Nouvelles données sur la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) et la Chevêchette d Europe (Glaucidium passerinum) dans les Vosges du Nord

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LES RAPACES Nouvelles données sur la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) et la Chevêchette d Europe (Glaucidium passerinum) dans les Vosges du Nord * Résumé La Chouette de Tengmalm a été entendue pour la première fois dans les Vosges du Nord en mars 1986. La preuve de sa nidification est obtenue l année suivante à basse altitude (250 m). Depuis cette découverte, l espèce se maintient dans deux secteurs des Vosges du Nord avec de faibles effectifs : 21 nidifications ont été suivies au cours des 20 années écoulées, avec d importantes fluctuations inter-annuelles. La Chevêchette d Europe a été découverte dans les Vosges du Nord en novembre 2000. La première nidification a été trouvée en 2002 à 250 m d altitude également. Comme la Chouette de Tengmalm, l espèce se cantonne dans les cuvettes froides et humides. La population semble en extension : en automne 2007, 20 chanteurs ont été entendus dans la zone d étude. Quatre nidifications ont été contrôlées entre 2002 et 2008. Mots-clés : Chouette de Tengmalm, Chevêchette d Europe, Vosges du Nord, forêt, nidification, fluctuation de population. * 32 rue des chalets - F - 57230 EGUELSHARDT - yves.muller@lpo.fr Introduction Aucune donnée ancienne ne mentionne la présence de la Chouette de Tengmalm ou de la Chevêchette d Europe dans les Vosges du Nord. Observées pour la première fois dans ce massif respectivement en mars 1986 et novembre 2000, ces deux petites chouettes de montagne sont l objet d un suivi assidu depuis leur découverte. Cet article présente une synthèse des principaux résultats de ces recherches. Zone d étude Les deux espèces ont été découvertes dans le Pays de Bitche, au cœur des Vosges du Nord. Situé dans la partie septentrionale des Vosges, ce secteur forestier se prolonge en Allemagne par un vaste massif boisé : le Pfälzerwald. Les forêts du Pays de Bitche présentent une grande diversité. L essence dominante est le pin sylvestre, mais les feuillus sont bien représentés par les chênes sessile et rouvre, et par le hêtre. L épicéa est surtout présent dans les cuvettes humides. L altitude varie de 220 à 400 m. Le climat y est tempéré mais à tendance continentale assez nette : la température moyenne annuelle varie de 8,1 à 9,5 suivant les stations retenues, le nombre de jours de gel par an est de 80 en moyenne et la pluviométrie annuelle se situe entre 800 et 1 020 mm d eau en général. La neige couvre le sol en moyenne entre 20 et 40 jours par an. Mais cette situation générale masque certaines particularités. Les masses d air froid peuvent stagner dans les fonds de vallée ou les cuvettes. On trouve ainsi localement dans quelques sites des Vosges du Nord des îlots de climat continental, enclavés en zone subatlantique. Les deux petites chouettes forestières trouvent ainsi dans ces secteurs des conditions climatiques proches de celles des zones montagneuses où elles nichent habituellement. Une zone de protection spéciale (ZPS «Forêts, rochers et étangs de Pays de Bitche») a été créée en juillet 2005 sur 6279 ha en partie pour garantir la pérennité d un milieu favorable à ces deux espèces inscrites à l annexe 1 de la Directive «Oiseaux». Les deux petites chouettes forestières ont aussi été découvertes dans un autre secteur des Vosges du Nord, une vingtaine de kilomètres plus au sud, au Pays de La Petite-Pierre. Il s agit d une vallée froide, orientée nord-sud et recouverte en grande partie par des pins sylvestres et des épicéas. 209

Méthodes d étude La Chouette de Tengmalm a été entendue pour la première fois «par hasard» en mars 1986 à Eguelshardt grâce à son chant. Depuis cette découverte, l espèce est recherchée chaque fin d hiver et début de printemps en sillonnant les zones favorables en début de nuit. Par ailleurs, les anciennes loges de Pic noir sont contrôlées par grattage de la base du tronc. Lorsqu elle est présente, la Chouette de Tengmalm vérifie aussitôt s il s agit d un prédateur qui grimpe à l arbre ou d un autre dérangement. Le nombre de sorties de prospection est variable suivant les années (de 5 à 15) et le nombre d arbres contrôlés a augmenté au fil des années avec la découverte d anciennes cavités de Pic noir, de 2 à 3 dizaines à la fin des années 1980 à près de 200 au cours de la décennie actuelle. La Chevêchette d Europe a été recherchée dans les zones favorables à partir du printemps 2000 et, depuis sa découverte en novembre 2000, plusieurs dizaines de sorties sont consacrées chaque année à cette espèce, tant au printemps, qu en automne ou en hiver. Résultats Chouette de Tengmalm La première mention de la Chouette de Tengmalm dans les Vosges du Nord remonte à l année 1986 : deux chanteurs sont entendus dans le Pays de Bitche, à Eguelshardt, dans des pinèdes situées entre 260 et 330 m d altitude (MULLER, 1986). La nidification est prouvée d année suivante à Philippsbourg, à 2-3 km du site précédent : le couple niche dans un pin sylvestre à une altitude de 250 m, sans doute l altitude la plus basse enregistrée à l époque en France (MULLER, 1989). Le même nid est à nouveau occupé en 1988. Les années suivantes permettent de confirmer la permanence de l espèce dans les Vosges du Nord. En 1995, 6 chanteurs sont localisés en différents sites (MULLER, 1997). L année 1999 a permis de découvrir 3 nids de Chouette de Tengmalm, tous les 3 à moins de 300 m d altitude, situés l un dans un pin sylvestre, le second dans un chêne et le troisième dans un hêtre (MULLER, 1999). Depuis la découverte de l espèce en 1986 et jusqu en 2008, un ou plusieurs chanteurs ont été entendus au cours de 17 années sur 23. Quinze nidifications ont été contrôlées dans 9 cavités. Cinq sont d anciennes loges de Pic noir creusées dans des hêtres et 4 sont des cavités «naturelles» (une dans un chêne et 3 dans des pins sylvestres). Ces 9 sites de nidification se situent entre 250 et 380 m d altitude. L espèce a aussi été trouvée dans le Pays de La Petite-Pierre en 1993 (D. Roessler et J.C. Genot). Six nidifications ont été suivies de 1993 à 2008, toutes dans d anciennes loges de Pic noir creusées dans des hêtres. Au cours des 23 années, l espèce a été entendue ou observée dans d autres localités proches (Hanviller, Niederbronn, Baerenthal, Dambach, etc.) mais aucune nidification n a été suivie ailleurs que dans les 2 secteurs mentionnés ci-dessus. Photographie 2. Chouette de Tengmalm, adulte. Photographie 3. Chouette de Tengmalm, jeune. 210

Photographie 4. Site d un nid de Chevêchette d Europe Chevêchette d Europe La première donnée de Chevêchette d Europe dans les Vosges du Nord est datée du 5 novembre 2000 : un chanteur est entendu dans une pessière à une altitude de 240 m à une dizaine de kilomètres à l est de Bitche. L oiseau est entendu et observé à plusieurs reprises jusqu au 5 décembre (MULLER, 2001). Deux chanteurs sont entendus à l automne suivant à une distance de 1 et 2 km du site de découverte de l espèce et la nidification est prouvée au printemps 2002 sur l un des sites. Un couple de Chevêchette niche dans une cavité de pic creusée dans un chêne à une hauteur de 9 m du sol. La forêt est une vieille chênaie mélangée avec quelques épicéas. Elle est située à une altitude de 250 m. Six jeunes quittent le nid le 4 juin (MULLER, 2003a). Depuis cette découverte, la Chevêchette est entendue à chaque saison dans les Vosges septentrionales. Les effectifs progressent année après année : jusqu à 20 chanteurs ont été localisés à l automne 2007 sur ce territoire à l est de Bitche, aux confins de l Alsace et de la Lorraine, en bordure de l Allemagne. Trois nouvelles nidifications sont observées en 2006, 2007 et 2008. Les quatre cavités utilisées par la Chevêchette entre 2002 et 2008 ont toutes été creusées par des Pics épeiches ou des Pics mars dans des chênes. Le peuplement forestier autour des nids est dominé par le pin sylvestre (2 cas) ou le chêne (2 cas). L épicéa est présent en faible proportion sur chaque site. La forêt est âgée et assez variée. Les 4 sites de nidification sont dans des cuvettes froides et humides à des altitudes variant de 250 à 270 m! L espèce a également été découverte dans le Pays de La Petite-Pierre en automne 2002 par D. Roessler. Depuis cette date, elle est entendue chaque année dans ce secteur avec un maximum de 3 chanteurs. Aucune nidification n y a été observée jusqu à présent. Discussion - Conclusion Dans les deux cas, la présence de ces petites chouettes de montagne à des altitudes si basses a constitué une heureuse surprise, en particulier pour la Chevêchette d Europe dont aucune nidification n avait été observée jusqu à cette découverte dans l ensemble du massif vosgien! La signification écologique et bio-géographique de la présence de cette espèce dans les Vosges septentrionales a déjà été discutée par ailleurs (Muller, 2003b). Le climat de la vaste cuvette à l est de Bitche est assez rigoureux et d autres éléments faunistiques et floristiques montagnards ou boréaux y sont présents. Par ailleurs, la Chevêchette d Europe est en progression dans plusieurs massifs forestiers allemands. Il est possible qu elle ait colonisé les Vosges du Nord à partir de ces zones, notamment les plus proches comme le Pfälzerwald ou la Forêt Noire. Nouvelles données sur la Chouette de Tengmalm et la Chevêchette d Europe dans les Vosges du Nord 211

Mais il est possible aussi que l espèce soit présente dans les Vosges du Nord depuis longtemps et que sa discrétion et sa rareté lui aient permis de passer inaperçue dans ce vaste massif forestier. Bibliographie MULLER Y. 1986. La Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) dans les Vosges du Nord. Ciconia 10: 125-126. MULLER Y. 1988. Nidification de la Chouette de Tengmalm (Aegoluis funereus) dans les Vosges du Nord. Son contexte dans le massif vosgien. Ciconia 12: 1-12. MULLER Y. 1999. À propos de la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus) dans les Vosges du Nord. Ciconia 23: 117-120. MULLER Y. 2001. Une Chouette chevêchette (Glaucidium passerinum) dans les Vosges du Nord. Ciconia 25: 19-28. MULLER Y. 2003a. Nidification de la Chevêchette d Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges du Nord. Ornithos 10: 30-36. MULLER Y. 2003b. Signification écologique et bio-géographique de la nidification de la Chevêchette d Europe Glaucidium passerinum dans les Vosges du Nord. Alauda 71: 237-242. MULLER Y. 2007. Première nidification attestée de la Chevêchette d Europe Glaucidium passerinum en Alsace. Ciconia 31: 89-92. Photographie 5. Chevêchette d Europe, femelle et jeune. 212

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