La civilisation musulmane classique: trait d union entre l orient et l occident



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Transcription:

La civilisation musulmane classique: trait d union entre l orient et l occident Naissance de l islam et extension de l empire musulman Berceau des civilisations antiques et des religions monothéistes, la mer Méditerranée a joué un rôle essentiel dans le brassage des cultures et des modes de pensées nés en orient et en occident. Le croisement de ces flux opposés de pensées et de modes de vie s est parfois produit violemment mais souvent aussi de façon pacifique en suivant les voies du commerce et de la connaissance. Mais, en définitive, ce mouvement croisé, incessant vécu en méditerranée s est toujours accompagné d un enrichissement mutuel qu on peut constater dans les similitudes culinaires, architecturale, artistique et sociales observées tout autour du bassin méditerranéen. Ce qui frappe dans la succession des empires de l époque c est le fait que la dynamique de leur construction et destruction n a été empêchée ni par la race, ni par la langue ni même par la géographie. C est tantôt le facteur économique et tantôt le facteur religieux qui ont cimenté les peuples et forgé les unités. Au 7 ème siècle, l Arabie était traversée de toute part par des routes commerciales reliant l occident et l orient. Des cités prospères servaient de plate-forme à ce commerce florissant. Que ce soit Aden au Yémen ou des villes continentales comme Médine ou la Mecque servaient de passages obligés pour les navires et les caravanes qui reliaient l inde et la chine en orient à l Egypte et l Europe occidentale à l ouest. La Mecque se distinguait par son rôle religieux important en servant de destination de pèlerinage pour les Bédouins de l ensemble de l Arabie. En revanche Médine était connue par la coexistence pacifique de communautés de confessions différentes, en particulier, une communauté juive importante y vivait. C est dans cet environnement d échange et de brassage qu est proclamé l avènement de la nouvelle religion : l islam. Fortement combattue par l oligarchie Koraïchite de la Mecque qui y voit les prémisses d un affaiblissement de son pouvoir, la nouvelle religion rencontre, en revanche, l adhésion des couches défavorisées dominée par l esclavagisme. En l an 622 le prophète se réfugie à Médine et entame la structuration d un nouvel état basé les préceptes du saint coran, la solidarité social et la chora (consultation politique des chefs communautaires dans la gestion de la citée). En 630, il retourne en vainqueur à la Mecque et un irrésistible mouvement d expansion va commencer pour aboutir à un vaste empire qui s étendra du fleuve Indus à l est jusqu à l océan atlantique à l ouest au milieu du 8 ème siècle. Epuisés par les guerres qu ils se sont livrés les byzantins et les perses sont incapables de résister à l armée arabe mue, à la fois par l enthousiasme de la foi religieuse et par des avantages matériels. Vers l ouest la flotte musulmane s empare de Carthage en

l an 695 et s ouvre la conquête de l ensemble de l Afrique du Nord. En 711,Tarek Ibn Ziad traverse la Méditerranée et la souveraineté omeyyade sur Tolède est proclamée deux ans plus tard. Vers l Est, les troupes arabes arrivent à l Indus en 711. Deux défaites empêchent, cependant, l empire musulman de progresser en Europe : l échec contre Constantinople en 718 et la défaite de Poitiers en 732. Sur le plan politique, à la mort d Ali en 661 Moawiya va donner un caractère héréditaire à son pouvoir alors que le choix du Calife était électif auparavant. Sur le plan religieux la communauté va se diviser en Chiite piétistes et en Sunnites qui prônent une lecture plus souple du saint coran. Sur le plan économique les omeyyades vont faire face à l étendue de l empire en imposant la langue arabe sur toute l étendue de l empire et en instaurant un système de poste très efficace et un système monétaire duodécimal : un dinar d or valant 12 dirhams d argent. Minée par des divisions internes, le pouvoir omeyyade faiblit et va s effondrer pour laisser la place à l avènement de l empire abbasside en 759. Pas plus que l empire omeyyade, les abbasides n arriveront à conquérir Constantinople. Les provinces occidentales de l empire se détachent une à une : le survivant des omeyyades, Abderrahmane fonde à Cordoue une dynastie indépendante. Au Maroc la dynastie Idrisside est proclamée à Fès en 788. En Tunisie, Bagdad reconnaît l indépendance des Aghlabides. Les abbasides se tournent résolument vers l est sous l influence de la Perse. Sous Haroun Errachid la frontière est de l empire arrive aux frontières de la Chine et du Caucase. Mais c est surtout sur le plan culturel et scientifique qu une intense activité est observée que ce soit à l est (Bagdad) ou à l Ouest (Andalousie). Le rayonnement de cette activité et son influence sur les provinces limitrophes va être déterminant dans l histoire de l Europe et du Moyen Orient. Son influence va s étendre du 8 ème au 13 ème siècle : c est l âge d or de la civilisation musulmane. L âge d or de la civilisation musulmane. Il convient tout d abord de relever quelques traits qui ont caractérisé ce développement important des Sciences, de la philosophie, de la médecine et de la littérature musulmane à partir du 8 ème siècle. Sur le plan méthodologique, il y a sans doute un élément déterminant qu il faut signaler de prime abord. La logique et la rationalité grecques sont adoptées sans aucune réserve par les penseurs et les savants de l époque. L héritage d Aristote et de Platon est assumé avec enthousiasme. Al Farabi (870 950) l un des plus grands philosophes de l époque est surnommé le second maître ; le premier étant évidemment Aristote. Cela prouve le respect que les savants musulmans de l époque avaient pour l uvre de leurs prédécesseurs grecs. Il en est de même pour Ptolémée dont l oeuvre centrale : la grande composition mathématique de l astronomie est nommée par les savants musulmans de l époque Al Magisti qui deviendra l Almageste au moyen âge chrétien.

On ne peut occulter, pour expliquer le développement remarquable des sciences et de l art le rôle déterminant joué par les Califes abbassides. Amoureux des sciences et de la connaissance, ils consacrent des budgets colossaux à l achat des livres et des parchemins. En 995 une bibliographie complète des ouvrages hindous, grecs et arabes avec des notices biographiques de leurs auteurs est publiée par Nadim. L industrie du papier se développe. Des traductions à partir du syriaque et du perse sont commandées à grand frais à des traducteurs de toute nationalité. Une institution dédiée à accueillir traducteurs et scribes fut fondée par la Calife Al Ma mun fils de Haroun al-rachid. Elle porte le nom de Dar Al Hikma (la maison de la sagesse). C est une véritable fourmilière où des traducteurs de toutes nationalités et de toute confession oeuvrent d arrache pied. Bientôt des ouvrages venus de toute part et appartenant à différentes disciplines scientifiques sont disponibles en langue arabe et en plusieurs copies. Tous les grands savants grecs sont traduits : Archimède, Platon, Ptolémée, Hippocrate. On trouve également les traductions des uvres perses et indous. A l aube du 10 ème siècle, Bagdad compte plus de cent bibliothèques publiques. Une autre caractéristique de ce mouvement de renouveau sans précédent peut être relevée : il s agit d une atmosphère de liberté de pensée qui n a jamais été vue depuis dans le monde musulman. Des libres-penseurs comme Arazi et Khayam côtoient les défenseurs de la pureté de la foi comme Al Ghazali. Mais quelles que soient les convictions des uns et des autres, tout le monde semble accepter l arbitrage de la raison. Des polémiques célèbres éclatent : - Le poète et philosophe Abou Al Alaa Al Maari rédige un célèbre ouvrage en réponse à Ibn Alqarih qu il intitule Lettre du pardon (Rissalat Al Ghofrane). Dans cet ouvrage écrit au milieu du 11 ème siècle dans un style ironique mais d une grande profondeur philosophique, Al Maari imagine son concurrent dans l au-delà en train de se promener entre le purgatoire, le paradis et l enfer et fait des rencontres pleines de surprises avec les poètes décédés. On ne peut évidemment ignorer la grande similitude entre l idée centrale de ce livre et la divine comédie de Dante écrite deux cent ans plus tard. S il n est pas prouvé que l ouvrage d Al Maari ait été entre les mains de Dante, il est sûr que les deux auteurs se sont largement inspirés de l histoire de l ascension du prophète telle que rapportée dans le saint coran et dans la biographie du prophète (Assira Nabaouiya). - Le philosophe théologien Abou Hamid Al Ghazali s attaque aux philosophes en écrivant coup sur coup Maqasid al-falasifa [Les intentions des philosophes ] puis Tahafut al-falasifa [ L'incohérence des philosophes]. Dans ces deux ouvrages Al Ghazali nargue les philosophes de l époque et les met au défi de résoudre par la raison quelques problèmes simples touchant l homme, le monde et dieu. Le défi est relevé par Ibn Ruchd (Averroès) en répondant par son célèbre ouvrage Tahafut al-tahafut : [l incohérence de l incohérence]. Avec le recul, c est Al Ghazali qui sortira vainqueur de cette confrontation. Son uvre

aura une influence telle qu on n hésite pas à lui attribuer le déclin de la pensée philosophique musulmane. Dans le domaine littéraire, c est aussi le foisonnement. Tous les genres sont présents mais la poésie est de loin le genre le plus prisé. Abu Nawas, décédé en 815, profitant de la protection des Califes se livre ouvertement à la subversion et au libertinage. Il n hésite pas à faire état de ses penchants pour le vin et l amour libre entre partenaires de même sexe, ce qui est aujourd hui encore inimaginables dans beaucoup de pays dans le monde. En Andalousie Ibn Hazm, juriste et théologien publie le collier de la Colombe (Tawq Al Hamama) une sorte de livre de recette des codes de l amour. Le livre est traduit en plusieurs langues notamment sous le titre évocateur des amours et des amants. On ne peut parler de poésie classique arabe sans citer celui que d aucuns considèrent comme le plus grand poète de l époque islamique : Abou Taieb Al Moutannabi (915-965) chantre des princes et des Califes et celui qui a glorifié leurs victoires et leur vie. Très peu connu en occident, Al moutannabi n a été présenté au public occidental qu'au 19 ème siècle par le poète allemand Goethe dans son recueil de poèmes intitulé le divan occidental et oriental. Du reste l'influence de Al Moutannabi dans l' uvre poétique de Goethe est incontestable. Mais les deux ouvrages qui traduisent le mieux ce rôle de trait d union entre l orient et l occident qui a été joué par la civilisation arabo-musulmane entre le 8 ème et le 13 ème siècle sont Kalila Wa Dimna et Alf Laila Wa Laila (les mille et une nuit). Kalila Wa Dimna est un recueil de fables dont les héros sont deux chacals Kalila et Dimna. Ce livre aurait été écrit en Inde vers l an 200 par un Brahmane inconnu. En 750 Ibn Al Muqaffaa, encyclopédiste célèbre, procède à son adaptation à partir d une version persane. Il semble que son objectif ait été de dénoncer les intriques et les complots de la cour tout en contournant la censure en donnant la parole aux animaux. Cette adaptation d Ibn Al Moqaffa a eu un succès considérable et fut traduite dans une multitude de langues dont, notamment, le turc, le persan et le latin. Elle sera rapportée en Europe par le corps diplomatique. La version française est publiée en 1644 et inspira de nombreuses histoires des fables de la Fontaine. Les mille et une nuits est un fabuleux conte qui a nourri les rêves et les phantasmes en orient et en occident. Il a été composé à partir d histoires persanes et arabes. La trame de l histoire que chacun connaît est celle du roi Shahraiar qui, trompé par sa femme décide de se venger en exécutant chaque matin, après la nuit de noce sa nouvelle épouse. Bientôt, il ne reste plus dans le royaume que les trois filles du Vizir, celui-là même qui est chargé de trouver au roi ses nouvelles victimes. L aînée, Shéhérazade, décide d épouser le roi au

risque de se trouver décapitée sitôt terminée la nuit de noces. Shéhérazade, fille intelligente et rusée raconte une nouvelle histoire au roi chaque nuit en l interrompant au moment le plus palpitant. Le roi, curieux d entendre la fin de l histoire épargne Shéhérazade et fini par aimer cette femme brillante et cultivée et à mettre fin à son projet de vengeance. Au-delà de la légende de Shéhérazade, les mille et une nuits est un extraordinaire témoignage relatant le raffinement et la richesse de la civilisation musulmane de l époque. Mieux que tout autre livre d histoire, les mille et une nuits a transmit à l Europe le ravissement des lieux, la sensualité de la vie en orient et la complexité des rapports entre les hommes. Dan le domaine des sciences, la contribution de la civilisation musulmane est encore plus nette. Dépositaire du patrimoine scientifique indou et surtout grec, les savants musulmans vont faire avancer la plupart des sciences et leur donner leur véritable essor. Mais c est en mathématique que les avancés sont les plus originales. L algèbre, en particulier, est né à Bagdad au 9 ème siècle grâce à Al Khawarizmi, qui en donne les bases. Le mot algèbre apparaît dans le titre de son ouvrage "kitab al-mokhtasar fi hisab al-jabr wa al-moqabala" qu on pourrait traduire par la "traite du calcul d algèbre et de l opposition". C est l un des livres les plus marquants de l histoire des mathématiques. Le génie d Al Khawarismi est sans doute d avoir introduit la notion d inconnue : la chose, et de procéder à sa manipulation mathématique exactement comme un nombre connu au sein d une équation. Ce sont également les savants musulmans qui vont faire connaître les dix chiffres du système de calcul décimal. Les chiffres furent introduits à Bagdad à l époque de calife Al Mançour en 773 dans un traité d astronomie venant de l inde. Le traité sera traduit sitôt connu en arabe sous le nom de Sindhind. A l origine, les indous avaient réservé le nom de "çunya" qui veut dire vide en Sanskrit pour désigner le zéro. Son symbole, un rond, n a pas changé depuis. Les chiffres indous (arabes) furent introduits, semble-t-il, en occident par un prêtre français. On peut continuer à énumérer les domaines dans lesquels le monde musulman apporta une contribution indélébile au corpus des connaissances de l humanité. Le temps qui m est imparti ne permet guerre de se livrer à cet exercice. Mais en définitive, son apport le plus important aura été de faire le lien entre la culture orientale et la culture occidentale au moyen âge et d avoir transmis à l Europe un patrimoine inestimable de l humanité. Il aura été pour beaucoup dans le développement que connaîtra l Europe à partir du 14 ème siècle. Les ouvrages d Avicenne, Averroès, Al Khawarismi, Attusi, Jaber Ibn Hayane, Al Idrissi, ont été, pendant plusieurs siècles, des repères incontournables dans les universités européennes. Les empreintes de la langue arabe qu on rencontre dans les langues latines témoignent de ce passage de relais. Avec la mort d Averroès

en 1198, le monde musulman va entrer dans une profonde léthargie. La date symbole de ce déclin pourra être l autodafé de l uvre de ce grand génie qui s est préoccupé, sa vie durant, à trouver un terrain d entente entre la foi et la raison. Mais comme c est parfois le cas, le basculement vers un excès ou un autre est affaire de circonstances et de hasard. Les circonstances à la fin du 12 ème siècle out fait qu Averroès soit discrédité et exilé pour finir ces jours dans la pauvreté après avoir connu la gloire. J ai toujours pensé que ces vers de Goethe rendent compte de façon admirable de ce qu aura été le destin d Averroès : Dieu donne tout infiniment à ceux qu il préfère, la joie infiniment la douleur infiniment Le déclin Avec une très grande lucidité et déjà beaucoup de nostalgie Ibn Khaldoun, au 14 ème siècle met le doigt sur le mal : "lorsque le vent de la civilisation a cessé de souffler sur le Maghreb et sur l Andalousie et que le dépérissement des connaissances scientifiques a suivi celui des civilisations, les sciences disparaissent. On en trouve seulement quelques notions, chez de rares individus qui doivent se dérober à la surveillance des docteurs de la foi orthodoxe". Mais on n échappe pas à son environnement, malgré sa grande lucidité, Ibn Khaldoun n a pas pu déceler les prémisses de la révolution scientifique et technique qui se préparait en Europe. Il continuera sa vie durant, à dénoncer la recherche expérimentale, qui sera à l origine de la révolution industrielle, comme étant de la magie et assimiler ceux qui la pratiquent à des hérétiques. C est certainement, ce même aveuglement et un environnement déjà perceptible de repli sur soi-même qui empêchera le monde musulman d adopter l imprimerie à temps et dire que c est lui qui apporta l industrie du papier à l Europe. Professeur B. Tanouti Naples, 13 novembre 2005

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