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Transcription:

Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Numéros 19717 et 20624 du rôle Inscrits les 25 avril et 8 novembre 2005 Audience publique du 23 août 2006 Recours formés par la société anonyme A., Luxembourg, et consorts contre une décision du bureau d'imposition Sociétés VI en matière d impôts ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- JUGEMENT I. Vu la requête, inscrite sous le numéro 19717 du rôle, déposée le 25 avril 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de - la société anonyme A., ayant son siège social à L-, inscrite au registre de - la société anonyme K.I., ayant son siège social à L-, inscrite au registre de - la société anonyme K.C., ayant son siège social à L-, inscrite au registre de - la société anonyme K.G., ayant son siège social à L-, inscrite au registre de 1

- la société anonyme K.L., ayant son siège social à L-, inscrite au registre de tendant à l annulation d une décision du bureau d imposition Sociétés VI du 25 janvier 2005 portant refus de les faire bénéficier du régime d intégration fiscale; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2005; Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2005 par Maître Jean-Pierre WINANDY pour compte des sociétés demanderesses; II. Vu la requête, inscrite sous le numéro 20624 du rôle, déposée le 8 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY préqualifié au nom de - la société anonyme A. préqualifiée, - la société anonyme K.I. préqualifiée, - la société anonyme K.C. préqualifiée, - la société anonyme K.G. préqualifiée, - la société anonyme K.L. préqualifiée, tendant à la réformation, sinon à l annulation d une décision préqualifiée du bureau d imposition Sociétés VI du 25 janvier 2005; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2006; Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2006 par Maître Jean-Pierre WINANDY pour compte des sociétés demanderesses; I. + II. Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée; Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cécile HENLE, en remplacement de Maître Jean-Pierre WINANDY, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Par courrier conjoint du 17 décembre 2004, les sociétés anonymes A., K.I., K.C., K.G. et K.L., préqualifiées, ainsi que les sociétés V.L. et K.B. N.V., cette dernière étant la société-mère des autres sociétés ci-avant visées et ayant son siège social en Belgique, soumirent au bureau d'imposition Sociétés VI du service d imposition de l administration des Contributions directes, ci-après désigné par le «bureau d'imposition», une demande pour que les 6 sociétés filiales soient intégrées fiscalement d après le régime prévu par l article 164bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l impôt sur le revenu, en abrégé «LIR». Cette demande précisa que la société anonyme A. était, conformément à une résolution afférente de son conseil d administration du 7 avril 2005, appelée à prendre en charge toutes les obligations de procédure et matérielles applicables dans le cadre du régime d intégration fiscale à la société-mère. 2

Par décision du 25 janvier 2005, le préposé du bureau d imposition refusa de faire droit à cette demande aux motifs énoncés comme suit : «Par la présente, j accuse réception de la demande d intégration fiscale introduite par les sociétés susmentionnées. L analyse de cette dernière a cependant révélé que les sociétés requérantes ne remplissent pas les conditions prévues par l article 164bis LIR. Selon les dispositions de l article 164bis LIR, une société de capitaux résidente pleinement imposable peut, sous certaines conditions, être intégrée fiscalement dans la société-mère résidente et pleinement imposable ou dans l établissement stable indigène de la société mère. Or, comme aucune des sociétés ne possède la qualité de société mère résidente pleinement imposable ou d établissement stable indigène de la société mère des autres sociétés concernées, une condition principale de la loi n est donc pas remplie. Veuillez agréer,». Par lettre de leur mandataire datée au 22 avril 2005 et réceptionnée par la direction de l administration des Contributions directes le 25 avril 2005, les cinq sociétés anonymes A., K.I., K.C., K.G. et K.L. firent introduire une réclamation devant le directeur de l administration des Contributions directes, ci-après désigné par le «directeur», à l encontre de cette décision du bureau d'imposition Sociétés VI du 25 janvier 2005. Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2005 et inscrite sous le numéro 19717 du rôle, les cinq sociétés anonymes A., K.I., K.C., K.G. et K.L. ont fait introduire un recours contentieux tendant à l annulation de la même décision du bureau d'imposition Sociétés VI du 25 janvier 2005. Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2005 et inscrite sous le numéro 20624 du rôle, les cinq sociétés anonymes A., K.I., K.C., K.G. et K.L. ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l annulation de la même décision du bureau d'imposition Sociétés VI du 25 janvier 2005 à défaut de décision du directeur ayant statué sur les mérites de leur réclamation introduite le 25 avril 2005. Par courrier séparé annexé à cette requête, lesdites sociétés sollicitent la jonction de leur recours avec celui inscrit sous le numéro 19717 du rôle. Dans la mesure où les deux recours inscrits sous les numéros 19717 et 20624 du rôle mettent en cause les mêmes parties, sont dirigés contre la même décision précitée du bureau d'imposition du 25 janvier 2005 et reposent sur la même cause, il y a lieu de faire droit à cette demande de jonction et de statuer sur leurs mérites par un seul et même jugement. Quant à la recevabilité Quant au recours inscrit sous le numéro 19717 du rôle, le délégué du gouvernement soulève le moyen d irrecevabilité tiré du défaut par les sociétés demanderesses d avoir exercé préalablement les voies de recours administratives requises. Il expose dans ce cadre que la qualification de la décision en cause de décision discrétionnaire susceptible d un recours hiérarchique formel serait douteuse, vu qu elle statuerait sur le droit du contribuable à bénéficier d un régime fiscal considéré comme un avantage et devrait partant être qualifiée plutôt de bulletin lato sensu susceptible d une réclamation. 3

Relativement au recours inscrit sous le numéro 20624 du rôle, le délégué du gouvernement conclut également à son irrecevabilité au motif tiré de ce que «les recourantes devraient se désister du recours en annulation introduit sous le numéro 19717 du rôle avant de pouvoir utilement déclencher le contentieux de l impôt». Il ajoute en termes de plaidoiries que ce dernier recours aurait eu, indépendamment de la question de sa recevabilité, pour effet d empêcher le directeur de statuer utilement sur la réclamation introduite le 25 avril 2005. Les sociétés demanderesses déclarent se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne la nécessité pour elles de se désister de leur recours inscrit sous le numéro 19717 du rôle. Les questions relatives à la compétence du tribunal et à la recevabilité de ces recours appellent d abord le tribunal à qualifier la décision litigieuse du 25 janvier 2005 afin de déterminer les voies de recours ouvertes à son encontre. Cette décision est fondée sur l article 164bis (4) LIR disposant que «le régime d intégration fiscale est subordonné à une demande écrite conjointe de la société mère ou de l établissement stable indigène et des filiales visées. La demande est à introduire auprès de l Administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d intégration fiscale est demandé, période devant couvrir au moins 5 exercices d exploitation». Dans la mesure où le régime de l intégration fiscale constitue une faculté pour les contribuables pour laquelle ils peuvent opter et où la loi du 21 décembre 2001 portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects a aboli la condition de l incorporation des filiales dans la société mère du point de vue économique et de l organisation et le pouvoir d appréciation afférent du ministre des Finances, le régime d intégration fiscale doit être qualifié au moins depuis lors de droit pour les contribuables qui répondent aux conditions matérielles fixées par l article 164bis LIR, de manière que le pouvoir d agrément conféré au bureau d'imposition compétent est à qualifier de compétence liée en ce sens qu il n est appelé qu à vérifier le respect par les sociétés incluses dans le périmètre de l intégration fiscale desdites conditions matérielles (cf. STEICHEN, Manuel de Droit Fiscal, tome 2, éd. Saint-Paul, 2002, p. 414). En outre, le régime de l intégration fiscale, ayant pour but «la suppression de certaines contraintes d ordre fiscal, susceptibles d entraver une modernisation ou une restructuration des structures des groupes d entreprises» (projet de loi ayant pour objet de compléter la loi du 4 décembre 1967 concernant l impôt sur le revenu, doc. parl. 2498, p. 3), doit être qualifié d avantage en faveur des contribuables visés. Par voie de conséquence, une décision du bureau d'imposition quant à l admission d un groupe défini de sociétés au régime de l intégration fiscale doit être qualifiée de «Bescheid über sonstige Steuervergünstigungen, auf deren Gewährung oder Belassung ein Rechtsanspruch besteht» au sens du 235 n 5 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée «Abgabenordnung», en abrégé «AO», et une telle décision doit être contestée, au vœu du 228 AO, à travers une réclamation introduite devant le directeur. En vertu des dispositions de l article 8 (3), 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l ordre administratif, le contribuable dont la réclamation n a pas fait l objet d une décision définitive du directeur dans un délai de 6 mois a le droit de déférer directement au tribunal le bulletin qui a fait l objet de la réclamation, 4

étant entendu que, s agissant d une condition de recevabilité, l observation de ce délai de 6 mois, qui court à partir de l introduction de la réclamation contre le bulletin, s apprécie au jour de l introduction du recours. Si le délai de 6 mois n est pas encore révolu, le recours est à déclarer irrecevable pour avoir été introduit prématurément (trib. adm. 21 mars 2002, n 12843 du rôle, Pas. adm. 2005, V Impôts, n 431). En l espèce, le recours inscrit sous le numéro 19717 du rôle est partant irrecevable, étant donné qu indépendamment de ce qu il considère la décision du bureau d'imposition du 25 janvier 2005 comme décision discrétionnaire au sens du 237 AO, il a été déposé le même jour qu a été introduite la réclamation contre la décision attaquée du bureau d'imposition du 25 janvier 2005, partant sans respecter le délai de six mois à partir de l introduction de la réclamation préalable au directeur. Quant au recours inscrit sous le numéro 20624 du rôle, il échet de rappeler que l article 8 (3), 3 de la loi prévisée du 7 novembre 1996, en accordant au contribuable la possibilité de recourir directement au tribunal administratif contre un bulletin d imposition seulement dans l hypothèse où sa réclamation n a pas fait l objet d une décision définitive dans un délai de six mois, consacre la compétence exclusive du directeur de statuer en la matière visée pendant ledit délai. Il s ensuit que le fait pour le demandeur d avoir introduit prématurément au regard des dispositions claires et précises de l article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, un recours contentieux irrecevable, n est pas de nature à tenir en échec la compétence du directeur pour statuer sur une réclamation valablement introduite et de suspendre dans son chef ledit délai de six mois par le biais d un dessaisissement du dossier, tel qu allégué par le représentant étatique (trib. adm. 8 novembre 1999, n 11004 du rôle, confirmé par Cour adm. 16 mars 2000, n 11730C du rôle, Pas. adm. 2005, V Impôts, n 432). En l espèce, le recours en cause fut déposé en date du 8 novembre 2005, soit plus de six mois après l introduction de la réclamation afférente en date du 25 avril 2005, de sorte que le recours principal en réformation, prévu en la matière, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi et que le recours subsidiaire en annulation encourt l irrecevabilité. Quant au fond Les sociétés demanderesses concluent à titre principal au non-respect, par la décision critiquée du 25 janvier 2005, de l article 24 6 de la Convention entre la Belgique et le Luxembourg en vue d éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d impôt sur le revenu et la fortune, signée le 17 septembre 1970, approuvée par une loi du 14 août 1971, ci-après désignée par la «Convention», qui devrait trouver application en l espèce dans la mesure où deux impôts couverts par la Convention seraient en cause, à savoir l impôt sur le revenu des collectivités et l impôt commercial communal, et où la société K.B. NV, société-mère des cinq sociétés demanderesses, serait une société de droit belge considérée fiscalement comme société résidente en Belgique, tandis que les cinq sociétés demanderesses seraient des sociétés de droit luxembourgeois à qualifier fiscalement de sociétés résidentes au Luxembourg. Elles font valoir à cet égard que, conformément à la disposition de l article 24 6 de la Convention, le traitement fiscal des entreprises résidentes au Luxembourg mais détenues par des résidents belges devrait être comparé au traitement fiscal des entreprises résidentes au Luxembourg et détenues par des résidents du Luxembourg, une telle interprétation étant retenue par la doctrine internationale et conforme au droit communautaire. Ainsi, d après 5

l article 164bis LIR, le régime de l intégration fiscale pourrait être appliqué à une société mère luxembourgeoise ou un établissement stable luxembourgeois d une société mère étrangère ainsi qu à ses filiales luxembourgeoises dont le capital est détenu directement ou indirectement à hauteur d au moins 95% sans interruption depuis le début du premier exercice d exploitation pour lequel le régime d intégration fiscale est demandé. Tandis qu un choix est laissé pour inclure ou exclure du périmètre d intégration une filiale remplissant par ailleurs les conditions, la société mère indigène ou l établissement stable luxembourgeois d une société mère étrangère doit toujours être compris dans le périmètre d intégration au vœu de l article 164bis LIR. Les sociétés demanderesses signalent encore que les résultats des sociétés incluses dans le périmètre d intégration seraient déterminés séparément et individuellement, que le résultat global serait établi sur base des déclarations fiscales individuelles des sociétés après certaines corrections, que «l entité faîtière» devrait remplir une déclaration fiscale «consolidée» et que l avis d imposition ne serait envoyé qu à l entité faîtière qui serait également responsable du paiement de l impôt pour le groupe. Les sociétés demanderesses critiquent qu une société mère résidente de la Belgique ne pourrait bénéficier, d après l article 164bis LIR, du régime de l intégration fiscale que si les participations afférentes sont attribuées à un établissement stable luxembourgeois qu elle devrait alors créer et qui serait alors soumis aux obligations normalement assumées par une société mère résidant au Luxembourg, de manière qu à défaut d un tel établissement le bénéfice du régime de l intégration fiscale serait refusé même si une des filiales s engagerait à s acquitter des obligations matérielles et procédurales de l entité mère. Elles estiment que la situation des entités luxembourgeoises détenues par une société mère belge même en l absence d établissement stable luxembourgeois serait comparable à celle des entités luxembourgeoises détenues par une société mère luxembourgeoise, au motif que seuls les résultats des entreprises luxembourgeoises feraient l objet de l intégration fiscale, qu en l espèce, une entité luxembourgeoise aurait pris en charge les obligations spécifiques découlant de l application du régime de l intégration fiscale et que finalement une intégration fiscale serait actuellement possible même dans le cas où le résultat imposable d une entité mère résidente luxembourgeoise ou de son établissement stable indigène est égal à zéro, de manière que le résultat effectif de l intégration fiscale serait la compensation des résultats des différentes filiales. Les sociétés demanderesses considèrent dès lors que le refus du régime de l intégration fiscale à une société mère belge constituerait une imposition ou une obligation y relative autre ou plus lourde au sens de l article 24 6 de la Convention fondé spécifiquement sur le lieu de résidence de l entité mère, pour lequel aucune cause de justification ne pourrait être admise à défaut de prévision afférente dans ladite disposition. Ainsi, l application de la Convention devrait, conformément au principe de la primauté des conventions internationales sur la loi interne, entraîner la non-application de la condition posée par l article 164bis LIR de l inclusion d une société mère luxembourgeoise ou d un établissement stable luxembourgeois d une société mère étrangère dans le périmètre d intégration. L article 24 6 de la Convention dispose comme suit : «Les entreprises d un Etat contractant, dont le capital est en totalité ou en partie, directement ou indirectement, détenu ou contrôlé par un ou plusieurs résidents de l autre Etat contractant ne sont soumises dans le premier Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujetties les autres entreprises de même nature de ce premier Etat». 6

Cette disposition, se trouvant, d après les travaux parlementaires relatifs à la loi d approbation du 17 mai 1971, en concordance avec la convention-modèle de l OCDE, vise à protéger les seules entreprises dont le capital est détenu en totalité ou en partie par des résidents de l autre Etat contractant contre un traitement moins favorable à l exclusion des personnes qui détiennent le capital de l entreprise, de manière à vouloir assurer à des résidents d un même Etat un même traitement et non de soumettre les capitaux étrangers, entre les mains des associés ou actionnaires, à un régime identique à celui qui est appliqué aux capitaux nationaux (cf. Comité des Affaires fiscales de l OCDE, Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, commentaire des articles, ad art. 24, n 57). D un autre côté, l interdiction de discrimination vise tous les aspects de l obligation fiscale et prohibe exclusivement les discriminations dont le seul motif est la résidence des personnes détenant la totalité ou une partie du capital de l entreprise, mais n entend pas interdire toute discrimination quelconque (cf. VOGEL, Doppelbesteuerungsabkommen-Kommentar, Verlag C.H. Beck, ad art. 24, n 165), tout comme l existence d une discrimination est à examiner entre les situations de deux entreprises similaires qui se distinguent essentiellement seulement par la résidence de leurs associés ou actionnaires. Le régime de l intégration fiscale constitue, au bénéfice des développements ci-avant, un droit pour le contribuable auquel il peut prétendre pour autant qu il satisfait aux conditions posées par l article 164bis LIR et il permet au contribuable, société de capitaux, de consolider son propre revenu imposable avec ceux des autres sociétés comprises dans le périmètre d intégration, de manière à pouvoir éventuellement constituer un avantage dans son chef, qu il représente la société mère ou une filiale intégrée. Par voie de conséquence, le refus par l autorité fiscale d admettre l application du régime de l intégration fiscale doit être qualifié, au sens de l article 24 6 de la Convention, d «imposition ou obligation y relative autre» que celle à laquelle peuvent être soumises, sur demande, les sociétés indigènes de même nature dont la société mère est résidente luxembourgeoise. En outre, il est incontesté en cause que les sociétés demanderesses représentent toutes des sociétés filiales luxembourgeoises de la société K.B. NV, société de droit belge considérée fiscalement comme société résidente en Belgique, et que le groupe constitué de ces six sociétés répond aux autres conditions de fond posées par l article 164bis LIR. Il résulte par ailleurs des termes mêmes de la décision du bureau d'imposition du 25 janvier 2005 que le seul motif à la base du refus d admettre l application du régime d intégration aux sociétés demanderesses réside dans le fait que la société mère n a ni sa résidence fiscale, ni un établissement stable au Luxembourg, partant dans la circonstance que la personne qui détient l essentiel de leur capital n est pas un résident luxembourgeois, mais un résident belge. Dans ces circonstances, force est de conclure que les sociétés demanderesses ont été soumises, par l effet de la condition de l inclusion d une société mère luxembourgeoise ou d un établissement stable luxembourgeois d une société mère étrangère dans le périmètre d intégration instaurée par l article 164bis LIR et de la décision critiquée du 25 janvier 2005, prise en exécution de cette disposition, à une obligation fiscale autre, consistant dans le refus de l application du régime de l intégration fiscale, du seul fait de la résidence en Belgique de leur société mère, alors que leur situation est pour le reste identique à celle de sociétés filiales dont la société mère est résidente luxembourgeoise. C est partant à bon droit que les sociétés demanderesses arguent que l application de ladite condition se heurte à l article 24 6 de la Convention et que, conformément au principe de la primauté des traités internationaux sur la loi interne, elle ne saurait leur être 7

opposée pour justifier une décision de refus de leur appliquer le régime de l intégration fiscale. Il en résulte que la décision critiquée encourt la réformation en ce sens qu il y a lieu de faire droit à la demande des cinq sociétés demanderesses de leur appliquer le régime d intégration fiscale selon les modalités précisées dans la demande afférente du 17 décembre 2004 et qu il y a lieu de renvoyer l affaire devant le bureau d'imposition pour exécution. PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l égard de toutes les parties, ordonne la jonction des deux affaires inscrites sous les numéros du rôle 19717 et 20624, déclare le recours inscrit sous le numéro 19717 du rôle irrecevable, reçoit le recours inscrit sous le numéro 20624 en la forme dans la mesure où il tend à la réformation de la décision critiquée du 25 janvier 2005, au fond, le dit justifié, partant, par réformation de la décision critiquée du 25 janvier 2005, dit qu il y a lieu de faire droit à la demande des cinq sociétés demanderesses de leur appliquer le régime d intégration fiscale selon les modalités précisées dans la demande afférente du 17 décembre 2004, renvoie l affaire devant le directeur de l administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent pour exécution, déclare ce même recours irrecevable pour le surplus, condamne l Etat aux frais. Ainsi jugé par: M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l audience publique du 23 août 2006 par le premier vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier. LEGILLE SCHOCKWEILER 8