Ecritures linéaire / non-linéaire «Pierre, papier, ciseaux» 1 - Les transferts de l'écrit 2 - Du collage aux fragments 3 - Générativité & interactivité 4 - La question du récit
Les transferts de l'écrit Il était associé depuis cinq mille ans à des pierres, des ardoises, des tablettes d argiles, du papyrus puis des peaux d'animaux. Au début des temps modernes, il a rencontré le support économique et léger du papier. Il est maintenant, pour partie, en train de migrer vers le support immatériel de l électronique qui lui permet de voyager à la vitesse de la lumière et de s afficher en n importe quelle taille, sur toutes sortes d écrans.
I - De la page à l'écran : l'héritage du livre Le Volumen Le codex Le livre imprimé L'écran La tablette
Scribes, écoles et bibliothèques Les tablettes étaient écrites par des scribes qui étaient formés dans des écoles (on a retrouvé de nombreuses petites tablettes rondes qui présentent des exercices d'écriture des élèves ; ils devaient d'abord apprendre à façonner des tablettes, puis à manier le calame avant d'apprendre l'utilisation des signes. On a constitué en Mésopotamie de grandes bibliothèques qui contenaient des milliers de tablettes, comme celle de Ninive : 30 000 tablettes représentant environ 5 000 œuvres (traités techniques et scientifiques, mais aussi œuvres littéraires). Ces tablettes contiennent un colophon qui indique le titre, le numéro de la tablette (comme pour les tomes d'un même ouvrage), le nombre de lignes, la première ligne de la tablette suivante, le nom du copiste et le nom du commanditaire). Tablette d'argile, milieu du Ier millénaire avant notre ère, sur le site d'uruk (= Warka). Vocabulaire bilingue sumérien-akkadien des pierres et d'objets en pierres. 456 entrées. = 6e volume d'une encyclopédie de 24 volumes. Musée du Louvre, Paris, 2007.
Volumen «Je n'avais jamais vu de bibliothèque. Quand Virgile me fit entrer dans une pièce de sa maison dont les quatre murs, du sol au plafond, alignaient des étagères de bois comme l'eût fait une échoppe de boulanger, à ceci près qu'en guise de miches de pain on y trouvait des rouleaux de papyrus rangés en bon ordre, - Grecs d'un côté, Latins de l'autre, et poètes entre les deux rayons -, je me sentis profondément ému, comme si l'on m'avait présenté aux auteurs de tous ces ouvrages.» Souvenir de Timodène, esclave secrétaire de Virgile Pompéï, villa des Mystères 70-60 av JC
Codex Dans la Bibliothèque Nationale de Suède se trouve un livre unique et légendaire. Haut de 92 cm pour un poids de 75 kg, c est le plus grand manuscrit médiéval connu. Considéré comme la 8ème merveille du monde durant le moyen-âge, ses dimensions lui valurent le nom de Codex Gigas (livre géant), ou la Bible du Diable,en référence aux nombreuses illustrations du diable qu'il contient. Créé au début du XIIIème siècle dans le couvent de Podlazice en Bohême (actuelle république Tchèque), le Codex Gigas est composé de 312 pages de parchemin qui nécessitèrent la peau d environ 160 bêtes.
La question première, celle qui fonde la page, est celle du format. Anaximandre, le premier géographe du monde grec, inventa de faire tenir la représentation de l ensemble du monde habité dans l espace d une petite tablette de terre aux dimensions de la main. C est bien ainsi que naît la page. D argile, de pierre ou de papyrus, la première page se construit dans la proximité du corps, en harmonie avec les possibilités de l oeil et de la main. La hauteur des feuillets de papyrus égyptiens, collés les uns aux autres pour former des rouleaux qui ne dépassaient pas dix mètres, était calquée sur la longueur de la cuisse du scribe qui écrivait assis par terre ; leur largeur correspondait à l ampleur du champ de regard et à l ouverture commode des bras. L'écriture tire de la réduction de format qui la constitue une énergie abréviative dont la contrainte oblige la pensée à prendre forme. Bnf : expo écritures en ligne
Jack Goody : La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, 1977 transformations que provoque l'écriture dans le processus de connaissance. perspective dégagée des présupposés évolutionnistes et ethnocentristes, tente de démontrer que l écriture n est pas seulement une forme de présentation du savoir, elle en détermine aussi le contenu. La mise en place de nouveaux modes de pensée correspond à de nouveaux modes de domination, l usage de l écriture impliquant une transformation du savoir politique.
la Mésopotamie a inventé l'écriture, non pour promulguer des lois ou propager quelques idées abstraites, mais pour visualiser ce que précisément la parole ne saurait produire : des listes et des tableaux. L'écrit est iconique! Une bonne nouvelle qui ouvre des perspectives innombrables à qui se passionne pour sa migration textes et images conjoints, et non plus opposables de la page imprimée à l'écran de nos ordinateurs. Accès liste, tableau, arbre
II - Du texte à l'hypertexte «Elle (l'idée) m'est venue en octobre/novembre 1960 alors que je suivais un cours d'initiation à l'informatique qui, au début devait m'aider à écrire mes livres de philosophie. Je cherchais un moyen de créer sans contrainte, un document à partir d'un vaste ensembles d'idées de tous types, non structurées, non séquentielles, exprimées sur des supports aussi divers qu ' un film, une bande magnétique ou un morceau de papier. Par exemple, je voulais pouvoir écrire un paragraphe présentant des portes derrière chacune desquelles un lecteur puisse découvrir encore beaucoup d'informations qui n'apparaissent pas immédiatement à la lecture de ce paragraphe...» Ted Nelson, inventeur du terme Hypertexte en 1965 Le concept avait été théorisé dès 1945 par Vannevar Bush dans l'article "As we may think".
Mundaneum Paul Otlet : l'homme qui voulait classer le monde (2006) Traité de Documentation (1934) Une formidable intuition
Xanadu Projet de système d'information permettant le partage instantané et universel de données informatiques, supplanté par le Hypertext Transfer Protocol (HTTP) plus simple 1974, son premier (double) manifeste : Computer Lib / Dream machines 1977, The Home Computer Revolution. 1987, Literary Machines L'histoire continue : le site
AUGMENT Douglas Engelbart Premier système HyperTexte réalisé Permettre à l'utilisateur d'augmenter ses capacités cognitives et intellectuelles Pour ce déplacer dans ce système, invente outil génial : la souris Ainsi que le multifenêtrage (première réalisation grand public d'une interface GUI : Macintosh 1984) Extrait vidéo de la conférence du 9 décembre 1968 Où l'on se retrouve à faire des listes...
World Wide Web Tim Berners-Lee : 1994 première présentation publique Relier les unités fragmentées, tisser la toile «Adding semantics to the web involves two things : allowing documents which have information in machine-readable forms, and allowing links to be created with relationship values.» Only when we have this extra level of semantics will we be able to use computer power to help us exploit the information to a greater extent than our own reading. ( ) the abstract space of web information is linked to reality. By taking verifiable responsibility for web statements, a party guarantees an isomorphism between the web and reality.» 2001 : The Semantic Web. A new form of Web content that is meaningful to computers will unleash a revolution of new possibilities 2006 : Linked Data design note.
Schéma liminaire (89) : liens fléchés entre les différents nœuds d'un graphe RDF :créer des triplets autour de notions simples : un sujet, un prédicat, un objet. Chaque terme de ce triplet est identifié par une URI (sauf cas particulier), permettant à n importe qui de s y référer sur le Web. un triplet RDF permet de constituer une assertion élémentaire à propos de n importe quelle ressource. chacun est libre de publier des ressources en créant les URIs associées, il devient dès lors aisé de créer des vocabulaires (les fameuses «ontologies» informatiques) à sa guise. Autrement dit, d employer ses propres termes pour émettre tout type de jugements. On crée ainsi du lien en associant deux ressources via une troisième (la relation ou le prédicat). RDF : Ressource Description Framework URI : Uniform Ressource Identifier HTML : Hypertext Markup Language XML : Extensible Markup Language A l instar des liens hypertextes qui reposaient avant tout sur des URIs auxquelles était attaché du code HTML (la balise <a> et l élément href=), les liens du Web Sémantique dépendent à leur tour des URIs qui identifient des ressources articulées en un triplet au moyen du format RDF.
Représentation du «nuage» des données liées en ligne (2010).
La mort du Web Est annoncée par Chris Anderson dans Wired le 17 août 2010 : anticipation ou provocation?
En passant de votre ordinateur à votre poche, la nature du Net se transforme. Le XML se substitue au HTML, c'est là le grand changement induit par les outils nomades connectés à Internet - smartphones, tablettes tactiles, netbooks -. Plus besoin de surfer sur le Web, d'y mener de fastidieuses recherches : Apple a inauguré les applications mobiles, qui nous permettent d'accéder en un clin d'oeil à des contenus et services ciblés sur Internet. Alors que jusqu'à il y a peu, à l'ère du Web old school, il fallait passer uniquement par des pages web en http:// pour y accéder. Et de conclure : l Internet est la véritable révolution, aussi importante que l électricité ; ce que nous en faisons est encore en train d évoluer.
Références Anne-Marie Christin, Histoire de l'écriture, de l'idéogramme au multimédia, Flammarion, 2001 Jack Goody La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, trad. Jean Bazin et Alban Bensa, 1979, Editions de Minuit, Paris, p. 85-87. Françoise Levie, L homme qui voulait classer le monde. Paul Otlet et le Mundaneum, Les Impressions nouvelles, 2006. http://www.histoire-informatique.org/portraits/