Mission d information sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des infrastructures nucléaires

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Transcription:

Mission d information sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des infrastructures nucléaires Contexte de la mission La commission européenne a publié le 4 avril dernier son projet de programme indicatif nucléaire (PINC), qui chiffre le montant des investissements nécessaires, pour fermer complètement les centrales nucléaires en fin de vie au sein de l Union d ici à 2050. Celui-ci s élèverait à 250 milliards d euros, répartis en 120 milliards d euros pour le coût du démantèlement et 130 milliards d euros pour le traitement des déchets, qui sont les deux composantes essentielles de la fermeture des centrales. La France, qui dispose du plus grand parc de centrales et a le plus gros stock de déchets, semble figurer parmi les mauvais élèves de l Union européenne, en n ayant provisionné par l intermédiaire des 3 opérateurs que sont EDF, AREVA et le CEA (commissariat à l énergie atomique), que 23 milliards d euros au lieu des 74 milliards d euros nécessaires d après la commission européenne. Ainsi, seulement 31 % des besoins seraient couverts. Suite à la publication du PINC et de ses conclusions, la commission du Développement durable et de l Aménagement du territoire (CDDAT) de l Assemblée nationale a souhaité mettre en place une mission d information (MI) «sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des infrastructures nucléaires». La MI pourra utilement s appuyer et actualiser les travaux menés en 2014 par la commission d enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim. Les infrastructures nucléaires en France Lorsque l on parle des «infrastructures nucléaires», on n aborde pas seulement les centrales nucléaires, mais également les autres équipements nucléaires civils (liés à la santé et à la recherche). La quasi-totalité des installations nucléaires appartiennent au CEA, à EDF et aux sociétés du groupe AREVA. Ce sont donc essentiellement des entreprises sous la tutelle de l Etat qui sont responsables du démantèlement des installations arrêtées et des déchets radioactifs. La gestion ultime des déchets a été confiée à un établissement public, l Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) créée par la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, plus connue sous le nom de «loi Bataille». 1

Les 58 réacteurs électronucléaires actuellement exploités en France sont globalement semblables. En premier lieu, ils sont tous des réacteurs à eau sous pression (REP) : après avoir construit 6 réacteurs de la filière «uranium naturel graphite-gaz» entre 1963 (Chinon A1) et 1972 (Bugey-1), après avoir mis en service en 1967 le réacteur à uranium naturel et eau lourde des Monts d Arrée (centrale de Brennilis) et construit dans la caverne de Chooz une centrale REP de 305 MW, la France a opté pour cette dernière filière à la fin de l année 1969. Ce choix a été confirmé par l abandon, en août 1975, d une commande de réacteurs à eau bouillante de technologie General Electric. Les réacteurs français sont également très homogènes au regard des conditions industrielles de leur déploiement. Ils ont été commandés et réalisés par grands blocs, les paliers, dans le cadre d une planification publique (palier CP0, CP1, CP2, P4, P 4, N4). Des différences matérielles sont à noter entre les paliers, s agissant notamment de la configuration des bâtiments, de la présence de double paroi en béton, de circuits intermédiaires Aux côtés des installations d EDF, AREVA possède 17 installations nucléaires : 10 en exploitations et 7 arrêtées, essentiellement située à l usine de La Hague. Le CEA, quant à lui, se distingue des deux autres grands exploitants nucléaires en France par la diversité de ses activités qui nécessitent l exploitation d un grand nombre d installations nucléaires de nature diverse, réacteurs, laboratoires de recherche, installations pilotes du cycle du combustible et autres, caractérisées globalement par l absence de tout effet de série en terme de démantèlement. Au total, sur 43 installations nucléaires, le CEA en possède 21 à l arrêt (souvent de petites installations). 2

Le démantèlement des installations nucléaires Le démantèlement des installations nucléaires vise, après l arrêt définitif, à en réduire la pollution, radioactive ou non, jusqu à des niveaux considérés comme étant sans risque pour l homme et l environnement, compte tenu des prévisions de réutilisation des sites ou bâtiments et en l état de la réglementation. Ces activités de démantèlement peuvent comprendre, par exemple, des opérations de démontage d équipements, d assainissement des locaux et des sols, de destruction de structures de génie civil, de traitement, de conditionnement, d évacuation et d élimination de déchets, radioactifs ou non. Cette phase de vie des installations est marquée par des changements rapides de l état des installations et une évolution de la nature des risques. En France, ce sont les exploitants nucléaires qui ont la responsabilité de mener l ensemble des opérations nécessaires, dont l ampleur dépendra de l utilisation future du site. Ces opérations sont complexes et longues, avec des échéances parfois lointaines qui nécessitent la mise en œuvre par les exploitants de véritables stratégies techniques et financières. Les lois de 2006 ainsi que le décret de 2007 ont modifié le dispositif juridique antérieur, dans le sens d un meilleur suivi et encadrement des opérations de démantèlement, notamment en termes de sûreté nucléaire. Comme toutes les étapes de la vie d une installation nucléaire de base, la mise à l arrêt et les opérations de démantèlement doivent être autorisées par un décret pris par le Gouvernement après avis de l ASN. Le déclassement est l opération administrative qui consiste à supprimer l installation de la liste des «installations nucléaires de base» (INB). Depuis 2007, chaque exploitant a l obligation d établir un plan de démantèlement de ses installations, dont une version mise à jour doit être adressée à l autorité administrative au moins trois ans avant la date envisagée pour la mise à l arrêt définitif. Le plan doit préciser non seulement les modalités d exécution des opérations afférentes, notamment le délai entre l arrêt d exploitation et le début du démantèlement, mais aussi celles de remise en état et de surveillance du site. L exploitant y justifie enfin l état final dans lequel il envisage de laisser le site. En France, les exploitants d installations nucléaires de base ont tous souscrit au principe du démantèlement immédiat des installations, à savoir l engagement des opérations de démantèlement dès l arrêt de l installation, sans période d attente. Ce principe a été consacré et officialisé dans la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte en 2015. Recommandée par l ASN, pour laquelle «cette stratégie permet notamment de ne pas faire porter le poids des 3

démantèlements sur les générations futures, tant sur les plans technique que financier», elle permet également de conserver la compétence et la mémoire du personnel qui a travaillé sur le site avant l arrêt de l installation. Cette stratégie vise à ce que : l exploitant prépare le démantèlement de son installation dès la conception de celle-ci ; l exploitant anticipe le démantèlement avant l arrêt de fonctionnement de son installation et envoie le dossier de demande d autorisation de démantèlement avant l arrêt de son installation ; les opérations de démantèlement se déroulent «dans un délai aussi court que possible» après l arrêt de l installation, délai qui peut varier de quelques années à quelques décennies selon la complexité des opérations. Par ailleurs, afin de s assurer que les fonds nécessaires seront disponibles pour le futur démantèlement de chaque installation nucléaire de base, le code de l environnement a mis en place un dispositif relatif à la sécurisation des charges liées au démantèlement des installations nucléaires, à la gestion des combustibles usés et à la gestion des déchets radioactifs. Le provisionnement se fait sous contrôle direct de l État, qui analyse la situation des exploitants et peut prescrire les mesures nécessaires en cas de constat d insuffisance ou d inadéquation. Il est réévalué tous les 3 ans et mis à jour annuellement. La gestion de déchets radioactifs Le code de l environnement pose le principe du «pollueur-payeur» selon lequel toute personne qui produit ou détient des déchets est tenue d en assurer ou d en faire assurer l élimination. L ANDRA (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) est l opérateur principalement en charge de l inventaire des déchets et de leur stockage définitif. Ces déchets radioactifs sont majoritairement imputables à la production d électricité (62 % des déchets en volume), mais ils proviennent également du secteur de la recherche (17 % du volume dont une partie liée à la recherche en matière de production d électricité nucléaire), des activités de défense (17 % du volume), de l industrie non nucléaire (3 % du volume), ou encore du secteur médical (1 % du volume). Concernant les déchets radioactifs ultimes engendrés par la production d électricité nucléaire, ils ont plusieurs origines : l exploitation des installations nucléaires, leur démantèlement, la reprise et le conditionnement des déchets anciens (RCD) et les combustibles usés, retraités ou non. Tous font l objet d une classification en fonction de leur niveau de radioactivité et de leur durée de vie. Ces caractéristiques déterminent les méthodes de gestion et les exutoires qui leurs sont applicables. Les déchets de très faible activité (TFA), qui proviennent majoritairement de la déconstruction des installations nucléaires, disposent du centre de stockage de Morvilliers (Aube), ouvert depuis 2003 ; il 4

existe un risque de saturation de ce dernier dans la mesure où sa capacité est de 650 000 m 3 contre un stock de déchets TFA estimé à 1 300 000 m 3 à l horizon 2030 ; le taux de remplissage du centre de Morvilliers et d ores et déjà de 39 %. Les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMAVC) sont issus des activités de maintenance des installations nucléaires : le centre de stockage de la Manche, fermé depuis 2003, a reçu 527 000 m 3 de déchets depuis 1969 ; le site de Soulaines-Dhuys (Aube), conçu pour contenir 1 000 000 m 3, est occupé à 24 % ; selon la Cour des comptes, dans l hypothèse d une prolongation de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires jusqu à 50 ans, la capacité du centre de Soulaines serait insuffisante de 50 000 m 3. Trois types de déchets ne disposent pas encore de solution de gestion adaptée : les déchets de faible activité à vie longue (FAVL), les déchets de moyenne activité à vie longue (MAVL) et les déchets de haute activité (HA). Les premiers sont entreposés en surface, le plus souvent sur les sites où ils sont produits, en attendant l élaboration d une solution de stockage adaptée. Par ailleurs, la gestion des déchets les plus nocifs, les déchets haute activité (HA) et moyenne activité vie longue (MAVL), recoupe des questions d ordre technique, moral et politique. Trois grandes solutions étaient envisageables : le stockage des déchets en subsurface, à environ une vingtaine de mètres sous terre (coût compétitif mais pas de garantie de sûreté) la transmutation des déchets nucléaires, autrement dit la transformation d une substance en une autre pour la rendre moins radioactive (avis négatif de l IRSN sur la faisabilité technique) le stockage géologique (500 mètres pour Cigéo) Après 15 ans de recherche, c est finalement le stockage géologique qui a été retenu par la loi du 28 juin 2006 comme la solution de référence pour gérer les déchets HA et MA-VL. Cette solution repose sur l hypothèse qu une couche de roche mère assurera une protection suffisante pour que la diffusion de radionucléides résultant de la dégradation des colis se rapproche du niveau naturel de radioactivité lorsqu ils atteindront un environnement accessible à l homme. Si sa création est autorisée, ce centre sera implanté dans un sous-sol argileux, dans l Est de la France, à la limite de la Meuse et la Haute-Marne, à Bure ou à proximité. Il s agit du projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique). Panorama du démantèlement des installations nucléaires en Europe et dans le monde 140 réacteurs nucléaires sont actuellement à l arrêt dans le monde. Parmi eux, 60 % sont situés en Europe : 29 au Royaume-Uni, 27 en Allemagne, 12 en France, 4 en Bulgarie, 4 en Italie, 3 en Slovaquie, 3 en Suède, 2 en Espagne, 2 en Lituanie, et 1 aux Pays-Bas. 5

Dans le monde, l association World nuclear association 133 réacteurs ont été arrêtés dans le monde : 97 pour des questions de rentabilité économique, 14 en raison d un accident et 22 à la suite de changements de politique énergétique. Les 100 réacteurs de puissance arrêtés ou en cours de démantèlement en Europe. Source : IRSN 2013 La situation en France La France compte actuellement 12 réacteurs en déconstruction. Neuf d entre eux sont des réacteurs dits graphite-gaz, une technologie abandonnée pour des raisons de coût mais aussi de difficultés techniques. Les réacteurs de puissance (qui désignent les réacteurs nucléaires à l exception des installations liées à la santé ou à la recherche) : le réacteur EL4 du site nucléaire de Brennilis Les réacteurs de la filière uranium naturel graphite gaz : le réacteur nucléaire G1, G2 et G3 (Marcoule) les réacteurs Chinon A1/EDF1, Chinon A2/EDF2 et Chinon A3/EDF3 (centrale nucléaire de Chinon) le réacteur Chooz A (centrale nucléaire de Chooz) les réacteurs EDF4 et EDF5 (centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux) le réacteur Bugey 1 (centrale nucléaire du Bugey) le réacteur Superphénix (site nucléaire de Creys-Malville) Les réacteurs de recherche : le réacteur Ulysse (centre CEA de Saclay) les réacteurs Celestin I, Celestin II et Phénix (site de Marcoule) les réacteurs Siloette27 Mélusine et Siloé (CEA Grenoble) les réacteurs Harmonie28, 29 Rapsodie et Phébus (centre de Cadarache) le réacteur universitaire de Strasbourg. La situation en Europe (source : IRSN) Comme la France, la Belgique et l Espagne ont fait le choix d une stratégie dite de démantèlement immédiat, conformément d ailleurs aux recommandations de l Agence internationale de l énergie atomique (AIEA). Pourtant, lorsque les filières de retraitement des déchets n existent pas dans les pays, le principe de démantèlement immédiat peut connaitre des exceptions : l Espagne par exemple a engagé à l instar de la Grande-Bretagne une procédure de démantèlement différé pour un réacteur graphite pour lequel elle ne possède pas la filière adéquate de retraitement des déchets. Au lendemain de l accident de Tchernobyl, l Italie a décidé par référendum de l arrêt de ses 6 réacteurs nucléaires, en optant pour un démantèlement différé. Cette stratégie a été abandonnée en 2000 au profit d une stratégie de démantèlement immédiat. Des pays comme la Bulgarie, la Lituanie ou la Slovaquie ont procédé à l arrêt de leurs réacteurs afin de se conformer aux exigences posées à l Union Européenne en matière de technologie nucléaire 6

pour l adhésion de nouveaux pays (leurs réacteurs, russes, ne bénéficiaient pas de structures de confinement). L Allemagne, la Suisse et la Belgique ont également mise en œuvre une politique de sortie progressive du nucléaire, en 2025 pour la Belgique, 2020 pour la Suisse et 2022 pour l Allemagne. Toutefois, le démantèlement des centrales belges prendra vraisemblablement davantage de temps en raison de la découverte de défauts de fabrication dans des cuves de réacteurs. Le Royaume-Uni, lui, a adopté une stratégie de démantèlement différé, car ses réacteurs graphite produisent essentiellement des déchets à vie longue. C est le cas par exemple du réacteur de la centrale de Bradwell dont le démantèlement est prévu pour 2092, et du site de Sellafield, dont la déconstruction est prévue pour être terminée en 2120. Le cas des Etats-Unis Les Etats-Unis, qui comptent 104 réacteurs en fonctionnement et 28 à l arrêt, ont opté pour des stratégies différentes : un démantèlement immédiat ou différé à condition qu il n excède pas 60 ans pour le nucléaire civil, et un démantèlement sur place ou un confinement pour le nucléaire militaire. * * * 7