1. Introduction 1.1. L évolution du développement embryonnaire

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Nous aborderons dans ce cours la mise en place de la face et le développement de la cavité buccale notamment du palais. Les objectifs sont les suivants: décrirela mise en place des bourgeonscrâniofaciaux et leurdevenir identifier les structures concernées sur des schémas et être capable de redessiner les grandes étapes de ce développement replacer l origine embryologique de ces structures connaître la chronologie des évènements. Les aspects moléculaires liés à la mise en place de ces éléments, et leur devenir seront évoqués. 1

1. Introduction La mise en place de la face et de la cavité buccale s effectue entre la quatrième et la dixième semaine du développement chez l homme et est indissociable de la formation des arcs pharyngés et de leur colonisation par les cellules issues des crêtes neurales céphaliques. 1.1.L évolutiondudéveloppementembryonnairechez la souris génétiquement modifiée présentée sur ces images illustre bien les profonds remaniements nécessaires à la formation du massif crâniofacial. L âge de l embryon est donnéennombredesomitesetensuiteenjoure(laduréedegestationchez la souris est d environ 19 jours). Ces souris transgéniques possèdent un élément de réponse à l acide rétinoïque lié au lacz qui permet un crible de sélection par la coloration bleue (soit ici la construction RARElacZ). La coloration bleue marque ainsi les zones où l activité acide rétinoïque est effective (objectivée par la production d acide rétinoïque le métabolite actif de la vitamine A ou rétinol). Regardez ainsi au jour embryonnaire E9.5 le massif crâniofacial signalé par une flèche. L'acide rétinoïque est une molécule indispensable au développement, elle peut aussi se révéler un puissant tératogène (c est à dire une substance ou un procédé qui provoque des malformations chez l embryon ou le foetus quand la mère est exposée) affectant en particulier le développement de la face et dupalais. li 2

1.2. Coupes frontales de souris E10.5 Foxg1 Cre;ROSA26R Sur ces coupes frontales de souris génétiquement modifiées (par une construction différente nommée Foxg1 Cre;ROSA26R) au jour E10.5 du développement embryonnaire, la coloration bleutée (à la béta galactosidase) est un marqueur, entre autre, des dérivés des crêtes neurales et se retrouve tout autour de la cavité buccale (voir flèche) en particulier dans les arcs pharyngés. 3

2. Mise en place de la face 2.1. La semaine 4 Tout commence à la quatrième semaine du développement. L embryon Lembryon mesure entre 2 (début) et 5 (fin) millimètres. Les régions crâniales et cervicales (cou) constituent environ la moitié de la longueur de l embryon. Au début de la 4ème semaine, l embryon est encore rectiligne. Les somites forment des saillies nettement visibles à sa surface (le 1er somite est apparu au 20ème jour). Leur nombre sert à exprimer l âge de l embryon jusqu à la fin de la 4ème semaine qui correspond au stade de développement 28 somites. Le tube neural est fermé en regard des somites mais est ouvert au niveau des neuropores. Les plis limitant céphalique et caudal apparaissent respectivement au 22ème et au 23ème jours. Au 24ème jour, le neuropore crânial se ferme. A ce moment les 2 premiers arcs branchiaux sont visibles. Le cœur constitue une volumineuse saillie sous l embryon. Au jour 26, le neuropore postérieur se ferme. Trois arcs branchiaux sont visibles. Il y a apparition au niveau de l encéphale, des courbures mésencéphalique et cervicale. L ébauche du membre supérieur apparaît, les fossettes auditives (dépression otique) sont visibles. Au jour 28, quatre paires d arcs pharyngés sont visibles ainsi que les bourgeons des membres inférieurs et les placodes ectoblastiques cristalliniennes à l origine du cristallin (développement de l œil). La paroi ventrale est pratiquement achevée. 4

2.2. Les semaines 4/5 La face en développement est représentée par la région frontonasale (en vert) et le premier arc pharyngé (en orangé) scindé en bourgeons maxillaires et mandibulaires. Elle est mise en place au cours du deuxième mois par le développement et la fusion de 5 bourgeons : le bourgeon frontal ou frontonasal (en vert), les deux bourgeons maxillaires, les deux bourgeons mandibulaires. 5

2.3. La semaine 6 Au cours de la cinquième semaine deux épaississements ectoblastiques ou placodes olfactives ou nasales apparaissent sur les aspects latéraux du bourgeon frontonasal. A la semaine 6 l ectoblaste au centre de chaque placode nasale s invagine pour former une dépression nasale ce qui divise le bord surélevé de la placode en bourgeons nasaux latéraux (externes, en bleu) et médiaux (internes, en jaune). 6

2.4. Les semaines 6/7 semaines 7/8 Les extrémités latérales des bourgeons nasaux médiaux rejoignent les extrémités des bourgeons nasaux latéraux. Les bourgeons nasaux latéraux fusionnent avec les bourgeons maxillaires. Ils participent à la formation des ailes du nez. A la semaine 6, les processus nasaux médiaux se développent pour s unir sur la ligne médiane; ils constitueront la partie médiane du nez. A la semaine 7, ces processus nasaux médiaux s étendent vers le bas et les côtés et fusionnent pour donner naissance au processus intermaxillaire. Les extrémités é des bourgeons maxillaires i grandissent pour rencontrer le processus intermaxillaire et s unir à lui. La dépression entre le processus nasal latéral et le bourgeon maxillaire est la gouttière naso lacrymale à l origine du conduit lacrymo nasal qui draine l excès de larme de la conjonctive de l œil vers la cavité nasale. Les parties latérales des bourgeons mandibulaires fusionnent avec les bourgeons maxillaires et constituent la partie inférieure de la joue et limitent l ouverture de la bouche. 7

2.5. Visage et nez semaine 7 semaine 10 Voici schématisée l évolution des différents bourgeons et les étapes de formation du nez Les bourgeons nasaux latéraux fusionnent avec les bourgeons maxillaires. Ils participent à la formation des ailes du nez. Les bourgeons nasaux médiaux se développent pour s unir sur la ligne médiane; ils constitueront le dos, la partie moyenne et la pointe du nez. Ces bourgeons nasaux médiaux fusionnés constituent le processus intermaxillaire d où dérivent le palais primaire, la partie antérieure de l arcade dentaire maxillaire i et le philtrum ou partie moyenne de la lèvre supérieure. Le massif latéral de la face à l origine des parties latérales de la lèvre supérieure et de la joue est constitué par la confluence entre les extrémités des bourgeons maxillaires et le processus intermaxillaire. 8

2.6. Formation des cavités nasales Quant à la formation de la cavité nasale, les dépressions nasales s invaginent (semaines 5 6) pour former une cavité nasale unique séparée de la cavité buccale par une cloison épaisse l aileron nasal (6ème semaine). Cet aileron s amincit et forme la membrane bucconasale qui disparait pour constituer le choane primitif (semaine 7). Le plancher de la cavité nasale est alors limité par le palais primaire issu du bourgeon intermaxillaire. Pendant que se forme le palais secondaire, le septum nasal médian formé à partir du bourgeon frontonasal et des bourgeons nasaux médiaux s allonge vers le bas pour fusionner avec la face supérieure du palais primaire et ensuite secondaire, séparant les fosses nasales droites et gauches. 9

3. Formation et ouverture de la cavité buccale Comment se forme plus spécifiquement la cavité buccale? Lors de la formation du mésoderme (3ème semaine du développement embryonnaire), il persiste deux zones circulaires d accolement de l ectoderme et de l endoderme. La membrane du côté céphalique est appelée membrane buccopharyngée, celle du côté caudal est appelée membrane cloacale. Ces membranes deviendront les 2 extrémités de l'intestin primitif. Alafindu1ermois,l ébauchedelafaceestcentréeparlestomodeum,oucavité buccale primitive, qui est limitée : En haut par l'extrémité du bourgeon frontonasal qui renferme l'extrémité antérieure du tube neural et forme le plafond du stomodeum. Plus tard, la cavité buccale sera limitée dans sa partie supérieure par le palais. Latéralement par les bourgeons maxillaires. En bas par les bourgeons mandibulaires qui ont fusionné dès la quatrième semaine et qui forment le plancher du stomodeum. A l'endroit où ils se rejoignent se trouve sur leur partie inférieure une fissure médiane ventrale qui disparaîtra durant la 5ème semaine pour donner la lèvre inférieure. Les bourgeons mandibulaires sont séparés des bourgeons maxillaires par les sillons intermaxillaires. Au début du 2ème mois, la cavité buccale a l'aspect d'une fente élargie. Au cours du deuxième mois, les portions latérales des bourgeons maxillaires et mandibulaires, jusque là séparées par les sillons intermaxillaires, fusionnent pour former les joues qui délimitent définitivement la cavité buccale. La membrane bucco pharyngée se rompt aux environs du 24ème jour et fait communiquer la cavité buccale primitive avec la partie antérieure (pharyngée) de l'intestin primitif. 10

4. Aspects moléculaires du développement de la face 4.1. Nous allons aborder quelques aspects moléculaires du développement de la face en examinant les travaux de Brugmann et collaborateurs. Sur ces vues de différents stades de développement de la face de la souris à gauche et du poulet à droite il est possible de repérer le devenir de structures issues du bourgeon frontonasal et leur participation respective à la formation du museau ou du bec. Les stades précoces du développement sont relativement superposables. Looking different: understanding di diversityit in facial form. Brugmann SA, Kim J, Helms JA. Am J Med Genet A. 2006 Dec 1;140(23):2521 9. Reproduit avec la permission de Wiley & Sons, Inc. 11

4.2. Si l on s intéresse comme Brugmann et collaborateurs à différentes espèces d oiseaux, à partir de stades précoces identiques (17) et de bourgeons frontonasaux pratiquement similaires, il est possible de générer des morphogenèses et morphologies de la face distinctes spécifiques de l espèce. Les variations morphologiques spécifiques de l espèce sont précédées éédé par l expression différentielle de molécules de signalisation de type facteurs de croissance comme Fgf8 (fibroblast growth factor 8, facteur de croissance des fibroblastes 8) ou Bmp4 (bone morphogenetic protein 4, protéine morphogénétique de l os 4) ou comme shh sonic hedghog. Des différences subtiles dans l expression de ces molécules sont à l origine de la diversité de formes. 12

5. Formation du palais Nous allons maintenant aborder plus en détails la formation du palais véritable toit de la cavité buccale et plancher des cavités nasales. Chez les mammifères il participe à l alimentation, la succion/déglutition et la phonation. 13

5.1. Palais primaire et secondaire Ce palais se compose de deux parties: le palais primaire en avant du foramen incisif contenant les quatre incisives maxillaires et le palais secondaire subdivisé en palais dur parcouru de reliefs, les rugae, et palais mou ou voile du palais dans sa partie la plus postérieure. Sur le bord postérieur du palais mou se trouve la luette qui lorsque le palais est relâché repose sur la langue. 14

5.2. Origine embryologique du palais Rappelons tout d abord l origine embryologique du palais primaire à savoir le bourgeon frontonasal via les bourgeons nasaux médiaux ou internes et le processus intermaxillaire du palais secondaire via le premier arc pharyngé et les bourgeons maxillaires. La formation du palais représente un évènement majeur du développement crâniofacial. Elle résulte de la confluence dans une suture en forme de Y de trois bourgeons: le bourgeon prémaxillaire ou palais primaire dérivant du bourgeon frontonasal et les deux processus ou bourgeons palatins, émanations des bourgeons maxillaires. i Ce processusmorphogénétique é aboutit aucloisonnement du stomodeum, ou cavité buccale primitive, en cavité buccale définitive et fosses nasales. La fusion de ces bourgeons implique une jonction (suture) locale de leurs épithélia de recouvrement suivie de la dispersion de cette barrière épithéliale aboutissant à la continuité du mésenchyme. Des perturbations de ces évènements complexes sont à la base d une des anomalies congénitales les plus fréquentes: les fentes palatines. Ces fentes palatines et/ou labiales peuvent être diagnostiquées in utero ou à la naissance. Une fente sous muqueuse peut être plus difficile à mettre en évidence. 15

5.3. Développement du palais secondaire Sur cette coupe histologique frontale de la tête d un embryon de souris du jour E13 du développement il est possible de repérer la langue (L), les cavités nasales (N), les bourgeons dentaires (d) et les bourgeons palatins (bp). A partir des bourgeons maxillaires s individualisent les bourgeons palatins qui se développent verticalement et parallèlement aux faces latérales de la langue. Le gros plan montre que ces bourgeons palatins sont composés d un corps de mésenchyme et recouvert d un épithélium. Cet épithélium peut être divisé en partie nasale (en vert), en épithélium de la future jonction médiane correspondant à l extrémité du bourgeon palatin) (MEE medial edge epithelium en anglais; en rouge) et en épithélium buccal (en bleu). 16

5.3.1. Développement du palais secondaire Chronologie La formation du palais qui est très rapide chez la souris soit environ 4 jours s étale de la sixième à la douzième semaine du développement embryonnaire chez l homme. Elle peut être divisée en différents stades: L élévation et la juxtaposition: Les bourgeons palatins (bp) d abord verticaux de part et d autredelalangue(l)sedéveloppent,s élèvent,changentd orientationendevenant horizontaux et viennent au contact sur la ligne médiane. L adhésion: Les deux épithélia de recouvrement des bourgeons palatins (MEE medial edge epithelium) adhèrent, s intriquent et forment l épithélium médian de jonction ou MES (medial epithelial seam en anglais). La dispersion/fusion: pour assurer la fusion et la continuité des mésenchymes, les cellules épithéliales doivent se disperser et disparaître. La chronologie du développement du palais chez l homme est la suivante: Semaine 6&7 Le processus intermaxillaire (processus nasaux médiaux) donne le palais primaire Semaines 8&9 les parois médiales des processus maxillaires produisent les processus palatins verticaux parallèles aux faces latérales de la langue Semaine 9 élévation et fusion sur la ligne médiane, constitution du palais secondaire Fusion du palais primaire et secondaire et séparation des fosses nasales de la cavité buccale. 10 jours environ sont nécessaires pour achever la fusion des bourgeons palatins. La dispersion de l épithélium de jonction est souvent incomplète et est associée à la persistance de restes épithéliaux appelés les perles d Epstein sur la ligne médiane du palais. Cette fusion induit la formation d une structure équivalente à une suture qui restera active jusqu à l âge lâgeadulte. La fusion du palais est terminée à la semaine 12. 17

5.3.2. Dispersion de l épithélium médian de jonction Revenons à cette étape cruciale du développement du palais qu est la dispersion de l épithélium médian. Quatre mécanismes pourraient expliquer la dispersion de la barrière épithéliale: la rétraction/contraction du feuillet épithélial, la migration des cellules épithéliales de la suture en direction nasale ou orale, l apoptose ou la transition épithélio mésenchymateuse ("trans différenciation"). Les résultats de la littérature suggèrent que les quatre mécanismes sont actifs. Des reconstructions tridimensionnelles dans le plan sagittal ont établi que des zones limitées d apoptose apparaissent au sein de la suture épithéliale la divisant en îlots individualisés. Ces îlots semblent disparaître ensuite par transition épithélio mésenchymateuse. Le facteur de croissance Tgf beta3 est indispensable à la dispersion de l épithélium médian de jonction. Son expression est retrouvée dans l épithélium de jonction avant et pendant la fusion. 18

5.3.3. Après la fusion Après la fusion s observent les différenciations cellulaires épithéliales et mésenchymateuses en particulier la formation osseuse. 19

5.3.4. Eléments osseux du palais secondaire Voici détaillés sur cette figure les éléments osseux du palais à savoir le processus palatin du maxillaire et l os palatin séparés par la suture palatine transverse. La suture palatine médiane séparant les processus palatins est également bien visible. Ce schéma explicite également la correspondance des éléments osseux chez la souris et l homme. 20

5.4. Anomalies de développement du palais 5.4.1. Les fentes labio FL et/ou palatines FP L'origine embryologique de la fente palatine diffère de celle de la fente labiale mais celles ci ci peuventcoexister. La prévalence des fentes labiales ou labiopalatines varie de 1 sur 500 à 1 sur 2500 naissances, selon l'origine géographique et le groupe ethnique. On distingue donc les FP isolées sans fente labiale de celles associées à une fente labiale ou labio maxillaire. Les FP isolées sans fente labiale représentent 25 30 % des fentes, soit 1 sur 3300 à 1 sur 10 000 naissances. On retrouve 20% de formes héréditaires. Les FP associées à une fente labiale représentent 45% des fentes, soit 1 sur 2000 à 5000 naissances. La fente palatine met en communication la cavité buccale avec une seule fosse nasale ou les deux. Environ 70% des fentes labiopalatines sont des anomalies isolées, non syndromiques. 21

5.4.2. Etiologie des fentes palatines 5.4.2.1. Génétique L hérédité des fentes est dites polygénique, multifactorielle. 5.4.2.1.1. 1 Syndromique 30% des fentes labiales ou labiopalatines font partie d'environ 300 syndromes malformatifs différents à hérédité mendélienne (1 gène 1 syndrome; dont le syndrome de Van der Woude cité ici en exemple) dans lesquels, le plus souvent, la fente est une anomalie observée parmi d'autres. Dans le syndrome de Van der Woude la fente peut être associée à des puits/fissures des lèvres, des dents manquantes ou agénésies é dentaires. Le gène responsable IRF6 (i (situé sur le bras long du chromosome 1 en 1q32 q41) code pour un facteur de transcription appelé facteur de régulation de l interféron 6. 5.4.2.1.2. Non syndromique Des mutations de TGF beta3 sont responsables de fente palatine uniquement sans association avec d autres signes cliniques. 22

5.4.2.2. Environnement Etiologies multifactorielles Pour les fentes labiales ou labiopalatines non syndromiques, les causes sont souvent complexes et mal connues, multifactorielles mais elles impliquent à la fois les facteurs génétiques (loci TGF alpha; TGF beta3, RAR alpha) environnementaux et toxiques. En effet, les facteurs environnementaux, tels que l'exposition à des produits tératogènes pendant le premier trimestre de la grossesse (alcool, tabac ou médicaments comme la phénytoine un antiépileptique), peuvent moduler la susceptibilité génétique. 23

5.5. Fentes palatines et modèles animaux 5.5.1. La souris est un bon modèle d étude des anomalies du développement. L apparition d une fente palatine chez le souriceau nouveau né est léthale. Il existe une susceptibilité particulière aux fentes palatines de la souche de souris C57BL/6 par rapport à la souche CD1. 24

5.5. Fentes palatines et modèles animaux 5.5.2. Il est possible chez la souris d inactiver un gène d intérêt totalement (knock out) ou de manière conditionnelle (par exemple pour différer dans le temps l inactivation) afin de reproduire le phénotype clinique rencontré chez l homme lorsque le même gène est inactivé. La souris permet ainsi l étude des maladies génétiques de l homme. Les souris mutantes pour le facteur de transcription T box Tbx22 /Y pour les males et Tbx22 / pour les femelles montrent des fentes palatines sous muqueuses (b2, c2) ou complètes (b3, c3) et une ankyloglossie reproduisant ainsi le tableau clinique rencontré chez l homme dans ce contexte particulier de fente palatine liée au chromosome X et ankyloglossie. Le frein de la langue est une mince membrane qui relie sa face inférieure au plancher de la bouche. L'ankyloglossie est une malformation de ce frein lingual, trop court ou trop rigide, qui entraîne un déficit de mobilité de la langue. Notez sur l image de microscopie électronique à balayage et les coupes histologiques frontales sériées au jour 16.5 du développement embryonnaire l absence de fusion du palais secondaire en zone antérieure (a) et postérieure (d) chez la souris Tgf beta 3 / (c est à dire après inactivation complète du gène). 25

5.6. Culture organotypique Il est également possible de cultiver en boîte de Petri, sur un milieu chimiquement défini, des bourgeons palatins des souris disséqués avant la fusion au jour 13 du développement embryonnaire et d observer la fusion in vitro après deux jours de culture. 26

5.6.1. FP artificielle Eloignement des bourgeons palatins en culture Dans ce système de culture il est possible de créer une fente palatine artificielle mécaniquement en éloignant les bourgeons palatins. Chez les contrôles, la fusion intervient environ 2 jours après le début de mise en culture de bourgeons palatins prélevés à E13.5. Ces explants sont cultivés pour 3, 5 et 7 jours après la date de fusion. 27

5.6.2. Fusion empêchée chimiquement in vitro eninterférantaveclasynthèse protéique Il est également possible de traiter les explants avec des oligonucléotides antisens dirigés contre Tgf beta3. 5.6.2.1. Oligonucleotides antisens le principe Comment cela fonctionne t il? La séquence oligonucléotidique antisens, complémentaire d une séquence spécifique de l ARN messager, se lie à cette dernière et inhibe sa traduction en la protéine correspondante. Dans notre cas il n existe plus de Tgf beta3. La séquence sens est utilisée comme contrôle car elle ne doit pas perturber latraduction. 28

5.6.2.2. FP en culture après traitement par oligonucléotides antisens Tgf beta3 En traitant les explants avec des oligonucléotides antisens dirigés contre Tgf beta 3, les bourgeons adhèrent mais ne fusionnent pas: l épithélium médian persiste. Il existe donc une fente palatine. Dans les conditions de culture témoin ou contrôle ou en présence d'oligonucléotides sens la fusion des bourgeons palatins s effectue normalement in vitro. 29

5.6.2.3. Efficacité et contraintes de temps des Oligonucléotides antisens Tgfb3 Dans nos expériences de culture de bourgeons palatins, le traitement avec les oligonucléotides antisens doit être commencé dès le jour embryonnaire E13 et poursuivi 2 jours après le jour présumé de fusion pour bloquer celle ci. 30

5.6.2.4. 3 jours après la fusion Sur des coupes histologiques de bourgeons palatins traités par antisens Tgfbeta3 on remarque bien la persistance de la ligne épithéliale médiane et ceci même 3 jours après la date de fusion. Notez la disparition de cette ligne épithéliale médiane lorsque les bourgeons sont traités avec des oligonucléotides sens. 31

6. Références A titre informatif, je vous propose des références ayant servi de base à la construction de ce cours. 32

6.1. Références Internet Les sites Internet vous permettront d approfondir et de tester vos connaissances. 33