en voie de livraison» (rapport d entretien téléphonique du 8 septembre 2003, dossier SUVA, pièce 123); «Cet orthopédiste m'explique qu'il n'est pas question de refaire une prothèse à l'assuré puisqu'il y a eu une modification importante en août sur la prothèse existante, sous forme d'adaptation du fût. En revanche, l'assuré avec le handicap qu'il présente au bras, n'arrive pas à mettre sa prothèse seul. Il faut lui faire un système qui lui permette de l'enfiler d'une seule main et c'est ce qui a été décidé» (rapport d entretien téléphonique du 17 novembre 2003, dossier SUVA, pièce 127).

Page 7 de 13 Au printemps 2005, la prothèse a à nouveau dû être adaptée : «Le patient se plaint dès l'entrée d'un problème de douleurs dues à la prothèse sur appui au niveau de l'ischion. Nous avons donc fait intervenir les ateliers orthopédiques, pour l'ajustement du fût de la prothèse, qui finalement a dû être remplacée, avec, à la clé, une nette diminution des douleurs, chez un patient très satisfait du résultat. Il a bénéficié d'une évaluation en physiothérapie, qui retrouve une nette amélioration lors du port de la prothèse, aussi bien en station debout qu'en station assise. Ainsi, il peut à la sortie fléchir le genou lors de la marche sur de courtes distances, avec ou sans canne» (rapport du 2 avril 2005 des Drs D. et E., chefs de service et spécialistes FMH en neurologie auprès de la CRR, à Sion, dossier SUVA, pièce 164). Au printemps 2011, la situation s est toutefois nettement péjorée, le recourant indiquant même chuter souvent avec sa prothèse: «Cette dame m'informe que l'assuré a fait plusieurs chutes ces derniers temps parce que sa prothèse n'est plus adaptée et qu'elle ne reste pas en place. ( ) J'informe cette dame que pour la prothèse, il faut qu il prenne contact avec l'atelier d'orthopédie de la CRR qui sera le plus à même de juger des travaux à entreprendre pour la prothèse ou fournir carrément une nouvelle si elle n'est plus adaptable» (rapport d entretien téléphonique du 24 mai 2011, dossier SUVA, pièce 288). Le recourant a fini par consulter un nouvel orthopédiste qui est arrivé à la conclusion que l ancienne prothèse n était plus du tout adaptée: «Suite à l'accident survenu le 01.04.2001 et dont il a été la victime, il est appareillé depuis ce moment d'une prothèse fémorale du côté gauche. Cet appareillage datant de 2004 et n'étant plus adapté à son moignon, notre patient aurait en principe droit à un renouvellement de sa prothèse. ( ) En ce qui concerne le genou prothétique, le total knee qui équipe sa prothèse actuelle ne lui convient pas du tout. De par le fait que cette articulation repose sur le principe d'un genou totalement libre, elle s'avère être impossible à contrôler par le patient et de ce fait, devient même particulièrement dangereuse à l'usage. Il est déjà tombé plusieurs fois» (rapport du 31 août 2011, dossier SUVA, pièce 292). C est ainsi qu il a fini par demander son remplacement par le nouveau modèle qui fait l objet du présent litige. c) critères d adéquation et de simplicité de la prothèse litigieuse Le type de modèle que le recourant souhaite voir pris en charge est décrit par le même orthopédiste: «Après avoir longuement étudié sa démarche et sa sécurité avec sa prothèse actuelle et pris en considération ses besoins futurs, nous sommes arrivés à la conclusion que le mieux pour lui serait la conception d'une prothèse de type CAT-CAM accompagnée d'un genou C- Leg. En effet, il est déjà équipé d'un système de fût type CAT-CAM dont le principe lui convient mieux qu'une emboîture quadrilatérale. Mais ce dernier ne repose pas sur le système 1SNY qui lui serait plus agréable en position assise» (rapport précité). Un tel modèle serait particulièrement adapté: «Ayant avant tout un grand besoin de sécurité et de confiance dans sa prothèse, sans pour autant devoir se retrouver complètement handicapé par un genou à verrou, le C-Leg est actuellement le seul genou du marché qui pourrait lui permettre une démarche anatomiquement harmonieuse, sans lui provoquer les problèmes inhérents à une articulation verrouillée, tout en lui garantissant un niveau de sécurité extrêmement élevé» (rapport précité).

Page 8 de 13 La SUVA a d emblée annoncé un refus catégorique de prendre en charge ce type de modèle équipé de micro-processeurs : «En revanche, la Suva ne prend pas en charge les nouvelles prothèses de type C-Leg (soit genou piloté par un micro processeur). Le vendeur du magasin a fait l'article à l assuré en lui affirmant que ce type de prothèse pouvait réduire les douleurs dorsales qu'il ressent fréquemment. Il n'y a, malgré tout, aucune chance pour que la Suva intervienne pour des prothèses de ce type» (rapport d entretien téléphonique du 17 juin 2011, dossier SUVA, pièce 289). Pour autant, ses spécialistes ne semblaient pas de cet avis, le Dr F., spécialiste FMH en chirurgie orthopédique auprès de la SUVA, à Lucerne, suggérant au contraire d évaluer à la CRR les effets d une telle nouvelle prothèse sur le recourant, dans la mesure où celle-ci pourrait être indiquée: «Auch ohne nähere Kenntnisse der Befunde kann ich ihm einordnen unter Stufe 1: Indikation erfüllt. Es handelt sich um einen einseitigen Oberschenkelamputierten. Ich gehe davon aus, dass ein Mobilitätsgrad respektive eine Aktivitätsklasse mindestens 3, das heisst Aussenbereichsgeher das Ziel sein wird oder schon bisher erreicht worden ist. Es liegt zudem eine Mehrfachbehinderung vor aufgrund der oben geschilderten schweren Zusatzverletzungen, namentlich einer Plexus brachialis-läsion. Wie mir Dr. L. heute auf telefonische Anfrage angegeben hat, wird Dr. B. wahrscheinlich zusammen mit dem Orthopädietechniker, zunächst einmal für die Versorgung des Schaftes (le fût) besorgt sein. Da es sich um das erste Assessment eines C-Legs im CRR und wahrscheinlich auch um das erste ausserhalb der Rehaklinik Bellikon handelt, habe ich mich dazu mit Dr. T., Leitender Arzt Orthopädische Rehabilitation in der Rehaklinik Bellikon, unterhalten. Er ist einverstanden damit, dass auch in der CRR ein Assessment durchgeführt wird» (rapport du 22 septembre 2011, dossier SUVA, pièce 293). d) critères d adéquation et de simplicité aa) Les médecins de la CRR dès lors appelés à se prononcer dans le cadre de cette évaluation sont parvenus à la conclusion que la nouvelle prothèse devait être prise en charge par la SUVA: «Au terme de l'évaluation de synthèse, les membres du team d'évaluation recommandent donc la prise en charge d'un genou électronique, type C-Leg» (rapport du 25 janvier 2012 du Dr G., chef de service à la CRR, spécialiste FMH en médecine physique et réhabilitation et en chirurgie orthopédique, dossier SUVA, pièce 301). Ils ont constaté que l utilisation d une telle prothèse serait bénéfique d un point de vue médical. Celle-ci rééquilibrerait en effet la démarche du recourant en en améliorant tous les paramètres, ce qui était à terme même susceptible d entraîner une baisse des lombalgies. Le recourant pourrait ainsi l utiliser pour la totalité de ses sorties à l extérieur, ce qui n était apparemment pas possible avec l ancien modèle : «Depuis la 1ère partie de l'évaluation qui a été pratiquée le 07.12.2011, l'assuré a utilisé le C-Leg environ 3 semaines. En effet, dans les premiers jours, il a présenté une lésion cutanée du moignon qui a nécessité une modification du fût. Il a bénéficié de 4 séances de physiothérapie prescrites par son médecin-traitant. Il s'est très vite habitué à la nouvelle prothèse et il a rapidement compris son fonctionnement. Il n'y aurait pas eu de chute dans la période d'essai et subjectivement, il annonce une nette diminution de son appréhension à la marche, une plus grande utilisation de la prothèse et une diminution des lombalgies. L'utilisation de la prothèse serait par exemple passée à l'intérieur de 25 à 75 % du temps et à l'extérieur de 50 à 100 %.

Page 9 de 13 L'index des capacités locomotrices a aussi augmenté significativement, passant de 19/42 points à 30/42 points. Ce sont principalement les activités de base qui ont progressé pendant cette courte période d'évaluation. Objectivement, on met en évidence également une amélioration de tous les paramètres de marche ( ). L'amélioration la plus significative étant constatée pour les pentes et la descente des escaliers» (rapport précité). Les conclusions de cette évaluation ont été agréées par le Dr H., spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologique de l appareil locomoteur FMH auprès de la division prestations d assurance pour le secteur de la Suisse romande et du Tessin SUVA, à Lucerne : «D'un point de vue objectif, il a été noté une amélioration claire des performances physiques avec la prothèse robotisée, en particulier pour la montée et la descente des escaliers. En considération du résultat de l'évaluation mais également en prenant en compte les éléments anamnestiques et la présence d'une lésion séquellaire grave au membre supérieur gauche, tous les requis médicaux sont certainement réunis pour considérer justifiée la prise en charge d'une prothèse robotisée type C-Leg. Cette prothèse devrait en effet permettre de diminuer clairement le risque de chute et, partant, de lésions secondaires à ses chutes, et permettra probablement également de diminuer la sédentarité de l'assuré, respectivement de le sevrer au maximum de la chaise roulante. L'octroi de cette prothèse vise avant tout à diminuer le risque de lésions traumatiques sur chute et d'éviter une détérioration de l'état général, en raison d'une sédentarité excessive. ( ) L'évaluation effectuée à la CRR permet de conclure que la prothèse robotisée type C-Leg proposée est indiquée et que sa prise en charge par la Suva se justifie» (rapport du 8 mars 2012, dossier SUVA, pièce 304). On peut légitimement déduire de tout cela que le modèle de prothèse litigieux remplit à tout le moins le critère d adéquation. Pour la SUVA, le nouveau modèle ne remplirait toutefois pas celui de la simplicité. bb) En ceci, la SUVA fait implicitement valoir que la prothèse demandée, devisée à 41'049 fr. 55 (cf. devis du 31 août 2011, dossier SUVA, annexe à la pièce 292), est trop chère. Elle la qualifie en effet de sophistiquée et préconise la prise en charge d un modèle simple: «De fait, la Suva ne peut prendre une charge une prothèse d'une telle sophistication. En revanche, nous acceptons le remplacement de votre prothèse actuelle par un modèle simple, selon un devis qui devra nous être soumis pour approbation» (courrier du 13 mars 2012, dossier SUVA, pièce 305). Pour autant, elle n indique pas en quoi les coûts habituellement prévus pour ce genre de prothèse électronique seraient dépassés. Par modèle simple, elle entend donc plutôt un modèle de type mécanique. Or, on a déjà pu voir que le recourant n avait cessé de se plaindre de sa prothèse mécanique. Plusieurs rapports médicaux donnent en fait à penser qu elle n était dès le départ pas adaptée au cas du recourant. Ce dernier n a en effet pas seulement perdu sa jambe gauche dans l accident: il a également perdu l usage de son bras gauche, ce qui le limite d autant plus dans sa démarche et, malgré la prothèse mécanique, il devait encore s aider d une canne avec l autre bras: «Ne peut marcher que 50 mètres sans avoir de douleurs, en s appuyant sur une canne à droite, car il ne peut pas utiliser son membre supérieur gauche. ( ) Le membre supérieur gauche est complètement paralysé, signale des douleurs à la mobilisation de son bassin» (rapport du 16 juin 2003 du Dr C., dossier SUVA, pièce 116).

Page 10 de 13 Ce double handicap fragilise son équilibre: «Il a aussi perdu l'usage de son bras gauche lors de son accident, il ne peut malheureusement essayer de se rattraper qu'avec la main droite lorsqu'il risque de chuter. En pratique, lorsque cela se produit, il essaye plutôt d'attraper son bras gauche lorsqu'il tombe afin de le protéger et éviter de le casser et ceci, au détriment d'un rétablissement éventuel sur ses jambes ou d'une protection de sa tête. Son bras gauche, inutilisé, est très délicat car il est fortement ostéoporotique et consolidé par des plaques métalliques ainsi que des vis qui risquent de perforer les chairs en cas de chute» (rapport du 31 août 2011 de l orthopédiste, dossier SUVA, pièce 292). Avec un seul bras valide, qui plus est celui opposé à la jambe invalide, l on peut bien se figurer qu il lui est difficile de compenser ces pertes d équilibre. D ailleurs, à l occasion de l évaluation de la nouvelle prothèse au CRR, on a également mesuré les performances du recourant avec une prothèse mécanique et l on a pu se rendre compte des difficultés concrètes qu il éprouvait à se déplacer avec un tel modèle : «Marche à plat: une base de sustentation élargie et une légère asymétrie du pas en faveur du pas D, une absence du balancement du bras G. Une diminution de la flexion de hanche G en fin d'oscillation. Un mouvement de circumduction important de la jambe prothétique en raison de la non-utilisation de la flexion du genou G. Le sujet marche lentement à l'aide d'un bâton de marche et le rythme est peu harmonieux. Marche en pente 12% : utilisation de la barrière à la montée comme à la descente asymétrie de la longueur du pas avec à la montée un pas D légèrement plus court (dépassement du pied prothétique présent) et à la descente une asymétrie plus importante. Le genou prothétique reste verrouillé en extension. Marche en pente 20%: utilisation de la barrière à la montée comme à la descente. Montée en travers avec le MI G en rotation externe pour éviter le déclenchement de la flexion du genou. Descente avec des petits pas et une vitesse de marche nettement diminuée. Le genou est verrouillé tout au long du cycle de marche» (rapport d évaluation de M. I., physiothérapeute diplômé, dossier SUVA, annexe à la pièce 301). Cela sans compter qu avec cet ancien modèle, le recourant devait encore utiliser la moitié du temps un fauteuil roulant électrique pour se déplacer, si bien que l on peut raisonnablement se poser la question du réel apport d une prothèse mécanique: «Le patient se déclare indépendant pour mettre seul sa prothèse, mais néanmoins avec des difficultés qui sont liées à la plégie du MSG. La prothèse est portée 7 j/7, environ 5 à 7 h/jour. A l'intérieur de la maison, il se déplace à 75 % environ en fauteuil roulant et à 25 % en marchant avec sa prothèse. A l'extérieur de la maison, la proportion est de 50 % de fauteuil roulant et 50 % avec la prothèse. Les raisons en sont multiples : pas assez rapide, trop fatiguant, distances trop longues, instabilité avec peur de tomber sont les principales. En dehors de très courts trajets (quelques pas), il utilise avec la prothèse systématiquement une canne à l'intérieur et à l'extérieur de la maison. Le transport est effectué essentiellement avec son véhicule adapté. Degré de mobilité : 2» (rapport du Dr G., dossier SUVA, pièce 301). Mandatés par l AI pour une expertise pluridisciplinaire, ceci dans le cadre d une procédure en révision d office du droit à la rente entière, les spécialistes du Centre d expertise médicale, à Nyon, ont également pu observer les difficultés concrètes du recourant tout en laissant entrevoir que celles-ci pourraient même rapidement entraîner une péjoration de son état de santé : «Sur le plan orthopédique, séquelles majeures d'un polytraumatisme survenu le 1 er avril 2001 avec sur le plan fonctionnel orthopédique à l'heure actuelle, utilisation exclue de tout le membre supérieur gauche, amputation proximale du membre inférieur gauche, déplacement impossible autrement qu'en fauteuil roulant ou pour quelques pas avec un appareillage et une canne, position assise en

Page 11 de 13 fauteuil roulant limitée par l'apparition de lésions de décubitus et nécessitant de se recoucher. Il n'y a aucune raison d'imaginer une amélioration ultérieure, une péjoration est même prévisible, il y a en effet un déséquilibre global du corps. Enfin, la surcharge de son membre supérieur droit pourrait conduire de façon précipitée à une atteinte de la coiffe des rotateurs» (rapport d expertise du 30 janvier 2012 des Drs J., chirurgien orthopédique FMH, K., psychiatrepsychothérapeute FMH, et L., neurologue FMH, p. 16, dossier SUVA, annexe à la pièce 303). Certains passages de cette expertise semblent là encore démontrer que l emploi conjugué d une prothèse mécanique et d un fauteuil roulant n était pas véritablement adapté au cas du recourant : «des adaptations permanentes de l'orthèse sont nécessaires. La surveillance de l'état cutané est également nécessaire. Il ne peut pousser son fauteuil que de façon mono-manuelle droite et ceci pourrait entrainer une surcharge de son épaule droite et une décompensation plus rapide sur le plan fonctionnel, raison pour laquelle se pose la question de l'adaptation d'un fauteuil électrique» (rapport d expertise précité, p. 23). L on s aperçoit ainsi que, en lieu et place d un modèle adéquat mais pas simple, la SUVA entend préconiser dans les faits la prise en charge d un modèle simple mais inadéquat. Ceci va à l encontre même de l opinion de ses propres spécialistes. cc) On peut dès lors se ranger à l avis de ceux-ci et notamment des médecins de la CRR, qui insistent précisément sur la particularité du double handicap du recourant pour recommander la prise en charge d un nouveau modèle de prothèse électronique qui pourrait au final solutionner les nombreux problèmes de déplacement du recourant: «En prenant en compte l'ensemble de ces éléments, chez un assuré qui présente des déficiences somatiques multiples (amputation transfémorale G, plexus brachial G complet,...), il apparaît que les critères de prise en charge d'un genou électronique sont remplis» (rapport du 25 janvier 2012 du Dr G., dossier SUVA, pièce 301). Le seul argument du coût ne saurait en effet constituer un obstacle à la prise en charge d un tel type de prothèse. L on ne saurait en tous les cas le déduire ni de la loi, ni d ailleurs de la jurisprudence: le TF laisse au contraire entendre que la prise en charge d un tel type de prothèse peut entrer en considération à titre de moyen auxiliaire (cf. ATF 132 V 215). Par ailleurs, l utilisation d une prothèse électronique plus onéreuse mais justifiée en raison du double handicap du recourant serait propre à entraîner la réduction d autres coûts (lift, fauteuil roulant électrique qui ne seraient plus utiles lors des déplacements à l extérieur, frais de traitement médicaux en cas d aggravation de la santé) : «Il est aussi à signaler que l'installation d'un lift d'escalier à son domicile est actuellement à l'étude, mais ce projet pourrait être éventuellement abandonné si une prothèse munie d'un C-Leg lui apporte suffisamment de sécurité pour se mouvoir dans ce cas particulier» (rapport du 31 août 2011 de l orthopédiste, dossier SUVA, pièce 292). La SUVA fait encore valoir que la prothèse envisagée n aurait aucune influence sur la capacité de travail et elle en tire un argument de refus prise en charge: «Si, dans votre cas, une prothèse avec C-Leg peut se justifier médicalement, il n'en est pas de même sur le plan économique. En effet, la remise d'un genou articulé électronique n'influencera pas votre taux d'invalidité» (son courrier du 13 mars 2012, dossier SUVA, pièce 305). En d autres termes, la prothèse ne favoriserait pas les chances d une réadaptation professionnelle du recourant.

Page 12 de 13 Cette question ne paraît toutefois pas être déterminante dans le système de l assurance-accidents qui ne prévoit en effet pas de mesures de réadaptation professionnelle, contrairement à celui de l assurance-invalidité. Cela d autant moins que, comme le fait très justement observer le recourant, si l on devait s en tenir à la pure logique de l assurance-invalidité, pour autant qu elle soit applicable en l espèce, la nouvelle prothèse devrait également l aider à maintenir ses contacts sociaux au sens de l art. 21 al. 2 LAI en lui rendant une liberté plus grande de mouvement, notamment dans tous ses déplacements à l extérieur. Ce dernier argument ne saurait, là encore, fonder un refus de prise en charge du moyen auxiliaire préconisé par l ensemble des médecins de la SUVA. 4. Il découle de tout ce qui précède que le recours est bien fondé et doit être admis, les critères d adéquation et de simplicité étant réunis dans le cas du recourant qui présente un double handicap (perte de la jambe gauche et de l usage du bras gauche) devant être compensé par un outillage d appoint technologique et dès lors plus onéreux qu une prothèse mécanique, modèle qui s est au contraire révélé inadéquat. Partant, la décision querellée est annulée et la SUVA prend à sa charge, comme moyen auxiliaire, un modèle de prothèse électronique du type CAT-CAM accompagné d'un genou C-Leg. Dans la mesure où il s agit-là du remplacement d un moyen auxiliaire initialement pris en charge par l assurance-accidents, il n y a pas lieu d examiner encore la question de la responsabilité théorique subsidiaire de l assurance-invalidité, laquelle ne saurait au demeurant délier la SUVA, si l on se réfère au principe de primauté de l art. 65 LPGA, applicable en matière d octroi de moyens auxiliaires. Vu l admission du recours, il n est pas donné suite à la séance de débats publics requise par le recourant. aa) La procédure étant gratuite en matière d assurance-accidents, il n est pas perçu de frais de justice. bb) Ayant obtenu gain de cause, le recourant a droit à ce que ses dépens soient pris en charge par la SUVA, par le versement d une indemnité de partie. Son mandataire a donc été invité à déposer sa liste d'honoraires. Celle-ci, produite le 25 septembre 2013, atteste d un travail d une durée de 18 heures et 55 minutes. Sur ces presque 19 heures, plusieurs n ont toutefois pas été réalisées personnellement par le mandataire, avocat professionnel, et ne sauraient dès lors être indemnisées au tarif horaire ici applicable de 230 francs. L un dans l autre, l on retiendra donc une durée globale de 15 heures de travail, laquelle paraît correspondre au travail nécessité par la présente procédure. Ce qui représente un montant de 3'450 francs. La liste comprend également un montant de 251 francs de frais et débours. Compte tenu de la TVA de 8% (= 296 fr. 10), l'indemnité se monte au total à 3'997 fr. 10. Elle sera supportée par la SUVA qui succombe.

Page 13 de 13 la Cour arrête: I. Le recours est admis. Partant, la décision querellée est annulée et le recourant a droit à la prise en charge, par l assurance-accidents, d une prothèse de genou de robotisée type C-Leg. II. III. Il n est pas perçu de frais de justice. Une indemnité de 3'997 fr. 10 (débours compris, et avec une TVA de 8% de 296 fr. 10) est allouée au recourant, en mains de son mandataire. Elle est versée par la SUVA. Un recours en matière de droit public peut être déposé auprès du Tribunal fédéral contre le présent jugement dans un délai de 30 jours dès sa notification. Ce délai ne peut pas être prolongé. Le mémoire de recours sera adressé, en trois exemplaires, au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne. Il doit indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi le jugement attaqué viole le droit. Les moyens de preuve en possession du (de la) recourant(e) doivent être joints au mémoire de même qu une copie du jugement, avec l enveloppe qui le contenait. La procédure devant le Tribunal fédéral n est en principe pas gratuite. Fribourg, le 21 octobre 2013/mbo Présidente Greffier-rapporteur Cet arrêt est notifié à Me Jean-Marc Duc, à Lausanne; à la SUVA (1.41288.01.6), à Lucerne; à l Office fédéral de la santé publique, à Berne.